Monitorage de la douleur

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Arnaud BASSEZ
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Monitorage de la douleur

Message par Arnaud BASSEZ » ven. juin 24, 2016 7:33 pm

Anesthésie : un nouvel outil pour mesurer la douleur pendant une chirurgie

Publié le 18 juin 2016


Une anesthésie personnalisée et plus efficace

18 juin 2016 |Pauline Gravel, .ledevoir.com

Jusqu’à récemment, les anesthésistes évaluaient la douleur en se basant sur la fréquence cardiaque et la pression artérielle. Malheureusement, on sait maintenant que ces deux critères ne sont pas très bons en matière de sensibilité et de spécificité pour détecter la douleur.
Photo: iStock Jusqu’à récemment, les anesthésistes évaluaient la douleur en se basant sur la fréquence cardiaque et la pression artérielle. Malheureusement, on sait maintenant que ces deux critères ne sont pas très bons en matière de sensibilité et de spécificité pour détecter la douleur.

Jusqu’à récemment, les anesthésistes disposaient de très peu de moyens pour savoir si le patient qui était opéré sous anesthésie générale ressentait des douleurs. Un nouvel outil qui est actuellement étudié à Montréal permet de connaître avec beaucoup plus de précision le niveau de douleur éprouvé par le patient endormi et ainsi d’administrer une dose d’anesthésiants mieux adaptée aux besoins de chaque individu. Cet outil permettant une anesthésie personnalisée devrait améliorer la récupération des patients après une anesthésie générale.

Il y a quelques mois, Geneviève (nom fictif) s’est rendue à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont de Montréal pour y subir une greffe de rein. Alors que l’anesthésiste lui avait administré les doses standards des médicaments requis pour une anesthésie générale, sa pression a chuté à un niveau si bas qu’on a dû interrompre l’opération de peur de la tuer. On l’a alors réveillée et elle s’en est remise.


Le 24 mai dernier, un nouveau donneur de rein s’est présenté. Geneviève est retournée à l’hôpital pour subir une nouvelle greffe. Cette fois, le Dr Philippe Richebé, directeur de la recherche au Département d’anesthésie de l’Université de Montréal, a surveillé Geneviève à l’aide de l’équipement habituel, doublé d’un tout nouveau moniteur qui informe l’anesthésiste du niveau de douleur ressentie par le patient.


« Cela nous a permis de faire une anesthésie vraiment titrée et adaptée à ses besoins. Et on s’est rendu compte que cette dame avait besoin de doses d’anesthésiants deux à trois fois moindres que les doses classiques qu’on aurait administrées à une personne normale, et ce, parce qu’elle présente une hypersensibilité à tous les médicaments utilisés pour l’anesthésie. Les quatre heures de chirurgie se sont donc passées avec des doses d’anesthésiants qui étaient vraiment minimes, mais on savait qu’elle dormait bien et qu’elle n’avait pas mal. Sa pression n’a pas chuté. Puis, elle s’est réveillée comme une fleur, en pleine forme », a raconté le Dr Richebé pour illustrer le fait que certaines personnes ne répondent pas de façon attendue aux médicaments anesthésiques.


Doses variables


Il y a 20 ans, on déterminait la dose de médicaments (voir encadré) à administrer à un patient en fonction de son poids (en milligrammes de médicament par kilogramme de poids) en pensant que cela marchait chez tous les patients. Or, chez 10 % de la population, la dose mesurée au poids ne sera pas suffisante ou sera excessive, d’où l’importance de disposer de bons moniteurs capables d’informer le médecin sur la profondeur du sommeil, de l’analgésie et de la relaxation musculaire, puisqu’il est impossible pour les patients de parler et de rendre compte notamment des douleurs qu’ils pourraient ressentir.


Pendant longtemps, le monitorage de ces trois aspects n’était pas très précis. On surveillait la tension artérielle à l’aide d’un brassard à pression, l’oxygénation du sang à l’aide d’un « saturomètre » installé au bout d’un doigt, ainsi que tous les gaz inspirés avec le respirateur et les niveaux d’oxygène absorbé et de CO2 rejeté. Cette surveillance était censée nous indiquer si notre anesthésie était adéquate ou pas. Il s’agissait toutefois d’une surveillance plutôt sommaire, a fait remarquer le Dr Richebé. « Depuis 20 ans, nous disposons de moniteurs qui surveillent de façon assez correcte la profondeur de l’anesthésie, particulièrement celle du sommeil et de la relaxation musculaire, et qui nous disent si le patient dort assez profondément. Nous avons par contre un peu de difficulté à savoir si le patient ressent ou pas de la douleur. »


Jusqu’à récemment, les anesthésistes évaluaient la douleur en se basant sur la fréquence cardiaque et la pression artérielle. Malheureusement, on sait maintenant que ces deux critères ne sont pas très bons en matière de sensibilité et de spécificité pour détecter la douleur. Ils induisent quelques fois de faux négatifs : par exemple, la pression du patient s’élève, mais pour une autre raison que la douleur. Ils sont également responsables de faux positifs : par exemple, la pression reste stable alors que le patient ressent de la douleur. « On avait l’impression de faire du bon travail, mais on ne savait pas que les gens ressentaient de la douleur. Or, avec le nouveau moniteur que nous étudions, on peut savoir que même si la pression d’un patient est bonne, ce dernier ressent néanmoins quelque chose », a indiqué le spécialiste avant de préciser que les hypnotiques, les opioïdes ou les bêtabloquants que prend un patient, voire un saignement pendant la chirurgie peuvent abaisser la pression et ainsi cacher une élévation de la pression induite par la douleur ressentie par le patient.


Douleur chronique à l’anesthésie


On sait aujourd’hui que plus la douleur ressentie pendant et juste après l’opération — appelée douleur périopératoire — est intense, plus le patient court le risque de développer des douleurs chroniques à long terme, et plus la probabilité est grande que le système nerveux ait enregistré cette douleur et que celle-ci réapparaisse six mois ou un an après la chirurgie dans la zone de la chirurgie.


« Ce n’est pas parce que le cerveau ne se souvient pas de la douleur ressentie durant l’opération que le corps ne s’en souvient pas. Les neurones mettent en activité un mécanisme de mémoire de la douleur, et si cette mémoire de la douleur est très intense durant l’opération, elle risque de persister », a relevé l’anesthésiste.


On évalue qu’environ 10 % à 15 % des patients ayant subi une chirurgie sous anesthésie générale développeront des douleurs chroniques. « Il faut donc trouver le moyen d’administrer la juste dose d’opiacés au bon moment de façon à ce que les neurones n’activent pas ce mécanisme de mémoire de la douleur. Mais pour bloquer la douleur adéquatement, il faut pouvoir la détecter et la surveiller. C’est la raison pour laquelle on cherche à mettre au point des moniteurs plus précis », a-t-il souligné.


Les moniteurs de la douleur dont disposent les anesthésistes depuis 2010 surveillent le diamètre de la pupille de l’oeil ou la fréquence cardiaque. « Leur faiblesse vient du fait qu’ils sont basés sur un seul paramètre. L’avantage du nouveau moniteur que nous étudions est qu’il est multiparamétrique », a souligné le Dr Richebé. Le système nerveux autonome et le système hormonal de l’organisme réagissent aux stimuli douloureux par divers mécanismes qui induisent des changements mesurables.


Or, le nouveau dispositif surveille continuellement ces paramètres physiologiques qui sont affectés par les stimuli douloureux et par l’administration d’analgésiques. Un algorithme mathématique analyse ces données physiologiques et les convertit en temps réel en un index de douleur appelé Nol (pour nociception level index). Les valeurs de cet index sont représentées sur une échelle de 0 à 100. Une valeur entre 0 et 10 signifie que le patient ne ressent pas de douleur et qu’on peut même alléger un peu les doses d’analgésiques. Une valeur entre 10 et 25 est idéale. Et une valeur dépassant 25 signifie que le patient est en douleur et qu’il faut augmenter les doses.


Fonctionnement du nouvel appareil


Le nouveau moniteur dénommé PMD 200 (pain monitoring device) est équipé d’une technologie mise au point par la compagnie Medasense Biometrics Ltd. en Israël. Il se compose d’une petite sonde que l’on pince au bout du doigt du patient. Cette sonde est munie de quatre capteurs. L’un d’entre eux enregistre une courbe de pléthysmographie, qui décrit les variations du volume sanguin au moyen d’une mesure de la pulsatilité des capillaires, ces petits vaisseaux entre les artères et les veines. À chaque battement cardiaque se produit une onde de pulsatilité dans les capillaires. Cette onde de pulsatilité permet de calculer la variabilité de la fréquence cardiaque.


Plus précisément, le capteur permet de voir si cette onde de pulsatilité est homogène ou variable. « Si elle s’excite trop et devient variable, cela veut dire que le patient éprouve de la douleur », explique le chercheur. Un autre capteur mesure la conductance électrique cutanée et sa variation, qui renseigne l’anesthésiste sur le niveau de stress du patient. « Tout ce monitorage vise à évaluer l’équilibre entre les systèmes nerveux sympathique et parasympathique, deux systèmes qui varient en fonction du stress du patient. Un déséquilibre entre ces deux systèmes témoigne de la douleur ressentie par le patient », précise le spécialiste.


À l’instar de l’équipe du Dr Albert Dahan du Centre médical de l’Université de Leyde aux Pays-Bas, de celle du Dr Daniel Sessler de la Clinique Cleveland en Ohio et de celle du Dr Ruth Edry du Centre médical Rambam à Haïfa en Israël, l’équipe du Dr Philippe Richebé de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont (HMR) mène depuis quatre ans des études cliniques visant à valider cette technologie et à l’améliorer. Jusqu’à maintenant, les résultats obtenus par ces différents chercheurs indiquent que le PMD 200 détecte avec de bonnes sensibilité et spécificité la douleur éprouvée par le patient.


Grâce à une subvention de la Société canadienne d’anesthésie, le Dr Richebé commencera sous peu une étude interventionnelle dans laquelle il comparera deux groupes de patients auxquels on administrera différentes doses d’anesthésiants et de petites stimulations électriques : un premier groupe recevra une anesthésie classique sans le recours à l’index Nol, tandis qu’on utilisera l’index Nol chez le second groupe afin de vérifier si l’ajout de cet index permet de mieux adapter les doses d’opiacés et s’il entraîne une meilleure récupération après l’anesthésie.


« Si on fait un meilleur travail pendant l’anesthésie, on a des chances d’avoir de meilleurs résultats après l’anesthésie en matière de qualité de réveil, de douleur postopératoire et de réhabilitation postopératoire, fait valoir le Dr Richebé. Nous cherchons à améliorer la récupération afin qu’elle soit la plus rapide possible pour le bien-être du patient, pour qu’il puisse quitter l’hôpital plus tôt, ce qui non seulement réduit les coûts d’hospitalisation, mais fait plaisir au patient. »


L’étude pilote menée à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont servira à engranger des données pour une étude multicentrique pancanadienne qui permettra de recueillir encore plus de données, afin de pouvoir obtenir de Santé Canada l’autorisation d’utiliser le nouveau moniteur en clinique. Pour le moment, le dispositif n’est pas encore sur le marché. La compagnie Medasense a déposé cette année une demande d’agrément en Europe. Elle en fera de même auprès de la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis l’année prochaine. Et on peut espérer voir apparaître le moniteur sur le marché canadien en 2018.

Le Dr Richebé en salle d’opération. Le moniteur PMD 200 est à gauche, sous l’appareil au cadre orange.

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La santé est un état précaire qui ne laisse augurer rien de bon.

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