Quentin Haroche | 21 Août 2025
jim.fr
Les maladies transmises par les moustiques sont en forte augmentation en Europe en 2025 et pourraient devenir endémiques dans les prochaines années.
Une menace plane sur l’Europe…une menace de 5 millimètres. Les arboviroses, les maladies transmises par les moustiques, ont longtemps été cantonnées aux régions tropicales de la planète et le nombre de cas autochtones sur le Vieux Continent était habituellement résiduel. Mais le réchauffement climatique a changé la donne et le moustique tigre, qui véhicule la dengue, le chikungunya et le virus Zika, prolifère désormais en Europe.
« Des facteurs environnementaux tels que l’augmentation des températures, des étés plus longs, des hivers plus doux et des changements dans la pluviométrie créent des conditions favorables pour que les moustiques prolifèrent et transmettent des virus » s’inquiète ainsi le centre européen de contrôle des maladies ECDC ce mercredi, à l’occasion de la journée mondiale du moustique (qui a lieu le 20 août en hommage à la découverte du rôle du moustique dans la transmission du paludisme par le Dr Ronald Ross le 20 août 1897).
Ce sont ainsi désormais 16 pays d’Europe (dont la France) qui sont colonisés par le moustique tigre, qu’on retrouve désormais dans plus de 350 régions européennes, contre seulement une centaine il y a dix ans. « Combiné avec l’augmentation des voyages internationaux, cela augmente le risque d’épidémies locales » alerte l’ECDC.
La France et l’Italie sont les plus touchés
Selon le dernier bilan publié par Santé Publique France (SPF) ce mercredi, 154 cas autochtones de chikungunya ont été signalés en France depuis le 1er mai, soit 39 cas supplémentaires en une semaine, du jamais vu en France hexagonale. Si l’immense majorité des cas se situe dans le sud de la France, deux cas ont été recensés à Dijon et deux autres en Alsace, « une situation exceptionnelle à cette latitude » commente l’ECDC.
La France est de loin le pays d’Europe le plus touché par le chikungunya, puisque seule l’Italie a enregistré sept cas autochtones. Cela s’explique par l’importation d’un grand nombre de cas dans notre pays (près de 1 000 depuis le 1er mai), en lien avec l’épidémie dans la Réunion et par la prolifération du moustique tigre : 81 départements hexagonaux sont colonisés par cet insecte. Seul le nord-est de la France est pour le moment épargné mais « j'ai le regret d'annoncer aux personnes qui vivent dans ces départements qu'elles seront également touchées » prévient au micro de France info Didier Fontenille, entomologiste.
La France a également enregistré 13 cas autochtones de dengue (deux cas supplémentaires en une semaine) et 13 cas de fièvre du Nil occidental (six cas supplémentaires), dont deux en région parisienne, du jamais vu. En Europe, l’ECDC a comptabilisé au total 335 cas autochtones de virus du Nil occidental dans huit pays différents, causant la mort de 19 personnes. Avec 274 cas, l’Italie est de loin le pays le plus touché.
La « nouvelle normalité »
Toutes les agences sanitaires, qu’elles soient françaises ou européennes, s’inquiètent de cette montée des arboviroses. Pour SPF, « le nombre de foyers de transmission illustre le risque important de transmission autochtone de ces virus en France hexagonale ». L’ANRS-Maladies infectieuses émergentes, qui publie également un communiqué ce 20 août, évoque quant à elle « la menace précoce des arboviroses en France hexagonale » et estime probable qu’une épidémie d’arboviroses survienne en métropole dans les cinq ans.
L’ECDC estime enfin que « l’Europe entre dans une nouvelle phase où des épisodes plus long, plus répandu et plus intense de transmission de maladies par les moustiques deviennent la nouvelle normalité ». L’agence européenne incite ainsi les habitants des régions concernés par la prolifération des moustiques porteurs de maladie à se protéger contre ces nuisibles via des méthodes physiques (vêtements couvrants, moustiquaires…), en utilisant des insecticides et en évitant de créer des points d’eau stagnante.
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Arboviroses : les moustiques remontent vers le nord
Quentin Haroche | 14 Août 2025
Pour la première fois, des cas de fièvre du Nil occidental ont été identifiés en Ile-de-France. L’Alsace et la Bourgogne ont également recensé des cas de chikungunya.
Du Nil à la Seine, en quelques battements d’ailes de moustiques : à plusieurs milliers de kilomètres des rives du fleuve dont il tire son nom, le virus du Nil occidental a pour la première fois été détecté en Ile-de-France. L’Agence régionale de Santé (ARS) a en effet indiqué dans un communiqué publié ce mercredi avoir identifié ces dernières semaines deux cas autochtones de cette arbovirose en Seine-Saint-Denis. « Il s’agit des premières identifications de transmission locale vectorielle du virus West Nile en Île-de-France » commente l’ARS.
Proche de ceux de la fièvre jaune, de la dengue, du Zika et de l’encéphalite japonaise, le virus du Nil occidental est transmis par le moustique Culex, le plus commun en France métropolitaine. Il ne peut cependant se transmettre d’humain à humain, ni via un moustique ayant piqué une personne infectée.
115 cas autochtones de chikungunya en 2025
Ce sont en effet les oiseaux qui constituent le réservoir naturel du virus. Si la maladie était d’abord principalement cantonnée en Afrique et au Moyen-Orient, elle a commencé à toucher l’Europe en 2010. En France, les rares cas humains et équins étaient pour le moment cantonnés au sud-est de la France. Cinq cas autochtones ont d’ailleurs été recensés en région PACA depuis le début de l’année.
Si les personnes touchées sont asymptomatiques dans 80 % des cas, ce virus peut provoquer divers symptômes tels que de la fièvre, des céphalées, une asthénie ou des nausées. Dans de rares cas (environ 1 %), la fièvre du Nil occidental peut provoquer des troubles neurologiques graves potentiellement mortels, les personnes âgées de plus de 60 ans étant davantage à risque.
L’apparition de ce virus dans une région aussi septentrionale intervient dans un contexte de forte augmentation du nombre de cas d’arboviroses autochtones. Selon le dernier bilan de Santé Publique France (SPF), publié ce mercredi, 23 foyers de contamination autochtones par le chikungunya, virus transmis par le moustique tigre, ont été recensés depuis mai dernier, cumulant 115 cas de chikungunya, du jamais vu en métropole. Si la majorité des cas ont été recensés dans le sud-est de la France, des contaminations ont eu lieu à Dijon et en Alsace. La propagation du virus de la dengue, également transmis par le moustique tigre, est plus modeste : six foyers épidémiques ont été recensés, cumulant 11 cas autochtones, tous dans le sud de la France.
Bientôt des épidémies d’arboviroses en métropole ?
La prolifération à des niveaux inédits du chikungunya en France métropolitaine est favorisée par l’importation de nombreux cas (914 cas importés depuis le 1er mai), notamment depuis la Réunion. L’île a en effet été frappée au printemps dernier par une importante épidémie, qui aura touché plus de 20 % de la population et causé la mort de vingt personnes. Mais le fait que des cas autochtones aient, pour la première fois, été identifiés au nord de la Loire, montre bien que le moustique tigre, apparu dans nos contrées en 2004, gagne du terrain à la faveur du réchauffement climatique. Longtemps cantonné au sud de l’hexagone, il est désormais présent dans 81 départements métropolitains (seule la Bretagne et la Normandie sont épargnées).
Au vu de cette prolifération galopante du moustique tigre, qui concerne toute l’Europe et de l’accélération du réchauffement climatique, beaucoup d’experts estiment que ce n’est qu’une question de temps avant que la métropole ne connaisse à son tour d’importantes épidémies de chikungunya ou de dengue. En 2024, l’Agence de sécurité sanitaire (Anses) estimait ainsi probable qu’une épidémie survienne dans les cinq prochaines années tandis qu’en mai dernier, une étude publiée dans The Lancet estimait que le risque d’épidémie en Europe allait être multiplié par cinq d’ici 2060.
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Greffe d’organes de porc génétiquement modifié : et maintenant le poumon
26 Août 2025
jim.fr
Une équipe chinoise est parvenu à réaliser la première greffe d’un poumon de porc génétiquement modifié sur un homme en état de mort cérébrale.
Il y avait la course à l’espace entre les Etats-Unis et l’Union Soviétique, il y a désormais la course à la xénogreffe d’organes de porc génétiquement modifiés entre les USA et la Chine. Les médecins américains avaient tiré les premiers en réussissant deux greffes de cœur de porc et trois de rein, toutes les opérations s’étant soldés par le décès du patient ou le retrait de l’organe. Mais les médecins chinois s’investissent désormais de plus en plus dans le domaine. En mars dernier, l’université militaire médicale de Xian annonçait ainsi avoir réalisé la première greffe d’un foie de porc génétiquement modifié sur un patient en état de mort cérébrale.
Ce lundi, ce sont des chercheurs de l’université de Canton qui relatent dans un article paru dans Nature Medicine avoir mené la première greffe d’un poumon de porc génétiquement modifié, réalisé chez un homme de 39 ans en état de mort encéphalique. Avant cette première opération chez l’humain, les chirurgiens chinois ont réalisé des opérations similaires chez des singes non humains avec des résultats prometteurs.
Le poumon a fonctionné normalement pendant neuf jours
Pour rendre le poumon porcin fonctionnel chez l’homme et éviter le rejet, les chercheurs chinois ont réalisé six modifications génétiques sur cet organe, trois consistant à inhiber des gènes porcins et trois pour y insérer des gènes humains. Ils ont également administré au défunt un riche cocktail d’immunosuppresseurs (rituximab, eculizumab, tofacitinib…).
« Le xéno-greffon pulmonaire a maintenu sa viabilité et sa fonctionnalité pendant les 216 heures de la période de suivi, sans signes de rejet hyper-aigu ni d’infection » se félicitent les chercheurs chinois. « Un œdème sévère, ressemblant à une dysfonction primaire du greffon, a été observé 24 heures après la transplantation, probablement dû à une lésion d’ischémie-reperfusion. Un rejet médié par les anticorps semble avoir contribué aux dommages du xénogreffon aux 3ème et 6ème jour post-opératoire, avec une récupération partielle au neuvième jour » détaillent-ils.
Les médecins n’ont pas non plus identifié de signe de transmission de pathogènes porcins ou d’infection post-transplantation, malgré quelques marqueurs d’inflammation dans le sang du receveur. Les auteurs de l’étude estiment ainsi que l’organe aurait pu continuer à fonctionner encore plusieurs jours, mais ils ont dû interrompre l’expérience à la demande de la famille du défunt (on a connu les médecins chinois moins respectueux des règles éthiques entourant la transplantation).
Seulement 400 greffes de poumons humains par an en France
« Il y a encore une dizaine d’années, nous pensions que la greffe à l’homme d’organes porcins ne serait jamais possible, il existait des barrières infranchissables pour cette rencontre entre deux hôtes d’espèces étrangères : tout a été rendu possible particulièrement grâce à CRISPR-Cas9 » commente pour Le Figaro Isabelle Schwartz-Cornil, virologue à l’université Paris-Saclay.
L’exploit est d’autant plus remarquable que la greffe de poumon, même entre deux humains, est une opération particulièrement difficile. « Le poumon a un lit vasculaire très important, c’est l’organe qui présente le plus d’échanges gazeux avec les cellules sanguines et c’est le seul organe solide greffé qui soit en contact immédiat et direct avec l’environnement et l’air extérieur » explique le Pr Edouard Sage, chef du service de transplantation pulmonaire de l’hôpital Foch. « C’est un peu l’antinomie de la transplantation ».
Si la xénogreffe d’organes de porc génétiquement modifié n’en est qu’à ses balbutiements et qu’il faudra sans doute attendre des années avant qu’elle ne devienne une opération courante (si elle le devient un jour), l’espoir est que les porcs deviennent un jour une source alternative d’organes, compensant le manque chronique de greffons humains. « Actuellement en France, on fait aux alentours de 400 transplantations par an » indique le Pr Sage. « On ne connaît pas complètement le besoin théorique, mais une étude un peu ancienne avait montré qu’il en faudrait le double. Et avoir un vivier de greffons nous permettrait de transplanter des patients pour lesquels aujourd’hui on s’autocensure, par exemple des patients âgés insuffisants respiratoires ».
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Place au genou bionique ostéointégré
Anne-Céline Rigaud | 28 Août 2025
Un prototype de genou bionique directement ancré dans l'os et contrôlé par les signaux musculaires permet aux patients amputés de retrouver des capacités motrices avancées : montée d'escaliers et évitement d'obstacles.
Les premières ébauches de remplacement du corps après amputation ont émergé il y a plusieurs siècles, les prothèses des membres inférieurs évoluant par la suite vers des conceptions mécaniques qui privilégient la locomotion cyclique. Aujourd’hui, les prothèses des membres inférieurs les plus avancées disponibles dans le commerce restent amovibles et se limitent à reproduire des mouvements préprogrammés et des schémas de marche répétitifs. Cependant, des études récentes montrent que le fait de fournir même une quantité modeste d’informations neuromusculaires à la prothèse par le biais d’une interface non invasive peut restaurer des capacités essentielles telles que l’adaptation au terrain, l’évitement d’obstacles ou la production d’énergie biomimétique. Une équipe MIT (Massachusetts Institute of Technology ) travaillant sur le sujet depuis 2010 a développé une prothèse novatrice ostéointégrée pour amputés fémoraux qui incorpore des tissus durs et mous modifiés ainsi que du matériel implanté de façon permanente à l'os du fémur via une tige en titane.
De la prothèse mécanique à l'intégration bionique
Cette prothèse baptisée e-OPRA (prothèse mécanoneurale ostéointégrée) est associée à une plateforme d’amputation bionique intégrée et à un couplage biomimétique entre la signalisation neuromusculaire et le mouvement articulaire pour améliorer le contrôle. D’autres prothèses récentes ont appliqué l’EMG de surface à partir de la neuromusculature résiduelle pour calculer proportionnellement un couple de sortie du genou prothétique. Ces stratégies de contrôle direct se rapprochent de la fonction physiologique mais sont sensibles au bruit introduit par la transpiration cutanée ou les impacts, artéfacts évités en utilisant des électrodes intramusculaires implantées.
En plus de servir de conduit pour le signal, l’implant élimine le besoin d’une emboîture prothétique en facilitant la fixation mécanique à la prothèse. Enfin, les muscles résiduels des sujets ne sont pas disposés d’une manière identique à la physiologie normale : c’est une interface myoneuronale agoniste-antagoniste (AMI) qui entre en jeu. Concrètement, la technique consiste à reconnecter deux muscles antagonistes entre eux via des électrodes pour permettre de réintégrer les informations sur le couplage étirement/contraction entre muscles antagonistes synchrones, dans l’objectif de délivrer au patient un retour sensoriel proprioceptif afin de mieux évaluer la position de la prothèse.
Des résultats cliniques prometteurs
Deux patients présentant une amputation transfémorale conventionnelle préexistante ont été implantés chirurgicalement avec ce prototype. Leurs performances (OMP, n = 2) ont été comparées à celles de deux cohortes témoin de sujets ayant subi une amputation transfémorale conventionnelle : l’une possédant une prothèse avec interface AMI mais sans le système implantaire e-OPRA (AMI, n =
Les différents groupes ont été évalués sur diverses tâches : capacité à générer des informations de contrôle dans une tâche d’atteinte sans contact (par des tests proprioceptifs yeux fermés), mouvements assis-debout en chaine fermée et ouverte, exercices d’obstacle. Les sujets OMP ont significativement dépassé les sujets CTL en termes de pourcentage moyen de réussite dans les différents exercices.
Toutes les cohortes ont également été évaluées sur la montée et descente des escaliers. Seuls les sujets avec e-OPRA ont pu effectuer cette tâche en alternant les pieds, contrairement aux témoins (mais avec assistance de la main courante). Dernière épreuve, conçue pour évaluer la capacité de chaque sujet dans une situation exigeante sur le plan cognitif et physique : éviter des obstacles placés sur l’axe du membre amputé lors d’une marche sur tapis roulant. Dans cette discipline, la cohorte avec e-OPRA a montré une capacité significativement meilleure à éviter les obstacles par rapport aux sujets contrôles en comparant à la vitesse de marche la plus rapide testée de 0,8 m/sec.
Les résultats de cette expérience suggèrent que l’ostéointégration associée à l’interface AMI représente une solution efficace et prometteuse pour la proprioception et le contrôle du membre inférieur dans certaines tâches physiques. Les capacités démontrées par la prothèse myoneurale ostéointégrée suggèrent qu’une intégration anatomique plus poussée, plutôt qu’une simple emboiture, pourrait faire progresser la fonctionnalité et la réadaptation après la perte d’un membre.
Qui plus est, le prototype semble améliorer l’incarnation prothétique en favorisant l’agentivité et l’appropriation, comme l’ont montré des questionnaires post-exercices relatifs au ressenti délivrés aux participants des différents groupes de l’essai. Les auteurs postulent que les capacités démontrées par la prothèse myoneurale ostéointégrée fournissent des preuves qu'une intégration anatomique plus poussée avec la prothèse, plutôt que le maintien d'une séparation artificielle, est nécessaire pour progresser vers une fonction physiologique, une incarnation et un potentiel de réhabilitation après la perte d'un membre.
Affaire à suivre donc, sachant que si ces résultats se confirment, les prototypes pourraient émerger sur le marché au plus tôt dans 5 ans...
References
Shu T, Levine D, Yeon SH, et al. Tissue-integrated bionic knee restores versatile legged movement after amputation. Science. 2025 Jul 10;389(6756):eadv3223. doi: 10.1126/science.adv3223.
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Prix des implants orthopédiques : le CEPS tombe sur un os
Juliette Seblon | 26 Août 2025
Le Comité économique des produits de santé (CEPS) prévoit une baisse de 11 % des prix des prothèses orthopédiques sur trois ans. Une telle perspective inquiète et ulcère les chirurgiens orthopédistes qui devraient de nouveau aborder cette question lors du prochain congrès de la Société française de chirurgie orthopédique et traumatologique (SOFCOT) cet automne. Pour les spécialistes, la conséquence première de cette diminution des prix devait être une pénurie de certaines références.
Cette situation est d’autant plus déplorée qu’elle s’inscrit dans un contexte paradoxal, signalé par le Pr Patrice Mertl, président du congrès et chef du service de chirurgie orthopédique au CHU d’Amiens : la France pratique déjà des tarifs inférieurs à la moyenne européenne et pourtant les implants orthopédiques figurent parmi les cibles prioritaires des mesures d’économies.
Un enjeu de souveraineté industrielle et d’innovation
Pour la SOFCOT, la réduction tarifaire ne représente pas uniquement une contrainte budgétaire. Elle risque d’affaiblir l’ensemble de la filière industrielle, en accentuant la pression sur les marges, en freinant les investissements en recherche et développement et en compromettant la pérennité de certaines gammes de dispositifs. À terme, cela pourrait compromettre la souveraineté technologique française, alors que certains modèles de prothèses de reprise sont déjà difficiles à obtenir.
A ces perspectives préoccupantes, s’ajoute le fait que les stocks hospitaliers sont souvent gérés en flux tendus, ce qui expose les établissements à des ruptures en cas de tension sur l’approvisionnement international. Le pays le moins rémunérateur devient mécaniquement le moins prioritaire pour les fabricants en cas de tension ; un mécanisme que l’on voit également à l’œuvre en ce qui concerne les médicaments.
Repenser les leviers d’optimisation des dépenses
Consciente des impératifs économiques, la SOFCOT propose d’explorer d’autres sources d’économies que la baisse unilatérale du prix des implants, qui ne représente qu’environ 15 % du coût global d’une prise en charge orthopédique (estimée entre 12 000 € pour une hanche et 15 000 € pour un genou). Parmi les leviers suggérés figurent :
- le strict respect des recommandations de la Haute autorité de Santé (HAS), notamment concernant le nombre de séances de rééducation ;
- un usage raisonné des matériaux les plus coûteux, comme la céramique, à éviter chez les patients de plus de 65 ans, ce qui pourrait générer jusqu’à 3,5 millions d’euros d’économies ;
– et l’instaurant d’un reste à charge symbolique (10 €), qui permettrait d’économiser près de 17 millions d’euros.
Maintenir la qualité des soins sans fragiliser l’accès
Dans un pays vieillissant, où 186 000 prothèses de hanche et 141 000 prothèses de genou ont été posées dans l’Hexagone en 2023, c’est la qualité des soins et le maintien de l’autonomie des patients âgés qui sont en jeu. Les dispositifs médicaux implantables (DMI) sont au cœur de nombreuses stratégies chirurgicales en orthopédie et leur disponibilité conditionne directement les capacités opératoires. Pour les professionnels, il est crucial de garantir l’accès équitable aux implants de qualité, sans compromettre l’innovation ni fragiliser un secteur déjà soumis à d’importants défis réglementaires et industriels.
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Le Mans : le Samu mis en cause dans une mort par pneumothorax
Quentin Haroche | 26 Août 2025
La famille d’un jeune homme de 24 ans décédé à la suite d’un pneumothorax accuse le SAMU contacté à deux reprises par le patient.
Il était environ 22 heures, ce 28 janvier à Mamers près du Mans, lorsqu’Estéban Vermeersch, jeune apprenti boulanger de 24 ans, commence à se plaindre d’une douleur thoracique et de difficulté à respirer. A peine 48 heures plus tard, le jeune homme décède au centre hospitalier du Mans où il a été transféré. Entre les deux, trois appels au SAMU et ce que sa famille estime être une inaction médicale. C’est désormais à la justice de se pencher sur cette période de 48 heures fatidique : la famille d’Estéban Vermeersch a en effet annoncé ce lundi qu’elle portait plainte pour homicide involontaire contre le SAMU du Mans.
C’est à 22h32 exactement que le jeune homme et sa mère ont appelé pour la première fois le Centre 15 du Mans ce 28 janvier. Selon l’enregistrement de ces appels, que BFM TV a réussi à se procurer, Estéban Vermeersch explique au médecin régulateur du SAMU qu’il a « l’impression de respirer à moitié, comme si les poumons ne se remplissaient pas ».
De la difficulté d’établir un diagnostic par téléphone
Le jeune homme indique également ressentir des douleurs thoraciques, qui augmente lorsqu’il respire profondément ou essaye de se lever. Le médecin régulateur diagnostique alors une douleur musculaire. « Ça ne m'inquiète pas du tout en tout cas », conseillant simplement au jeune homme de prendre un médicament antalgique.
Le lendemain à 14h43, Estéban Vermeersch appelle de nouveau le SAMU. Son état s’est fortement dégradé ces dernières heures : il est cyanosé, a de plus en plus de mal à respirer, n’arrive plus à se lever et a vomi plusieurs fois dans la nuit. Après un échange de plusieurs minutes, le médecin régulateur arrive à la même conclusion que son confrère la veille. « Ça n'a pas l'air d'être quelque chose de cardiaque, ça évoque plutôt quelque chose de musculaire » conclut le praticien qui conseille cependant à la mère du jeune homme de le conduire aux urgences pour y être « rassuré ».
Quelques minutes plus tard, alors qu’il s’apprête à partir pour les urgences avec sa mère, Estéban Vermeersch est victime d’un arrêt cardiaque. Sa mère appelle de nouveau le SAMU et réalise sur son fils un massage cardiaque jusqu’à l’arrivée des pompiers. Le jeune homme est transféré d’urgence à l’hôpital du Mans où on diagnostique un pneumothorax. Il décède le lendemain.
L’hôpital du Mans s’abstient de tout commentaire pour le moment
Selon la famille d’Estéban Vermeersch, il ne fait nul doute que c’est l’erreur de diagnostic des deux médecins régulateurs et l’inaction du SAMU qui est à l’origine du décès du jeune homme. Maître Vincent Sehier, l’avocat de la famille, fait ainsi état de « plusieurs manquements » du SAMU dans cette affaire. « On aurait très facilement pu le sauver et très rapidement : le taux de décès d'un patient jeune qui présente un pneumothorax est proche de 0 % » lorsqu’il est rapidement pris en charge commente le juriste. « Je ne comprends pas qu’on puisse laisser un jeune de 24 ans, crever dans son lit comme ça sans rien faire, sans se déplacer. Lui obtenir justice, c'est ça que je veux. C’est une victime du Samu. Ils ne l’ont pas écouté, ils ne nous ont pas écoutés » commente la sœur d’Esteban.
De son côté, le centre hospitalier du Mans, dont dépend le SAMU, indique ne pas pouvoir commenter les circonstances du décès d’Estéban. Il indique qu’une rencontre entre les proches de la victime et le corps médical a été organisée en avril dernier « dans le cadre de la procédure de médiation prévue par la loi » et que la famille a « déposé une demande d'indemnisation, qui est aujourd'hui en cours d'instruction auprès de la Commission de conciliation et d'indemnisation ». Selon les formules consacrées, l’établissement indique « prendre acte de l’intention de la famille de saisir la justice », promet de collaborer avec la justice et assure que les pensées des soignants « vont à la famille et aux proches du défunt, confrontés à ce décès tragique ».
Cette tragique erreur diagnostique sera une piqure de rappel pour tous les praticiens confrontés à une douleur thoracique chez un sujet jeune qui n’est pas toujours musculosquelettique mais parfois liée à une urgence véritable comme une embolie pulmonaire, une dissection de l’aorte…ou un penumothorax.
