Articles sur la santé
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Re: Articles sur la santé
Paracétamol chez le sujet âgé : la liste des effets indésirables s’enrichit (un peu)
Dr Philippe Tellier | 07 Janvier 2025
jim.fr
Parmi les antalgiques largement prescrits dans la pratique médicale courante, le paracétamol est certainement celui qui bénéficie de la plus grande mansuétude. Certes, il n’est pas dénué d’effets indésirables, notamment d’une toxicité hépatique dose-dépendante qui amène à limiter son usage en posologie comme en durée. Il est au demeurant contre-indiqué en cas d’insuffisance hépatocellulaire. Son acceptabilité, dans le cadre d’une prescription régulée, peut être considérée comme globalement satisfaisante, mais une étude britannique amène à reconsidérer, dans une certaine mesure, la liste des évènements indésirables qui peuvent lui être imputés, tout particulièrement chez le sujet âgé.
Une étude rétrospective cas-témoins : plus de 150 000 participants
Il s’agit d’une étude rétrospective, du type cas-témoins, basée sur les données de la Clinical Practice Research Datalink (CPRD-GOLD). Deux cohortes ont été initialement constituées, l’une composée de 180 483 utilisateurs de paracétamol, l’autre de 402 478 non-utilisateurs. Tous les participants étaient âgés d’au moins 65 ans et suivis par des médecins généralistes depuis au moins 12 mois, entre 1998 et 2018.
L’exposition au médicament a été définie par l’existence répertoriée d’au moins deux prescriptions sur une période de six mois. L’analyse des données a reposé sur le modèle des risques proportionnels de Cox, deux groupes dérivés des cohortes précédentes étant appariés selon la méthode du risque de propension, soit un total de 158 048 participants (79 024 dans chaque groupe ; âge moyen 75 ± 8 ans ; femmes : 62 %), le suivi moyen étant de 1 ± 4,62 années.
Un risque relatif un peu accru de complications digestives ou rénales
L’exposition au paracétamol a été ainsi associée à un léger surrisque de complications digestives hautes (perforation d’un ulcère, ulcération aiguë, saignement), le hazard ratio ajusté (HRa) correspondant étant estimé à 1,24 (IC 95 %, 1,16-1,34). La même tendance a été observée pour ce qui est ulcères gastroduodénaux non compliqués (HRa 1,20 ; IC 95 %, 1,10-1,31) ou encore des hémorragies digestives basses (HRa 1,36 ; IC 95 %, 1,29-1,46). De manière plus atténuée, a été mis en évidence un risque quelque peu accru d’insuffisance cardiaque (HRa 1,09 ; IC 95 %, 1,06-1,13), d’hypertension artérielle (aHR 1,07 ; IC 95 %, 1,04-1,11) ou encore d’insuffisance rénale chronique (HRa 1,19; IC 95 %, 1,13-1,24).
Une ébauche de relation dose-effet a par ailleurs été mise en évidence, le taux d’évènements indésirables étant lié au nombre de prescriptions, notamment pour ce qui est du risque d’ulcères gastroduodénaux et de maladie rénale chronique. Ce dernier s’est par ailleurs avéré plus élevé en cas d’arthrose documentée.
Les résultats de cette étude, qui porte sur un effectif conséquent, incite à réévaluer l’acceptabilité du paracétamol chez le sujet âgé. Faut-il continuer à le prescrire dans le traitement de première ligne des douleurs chroniques notamment quand elles sont d’origine arthrosique ? La question peut se poser, mais il faut tout de même souligner que l’étude en question, pour robuste qu’elle soit en termes d’effectifs, n’est en rien contrôlée et qu’il pourrait exister des biais multiples dans la constitution des deux groupes comparés. La méthode du score de propension ne permet pas de corriger tous ces biais, loin s’en faut, même si, dans le cas de cette étude, le nombre et le type des facteurs de confusion potentiels pris en compte dans les ajustements statistiques sont conséquents.
Si l’on en croit ces résultats, l’exposition prolongée du sujet âgé au paracétamol ne serait pas dénuée de risques, mais le lien de causalité reste à établir, ce que ne permettent pas les études d’observation transversales, du type cas-témoins. Une interférence avec la synthèse de la prostacycline pourrait contribuer à la genèse de ce surrisque, ce qui reste à vérifier.
Un signal faible à prendre en compte
Le signal est faible, mais il mérite d’être pris en compte, à chaque fois que l’indication d’un traitement antalgique se discute chez le sujet âgé, a fortiori face à des douleurs chroniques qui sont à l’origine de prescriptions potentiellement itératives. Le rapport bénéfice/risque doit être soigneusement évalué au cas par cas, le recours à d’autres solutions que la pharmacothérapie étant toujours à envisager, tout particulièrement dans les populations dites vulnérables, avec en filigrane des comorbidités et des facteurs de risque souvent nombreux.
Le rôle d'un signal faible est d'attirer l'attention, sans pour autant déclencher des réactions disproportionnées. Le besoin d’études complémentaires pour confirmer ces résultats apparaît clairement, mais en attendant, la vigilance est de rigueur et l’utilisation trop systématique du paracétamol chez le sujet âgé ne peut être que déconseillée, une recommandation déjà en vigueur avant les résultats de cette étude.
References
Kaur J, Nakafero G, Abhishek A, et al. Incidence of Side Effects Associated With Acetaminophen in People Aged 65 Years or More: A Prospective Cohort Study Using Data From the Clinical Practice Research Datalink. Arthritis Care Res (Hoboken). 2024 Nov 24. doi: 10.1002/acr.25471.
______________________
Arrêt cardiaque extrahospitalier : prioriser la gestion des voies aériennes ou les vasopresseurs ?
Dr Bernard-Alex Gauzere | 03 Janvier 2025
jim.fr
L'arrêt cardio-respiratoire extrahospitalier (ACEH) touche chaque année plus de 300 000 adultes aux États-Unis, dont seul 1 sur 10 survit. Bien que les recommandations en termes de réanimation mettent l'accent sur l'administration précoce de vasopresseurs et la gestion avancée des voies aériennes, leur séquence optimale reste floue.
La gestion des voies aériennes dans l'ACEH comporte l'intubation endotrachéale (ETI) et le contrôle des voies aériennes supra-glottiques par les tubes laryngés (LT). Il a été montré que l'administration précoce de vasopresseurs (adrénaline ou vasopressine) est associée à davantage de retours à la circulation spontanée (RCS) et à une meilleure survie.
Par quoi commencer ?
Ces deux procédures potentiellement complexes peuvent entraîner des retards mutuels et influencer les soins parallèles de réanimation cardio-respiratoire (compressions thoraciques, ventilation). L'essai PART(Pragmatic Airway Resuscitation Trial) a montré qu'une stratégie de gestion des voies aériennes consistant en une LT initiale était associée à de meilleurs résultats après un ACEH qu'une ETI initiale, notamment en termes de survie à 72 heures, de survie à l'hôpital et de survie à l'hôpital avec un état neurologique satisfaisant.
L'objectif de cette étude était de déterminer les associations entre la séquence relative de l'administration de vasopresseurs par rapport à la gestion avancée des voies aériennes, et les résultats après un ACEH dans l'essai PART.
Pour chaque patient, les auteurs ont déterminé l'heure de la première administration d'un vasopresseur et l’insertion réussie du tube laryngé ou endotrachéal. Chaque cas a été classé selon qu'il s'agissait d'une administration première de vasopresseur ou d'une gestion réussie des voies aériennes.
Des équations d'estimation généralisées ont été utilisées afin de déterminer les associations entre la séquence vasopresseurs-voies aériennes et les résultats (survie à 72 heures, RCS à l'arrivée aux Urgences, survie jusqu'à la sortie de l'hôpital, survie à l'hôpital avec un état neurologique satisfaisant) et la RCP en dehors des paramètres recommandés (fraction de compression thoracique < 0,8 ; taux de compression thoracique < 100 ou > 120 par min ; ou taux de ventilation < 8 ou > 12 respirations/min), en ajustant pour les facteurs de confusion.
Aucune différence notable
Parmi les 3004 patients de l'essai principal, 2404 ont été analysés, dont 1821 avec administration de vasopresseurs en premier et 583 avec contrôle avancé des voies aériennes initial. Les durées médianes d'intervention étaient : début des soins avancés de réanimation / vasopresseurs : 8 min (IQR 6-11), début des soins avancés de réanimation / contrôle avancé des voies aériennes : 11 min (IQR 8-15).
Par rapport à la séquence « voies aériennes en premier », la séquence « vasopresseur en premier » n'a pas été associée à la survie à 72 heures (OR ajusté 0,96 ; IC 95 % : 0,71-1,31), au RCS (0,83 ; 0,66-1,06), à la survie hospitalière (1,09 ; 0,68-1,73) ou à la survie hospitalière avec un état neurologique satisfaisant (0,97 ; 0,53-1,78). La séquence « vasopresseur en premier » n'a pas été associée au non-respect des paramètres de performance recommandés pour la RCP.
Dans cette analyse des données de l'essai PART, la séquence de réanimation débutant par les vasopresseurs et se poursuivant par le contrôle avancé des voies aériennes n'a pas été associée à un meilleur pronostic de l’ACEH ou à la qualité de la RCP pratiquée.
Les nombreuses limites de l'étude
L'essai PART avait été conçu pour comparer l'efficacité des stratégies de gestion avancée des voies aériennes (LT et ETI), et non la séquence de gestion avancée des voies aériennes et d'utilisation d’un vasopresseur. Bien qu’il semble que la plupart des SAMU utilisent l'adrénaline plutôt que la vasopressine, l'essai PART n'a pas identifié les vasopresseurs utilisés.
De plus, l'essai ne s’est intéressé qu’à la première dose de vasopresseurs administrée. Les facteurs qui ont incité le personnel des services médicaux d'urgence à donner la priorité à l'administration de vasopresseurs ou au contrôle avancé des voies aériennes ne sont pas précisés. Enfin, il n’a pas été précisé si les vasopresseurs avaient été administrés par voie intraveineuse ou par voie intra-osseuse.
Un essai prospectif avec assignation aléatoire à la gestion première des voies aériennes avancées ou du traitement vasopresseur serait nécessaire afin de pouvoir comparer les différences de ces séquences.
References
Henry E. Wang, Mohamud R. Daya, Robert Schmicker et al. Vasopressor or advanced airway first in cardiac arrest? Resuscitation, Volume 205, 2024, 110422, ISSN 0300-9572, https://doi.org/10.1016/j.resuscitation.2024.110422.
Dr Philippe Tellier | 07 Janvier 2025
jim.fr
Parmi les antalgiques largement prescrits dans la pratique médicale courante, le paracétamol est certainement celui qui bénéficie de la plus grande mansuétude. Certes, il n’est pas dénué d’effets indésirables, notamment d’une toxicité hépatique dose-dépendante qui amène à limiter son usage en posologie comme en durée. Il est au demeurant contre-indiqué en cas d’insuffisance hépatocellulaire. Son acceptabilité, dans le cadre d’une prescription régulée, peut être considérée comme globalement satisfaisante, mais une étude britannique amène à reconsidérer, dans une certaine mesure, la liste des évènements indésirables qui peuvent lui être imputés, tout particulièrement chez le sujet âgé.
Une étude rétrospective cas-témoins : plus de 150 000 participants
Il s’agit d’une étude rétrospective, du type cas-témoins, basée sur les données de la Clinical Practice Research Datalink (CPRD-GOLD). Deux cohortes ont été initialement constituées, l’une composée de 180 483 utilisateurs de paracétamol, l’autre de 402 478 non-utilisateurs. Tous les participants étaient âgés d’au moins 65 ans et suivis par des médecins généralistes depuis au moins 12 mois, entre 1998 et 2018.
L’exposition au médicament a été définie par l’existence répertoriée d’au moins deux prescriptions sur une période de six mois. L’analyse des données a reposé sur le modèle des risques proportionnels de Cox, deux groupes dérivés des cohortes précédentes étant appariés selon la méthode du risque de propension, soit un total de 158 048 participants (79 024 dans chaque groupe ; âge moyen 75 ± 8 ans ; femmes : 62 %), le suivi moyen étant de 1 ± 4,62 années.
Un risque relatif un peu accru de complications digestives ou rénales
L’exposition au paracétamol a été ainsi associée à un léger surrisque de complications digestives hautes (perforation d’un ulcère, ulcération aiguë, saignement), le hazard ratio ajusté (HRa) correspondant étant estimé à 1,24 (IC 95 %, 1,16-1,34). La même tendance a été observée pour ce qui est ulcères gastroduodénaux non compliqués (HRa 1,20 ; IC 95 %, 1,10-1,31) ou encore des hémorragies digestives basses (HRa 1,36 ; IC 95 %, 1,29-1,46). De manière plus atténuée, a été mis en évidence un risque quelque peu accru d’insuffisance cardiaque (HRa 1,09 ; IC 95 %, 1,06-1,13), d’hypertension artérielle (aHR 1,07 ; IC 95 %, 1,04-1,11) ou encore d’insuffisance rénale chronique (HRa 1,19; IC 95 %, 1,13-1,24).
Une ébauche de relation dose-effet a par ailleurs été mise en évidence, le taux d’évènements indésirables étant lié au nombre de prescriptions, notamment pour ce qui est du risque d’ulcères gastroduodénaux et de maladie rénale chronique. Ce dernier s’est par ailleurs avéré plus élevé en cas d’arthrose documentée.
Les résultats de cette étude, qui porte sur un effectif conséquent, incite à réévaluer l’acceptabilité du paracétamol chez le sujet âgé. Faut-il continuer à le prescrire dans le traitement de première ligne des douleurs chroniques notamment quand elles sont d’origine arthrosique ? La question peut se poser, mais il faut tout de même souligner que l’étude en question, pour robuste qu’elle soit en termes d’effectifs, n’est en rien contrôlée et qu’il pourrait exister des biais multiples dans la constitution des deux groupes comparés. La méthode du score de propension ne permet pas de corriger tous ces biais, loin s’en faut, même si, dans le cas de cette étude, le nombre et le type des facteurs de confusion potentiels pris en compte dans les ajustements statistiques sont conséquents.
Si l’on en croit ces résultats, l’exposition prolongée du sujet âgé au paracétamol ne serait pas dénuée de risques, mais le lien de causalité reste à établir, ce que ne permettent pas les études d’observation transversales, du type cas-témoins. Une interférence avec la synthèse de la prostacycline pourrait contribuer à la genèse de ce surrisque, ce qui reste à vérifier.
Un signal faible à prendre en compte
Le signal est faible, mais il mérite d’être pris en compte, à chaque fois que l’indication d’un traitement antalgique se discute chez le sujet âgé, a fortiori face à des douleurs chroniques qui sont à l’origine de prescriptions potentiellement itératives. Le rapport bénéfice/risque doit être soigneusement évalué au cas par cas, le recours à d’autres solutions que la pharmacothérapie étant toujours à envisager, tout particulièrement dans les populations dites vulnérables, avec en filigrane des comorbidités et des facteurs de risque souvent nombreux.
Le rôle d'un signal faible est d'attirer l'attention, sans pour autant déclencher des réactions disproportionnées. Le besoin d’études complémentaires pour confirmer ces résultats apparaît clairement, mais en attendant, la vigilance est de rigueur et l’utilisation trop systématique du paracétamol chez le sujet âgé ne peut être que déconseillée, une recommandation déjà en vigueur avant les résultats de cette étude.
References
Kaur J, Nakafero G, Abhishek A, et al. Incidence of Side Effects Associated With Acetaminophen in People Aged 65 Years or More: A Prospective Cohort Study Using Data From the Clinical Practice Research Datalink. Arthritis Care Res (Hoboken). 2024 Nov 24. doi: 10.1002/acr.25471.
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Arrêt cardiaque extrahospitalier : prioriser la gestion des voies aériennes ou les vasopresseurs ?
Dr Bernard-Alex Gauzere | 03 Janvier 2025
jim.fr
L'arrêt cardio-respiratoire extrahospitalier (ACEH) touche chaque année plus de 300 000 adultes aux États-Unis, dont seul 1 sur 10 survit. Bien que les recommandations en termes de réanimation mettent l'accent sur l'administration précoce de vasopresseurs et la gestion avancée des voies aériennes, leur séquence optimale reste floue.
La gestion des voies aériennes dans l'ACEH comporte l'intubation endotrachéale (ETI) et le contrôle des voies aériennes supra-glottiques par les tubes laryngés (LT). Il a été montré que l'administration précoce de vasopresseurs (adrénaline ou vasopressine) est associée à davantage de retours à la circulation spontanée (RCS) et à une meilleure survie.
Par quoi commencer ?
Ces deux procédures potentiellement complexes peuvent entraîner des retards mutuels et influencer les soins parallèles de réanimation cardio-respiratoire (compressions thoraciques, ventilation). L'essai PART(Pragmatic Airway Resuscitation Trial) a montré qu'une stratégie de gestion des voies aériennes consistant en une LT initiale était associée à de meilleurs résultats après un ACEH qu'une ETI initiale, notamment en termes de survie à 72 heures, de survie à l'hôpital et de survie à l'hôpital avec un état neurologique satisfaisant.
L'objectif de cette étude était de déterminer les associations entre la séquence relative de l'administration de vasopresseurs par rapport à la gestion avancée des voies aériennes, et les résultats après un ACEH dans l'essai PART.
Pour chaque patient, les auteurs ont déterminé l'heure de la première administration d'un vasopresseur et l’insertion réussie du tube laryngé ou endotrachéal. Chaque cas a été classé selon qu'il s'agissait d'une administration première de vasopresseur ou d'une gestion réussie des voies aériennes.
Des équations d'estimation généralisées ont été utilisées afin de déterminer les associations entre la séquence vasopresseurs-voies aériennes et les résultats (survie à 72 heures, RCS à l'arrivée aux Urgences, survie jusqu'à la sortie de l'hôpital, survie à l'hôpital avec un état neurologique satisfaisant) et la RCP en dehors des paramètres recommandés (fraction de compression thoracique < 0,8 ; taux de compression thoracique < 100 ou > 120 par min ; ou taux de ventilation < 8 ou > 12 respirations/min), en ajustant pour les facteurs de confusion.
Aucune différence notable
Parmi les 3004 patients de l'essai principal, 2404 ont été analysés, dont 1821 avec administration de vasopresseurs en premier et 583 avec contrôle avancé des voies aériennes initial. Les durées médianes d'intervention étaient : début des soins avancés de réanimation / vasopresseurs : 8 min (IQR 6-11), début des soins avancés de réanimation / contrôle avancé des voies aériennes : 11 min (IQR 8-15).
Par rapport à la séquence « voies aériennes en premier », la séquence « vasopresseur en premier » n'a pas été associée à la survie à 72 heures (OR ajusté 0,96 ; IC 95 % : 0,71-1,31), au RCS (0,83 ; 0,66-1,06), à la survie hospitalière (1,09 ; 0,68-1,73) ou à la survie hospitalière avec un état neurologique satisfaisant (0,97 ; 0,53-1,78). La séquence « vasopresseur en premier » n'a pas été associée au non-respect des paramètres de performance recommandés pour la RCP.
Dans cette analyse des données de l'essai PART, la séquence de réanimation débutant par les vasopresseurs et se poursuivant par le contrôle avancé des voies aériennes n'a pas été associée à un meilleur pronostic de l’ACEH ou à la qualité de la RCP pratiquée.
Les nombreuses limites de l'étude
L'essai PART avait été conçu pour comparer l'efficacité des stratégies de gestion avancée des voies aériennes (LT et ETI), et non la séquence de gestion avancée des voies aériennes et d'utilisation d’un vasopresseur. Bien qu’il semble que la plupart des SAMU utilisent l'adrénaline plutôt que la vasopressine, l'essai PART n'a pas identifié les vasopresseurs utilisés.
De plus, l'essai ne s’est intéressé qu’à la première dose de vasopresseurs administrée. Les facteurs qui ont incité le personnel des services médicaux d'urgence à donner la priorité à l'administration de vasopresseurs ou au contrôle avancé des voies aériennes ne sont pas précisés. Enfin, il n’a pas été précisé si les vasopresseurs avaient été administrés par voie intraveineuse ou par voie intra-osseuse.
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La santé est un état précaire qui ne laisse augurer rien de bon.
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Re: Articles sur la santé
Vie professionnelle 20 décembre 2024
Géraldine Langlois actusoins
Études infirmières : inscriptions en hausse, abandons en débat
Les données sur les études paramédicales, notamment dans la filière infirmière, publiées par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) du ministère de la santé mettent en lumière l’augmentation du nombre d’inscrits en Ifsi et un taux d’interruption d’études important. Mais pour le Comité d’entente pour les formations infirmières et cadres (Cefiec), ces éléments sont à nuancer.
Le nombre d’étudiants inscrits en première année d’IFSI est passé de 96 285 en 2022 à 100 138 en 2023, soit une hausse de 4% en un an. C’est la formation paramédicale qui enregistre la plus forte hausse d’inscrits en première année sur cette période, indique la Drees dans son étude annuelle sur ce sujet publiée en cette fin d’année.
Les données recueillies auprès des établissements de formation montrent que les inscriptions en formation d’infirmier puériculteur sont celles qui connaissent la plus forte baisse (-12%).
En termes de diplômés, c’est dans la formation IADE que l’augmentation est la plus forte, avec une hausse de 14% entre 2022 et 2024, tandis que le nombre de diplômés diminue chez les infirmiers puériculteurs (-6%) et les Ibode (-4%). La baisse du nombre de diplômés chez les infirmières est plus limitée : – 1%. « Cette baisse s’explique en partie par la diminution du nombre d’étudiants se présentant finalement aux examens, en raison du nombre d’inscrits interrompant leurs études », indique la Drees.
Taux élevé d’interruptions d’études
Selon ses données, les études en IFSI font partie des formations paramédicales où le taux d’interruption de scolarité en cours de première année est le plus élevé (14%) où l’on observe les plus forts taux d’interruption par promotion (c’est-à-dire sur l’ensemble des années durant lesquelles ces étudiants suivent leur formation). La Drees évoque ainsi un chiffre de 20% d’étudiants qui ont commencé une formation pour devenir infirmiers et l’ont interrompue avant son terme.
Selon cette étude, 8% des étudiants de première année en 2023 ont interrompu provisoirement leurs études (un taux en légère augmentation par rapport à 2022) et 5% l’ont fait de manière définitive (un taux en légère hausse).
Les raisons personnelles (problèmes de santé, motifs familiaux ou autres) sont la première raison invoquée lors des interruptions provisoires alors que le changement d’établissement ou la réorientation sont à l’origine de la grande majorité des interruptions définitives, sans qu’il soit possible de distinguer les deux motifs. Or dans un cas, les étudiants poursuivent des études dans un autre Ifsi alors que dans l’autre ils s’orientent vers une autre formation.
Nuances
Le Comité d’entente des formations infirmières et cadres (Cefiec) s’interroge sur les chiffres présentés par la Drees au sujet des interruptions, notamment. « Sur d’autres aspects, nous sommes globalement d’accord avec les données, souligne Thomas Bielokopytoff, vice-président du Cefiec, mais on n’arrive pas à savoir d’où provient le taux de 20% d’interruption avant la fin de la formation ».
« Pour nous, c’est flou », résume Astrid Romano, également vice-présidente du comité. Tous deux ont réalisé une enquête comparable – sur un échantillon moins étendu, certes – et n’arrivent pas à ce chiffre.
Ils insistent aussi sur la nécessité d’examiner les interruptions non pas seulement à l’échelle d’une cohorte mais aussi à celle d’une promotion, c’est-à-dire sur le groupe comprenant des étudiants qui suivent leur formation de manière linéaire, en trois ans, mais aussi les redoublants et les étudiants en promotion professionnelle, par exemple (sur une promotion X, il peut y avoir des étudiants de différentes cohortes).
Selon Michèle Appelshaeuser, présidente du Cefiec, le taux « d’abandons » cache donc une autre réalité, car des étudiants inclus dans ces statistiques « sont quand même dans un cursus de formation ».
Face au taux d’interruptions en première année avancé par la Drees, 14%, Thomas Bielokopytoff souligne que « si on regarde la cohorte entrée en Ifsi en 2022, on n’a plus que 79% des primoentrants toujours en études en deuxième année mais on sait où sont les 21% restants. 13% ont interrompu ou arrêté définitivement leurs études mais il y a aussi 6% de redoublants, 0,5% d’étudiants en année de césure qui reviendront l’année suivante, 2,4% qui ont changé d’établissement et qui ne sont plus dans la cohorte de leur Ifsi de départ – mais encore en Ifsi – et 1% qui sont exclus de manière définitive ou temporaire. Au final, il reste 90% de la cohorte encore en formation. »
Les représentants du Cefiec apportent aussi des nuances sur le taux de diplômation. Tout d’abord, les étudiants doivent répondre à des pré-requis pour pouvoir se présenter à la diplômation, insiste Thomas Bielokopytoff, et ils peuvent s’y présenter quatre fois, en juillet, décembre, mars et juillet suivant.
La différence entre promotion et cohorte est là encore importante. « Au fur et à mesure des sessions, le taux d’étudiants de la promotion 2020 qui ont obtenu leur diplôme passe de 66% à 73% puis à 89,15% en juillet 2023 », poursuit le vice-président.
« Si on ne prend en compte que la première session, c’est trop restreint, insiste Michèle Appelshaeuser. Certains étudiants font le choix de ne pas présenter leur dossier tout de suite, de prendre le temps de valider leur mémoire et de se présenter à une autre session et travaillent pendant ce temps comme aide-soignant ou font un stage de rattrapage. »
Certes, ajoute Thomas Bielokopytoff, « les abandons ont doublé en 15 ans et c’est normal qu’on nous questionne à ce sujet. C’est un changement important par rapport au temps où les personnes qui entraient en Ifsi ne faisaient pas machine arrière. Mais quand on regarde les formations de niveau équivalent, en licence, seuls 58% des étudiants entrés en 2020-2021 poursuivent dans la même filière alors que dans Ifsi c’est 90% ».
Géraldine Langlois
Géraldine Langlois actusoins
Études infirmières : inscriptions en hausse, abandons en débat
Les données sur les études paramédicales, notamment dans la filière infirmière, publiées par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) du ministère de la santé mettent en lumière l’augmentation du nombre d’inscrits en Ifsi et un taux d’interruption d’études important. Mais pour le Comité d’entente pour les formations infirmières et cadres (Cefiec), ces éléments sont à nuancer.
Le nombre d’étudiants inscrits en première année d’IFSI est passé de 96 285 en 2022 à 100 138 en 2023, soit une hausse de 4% en un an. C’est la formation paramédicale qui enregistre la plus forte hausse d’inscrits en première année sur cette période, indique la Drees dans son étude annuelle sur ce sujet publiée en cette fin d’année.
Les données recueillies auprès des établissements de formation montrent que les inscriptions en formation d’infirmier puériculteur sont celles qui connaissent la plus forte baisse (-12%).
En termes de diplômés, c’est dans la formation IADE que l’augmentation est la plus forte, avec une hausse de 14% entre 2022 et 2024, tandis que le nombre de diplômés diminue chez les infirmiers puériculteurs (-6%) et les Ibode (-4%). La baisse du nombre de diplômés chez les infirmières est plus limitée : – 1%. « Cette baisse s’explique en partie par la diminution du nombre d’étudiants se présentant finalement aux examens, en raison du nombre d’inscrits interrompant leurs études », indique la Drees.
Taux élevé d’interruptions d’études
Selon ses données, les études en IFSI font partie des formations paramédicales où le taux d’interruption de scolarité en cours de première année est le plus élevé (14%) où l’on observe les plus forts taux d’interruption par promotion (c’est-à-dire sur l’ensemble des années durant lesquelles ces étudiants suivent leur formation). La Drees évoque ainsi un chiffre de 20% d’étudiants qui ont commencé une formation pour devenir infirmiers et l’ont interrompue avant son terme.
Selon cette étude, 8% des étudiants de première année en 2023 ont interrompu provisoirement leurs études (un taux en légère augmentation par rapport à 2022) et 5% l’ont fait de manière définitive (un taux en légère hausse).
Les raisons personnelles (problèmes de santé, motifs familiaux ou autres) sont la première raison invoquée lors des interruptions provisoires alors que le changement d’établissement ou la réorientation sont à l’origine de la grande majorité des interruptions définitives, sans qu’il soit possible de distinguer les deux motifs. Or dans un cas, les étudiants poursuivent des études dans un autre Ifsi alors que dans l’autre ils s’orientent vers une autre formation.
Nuances
Le Comité d’entente des formations infirmières et cadres (Cefiec) s’interroge sur les chiffres présentés par la Drees au sujet des interruptions, notamment. « Sur d’autres aspects, nous sommes globalement d’accord avec les données, souligne Thomas Bielokopytoff, vice-président du Cefiec, mais on n’arrive pas à savoir d’où provient le taux de 20% d’interruption avant la fin de la formation ».
« Pour nous, c’est flou », résume Astrid Romano, également vice-présidente du comité. Tous deux ont réalisé une enquête comparable – sur un échantillon moins étendu, certes – et n’arrivent pas à ce chiffre.
Ils insistent aussi sur la nécessité d’examiner les interruptions non pas seulement à l’échelle d’une cohorte mais aussi à celle d’une promotion, c’est-à-dire sur le groupe comprenant des étudiants qui suivent leur formation de manière linéaire, en trois ans, mais aussi les redoublants et les étudiants en promotion professionnelle, par exemple (sur une promotion X, il peut y avoir des étudiants de différentes cohortes).
Selon Michèle Appelshaeuser, présidente du Cefiec, le taux « d’abandons » cache donc une autre réalité, car des étudiants inclus dans ces statistiques « sont quand même dans un cursus de formation ».
Face au taux d’interruptions en première année avancé par la Drees, 14%, Thomas Bielokopytoff souligne que « si on regarde la cohorte entrée en Ifsi en 2022, on n’a plus que 79% des primoentrants toujours en études en deuxième année mais on sait où sont les 21% restants. 13% ont interrompu ou arrêté définitivement leurs études mais il y a aussi 6% de redoublants, 0,5% d’étudiants en année de césure qui reviendront l’année suivante, 2,4% qui ont changé d’établissement et qui ne sont plus dans la cohorte de leur Ifsi de départ – mais encore en Ifsi – et 1% qui sont exclus de manière définitive ou temporaire. Au final, il reste 90% de la cohorte encore en formation. »
Les représentants du Cefiec apportent aussi des nuances sur le taux de diplômation. Tout d’abord, les étudiants doivent répondre à des pré-requis pour pouvoir se présenter à la diplômation, insiste Thomas Bielokopytoff, et ils peuvent s’y présenter quatre fois, en juillet, décembre, mars et juillet suivant.
La différence entre promotion et cohorte est là encore importante. « Au fur et à mesure des sessions, le taux d’étudiants de la promotion 2020 qui ont obtenu leur diplôme passe de 66% à 73% puis à 89,15% en juillet 2023 », poursuit le vice-président.
« Si on ne prend en compte que la première session, c’est trop restreint, insiste Michèle Appelshaeuser. Certains étudiants font le choix de ne pas présenter leur dossier tout de suite, de prendre le temps de valider leur mémoire et de se présenter à une autre session et travaillent pendant ce temps comme aide-soignant ou font un stage de rattrapage. »
Certes, ajoute Thomas Bielokopytoff, « les abandons ont doublé en 15 ans et c’est normal qu’on nous questionne à ce sujet. C’est un changement important par rapport au temps où les personnes qui entraient en Ifsi ne faisaient pas machine arrière. Mais quand on regarde les formations de niveau équivalent, en licence, seuls 58% des étudiants entrés en 2020-2021 poursuivent dans la même filière alors que dans Ifsi c’est 90% ».
Géraldine Langlois
je ne sais pas s'il faut se féliciter de l'augmentation des diplômés IADE, quand on sait que le niveau baisse, que les notes ont été augmentées et que la moyenne abaissée pour entrer à l'école IADE notamment à l'APHP. D'autant que même en étant 15e (promotion APHP 2022-2024) ou pire, 35e (promotion APHP 2024-2026) sur liste complémentaire, on arrive malgré tout à entrer à l'école, alors que clairement, l'agent n'a pas le niveau requis. Les écoles font du remplissage au détriment de la qualité. On se demande si la profession est vraiment défendue avec ce genre de pratique...En termes de diplômés, c’est dans la formation IADE que l’augmentation est la plus forte, avec une hausse de 14% entre 2022 et 2024, tandis que le nombre de diplômés diminue chez les infirmiers puériculteurs (-6%) et les Ibode (-4%).
La santé est un état précaire qui ne laisse augurer rien de bon.
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Re: Articles sur la santé
Hôpitaux grippés : l’éternel recommencement
Aurélie Haroche | 10 Janvier 2025
jim.fr
Si vous avez l’impression de relire sans cesse le même article, rassurez-vous ce n’est pas que ChatGPT est à la manœuvre ni que vous auriez dû finalement vous astreindre au Dry January pour reposer votre esprit des excès des fêtes de fin d’année. Le même article se réécrit en effet depuis des années, quand vient l’hiver et avec lui son lot de maladies infectieuses respiratoires aiguës (IRA).
« Urgences débordées », « patients attendant sur des brancards », « plans blancs déclenchés », « soignants désemparés » : la litanie est sans fin. « L’histoire se répète toujours deux fois, la première comme une tragédie, la seconde comme une farce ».
Concernant les urgences médicales en France, l’adaptation de cette citation de Karl Marx donnerait : « l’histoire se répète tous les ans, illustrant la tragédie humaine du déclin du système de santé français et la farce de l’impuissance politique à le redresser », écrit sur le site The Conversation, Frédéric Bizard, professeur de macroéconomie, spécialiste des questions de protection sociale et de santé.
Une catastrophe ? Un désastre imprévu ? Non, la grippe
Ainsi, 2025 ne déroge pas à la règle. Quatre-vingt-sept établissements de santé ont déclenché leur plan blanc selon le dernier décompte du ministère de la Santé. Au programme pour ces hôpitaux qu’une parfaitement prévisible épidémie de grippe a encore une fois ébranlés : déprogrammation de certaines interventions non urgentes, ouverture d’unités spéciales, rappel de professionnels en congés.
Alors que ces mesures se mettent en place, les projecteurs sont soudainement braqués sur ces couloirs où les patients affluent, les mêmes questions sont à nouveau posées, les responsables louent la résilience des soignants et affirment réfléchir à de nouveaux financements et organisations, et tout recommence encore.
On prend les mêmes et on ne vaccine toujours pas
La pandémie de Covid ne nous aura rien appris, se désolent sur X de nombreux professionnels de santé. Pas question bien sûr de décider d’un confinement à chaque nouvelle épidémie d’IRA, mais les réflexes qui permettraient de limiter la circulation des virus sont loin d’avoir été adoptés. Ainsi, en est-il par exemple du port du masque pour les personnes fragiles ou en contact avec des personnes fragiles, ou de la restriction des contacts sociaux, notamment avec les sujets atteints de pathologies chroniques ou âgés, quand on se pense atteint d’une infection virale.
Plus encore, les vaccinations contre la grippe et contre la Covid sont en recul, d’au moins 5 % selon les chiffres de fin novembre, alors qu’elles étaient déjà largement insuffisantes la saison précédente. « Ce matin aux urgences du CHU de Limoges, c’était vraiment beaucoup de grippe, des soignants épuisés et un nombre important de patients atteints d’infections respiratoires aiguës. Et dire qu’il existe un vaccin qui pourrait éviter ces formes graves : 30 % sont vaccinés seulement », se désole ainsi sur X le professeur de pneumologie François Vincent.
« Le Samu se fait exploser avec 30 % d’appels en plus, il n’y a plus de lits d’hospitalisation, encore moins de places de réanimation et les urgences débordent… Vraiment dommage alors que le vaccin contre la grippe existe et qu’il est bien toléré », lui fait écho un médecin urgentiste qui écrit sous le compte Horse and Doc.
La pertinence de la vaccination pour atténuer le débordement des services hospitaliers est parfaitement illustrée par les données concernant les personnes en réanimation pour grippe et Covid : « Concernant la grippe, parmi les 228 cas pour lesquels le statut vaccinal était renseigné, 79 % n’étaient pas vaccinés contre la grippe. (…) Parmi les 208 cas de Covid-19, 91 % étaient âgés de 18 ans et plus. Parmi eux, la majorité étaient des hommes et la présence d’au moins une comorbidité était reportée pour 89 % des cas. Parmi les 143 cas pour lesquels le statut vaccinal était renseigné, 92 % n’étaient pas vaccinés contre le Covid », écrit Santé publique France.
Les ministres et les enfants aux abonnés absents
Cependant, en cette période d’instabilité gouvernementale, c’est le service minimum qui a prévalu concernant l’incitation à la vaccination anti-grippale et anti-Covid. Aucune nouvelle réflexion n’a été engagée sur la pertinence d’une obligation vaccinale pour les professionnels de santé, en particulier ceux exerçant dans les établissements accueillant des personnes âgées dépendantes.
De la même manière, alors qu’il y a déjà deux ans, en février 2023, la Haute Autorité de Santé recommandait que la vaccination contre la grippe soit proposée tous les ans aux enfants âgés de 2 à 17 ans, comme cela est le cas dans d’autres pays voisins, notamment en Grande-Bretagne, championne de la vaccination contre les infections saisonnières, aucune impulsion politique n’a été constatée sur ce terrain.
Pourtant, l’immunosénescence et ce que l’on sait de la circulation virale inciteraient à aller dans ce sens. Alors que cette année, il est observé qu’un nombre plus important d’enfants sont concernés par la grippe, on mesure plus encore combien une véritable impulsion politique a manqué (l’instabilité rue de Ségur y est sans doute pour quelque chose).
Fermetures de lits : une évolution qui ne se dément pas
L’autre versant qui semble n’avoir connu aucune évolution en dépit de l’électrochoc qu’aurait dû être la pandémie de Covid, c’est l’organisation des urgences et des établissements hospitaliers. Le même engorgement est ainsi constaté d’année en année, sans que les programmes Ségur et les autres plans de refondation n’aient semble-t-il apporté le moindre correctif. D’abord, on a continué à fermer des lits avec 4900 lits en moins en 2023. Bien sûr, cette évolution est liée à la progression des activités ambulatoires et aussi à un léger recul de l’activité hospitalière qui n’a jamais retrouvé son niveau complet d’avant la Covid. Cependant, elle méconnaît ce qui attend l’hôpital et ce dont il souffre déjà : la progression des maladies chroniques et plus encore le poids du vieillissement de la population.
Un système illisible, inefficace…
Par ailleurs, les organisations qui ont été testées ne semblent guère avoir porté leurs fruits, qu’il s’agisse du Service d’accès aux soins, ou des maisons médicales à horaires élargis. À propos de ces dernières, qui ont vu leur tarif fortement baisser à la faveur de l’entrée en vigueur de la nouvelle convention et dont certaines ont, en guise de protestation, fermé leurs portes pendant les vacances de fin d’année (!) un urgentiste ironise sur X : « Alors petit bilan de cette fermeture des centres de Soins Non Programmés à Marseille. Les urgences ont-elles survécu ? (Pour mémoire, ils font plus de 2000 consultations/j à Marseille). Du 22/12 au 29/12, il y a eu 7 patients de plus aux urgences Timone qu’en 2023. Fin de la blague ». Expéditif, le rapport suggère que ce qui est présenté comme une solution de désengorgement n’est nullement identifié par les patients comme une réelle alternative aux urgences. D’ailleurs, dans un rapport publié en novembre dernier, la Cour des Comptes avait épinglé le manque de lisibilité du système. « Le public, auquel le service des urgences s’adresse, sera d’autant plus enclin à en user de manière strictement utile qu’il sera informé de manière transparente », avaient noté les magistrats.
Et probablement injuste
Quant aux services d’accès aux soins, censés prévoir une régulation par le 15 avant tout passage aux urgences ou dans certaines maisons médicales, ils ont également manqué leur cible, selon ceux-là même qui en espéraient beaucoup. Dans une tribune publiée cette semaine dans Le Monde, les médecins urgentistes Enrique Casalino et Mathias Wargon reconnaissent ainsi : « Face à cette situation qui perdure, certains, politiques ou urgentistes, pensent avoir trouvé la solution avec la régulation. Il s’agit d’obliger les patients à appeler le 15 avant de se rendre aux urgences : à l’autre bout du fil, le service d’accès aux soins (SAS) lui délivrera le sésame qui lui permettra d’y entrer. Moins de patients, moins de bobologie, moins de pression, davantage de « vrais » patients pour des « vraies » urgences. (…) Et nous préconisions d’ailleurs, avec d’autres collègues, le recours à cette stratégie dans une tribune au Monde parue en 2019 ». Mais force est de constater aujourd’hui que la situation ne s’est pas améliorée de façon tangible. « Certains se félicitent que le filtrage d’accès aux urgences ait permis une baisse de l’activité des services qui l’ont mis en place. Logique implacable. L’impact sur les structures aux alentours qui ne filtrent pas (encore) n’a, lui, pas été mesuré. Quoi qu’il en soit, la réglementation de l’accès aux urgences n’a aucun impact sur les fameux « lits brancards » (ces patients qui attendent indéfiniment dans un couloir une hypothétique place dans un service), car ces patients font partie des « vraies » urgences ». Par ailleurs, éthiquement, le fonctionnement est discutable : « Peut-on se réjouir d’un système d’urgences-boîte de nuit où ne rentreraient que des patients VIP, filtrés en amont par une organisation complexe d’assistants de régulation et de médecins urgentistes et généralistes assurant une fonction d’aiguillage du système plutôt que des consultations ? Doit-on vraiment renoncer à un accueil aux urgences de tous les patients, alors que des infirmières formées à l’accueil et disposant d’une expérience du tri pourraient réorienter certains d’entre eux après une vraie évaluation et en suivant des recommandations nationales ? (…) Dans ce système, qu’advient-il de l’éthique, du service public, de l’humanité ? ».
Des services d’urgences à trente minutes… à ne surtout pas consulter
Les deux praticiens notent en outre les injonctions contradictoires qui dominent les discours sur les urgences : « Réglementer l’accès aux services d’urgence pose des questions fondamentales qu’il nous faut aborder collégialement, dans une discussion incluant toutes les parties prenantes : professionnels de santé, structures de soins, agences régionales de santé, patients, élus. Le message actuel – « Il faut des services d’urgence à moins de trente minutes de chez vous, mais attention, vous ne pourrez peut-être pas y avoir accès » – est en effet peu compréhensible, voire paradoxal, pour la population comme pour les professionnels, et doit être clarifié. Une telle discussion pourrait permettre de souligner que la régulation fait payer au patient une situation (l’engorgement des urgences) dont il n’est pas responsable, et dont les causes sont à chercher dans le vieillissement de la population, l’augmentation des maladies chroniques, les déserts médicaux, la fuite des personnels, les erreurs et les errances managériales dans la gouvernance du système de santé. Plutôt que de limiter l’accès aux soins, les SAS avaient pour vocation d’assurer la qualité de la prise en charge et la bonne orientation des patients, comme en Europe du Nord. Ils deviennent désormais gardiens des urgences (car passage obligé des soins non programmés) ou distributeurs de tickets pour les maisons médicales de garde, comme on le voit dans certains départements ».
Vous avez dit flexibilité ?
Ce constat établi, la solution reste à trouver. « Pour rendre impactantes les mesures sectorielles des urgences, les pouvoirs publics doivent prendre conscience de l’absolue nécessité de procéder rapidement à la refonte de notre système de santé. (…) À titre d’exemple, trois mesures systémiques conduiraient à rendre la gestion des urgences hospitalières durablement fluide.
La première serait la mise en place d’un service public territorial de santé, délivré par les professionnels de santé privés et publics, à l’échelle de quelques 300 territoires de santé couvrant tout le pays. (…) La seconde serait la flexibilisation des carrières professionnelles des praticiens hospitaliers et du personnel paramédical, leur ouvrant la possibilité de travailler à temps partiel à l’hôpital et le reste du temps dans le territoire de santé. (…) Enfin, la réorganisation de l’hôpital verrait entre autres une gouvernance avec un duo médical et administratif (comme dans les centres anti-cancer), qui déléguerait largement la prise de décision et la gestion des ressources humaines et financières à l’échelle des services. Cette responsabilisation des professionnels redonnerait du sens à leur mission et verrait une anticipation plus forte, dans les services, des évolutions des besoins de santé grâce au contact avec le terrain », préconise Frédéric Bizard.
Cette ordonnance, assez généraliste, pourrait-elle être efficace ? En tout état de cause, elle reste difficile à envisager en une période où l’on ne peut déterminer si le ministre actuel sera encore là dans 15 jours pour anticiper les effets de la prochaine grippe. Dans un éternel recommencement.
On pourra relire :
La tribune d’ Enrique Casalino et Mathias Wargon : https://www.lemonde.fr/idees/article/20 ... _3232.html
La tribune de Frédéric Bizard : https://theconversation.com/la-crise-de ... ais-238440
Le compte X de François Vincent : https://x.com/pr_f_vincent
Le compte X de Horse and Doc : https://x.com/pallia_doc
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Qu’est-ce qui est un jeu d’enfant ?
Frédéric Haroche | 10 Janvier 2025
Dans son dernier numéro de l’année, consacré traditionnellement à des études insolites, le BMJ (British Medical Journal) a ouvert ses colonnes à une équipe de Leeds, qui avait pour objectif de comparer la dextérité et le sang froid de 4 catégories de personnels hospitaliers : médecins, chirurgiens, infirmiers et personnels administratifs.
Pour ce faire, elle a soumis 254 personnels de l’hôpital public de Leeds, en Angleterre (60 médecins, 64 chirurgiens, 69 infirmiers/infirmières et 61 membres du personnel non clinique) au jeu du « fil électrique » ou du « fil conducteur ».
Ce jeu, bien connu des enfants et des kermesses, est basé sur un circuit métallique sinueux électrisé (souvent en forme de fil de fer courbé et tordu) sur lequel les joueurs doivent déplacer un anneau métallique relié à une poignée, sans toucher le fil conducteur. Le but est de parcourir tout le fil de départ à l'arrivée, en évitant de déclencher un signal sonore ou visuel.
Les critères d’évaluation de l’étude étaient le temps d’accomplissement de l’exercice…et le nombre de jurons et de « bruits de frustration » prononcés pendant sa réalisation !
Scoop : les chirurgiens sont adroits
Parmi les 254 membres du personnel hospitalier ayant participé, les chirurgiens ont obtenu des taux de réussite significativement plus élevés dans l'accomplissement du jeu en moins de cinq minutes (84 %, n=54) par rapport aux médecins (57 %, n=34), aux infirmiers/infirmières (54 %, n=37) et au personnel non clinique (51 %, n=31) (P<0,001).
En revanche, les chirurgiens ont exprimés le taux le plus élevé de jurons pendant le jeu (50 %, n=32), suivis des infirmiers/infirmières (30 %, n=21), des médecins (25 %, n=15) et du personnel non clinique (23 %, n=14) (P=0,004). Les salariés non cliniques ont présenté le plus grand nombre de bruits de frustration (75 %), suivi des infirmiers/infirmières (68 %), des chirurgiens (58 %) et des médecins (52 %) (P=0,03).
Adroit et pas avare de jurons, on reconnaît bien là la confrérie des chirurgiens.
References
Joseph T et coll. Dexterity assessment of hospital workers: prospective comparative study BMJ 2024. doi:10.1136/bmj-2024-081814
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Sur les traces de la grande simulatrice
Quentin Haroche | 10 Janvier 2025
jim.fr
Naples 1495. L’armée française de Charles VIII assiège la ville depuis plusieurs mois lorsque les soldats sont frappés d’un mal étrange qui les décime. Les coupables sont tous désignés : la maladie a été ramené par des mercenaires espagnols et leurs mœurs dissolues. Dans les années qui suivent, le « mal de Naples » ou « mal des Français » va se répandre à travers l’Europe. La syphilis fait son apparition.
La syphilis fait son apparition.
Plus de 400 ans après cette première épidémie, en 1905, la bactérie responsable de cette maladie est identifiée, Treponema pallidum ou tréponème pâle (également à l’origine du béjel et du pian). Mais comment cette bactérie est-elle arrivée en Europe ?
Deux théories s’opposent depuis des siècles, sans que l’une ou l’autre n’ait pu être confirmée. D’un côté, l’hypothèse colombienne suppose que la syphilis a été importée en Europe depuis l’Amérique. Parmi les mercenaires espagnols du siège de Naples, on trouvait en effet des compagnons de route de Christophe Colomb, qui avait découvert l’Amérique trois ans auparavant. Déjà dans Candide en 1759, Voltaire évoque cette hypothèse colombienne.
Le tréponème présent en Amérique depuis des milliers d’années ?
L’autre théorie sur l’origine de la syphilis, dite précolombienne, veut que la maladie existât en Europe avant la découverte de l’Amérique. Les tenants de cette hypothèse rapportent plusieurs récits d’épidémies par des auteurs antiques ou médiévaux où ce qui est assimilé à des cas de lèpre ressemblent en réalité fortement à la syphilis. Le fait que la maladie n’ait été identifiée que quelques années après la découverte de l’Amérique ne serait alors qu’un hasard.
Les progrès de la recherche scientifique et de la paléogénétique vont peut-être permettre de résoudre un jour l’un des plus vieux mystère de l’histoire de la médecine. Dans un article publié dans la revue Nature le 18 décembre dernier, des chercheurs de l’institut Max Planck de Leipzig ont rapporté leurs dernières découvertes sur le sujet.
Ils ont analysé des squelettes retrouvés un peu partout en Amérique latine (Mexique, Chili, Pérou, Argentine) datant du XIIIème siècle (soit avant l’arrivée des Européens au Nouveau Monde) dans lesquels ils ont trouvé des traces de cinq génomes différents de tréponèmes.
« Les auteurs de l’étude ont découvert une diversité génétique importante, avec des souches correspondant aux formes actuelles de la syphilis et d’autres souches éteintes » explique pour France culture Olivier Dutour, spécialiste en anthropologie biologique. « Ils situent le tronc commun des différentes souches de la syphilis en Amérique autour de 5 000 avant notre ère et la divergence des souches, d’où proviennent les tréponèmes actuels, aux environs de 3 000 avant notre ère ».
Le mystère reste entier
L’étude de l’Institut Max Planck prouve donc que la syphilis préexistait en Amérique la venue de Christophe Colomb, sans doute depuis plusieurs milliers d’années et que le tréponème y présentait une grande diversité génétique. Mais cela n’exclut pas la possibilité que le tréponème existait à la même époque dans l’Ancien monde. « Ça ne résout pas le problème de l’origine américaine ou non de la syphilis » résume Olivier Dutour.
Même si cette étude donne du grain à moudre aux tenants de l’hypothèse colombienne, il faudra sans doute, les chercheurs de l’institut Max Planck le reconnaissent, des études génétiques plus poussés en Amérique et en Europe pour tenter d’apporter une réponse définitive à ce mystère scientifique preuve que la grande simulatrice a plus d’un tour dans son sac.
Rappelons s’il en était besoin que la syphilis n’est pas totalement reléguée aux livres d’histoire : en octobre dernier, une étude de Santé Publique France (SPF) rapportait une hausse importante des cas en France en 2023.
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Rétractation de l’étude fondatrice HCQ et Covid : fin de partie pour les charlatans ?
Aurélie Haroche | 20 Décembre 2024
jim.fr
Paris, le vendredi 20 décembre 2024 – « Sur la plateforme collaborative de PubPeer, sur laquelle les chercheurs du monde entier peuvent commenter les études scientifiques, l’effarement est général face à des travaux d’une hallucinante faiblesse (« un design expérimental exceptionnellement pauvre »…) (…) Les tests employés pour évaluer l’efficacité du traitement (mesure de la charge virale) ne sont pas fiables d’un jour à l’autre. Alors que l’essai impliquait le traitement effectif de 26 patients (chloroquine seule ou en combinaison avec l’azithromycine) (…), le suivi n’a été mené que sur 20 d’entre eux. (…) Les groupes traités par chloroquine sont comparés à un groupe suivi dans un autre établissement, sans aucune garantie que les protocoles permettant d’évaluer la charge virale soient les mêmes, ou menés avec la même rigueur. Alors que l’essai avait pour objectif secondaire de renseigner sur l’efficacité du traitement en termes de fièvre, de normalisation du rythme respiratoire, sur la durée moyenne d’hospitalisation et sur la mortalité… l’étude publiée n’en fait pas cas. Une partie des patients non traités n’ont pas bénéficié d’une mesure de charge virale de façon quotidienne, les données publiées étant « extrapolées » sur la base de données des jours suivants ».
Fracture originelle
Nous sommes seulement quelques jours après la publication par l’équipe du professeur Didier Raoult de son étude Hydroxychloroquine and azithromycin as a treatment of COVID-19: results of an open-label non-randomized clinical trial dans l’International Journal of Antimicrobial Agents et déjà tout est là. Sur son blog, Curiologie, le journaliste scientifique Florian Gouthière énumère plusieurs des évidents manquements méthodologiques de ces travaux dont la force probante est particulièrement faible mais qui ont pourtant déjà emporté la conviction de milliers de personnes dans le monde.
Symbolisant une claire fracture entre une large part de la communauté scientifique et une poignée de professionnels ayant choisi de prendre leurs distances avec les règles de la médecine basée sur les preuves, ils sont nombreux à partager les critiques de Florian Gouthière. Aussi sont-ils les cibles des attaques virulentes des défenseurs du professeur Didier Raoult sur les réseaux sociaux.
Sans doute leur influence, mais aussi le soutien politique dont le médecin marseillais a bénéficié expliquent qu’il aura fallu attendre près de cinq ans, les interventions de nombreux chercheurs (dont les membres notamment de la Société française de pharmacologie et de thérapeutique) et le retrait de trois auteurs de l’étude originelle, pour enfin obtenir cette semaine la rétractation du papier. Les éléments énumérés par la revue font écho aux observations de Florian Gouthière, notamment en ce qui concerne le défaut de fiabilité des tests. La revue insiste également sur l’impossible confirmation du recueil de consentement des patients.
Vœu pieux
La rétractation de l’étude semble avoir eu un retentissement à la hauteur de celle qu’avait eu sa publication. Ainsi, la revue Nature a par exemple consacré sa une à cette « fin de partie » pour reprendre l’expression utilisée par le Professeur Raoult pour affirmer que sa découverte constituait une réponse aussi rapide que définitive face au virus qui terrorisait le monde.
L’importance accordée à cette rétractation, même si dès l’origine, une large partie de la communauté scientifique avait révélé la supercherie est liée aux conséquences désastreuses de cette étude. D’abord, directes : de très nombreux patients ont été inutilement traités par hydroxychloroquine. Si le nombre de patients ayant été les victimes des effets secondaires de ce médicament demeurera sans doute difficile à évaluer (une étude qui avait tenté une première estimation a été rétractée elle aussi pour des raisons méthodologiques), le risque était réel.
Par ailleurs, l’aura de Didier Raoult qui immédiatement est apparu comme un scientifique martyr, méprisé par la doxa, mais à l’écoute des besoins et du bon sens du peuple, a conduit à approfondir la fracture qui existait entre la communauté scientifique et une partie de la population. Le Pr Raoult a attisé le poison de la défiance, notamment vis-à-vis de la vaccination. Une rétractation suffira-t-elle à tout réparer, à inverser la conviction de ceux qui ont toujours soutenu le praticien marseillais ? La science semble laver son honneur par cette action de la revue.
Et certains se plaisent à rêver. Dans une chronique remarquée sur France Inter, l’éditorialiste Patrick Cohen a ainsi commenté : « Un vœu pour finir : puisse cette sinistre affaire Raoult, la plus grande offensive anti-science en France depuis l’affaire Lyssenko… puisse cette histoire nous avoir vacciné une bonne fois -oui vacciné… contre les charlatans ». C’est peu probable.
On ne convertit pas des opposants à la méthodologie scientifique à coup de rétractations
Les réactions de la sphère favorable à Raoult en témoignent rapidement. Beaucoup ont souligné que l’argumentaire de la revue pour justifier la rétractation de l’étude concernait « uniquement » des éléments méthodologiques : défauts de consentement, problèmes de fiabilité des tests (puisque ceux réalisés à Marseille et ceux conduits à Nice ne l’ont pas été sur les mêmes machines et avec les mêmes méthodes), perte de vue des patients etc.
Rien n’a changé : comme en mars 2020, les défenseurs du professeur Raoult refusent d’admettre que c’est le respect des exigences méthodologiques qui fondent la solidité scientifique. Ils continuent à défendre la possibilité d’une science sans protocole, sans modèle, sans groupe contrôle. Et cette rétractation qui ne dit pas clairement « les résultats sont faux » (car ce n’est pas son objet) n’est nullement apte à les confondre.
Des soutiens dévastateurs
Par ailleurs, le temps écoulé entre la publication de l’étude et son retrait qui se veut un gage d’indépendance est aussi un argument pour les défenseurs du Pr Raoult. D’une manière générale, l’absence de réactivité des institutions publiques (la mise à la retraite de la direction de l’IHU n’est intervenue que tardivement et d’aucuns considèrent qu’elle est la preuve d’une impossible sanction) et le soutien politique dont le professeur Raoult a bénéficié (jusqu’au plus haut sommet de l’Etat de façon brève mais marquée puis de façon plus persistante par les instances locales) ont probablement plus d’impact que cette rétractation, saluée principalement dans le monde scientifique. S’il y a eu rétractation, il n’y a jamais eu de désaveu public de la part par exemple d’un Emmanuel Macron, aussi retentissant que sa visite à Marseille en pleine épidémie.
De star à martyr
En outre, chez les « adeptes » du Pr Raoult, toutes les attaques fonctionnent comme des confirmations. Si le médecin est interdit d’exercer par l’Ordre c’est la preuve de la complicité des institutions avec des forces obscures (ou les laboratoires pharmaceutiques). Si des manquements méthodologiques sont épinglés, c’est que le résultat ne peut pas être contesté, etc.
Ce que représente le Pr Raoult pour beaucoup et y compris pour une poignée de professionnels de santé qui ont vu en lui la possibilité de « reprendre le pouvoir », sur la maladie d’abord, mais aussi sur certaines règles jugées rigides de prescription, perdure au-delà du retrait.
Cela était pressentie dès les premières heures : « Le Dr Raoult se pose en sachant (ce qu’il est) mais surtout comme celui qui sait quand les autres ne savent pas. Tous les autres, y compris les autres médecins, y compris les autres chercheurs ("Ce n’est pas moi qui suis bizarre, ce sont les gens qui sont ignorants"). C’est David contre Goliath, (…) Marseille contre Paris, le "petit" virologue de province contre les pontes nationaux. C’est moi contre le reste du monde » écrivait Vincent Olivier, ancien journaliste santé, auteur du blog Recto Verso.
Tout ce que l’on pourra dire…
A la fois au cœur de l’establishment (puisque patron de l’IHU) et électron libre affirmé, à la fois scientifique installé mais se présentant comme à l’écoute des besoins et des préoccupations des patients, le Pr Raoult a séduit une population traversée par une défiance grandissante vis-à-vis des institutions publiques et scientifiques. Une étude de la fondation Jean Jaurès avait ainsi analysé dès juillet 2020 : « Forte défiance envers les institutions politiques et médiatiques et envers la démocratie représentative, adhésion aux thèses complotistes, influence des réseaux sociaux : cette étude nous montre finalement en creux les problématiques touchant une large part de la société française. (…) La formation de cette « bulle pro-Raoult » est donc avant tout le symptôme du dysfonctionnement du système politique français devenu incapable d’assurer de la confiance, en particulier en temps de crise. Les niveaux de défiance dans les principales institutions sont devenus si élevés qu’ils offrent un terreau fertile à ceux qui tentent de les défier. La défiance est si diffuse qu’elle agrège des individus aux profils politiques et sociodémographiques extrêmement divers, se manifestant plus ou moins selon les circonstances : les sphères de défiance « gilets jaunes » et « pro-Raoult » ne se recoupent ainsi que très imparfaitement. Et il est fort à parier que des prochains événements voient s’activer encore d’autres sphères de défiance », prophétisait l’Institut Jaurès. Ce dernier proposait également un éclairage saisissant quant on s’intéresse à la rétractation récente : « Il est également intéressant de voir à quel point les différentes études tendant parfois à lui donner raison, et souvent à lui donner tort, n’ont jamais modifié sa popularité au sein de ses groupes de soutien ».
Un « grand » scientifique ?
Faudra-t-il aller plus loin en déconstruisant encore l’image de « grand scientifique » que Didier Raoult continue à représenter, y compris parfois chez certains de ces détracteurs. D’aucuns s’y emploient en tentant de démontrer que l’étude sur l’hydroxychloroquine est loin d’être une exception dans la carrière du praticien qui semble entachée de nombreuses irrégularités.
Le Dr Jérôme Barrière proposait ainsi cette semaine : « Je profite de la rétractation de l’étude initiale publiée en mars 2020 en 24h par D. Raoult et son équipe sur une dizaine de patients sans bras contrôle pour partager une de ses études plus anciennes sur la fièvre Q. Regarder bien : même méthode complètement nulle pétée. Et il a réussi à en faire un standard ! Les signes existaient déjà ». D’autres ont également épinglé plusieurs anciennes études de Didier Raoult dont le scientifique indépendant Fabrice Franck ou la microbiologiste Elisabeth Bik, faisant fi des intimidations parfois musclées des pro Raoult.
Cela conduirait-il à déconstruire enfin la statue du Commandeur ? Peut-être. Mais en ce qui concerne la fin des charlatans espérée par Patrick Cohen, il en faudra sans doute plus encore.
On pourra relire :
Rétractation de l’étude : https://www.sciencedirect.com/science/a ... via%3Dihub
Le blog de Florian Gouthière
http://curiologie.fr/2020/03/chloroquin ... m5V5spjDN8
La chronique de Patrick Cohen : https://www.radiofrance.fr/franceinter/ ... 24-1321858
Le Blog de Vincent Olivier
https://vincent-olivier.fr/2020/03/23/c ... -a-raison/
L’étude de la Fondation Jean Jaurès : https://www.jean-jaures.org/publication ... ur-raoult/
Le compte Twitter de Jérôme Barrière :
https://x.com/barriere_dr/status/186941 ... IwmUpvHQDg
Aurélie Haroche | 10 Janvier 2025
jim.fr
Si vous avez l’impression de relire sans cesse le même article, rassurez-vous ce n’est pas que ChatGPT est à la manœuvre ni que vous auriez dû finalement vous astreindre au Dry January pour reposer votre esprit des excès des fêtes de fin d’année. Le même article se réécrit en effet depuis des années, quand vient l’hiver et avec lui son lot de maladies infectieuses respiratoires aiguës (IRA).
« Urgences débordées », « patients attendant sur des brancards », « plans blancs déclenchés », « soignants désemparés » : la litanie est sans fin. « L’histoire se répète toujours deux fois, la première comme une tragédie, la seconde comme une farce ».
Concernant les urgences médicales en France, l’adaptation de cette citation de Karl Marx donnerait : « l’histoire se répète tous les ans, illustrant la tragédie humaine du déclin du système de santé français et la farce de l’impuissance politique à le redresser », écrit sur le site The Conversation, Frédéric Bizard, professeur de macroéconomie, spécialiste des questions de protection sociale et de santé.
Une catastrophe ? Un désastre imprévu ? Non, la grippe
Ainsi, 2025 ne déroge pas à la règle. Quatre-vingt-sept établissements de santé ont déclenché leur plan blanc selon le dernier décompte du ministère de la Santé. Au programme pour ces hôpitaux qu’une parfaitement prévisible épidémie de grippe a encore une fois ébranlés : déprogrammation de certaines interventions non urgentes, ouverture d’unités spéciales, rappel de professionnels en congés.
Alors que ces mesures se mettent en place, les projecteurs sont soudainement braqués sur ces couloirs où les patients affluent, les mêmes questions sont à nouveau posées, les responsables louent la résilience des soignants et affirment réfléchir à de nouveaux financements et organisations, et tout recommence encore.
On prend les mêmes et on ne vaccine toujours pas
La pandémie de Covid ne nous aura rien appris, se désolent sur X de nombreux professionnels de santé. Pas question bien sûr de décider d’un confinement à chaque nouvelle épidémie d’IRA, mais les réflexes qui permettraient de limiter la circulation des virus sont loin d’avoir été adoptés. Ainsi, en est-il par exemple du port du masque pour les personnes fragiles ou en contact avec des personnes fragiles, ou de la restriction des contacts sociaux, notamment avec les sujets atteints de pathologies chroniques ou âgés, quand on se pense atteint d’une infection virale.
Plus encore, les vaccinations contre la grippe et contre la Covid sont en recul, d’au moins 5 % selon les chiffres de fin novembre, alors qu’elles étaient déjà largement insuffisantes la saison précédente. « Ce matin aux urgences du CHU de Limoges, c’était vraiment beaucoup de grippe, des soignants épuisés et un nombre important de patients atteints d’infections respiratoires aiguës. Et dire qu’il existe un vaccin qui pourrait éviter ces formes graves : 30 % sont vaccinés seulement », se désole ainsi sur X le professeur de pneumologie François Vincent.
« Le Samu se fait exploser avec 30 % d’appels en plus, il n’y a plus de lits d’hospitalisation, encore moins de places de réanimation et les urgences débordent… Vraiment dommage alors que le vaccin contre la grippe existe et qu’il est bien toléré », lui fait écho un médecin urgentiste qui écrit sous le compte Horse and Doc.
La pertinence de la vaccination pour atténuer le débordement des services hospitaliers est parfaitement illustrée par les données concernant les personnes en réanimation pour grippe et Covid : « Concernant la grippe, parmi les 228 cas pour lesquels le statut vaccinal était renseigné, 79 % n’étaient pas vaccinés contre la grippe. (…) Parmi les 208 cas de Covid-19, 91 % étaient âgés de 18 ans et plus. Parmi eux, la majorité étaient des hommes et la présence d’au moins une comorbidité était reportée pour 89 % des cas. Parmi les 143 cas pour lesquels le statut vaccinal était renseigné, 92 % n’étaient pas vaccinés contre le Covid », écrit Santé publique France.
Les ministres et les enfants aux abonnés absents
Cependant, en cette période d’instabilité gouvernementale, c’est le service minimum qui a prévalu concernant l’incitation à la vaccination anti-grippale et anti-Covid. Aucune nouvelle réflexion n’a été engagée sur la pertinence d’une obligation vaccinale pour les professionnels de santé, en particulier ceux exerçant dans les établissements accueillant des personnes âgées dépendantes.
De la même manière, alors qu’il y a déjà deux ans, en février 2023, la Haute Autorité de Santé recommandait que la vaccination contre la grippe soit proposée tous les ans aux enfants âgés de 2 à 17 ans, comme cela est le cas dans d’autres pays voisins, notamment en Grande-Bretagne, championne de la vaccination contre les infections saisonnières, aucune impulsion politique n’a été constatée sur ce terrain.
Pourtant, l’immunosénescence et ce que l’on sait de la circulation virale inciteraient à aller dans ce sens. Alors que cette année, il est observé qu’un nombre plus important d’enfants sont concernés par la grippe, on mesure plus encore combien une véritable impulsion politique a manqué (l’instabilité rue de Ségur y est sans doute pour quelque chose).
Fermetures de lits : une évolution qui ne se dément pas
L’autre versant qui semble n’avoir connu aucune évolution en dépit de l’électrochoc qu’aurait dû être la pandémie de Covid, c’est l’organisation des urgences et des établissements hospitaliers. Le même engorgement est ainsi constaté d’année en année, sans que les programmes Ségur et les autres plans de refondation n’aient semble-t-il apporté le moindre correctif. D’abord, on a continué à fermer des lits avec 4900 lits en moins en 2023. Bien sûr, cette évolution est liée à la progression des activités ambulatoires et aussi à un léger recul de l’activité hospitalière qui n’a jamais retrouvé son niveau complet d’avant la Covid. Cependant, elle méconnaît ce qui attend l’hôpital et ce dont il souffre déjà : la progression des maladies chroniques et plus encore le poids du vieillissement de la population.
Un système illisible, inefficace…
Par ailleurs, les organisations qui ont été testées ne semblent guère avoir porté leurs fruits, qu’il s’agisse du Service d’accès aux soins, ou des maisons médicales à horaires élargis. À propos de ces dernières, qui ont vu leur tarif fortement baisser à la faveur de l’entrée en vigueur de la nouvelle convention et dont certaines ont, en guise de protestation, fermé leurs portes pendant les vacances de fin d’année (!) un urgentiste ironise sur X : « Alors petit bilan de cette fermeture des centres de Soins Non Programmés à Marseille. Les urgences ont-elles survécu ? (Pour mémoire, ils font plus de 2000 consultations/j à Marseille). Du 22/12 au 29/12, il y a eu 7 patients de plus aux urgences Timone qu’en 2023. Fin de la blague ». Expéditif, le rapport suggère que ce qui est présenté comme une solution de désengorgement n’est nullement identifié par les patients comme une réelle alternative aux urgences. D’ailleurs, dans un rapport publié en novembre dernier, la Cour des Comptes avait épinglé le manque de lisibilité du système. « Le public, auquel le service des urgences s’adresse, sera d’autant plus enclin à en user de manière strictement utile qu’il sera informé de manière transparente », avaient noté les magistrats.
Et probablement injuste
Quant aux services d’accès aux soins, censés prévoir une régulation par le 15 avant tout passage aux urgences ou dans certaines maisons médicales, ils ont également manqué leur cible, selon ceux-là même qui en espéraient beaucoup. Dans une tribune publiée cette semaine dans Le Monde, les médecins urgentistes Enrique Casalino et Mathias Wargon reconnaissent ainsi : « Face à cette situation qui perdure, certains, politiques ou urgentistes, pensent avoir trouvé la solution avec la régulation. Il s’agit d’obliger les patients à appeler le 15 avant de se rendre aux urgences : à l’autre bout du fil, le service d’accès aux soins (SAS) lui délivrera le sésame qui lui permettra d’y entrer. Moins de patients, moins de bobologie, moins de pression, davantage de « vrais » patients pour des « vraies » urgences. (…) Et nous préconisions d’ailleurs, avec d’autres collègues, le recours à cette stratégie dans une tribune au Monde parue en 2019 ». Mais force est de constater aujourd’hui que la situation ne s’est pas améliorée de façon tangible. « Certains se félicitent que le filtrage d’accès aux urgences ait permis une baisse de l’activité des services qui l’ont mis en place. Logique implacable. L’impact sur les structures aux alentours qui ne filtrent pas (encore) n’a, lui, pas été mesuré. Quoi qu’il en soit, la réglementation de l’accès aux urgences n’a aucun impact sur les fameux « lits brancards » (ces patients qui attendent indéfiniment dans un couloir une hypothétique place dans un service), car ces patients font partie des « vraies » urgences ». Par ailleurs, éthiquement, le fonctionnement est discutable : « Peut-on se réjouir d’un système d’urgences-boîte de nuit où ne rentreraient que des patients VIP, filtrés en amont par une organisation complexe d’assistants de régulation et de médecins urgentistes et généralistes assurant une fonction d’aiguillage du système plutôt que des consultations ? Doit-on vraiment renoncer à un accueil aux urgences de tous les patients, alors que des infirmières formées à l’accueil et disposant d’une expérience du tri pourraient réorienter certains d’entre eux après une vraie évaluation et en suivant des recommandations nationales ? (…) Dans ce système, qu’advient-il de l’éthique, du service public, de l’humanité ? ».
Des services d’urgences à trente minutes… à ne surtout pas consulter
Les deux praticiens notent en outre les injonctions contradictoires qui dominent les discours sur les urgences : « Réglementer l’accès aux services d’urgence pose des questions fondamentales qu’il nous faut aborder collégialement, dans une discussion incluant toutes les parties prenantes : professionnels de santé, structures de soins, agences régionales de santé, patients, élus. Le message actuel – « Il faut des services d’urgence à moins de trente minutes de chez vous, mais attention, vous ne pourrez peut-être pas y avoir accès » – est en effet peu compréhensible, voire paradoxal, pour la population comme pour les professionnels, et doit être clarifié. Une telle discussion pourrait permettre de souligner que la régulation fait payer au patient une situation (l’engorgement des urgences) dont il n’est pas responsable, et dont les causes sont à chercher dans le vieillissement de la population, l’augmentation des maladies chroniques, les déserts médicaux, la fuite des personnels, les erreurs et les errances managériales dans la gouvernance du système de santé. Plutôt que de limiter l’accès aux soins, les SAS avaient pour vocation d’assurer la qualité de la prise en charge et la bonne orientation des patients, comme en Europe du Nord. Ils deviennent désormais gardiens des urgences (car passage obligé des soins non programmés) ou distributeurs de tickets pour les maisons médicales de garde, comme on le voit dans certains départements ».
Vous avez dit flexibilité ?
Ce constat établi, la solution reste à trouver. « Pour rendre impactantes les mesures sectorielles des urgences, les pouvoirs publics doivent prendre conscience de l’absolue nécessité de procéder rapidement à la refonte de notre système de santé. (…) À titre d’exemple, trois mesures systémiques conduiraient à rendre la gestion des urgences hospitalières durablement fluide.
La première serait la mise en place d’un service public territorial de santé, délivré par les professionnels de santé privés et publics, à l’échelle de quelques 300 territoires de santé couvrant tout le pays. (…) La seconde serait la flexibilisation des carrières professionnelles des praticiens hospitaliers et du personnel paramédical, leur ouvrant la possibilité de travailler à temps partiel à l’hôpital et le reste du temps dans le territoire de santé. (…) Enfin, la réorganisation de l’hôpital verrait entre autres une gouvernance avec un duo médical et administratif (comme dans les centres anti-cancer), qui déléguerait largement la prise de décision et la gestion des ressources humaines et financières à l’échelle des services. Cette responsabilisation des professionnels redonnerait du sens à leur mission et verrait une anticipation plus forte, dans les services, des évolutions des besoins de santé grâce au contact avec le terrain », préconise Frédéric Bizard.
Cette ordonnance, assez généraliste, pourrait-elle être efficace ? En tout état de cause, elle reste difficile à envisager en une période où l’on ne peut déterminer si le ministre actuel sera encore là dans 15 jours pour anticiper les effets de la prochaine grippe. Dans un éternel recommencement.
On pourra relire :
La tribune d’ Enrique Casalino et Mathias Wargon : https://www.lemonde.fr/idees/article/20 ... _3232.html
La tribune de Frédéric Bizard : https://theconversation.com/la-crise-de ... ais-238440
Le compte X de François Vincent : https://x.com/pr_f_vincent
Le compte X de Horse and Doc : https://x.com/pallia_doc
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Qu’est-ce qui est un jeu d’enfant ?
Frédéric Haroche | 10 Janvier 2025
Dans son dernier numéro de l’année, consacré traditionnellement à des études insolites, le BMJ (British Medical Journal) a ouvert ses colonnes à une équipe de Leeds, qui avait pour objectif de comparer la dextérité et le sang froid de 4 catégories de personnels hospitaliers : médecins, chirurgiens, infirmiers et personnels administratifs.
Pour ce faire, elle a soumis 254 personnels de l’hôpital public de Leeds, en Angleterre (60 médecins, 64 chirurgiens, 69 infirmiers/infirmières et 61 membres du personnel non clinique) au jeu du « fil électrique » ou du « fil conducteur ».
Ce jeu, bien connu des enfants et des kermesses, est basé sur un circuit métallique sinueux électrisé (souvent en forme de fil de fer courbé et tordu) sur lequel les joueurs doivent déplacer un anneau métallique relié à une poignée, sans toucher le fil conducteur. Le but est de parcourir tout le fil de départ à l'arrivée, en évitant de déclencher un signal sonore ou visuel.
Les critères d’évaluation de l’étude étaient le temps d’accomplissement de l’exercice…et le nombre de jurons et de « bruits de frustration » prononcés pendant sa réalisation !
Scoop : les chirurgiens sont adroits
Parmi les 254 membres du personnel hospitalier ayant participé, les chirurgiens ont obtenu des taux de réussite significativement plus élevés dans l'accomplissement du jeu en moins de cinq minutes (84 %, n=54) par rapport aux médecins (57 %, n=34), aux infirmiers/infirmières (54 %, n=37) et au personnel non clinique (51 %, n=31) (P<0,001).
En revanche, les chirurgiens ont exprimés le taux le plus élevé de jurons pendant le jeu (50 %, n=32), suivis des infirmiers/infirmières (30 %, n=21), des médecins (25 %, n=15) et du personnel non clinique (23 %, n=14) (P=0,004). Les salariés non cliniques ont présenté le plus grand nombre de bruits de frustration (75 %), suivi des infirmiers/infirmières (68 %), des chirurgiens (58 %) et des médecins (52 %) (P=0,03).
Adroit et pas avare de jurons, on reconnaît bien là la confrérie des chirurgiens.
References
Joseph T et coll. Dexterity assessment of hospital workers: prospective comparative study BMJ 2024. doi:10.1136/bmj-2024-081814
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Sur les traces de la grande simulatrice
Quentin Haroche | 10 Janvier 2025
jim.fr
Naples 1495. L’armée française de Charles VIII assiège la ville depuis plusieurs mois lorsque les soldats sont frappés d’un mal étrange qui les décime. Les coupables sont tous désignés : la maladie a été ramené par des mercenaires espagnols et leurs mœurs dissolues. Dans les années qui suivent, le « mal de Naples » ou « mal des Français » va se répandre à travers l’Europe. La syphilis fait son apparition.
La syphilis fait son apparition.
Plus de 400 ans après cette première épidémie, en 1905, la bactérie responsable de cette maladie est identifiée, Treponema pallidum ou tréponème pâle (également à l’origine du béjel et du pian). Mais comment cette bactérie est-elle arrivée en Europe ?
Deux théories s’opposent depuis des siècles, sans que l’une ou l’autre n’ait pu être confirmée. D’un côté, l’hypothèse colombienne suppose que la syphilis a été importée en Europe depuis l’Amérique. Parmi les mercenaires espagnols du siège de Naples, on trouvait en effet des compagnons de route de Christophe Colomb, qui avait découvert l’Amérique trois ans auparavant. Déjà dans Candide en 1759, Voltaire évoque cette hypothèse colombienne.
Le tréponème présent en Amérique depuis des milliers d’années ?
L’autre théorie sur l’origine de la syphilis, dite précolombienne, veut que la maladie existât en Europe avant la découverte de l’Amérique. Les tenants de cette hypothèse rapportent plusieurs récits d’épidémies par des auteurs antiques ou médiévaux où ce qui est assimilé à des cas de lèpre ressemblent en réalité fortement à la syphilis. Le fait que la maladie n’ait été identifiée que quelques années après la découverte de l’Amérique ne serait alors qu’un hasard.
Les progrès de la recherche scientifique et de la paléogénétique vont peut-être permettre de résoudre un jour l’un des plus vieux mystère de l’histoire de la médecine. Dans un article publié dans la revue Nature le 18 décembre dernier, des chercheurs de l’institut Max Planck de Leipzig ont rapporté leurs dernières découvertes sur le sujet.
Ils ont analysé des squelettes retrouvés un peu partout en Amérique latine (Mexique, Chili, Pérou, Argentine) datant du XIIIème siècle (soit avant l’arrivée des Européens au Nouveau Monde) dans lesquels ils ont trouvé des traces de cinq génomes différents de tréponèmes.
« Les auteurs de l’étude ont découvert une diversité génétique importante, avec des souches correspondant aux formes actuelles de la syphilis et d’autres souches éteintes » explique pour France culture Olivier Dutour, spécialiste en anthropologie biologique. « Ils situent le tronc commun des différentes souches de la syphilis en Amérique autour de 5 000 avant notre ère et la divergence des souches, d’où proviennent les tréponèmes actuels, aux environs de 3 000 avant notre ère ».
Le mystère reste entier
L’étude de l’Institut Max Planck prouve donc que la syphilis préexistait en Amérique la venue de Christophe Colomb, sans doute depuis plusieurs milliers d’années et que le tréponème y présentait une grande diversité génétique. Mais cela n’exclut pas la possibilité que le tréponème existait à la même époque dans l’Ancien monde. « Ça ne résout pas le problème de l’origine américaine ou non de la syphilis » résume Olivier Dutour.
Même si cette étude donne du grain à moudre aux tenants de l’hypothèse colombienne, il faudra sans doute, les chercheurs de l’institut Max Planck le reconnaissent, des études génétiques plus poussés en Amérique et en Europe pour tenter d’apporter une réponse définitive à ce mystère scientifique preuve que la grande simulatrice a plus d’un tour dans son sac.
Rappelons s’il en était besoin que la syphilis n’est pas totalement reléguée aux livres d’histoire : en octobre dernier, une étude de Santé Publique France (SPF) rapportait une hausse importante des cas en France en 2023.
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Rétractation de l’étude fondatrice HCQ et Covid : fin de partie pour les charlatans ?
Aurélie Haroche | 20 Décembre 2024
jim.fr
Paris, le vendredi 20 décembre 2024 – « Sur la plateforme collaborative de PubPeer, sur laquelle les chercheurs du monde entier peuvent commenter les études scientifiques, l’effarement est général face à des travaux d’une hallucinante faiblesse (« un design expérimental exceptionnellement pauvre »…) (…) Les tests employés pour évaluer l’efficacité du traitement (mesure de la charge virale) ne sont pas fiables d’un jour à l’autre. Alors que l’essai impliquait le traitement effectif de 26 patients (chloroquine seule ou en combinaison avec l’azithromycine) (…), le suivi n’a été mené que sur 20 d’entre eux. (…) Les groupes traités par chloroquine sont comparés à un groupe suivi dans un autre établissement, sans aucune garantie que les protocoles permettant d’évaluer la charge virale soient les mêmes, ou menés avec la même rigueur. Alors que l’essai avait pour objectif secondaire de renseigner sur l’efficacité du traitement en termes de fièvre, de normalisation du rythme respiratoire, sur la durée moyenne d’hospitalisation et sur la mortalité… l’étude publiée n’en fait pas cas. Une partie des patients non traités n’ont pas bénéficié d’une mesure de charge virale de façon quotidienne, les données publiées étant « extrapolées » sur la base de données des jours suivants ».
Fracture originelle
Nous sommes seulement quelques jours après la publication par l’équipe du professeur Didier Raoult de son étude Hydroxychloroquine and azithromycin as a treatment of COVID-19: results of an open-label non-randomized clinical trial dans l’International Journal of Antimicrobial Agents et déjà tout est là. Sur son blog, Curiologie, le journaliste scientifique Florian Gouthière énumère plusieurs des évidents manquements méthodologiques de ces travaux dont la force probante est particulièrement faible mais qui ont pourtant déjà emporté la conviction de milliers de personnes dans le monde.
Symbolisant une claire fracture entre une large part de la communauté scientifique et une poignée de professionnels ayant choisi de prendre leurs distances avec les règles de la médecine basée sur les preuves, ils sont nombreux à partager les critiques de Florian Gouthière. Aussi sont-ils les cibles des attaques virulentes des défenseurs du professeur Didier Raoult sur les réseaux sociaux.
Sans doute leur influence, mais aussi le soutien politique dont le médecin marseillais a bénéficié expliquent qu’il aura fallu attendre près de cinq ans, les interventions de nombreux chercheurs (dont les membres notamment de la Société française de pharmacologie et de thérapeutique) et le retrait de trois auteurs de l’étude originelle, pour enfin obtenir cette semaine la rétractation du papier. Les éléments énumérés par la revue font écho aux observations de Florian Gouthière, notamment en ce qui concerne le défaut de fiabilité des tests. La revue insiste également sur l’impossible confirmation du recueil de consentement des patients.
Vœu pieux
La rétractation de l’étude semble avoir eu un retentissement à la hauteur de celle qu’avait eu sa publication. Ainsi, la revue Nature a par exemple consacré sa une à cette « fin de partie » pour reprendre l’expression utilisée par le Professeur Raoult pour affirmer que sa découverte constituait une réponse aussi rapide que définitive face au virus qui terrorisait le monde.
L’importance accordée à cette rétractation, même si dès l’origine, une large partie de la communauté scientifique avait révélé la supercherie est liée aux conséquences désastreuses de cette étude. D’abord, directes : de très nombreux patients ont été inutilement traités par hydroxychloroquine. Si le nombre de patients ayant été les victimes des effets secondaires de ce médicament demeurera sans doute difficile à évaluer (une étude qui avait tenté une première estimation a été rétractée elle aussi pour des raisons méthodologiques), le risque était réel.
Par ailleurs, l’aura de Didier Raoult qui immédiatement est apparu comme un scientifique martyr, méprisé par la doxa, mais à l’écoute des besoins et du bon sens du peuple, a conduit à approfondir la fracture qui existait entre la communauté scientifique et une partie de la population. Le Pr Raoult a attisé le poison de la défiance, notamment vis-à-vis de la vaccination. Une rétractation suffira-t-elle à tout réparer, à inverser la conviction de ceux qui ont toujours soutenu le praticien marseillais ? La science semble laver son honneur par cette action de la revue.
Et certains se plaisent à rêver. Dans une chronique remarquée sur France Inter, l’éditorialiste Patrick Cohen a ainsi commenté : « Un vœu pour finir : puisse cette sinistre affaire Raoult, la plus grande offensive anti-science en France depuis l’affaire Lyssenko… puisse cette histoire nous avoir vacciné une bonne fois -oui vacciné… contre les charlatans ». C’est peu probable.
On ne convertit pas des opposants à la méthodologie scientifique à coup de rétractations
Les réactions de la sphère favorable à Raoult en témoignent rapidement. Beaucoup ont souligné que l’argumentaire de la revue pour justifier la rétractation de l’étude concernait « uniquement » des éléments méthodologiques : défauts de consentement, problèmes de fiabilité des tests (puisque ceux réalisés à Marseille et ceux conduits à Nice ne l’ont pas été sur les mêmes machines et avec les mêmes méthodes), perte de vue des patients etc.
Rien n’a changé : comme en mars 2020, les défenseurs du professeur Raoult refusent d’admettre que c’est le respect des exigences méthodologiques qui fondent la solidité scientifique. Ils continuent à défendre la possibilité d’une science sans protocole, sans modèle, sans groupe contrôle. Et cette rétractation qui ne dit pas clairement « les résultats sont faux » (car ce n’est pas son objet) n’est nullement apte à les confondre.
Des soutiens dévastateurs
Par ailleurs, le temps écoulé entre la publication de l’étude et son retrait qui se veut un gage d’indépendance est aussi un argument pour les défenseurs du Pr Raoult. D’une manière générale, l’absence de réactivité des institutions publiques (la mise à la retraite de la direction de l’IHU n’est intervenue que tardivement et d’aucuns considèrent qu’elle est la preuve d’une impossible sanction) et le soutien politique dont le professeur Raoult a bénéficié (jusqu’au plus haut sommet de l’Etat de façon brève mais marquée puis de façon plus persistante par les instances locales) ont probablement plus d’impact que cette rétractation, saluée principalement dans le monde scientifique. S’il y a eu rétractation, il n’y a jamais eu de désaveu public de la part par exemple d’un Emmanuel Macron, aussi retentissant que sa visite à Marseille en pleine épidémie.
De star à martyr
En outre, chez les « adeptes » du Pr Raoult, toutes les attaques fonctionnent comme des confirmations. Si le médecin est interdit d’exercer par l’Ordre c’est la preuve de la complicité des institutions avec des forces obscures (ou les laboratoires pharmaceutiques). Si des manquements méthodologiques sont épinglés, c’est que le résultat ne peut pas être contesté, etc.
Ce que représente le Pr Raoult pour beaucoup et y compris pour une poignée de professionnels de santé qui ont vu en lui la possibilité de « reprendre le pouvoir », sur la maladie d’abord, mais aussi sur certaines règles jugées rigides de prescription, perdure au-delà du retrait.
Cela était pressentie dès les premières heures : « Le Dr Raoult se pose en sachant (ce qu’il est) mais surtout comme celui qui sait quand les autres ne savent pas. Tous les autres, y compris les autres médecins, y compris les autres chercheurs ("Ce n’est pas moi qui suis bizarre, ce sont les gens qui sont ignorants"). C’est David contre Goliath, (…) Marseille contre Paris, le "petit" virologue de province contre les pontes nationaux. C’est moi contre le reste du monde » écrivait Vincent Olivier, ancien journaliste santé, auteur du blog Recto Verso.
Tout ce que l’on pourra dire…
A la fois au cœur de l’establishment (puisque patron de l’IHU) et électron libre affirmé, à la fois scientifique installé mais se présentant comme à l’écoute des besoins et des préoccupations des patients, le Pr Raoult a séduit une population traversée par une défiance grandissante vis-à-vis des institutions publiques et scientifiques. Une étude de la fondation Jean Jaurès avait ainsi analysé dès juillet 2020 : « Forte défiance envers les institutions politiques et médiatiques et envers la démocratie représentative, adhésion aux thèses complotistes, influence des réseaux sociaux : cette étude nous montre finalement en creux les problématiques touchant une large part de la société française. (…) La formation de cette « bulle pro-Raoult » est donc avant tout le symptôme du dysfonctionnement du système politique français devenu incapable d’assurer de la confiance, en particulier en temps de crise. Les niveaux de défiance dans les principales institutions sont devenus si élevés qu’ils offrent un terreau fertile à ceux qui tentent de les défier. La défiance est si diffuse qu’elle agrège des individus aux profils politiques et sociodémographiques extrêmement divers, se manifestant plus ou moins selon les circonstances : les sphères de défiance « gilets jaunes » et « pro-Raoult » ne se recoupent ainsi que très imparfaitement. Et il est fort à parier que des prochains événements voient s’activer encore d’autres sphères de défiance », prophétisait l’Institut Jaurès. Ce dernier proposait également un éclairage saisissant quant on s’intéresse à la rétractation récente : « Il est également intéressant de voir à quel point les différentes études tendant parfois à lui donner raison, et souvent à lui donner tort, n’ont jamais modifié sa popularité au sein de ses groupes de soutien ».
Un « grand » scientifique ?
Faudra-t-il aller plus loin en déconstruisant encore l’image de « grand scientifique » que Didier Raoult continue à représenter, y compris parfois chez certains de ces détracteurs. D’aucuns s’y emploient en tentant de démontrer que l’étude sur l’hydroxychloroquine est loin d’être une exception dans la carrière du praticien qui semble entachée de nombreuses irrégularités.
Le Dr Jérôme Barrière proposait ainsi cette semaine : « Je profite de la rétractation de l’étude initiale publiée en mars 2020 en 24h par D. Raoult et son équipe sur une dizaine de patients sans bras contrôle pour partager une de ses études plus anciennes sur la fièvre Q. Regarder bien : même méthode complètement nulle pétée. Et il a réussi à en faire un standard ! Les signes existaient déjà ». D’autres ont également épinglé plusieurs anciennes études de Didier Raoult dont le scientifique indépendant Fabrice Franck ou la microbiologiste Elisabeth Bik, faisant fi des intimidations parfois musclées des pro Raoult.
Cela conduirait-il à déconstruire enfin la statue du Commandeur ? Peut-être. Mais en ce qui concerne la fin des charlatans espérée par Patrick Cohen, il en faudra sans doute plus encore.
On pourra relire :
Rétractation de l’étude : https://www.sciencedirect.com/science/a ... via%3Dihub
Le blog de Florian Gouthière
http://curiologie.fr/2020/03/chloroquin ... m5V5spjDN8
La chronique de Patrick Cohen : https://www.radiofrance.fr/franceinter/ ... 24-1321858
Le Blog de Vincent Olivier
https://vincent-olivier.fr/2020/03/23/c ... -a-raison/
L’étude de la Fondation Jean Jaurès : https://www.jean-jaures.org/publication ... ur-raoult/
Le compte Twitter de Jérôme Barrière :
https://x.com/barriere_dr/status/186941 ... IwmUpvHQDg
La santé est un état précaire qui ne laisse augurer rien de bon.
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Re: Articles sur la santé
Violences contre les soignants : la réponse de l’Etat se fait toujours attendre
Quentin Haroche | 17 Janvier 2025
jim.fr
L’agression d’Annemasse a relancé le débat sur la réponse de l’Etat face aux violences contre les soignants, que de nombreux professionnels de santé jugent insuffisante.
Ce samedi, le Dr Yannick Neuder, ministre de la Santé, était en visite aux urgences de l’hôpital d’Annemasse. Pas pour y constater les difficultés qu’ont de nombreux établissements de santé à prendre en charge l’épidémie de grippe, mais pour y exprimer sa solidarité avec les soignants victimes d’une violente agression. Le 8 janvier dernier, deux frères s’en sont en effet pris verbalement puis physiquement au personnel des urgences. Douze personnes ont été blessées. Les deux hommes ont été interpellés et placés sous contrôle judiciaire : ils doivent être jugés le 17 février prochain.
« Il y aura une tolérance zéro » a affirmé le ministre de la Santé, qui a évoqué la possibilité que les peines encourues en cas d’agression contre les professionnels de santé soient aggravées. En mars dernier, une proposition de loi en ce sens avait été examinée à l’Assemblée Nationale. Elle prévoyait d’étendre l’application des circonstances aggravantes déjà prévues en cas de violences commises contre un professionnel de santé aux violences commises à l’encontre de tout membre du personnel d’un établissement de santé, de créer un délit d’outrage à l’encontre des professionnels de santé (puni de six mois d’emprisonnement) et de permettre à l’établissement de santé qui l’emploie de porter plainte à la place du soignant victime.
Une proposition de loi restée lettre morte
La proposition de loi a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée Nationale et transmise au Sénat. Et depuis, plus rien : le texte prend la poussière à la chambre haute depuis près d’un an, son examen ayant notamment été retardé par la crise politique actuelle. « Combien de soignants insultés, maltraités voire tabassés, frappés, roués de coups au sol devrons-nous encore supporter avant que le Sénat fasse de l’examen de la proposition de loi une priorité ? » s’insurgeait l’UFML dans un communiqué publié le 19 décembre dernier.
La non-adoption de cette loi est pour beaucoup de syndicats symptomatique de l’attitude de l’Etat sur cette question de la sécurité des soignants : beaucoup d’annonces mais peu d’actions concrètes. En septembre 2023, le gouvernement avait présenté un plan de lutte contre la violence des soignants prévoyant entre autres la facilitation du dépôt de plainte, une meilleure formation des professionnels de santé à la gestion des conflits et une sécurisation des lieux de soins. Des mesures qui n’ont, pour la plupart, toujours pas été mises à exécution. « Le plan n’a pas vécu », reconnait Nathalie Nion, cadre de santé à l’AP-HP, qui a participé à l’élaboration de ces propositions gouvernementales et qui invoque la valse des ministres de la santé (sept en 30 mois) pour expliquer cette absence de mesures concrètes. « Il faudrait qu’un maximum de recommandations soient mises en place » plaide-t-elle.
La CSMF et l’UFML demandent des mesures concrètes
Les syndicats ont de plus en plus de mal à cacher leur exaspération face à ces violences et à l’immobilisme de l’Etat. Lors de la présentation des vœux de la CSMF ce mercredi, le président du syndicat, le Dr Franck Devulder a, en présence de Yannick Neuder et de la ministre de la Santé et du Travail Catherine Vautrin, appelé à un sursaut. « Il est temps de prendre les mesures nécessaires » plaide le gastro-entérologue.« La population doit être informée qu’il y aura des peines aggravées en cas de violences contre les soignants, à l’instar de ce qui existe pour les forces de l’ordre ».
Les propositions des représentants des professionnels de santé vont toutes dans le même sens : aggravation des peines pour les agresseurs, facilitation des plaintes et mises en place de dispositifs de sécurité. « Un bracelet, un bouton caché dans une poche ou autre, peut être déterminant » indiquait déjà le plan du gouvernement de 2023. Le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML, demande quant à lui la mise en place d’un « guichet unique qui permette de porter plainte par voie numérique et de suivre son instruction en permanence » pour les soignants victimes.
Bien qu’il soit très difficile d’avoir des chiffres fiables sur la question, les violences contre les soignants semblent en augmentation ces dernières années. L’Observatoire de la sécurité des médecins a enregistré près de 20 000 signalements en 2023, soit une hausse de 27 % depuis 2022 et de 65 % depuis 2020. Le Dr Marty estime par ailleurs que « 80 % des agressions ne sont pas signalées ».
A lire sur le site de la SOFIA l'article sur les violences aux professionnels de santé
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Budget de la Sécu : Bayrou donne des gages à sa gauche
Quentin Haroche | 15 Janvier 2025
jim.fr
Dans son discours de politique générale, le Premier Ministre François Bayrou a annoncé une hausse « notable » des dépenses de santé.
Il aura fallu attendre les toutes dernières minutes du (trop) long discours de politique générale que François Bayrou ce mardi devant l’Assemblée Nationale pour que le Premier Ministre évoque les questions de santé et de handicap. Certains y verront un signe que les sujets sanitaires sont loin d’être la priorité du nouveau gouvernement, actuellement sur un siège éjectable, tant le soutien dont il bénéficie dans l’hémicycle est mince. Le maire de Pau n’en a pas moins fait des annonces importantes sur le sujet, presque toutes à rebours de son prédécesseur Michel Barnier.
On se souvient que c’est justement la santé qui a fait tomber l’éphémère gouvernement Barnier. L’ancien commissaire européen avait présenté un projet de loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) d’austérité (toute relative) qui prévoyait (entre autres) près de 4 milliards d’euros d’économie sur les dépenses de santé. Mal lui en a pris, puisque son PLFSS a été rejeté par l’Assemblée Nationale le 4 décembre dernier, à la suite du vote par le Rassemblement National d’une motion de censure du Nouveau Front Populaire provoquant la chute du gouvernement, une première en France depuis 1962.
Hausse de l’Ondam, pas d’augmentation du ticket modérateur, remboursement des fauteuils roulants : François Bayrou se montre dépensier
Bien décidé à tenir plus longtemps que son prédécesseur, François Bayrou a décidé de bazarder toute idée d’austérité en matière de santé. Il a ainsi annoncé que « le gouvernement proposera une hausse notable de l’objectif national de dépenses maladie » (Ondam), sans la chiffrer précisément, afin d’ « améliorer les conditions de travail des soignants et de protéger les plus fragiles ». Le PLFSS de Michel Barnier prévoyait déjà une hausse de l’Ondam hospitalier de 2,8 %. Mais une partie de la somme étant allouée à renflouer les caisses du régime de retraite de la fonction publique hospitalière, la hausse de l’Ondam n’était en réalité que de 2,1 %. Insuffisant pour la fédération hospitalière de France (FHF), qui réclamait une hausse du budget des hôpitaux de 6 %.
Semblant ignorer la situation budgétaire extrêmement compromise de l’Etat et de la Sécurité Sociale (qu’il a pourtant longuement dénoncé en début de discours), François Bayrou a également annoncé qu’il abandonnait la hausse du ticket modérateur sur les médicaments et les consultations médicales, voulu par Michel Barnier et qui aurait permis de dégager 1 milliard d’euros d’économie pour la Sécurité Sociale. La proposition avait provoqué un tollé en fin d’année dernière, à l’extrême-droite comme à gauche et l’ancien Premier Ministre y avait d’ailleurs renoncé s’agissant des médicaments, ce qui ne lui avait pas permis de sauver son poste.
Toujours aussi généreux, François Bayrou a également promis le « remboursement intégral des fauteuils roulants dès 2025 », reprenant ainsi une promesse formulée par Emmanuel Macron en 2023 et qui a déjà donné lieu à une proposition de loi adoptée en commission en novembre dernier. N’effaçant pas totalement l’héritage du gouvernement Barnier, l’actuel Premier Ministre a également confirmé que la santé mentale serait bien la grande cause nationale en 2025, comme l’avait voulu son prédécesseur.
3 février : reprise des débats sur le PLFSS…et sur la fin de vie ?
Pour le reste, François Bayrou a énuméré de nombreux thèmes de politique sanitaire, sans formuler de propositions concrètes. Il a ainsi tour à tout appelé à « travailler sur l’enjeu de la démographie médicale », à « résoudre le problème irrésolu de la formation des médecins » et également évoquer l’école inclusive qui aurait atteint une « masse critique » (sans évoquer des pistes de solution). Il a également évoqué l’idée d’adopter une « logique de financement pluriannuelle » de la santé, semblant ainsi reprendre à son compte la proposition formulée de longue date par la FHF de mettre en place des lois de programmation budgétaire des hôpitaux.
La politique sanitaire de François Bayrou se clarifiera au moment où son gouvernement présentera le nouveau PLFSS. Ce mardi matin, peu avant que le Premier Ministre ne prenne la parole, on apprenait que la conférence des présidents de l’Assemblée Nationale avait décidé que le débat parlementaire sur le PLFSS reprendrait dans l’hémicycle le 3 février prochain. Une semaine qui pourrait être chargée, puisque la présidente de l’Assemblée Nationale Yael Braun-Pivet souhaite que l’examen du projet de loi sur la fin de vie, qui a été stoppé net par la dissolution, reprenne à cette date. Sur ce sujet majeur, François Bayrou, qui comme il le rappelle souvent est catholique pratiquant, aura été peu prolixe, se contentant d’évoquer le « pouvoir d’initiative » des députés sur « des sujets importants dans notre société, comme la fin de vie ».
Mais avant d’en arriver au 3 février, il faudra passer l’écueil de la censure, ce qui n’est pas encore totalement assuré pour le gouvernement Bayrou.
Dépenser toujours plus, creuser le déficit, laisser celui-ci aux générations futures... Ne pas s'attaquer aux vrais problèmes structurels, ne pas faire de réforme courageuse, laisser l'impunité des évasions fiscales... Rien de nouveau au 57 rue de Varenne.
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L’immigration médicale serait en diminution…mais son coût préoccupe de plus en plus
Quentin Haroche | 14 Janvier 2025
Selon le dernier rapport de l’OFII, le nombre de demandes de visas pour raisons médicales est en baisse continue depuis 2017, mais son coût reste inconnu.
L’Aide médicale d’Etat (AME), dispositif assurant des soins gratuits aux immigrés clandestins sous condition de ressource, fait toujours l’objet de débats enflammés entre la droite et l’extrême-droite qui veulent la réformer (voir la supprimer) et la gauche qui défend son maintien au nom d’un certain humanisme. Mais l’AME n’est pas la seule manifestation de la générosité médicale de la France vis-à-vis des étrangers. Notre pays a en effet mis au point un dispositif de visa pour raisons médicales considéré comme l’un des plus généreux au monde.
Tout étranger non-européen peut ainsi en principe venir se faire soigner gratuitement en France, à condition de remplir les conditions cumulatives suivantes : résider habituellement en France, avoir besoin d’une prise en charge médicale « sans laquelle sa santé deviendrait critique », ne pas pouvoir bénéficier d’un traitement équivalent à celui prodigué en France dans son pays d’origine et ne pas représenter un danger pour l’ordre public.
Jusqu’en 2017, les demandes de visas médicaux étaient examinées par les agences régionales de santé (ARS), ce qui entrainait de fortes disparités selon les régions. Désormais, les demandes sont étudiées par les médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Ces médecins ne font cependant qu’émettre un avis, la décision finale revenant au préfet.
2100 demandes d’Algériens et onze d’Américains
Selon le dernier rapport de l’OFII sur l’immigration médicale, remis au Parlement le 20 décembre dernier, un peu plus de 24 000 demandes de visas médicaux ont été déposées en 2022, soit une baisse de 12,7 % par rapport à 2021. Depuis 2017 et la mise en place du contrôle par l’OFII, le nombre de demandes s’est effondré, diminuant de 58,6 % en cinq ans.
La générosité des médecins de l’OFII chargés d’examiner ces demandes est très variable selon les années. Après être passé de 51 % en 2017 à 66 % en 2020, le taux d’avis favorable est repassé à 61 % en 2022. Et, selon un rapport de l’Académie de Médecine datant de 2020, le taux d’avis favorable avoisinait les 75 % à l’époque où les contrôles étaient opérés par les ARS.
Les immigrés médicaux sont généralement atteints de pathologies infectieuses (27 % des demandeurs), de maladies de l’appareil circulatoire (21 %) ou d’affections endocriniennes (18 %). Les Algériens sont le principal contingent des immigrés médicaux, comptant à eux seuls pour 8,7 % des recours (2 100 demandes), suivis par les Ivoiriens (7,1 %, 1 700 demandes) et les Géorgiens (6,4 %, 1 500 demandes).
Chaque année, une poignée d’étrangers originaires de pays riches disposant de système de santé équivalent à celui de la France demandent pourtant à bénéficier de la générosité de notre pays : en 2022, onze Américains et onze Britanniques ainsi que cinq canadiens ont déposé des demandes de visas médicaux pour la France.
Bien que le nombre d’immigrés médicaux soient visiblement en baisse, ces chiffres inquiètent l’Observatoire de l’immigration et de la démographie (OID), un « think-tank » qui serait proche de l’extrême-droite. Dans une note consacrée à l’immigration médicale publié en novembre dernier, elle considère que ces visas pour raisons médicales ne constituent que la face émergée de l’iceberg et qu’une grande partie des bénéficiaires de l’AME sont des immigrés médicaux, qui ne sont venus en France que pour bénéficier de la générosité de notre système de santé.
La note cite notamment un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) de 2019 selon lequel « plus d’un quart des étrangers en situation irrégulière citeraient les soins parmi les raisons de leur migration ».
Un coût invisible
En outre, les membres de l’OID notent que les conditions, apparemment strictes, pour obtenir un visa médical, sont souvent contournés. En effet, le refus d’accorder un visa médical par le préfet peut être attaqué en justice et les juges se montrent parfois particulièrement cléments. La note de l’OID cite le cas, qualifié d’ «emblématique », d’une femme africaine, déjà mère de trois ans enfants, qui a finalement pu bénéficier, grâce au juge administratif, d’un visa médical pour bénéficier en France…d’une procréation médicalement assistée (PMA).
Reste la question du coût de cette immigration médicale pour la collectivité. Dans une interview accordée au journal Le Parisien ce lundi, le président de Les Républicains Laurent Wauquiez évoque « un dispositif qui coûte très cher » et qu’il évalue à plusieurs centaines de millions d’euros par an. En réalité, de l’avis même de l’OFII, le coût de l’immigration médicale est impossible à déterminer, car il est noyé dans la masse des dépenses de l’Assurance Maladie (l’OFII parle de « coût invisible »).
Une seule chose est sure : les dépenses médicales dont peuvent bénéficier un étranger malade sont « sans limites ». L’OFII évoque ainsi le cas d’étrangers malades dont les soins coûtent plus de 600 000 euros par an à la collectivité. « Les montants, même approximatifs, sont clairement sous pondérés car n’incluant que le prix du schéma posologique et ne comprennent pas le séjour hospitalier » ajoute l’OFII.
« Honnêtement, on ne sait pas ce que ça représente » reconnait auprès du Parisien Claude Evin, ancien ministre de la Santé et auteur d’un rapport sur l’AME en 2023. « C’est un sujet sur lequel on entend beaucoup de choses mais qu’il faudrait pouvoir expertiser précisément ».
A tout le moins…
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Quand les taxes changent nos habitudes : le cas des boissons sucrées dans la baie de San Francisco
Juliette Seblon | 15 Janvier 2025
Alors que les programmes de santé publique se multiplient pour réduire la consommation de boissons sucrées, une étude récente explore l’impact des taxes sur ces produits dans les communautés à faible revenu de la région de la baie de Californie.
Concentrée sur les villes de San Francisco, Oakland, Berkeley et Richmond, cette recherche ne permet pas de complétement déterminer si au-delà de l’effet mécanique du prix qui réduit la consommation, les taxes modifient l’acceptabilité sociale et plus encore les idées reçues concernant les effets sur la santé des boissons sucrées.
Une méthodologie longitudinale et ciblée
L’étude a recueilli des données issues d’enquêtes menées entre 2016 et 2021 auprès de 9 128 participants dans quatre villes aux politiques fiscales distinctes. Berkeley a instauré une taxe dès 2015, tandis que Oakland et San Francisco ont suivi en 2017 et 2018. Richmond, qui n’a pas adopté de taxe, a servi de groupe témoin.
Les chercheurs ont analysé deux dimensions principales : les normes sociales reflétées par les perceptions des participants quant à la consommation de boissons sucrées par leurs pairs et les idées reçues relatives aux conséquences pour la santé de la consommation de ces produits, incluant les sodas, boissons énergétiques et jus sucrés.
Réduction de la consommation = réduction des normes sociales?
Concernant les normes sociales, les auteurs rappellent qu’il s’agit de ce qui est considéré comme “socialement acceptable”. Logiquement, ces “normes sociales” influencent les comportements. Ainsi les participants ont-ils été interrogés sur la propension de leurs pairs à boire des boissons sucrées : une diminution pouvant être analysée comme le fait que ces dernières sont perçues comme moins “socialement acceptables”. Or, entre 2016 et 2021, la consommation perçue a reculé de 28 % pour les sodas, de 26 % pour les boissons énergétiques et de 28 % pour les jus sucrés.
À Oakland, une réduction spécifique de 22 % de la perception de la consommation de boissons énergétiques a été enregistrée après l’instauration de la taxe. Ces résultats pourraient illustrer l’effet combiné des taxes et d’une forte exposition médiatique, contribuant à dénormaliser ces produits.
Idées reçues quant aux bienfaits des boissons sucrées
Mais d’autres éléments amoindrissent un peu la pertinence de cette observation. En effet, contrairement aux normes sociales, les idées reçues sur les bienfaits supposés des boissons sucrées n’ont que peu évolué. À San Francisco, les opinions favorables sur les jus sucrés ont légèrement régressé après la mise en œuvre de la taxe. Mais parallèlement, certaines persistent, comme le fait que les jus de fruits ou les boissons énergétiques sont souvent considérés à tort comme des choix plus sains. Les chercheurs attribuent cette résistance à l’influence des campagnes marketing, qui continuent de promouvoir ces produits en valorisant leur image de boissons "naturelles" ou "énergétiques", malgré leur teneur élevée en sucre. Ainsi, il semble que c’est plus certainement le poids financier des taxes que les raisons pour lesquelles elles sont mises en œuvre qui modifie les comportements.
L’impact des campagnes médiatiques
Entre 2014 et 2018, plus de 700 articles de presse relatifs aux taxes sur les boissons sucrées ont été publiés dans la région de la baie. Ce flux médiatique pourrait avoir joué un rôle essentiel dans la transformation des perceptions, y compris dans les villes non taxées comme Richmond.
Néanmoins, les auteurs de l’étude soulignent qu’une part significative des habitants des villes concernées ignorait l’existence même de ces taxes, ce qui met en évidence un déficit de communication à combler pour maximiser leur efficacité et surtout mieux faire connaître leurs motivations.
Vers des changements durables
Aussi, les responsables de l’étude recommandent-ils de tirer parti des recettes fiscales pour financer des campagnes éducatives, afin de renforcer l’impact des taxes sur la perception et la consommation des boissons sucrées. Ils préconisent également d’étendre ces taxes à d’autres zones géographiques pour homogénéiser leurs effets et de développer des messages visant à contrer les stratégies publicitaires des fabricants.
Enfin, les chercheurs suggèrent que les succès des politiques anti-tabac pourraient servir de modèle, grâce à une combinaison de taxes, d’éducation et de sensibilisation à long terme.
References
Référence : Altman et al. De-normalizing sugar-sweetened beverage consumption: effects of tax measures on social norms and attitudes in the California Bay Area, BMC Public Health, 2024.
https://www.dreamstime.com/two-tall-gla ... e350574260
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Démographie : taux de fécondité le plus bas depuis 1919
Quentin Haroche | 15 Janvier 2025
Espérance de vie élevée, naissances en baisse : la France est de plus en plus un pays de seniors.
Il ne vous aura pas échappé qu’il a beaucoup été question d’âge de la retraite ces derniers jours. Le gouvernement de François Bayrou voudrait maintenir cet âge à 64 ans, l’opposition de gauche veut le ramener à 62 ans (si ce n’est à 60 ans) et la question devrait continuer à être décisive pour l’avenir politique de notre pays. Et qui dit âge de la retraite dit bien sur espérance de vie, une donnée que les décideurs politiques ne peuvent ignorer au moment d’aborder ces questions. Bonne nouvelle pour les Français (mais mauvaise pour les finances publiques et l’argumentation des politiciens de gauche) : l’espérance de vie n’a jamais été aussi élevée en France.
C’est l’un des nombreux enseignements du bilan démographique de l’année 2024 que l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a publié ce mardi. On y apprend donc que l’espérance de vie à la naissance en France est de 85,6 ans pour les femmes (stable par rapport à 2023) et de 80 ans pour les hommes (+ 0,1 an). Depuis 2010, l’espérance de vie augmente en moyenne chaque année de 0,1 an pour les femmes et de 0,2 ans pour les hommes, sauf entre 2020 et 2022 où elle a diminué du fait de la pandémie de Covid-19. L’espérance de vie à 60 ans est également en légère augmentation et s’établit à 27,8 ans pour les femmes et 23,7 ans pour les hommes. Et dans l’hexagone, l’espérance de vie est supérieure à la moyenne des pays de l’Union Européenne (UE) chez les femmes (84,2 ans) comme chez les hommes (78,9 ans).
L’indice de fécondité au plus bas depuis 1919 !
Conséquence de cette longue durée de vie, la population française vieillit : 21,4 % des Français ont plus de 65 ans et 10,3 % ont plus de 75 ans, des chiffres comparables au reste de l’UE (21,3 % de plus de 65 ans). Mais paradoxalement, la population française reste également relativement jeune : 16,7 % des Français ont moins de 15 ans, soit plus que dans le reste de l’UE (14,9 %).
Cela s’explique par le fait que la France a longtemps connu une forte dynamique des naissances. Ce n’est malheureusement plus le cas (et cela devrait peser également dans le débat sur les retraites, car il faudra bien des actifs pour les payer) : la France n’a enregistré que 663 000 naissances en 2024, du jamais vu depuis 1945 (646 000 naissances), une époque où notre pays ne comptait que 40 millions d’habitants et où des millions d’hommes étaient absents (prisonniers ou déportés). Le nombre de naissances est en baisse de 2,2 % par rapport à 2023 mais ce recul de la natalité est une tendance à long terme : depuis le pic des naissances de 2010 (833 000 bébés), le nombre de nouveau-nés a diminué de 21,5 % en France. Le « réarmement démographique » que le Président de la République Emmanuel Macron appelait de ses vœux il y a tout juste un an a donc, pour l’instant, fait pschitt.
Comme l’explique l’Insee, le nombre de femmes âgées de 20 à 40 ans et donc les plus susceptibles d’avoir des enfants est resté relativement stable ces dix dernières années. Le recul de la natalité s’explique donc par la baisse du taux de fécondité : il est passé de 2,03 enfants par femme en 2010 à seulement 1,62 en 2024, soit une baisse de plus de 20 %. Le taux de fécondité en France n’a jamais été aussi bas depuis…1919, une époque où la France sortait de difficultés autrement plus graves qu’aujourd’hui !
Un solde naturel quasiment nul
Si les naissances diminuent, le nombre de décès est lui en hausse de 1,1 % en 2024, pour atteindre 646 000 morts. L’année passée n’ayant pas été marqué par des épidémies ou des canicules majeures, cette hausse s’explique donc « par le vieillissement de la population » et « du fait de l’arrivée à des âges de forte mortalité des générations nombreuses du baby-boom » explique l’Insee.
Conséquence de cette baisse des naissances couplée à cette hausse des décès, le solde naturel n’est en 2024 que de 17 000, au plus bas depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale et en baisse de 94 % (!) depuis 2006. Grâce à un solde migratoire net de 152 000 personnes, la population de la France a tout de même augmenté de 169 000 en 2024 (+ 0,25 % sur un an) pour atteindre 68,6 millions d’habitants.
Toutes ces données seront, on l’espère, examiner avec attention par les décideurs politiques, au moment de déterminer une politique du grand âge, de tenter de relancer la natalité et donc de déterminer l’âge de la retraite.
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Vers une hausse des charges pour les médecins en secteur 2
Quentin Haroche | 14 Janvier 2025
La réforme de l’assiette sociale des indépendants, qui entrera en vigueur en 2026, devrait conduire à une hausse des charges de 5 % pour les médecins en secteur 2.
C’est l’heure de faire chauffer les calculatrices. Rien de tel quand on est médecin pour passer un mauvais moment et s’arracher les cheveux que de faire ses comptes et de calculer (ou tenter de calculer) les cotisations que l’on doit à l’URSSAF ou à la CARMF.
Le système actuel des cotisations est en effet particulièrement complexe. Une réforme qui doit aboutir en 2026 a justement pour but de simplifier ce mécanisme. Mais pour comprendre les tenants et les aboutissants de la réforme, de savants calculs sont nécessaires.
Rappelons tout d’abord que les médecins, comme tous les indépendants, doivent actuellement jongler entre deux assiettes sociales. Le calcul des cotisations sociales classiques (assurance maladie, allocations familiales, retraite) se fait sur la base du bénéfice non commercial (BNC), compte tenu des exonérations fiscales et des réductions d’impôts. Le calcul de la CSG/CRDS se fait lui sur cette même base augmentée du montant des cotisations sociales : les indépendants payent donc en quelque sorte des cotisations sur les cotisations.
Une seule assiette pour un calcul plus simple
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Comment mieux repérer les essais scientifiques aux données falsifiées
Quentin Haroche | 13 Janvier 2025
Un groupe de scientifiques s’est lancé dans une chasse aux essais scientifiques aux données falsifiées et tentent de développer des outils pour mieux repérer ces travaux qui nuisent à la qualité de la recherche scientifique.
Le retrait, le 17 décembre dernier, près de cinq ans après sa publication, de la première étude du Pr Didier Raoult censée prouver l’efficacité de l’hydroxychloroquine (HCQ) dans le traitement de la Covid-19 a suscité de nombreuses questions sur la qualité des études cliniques publiées dans des revues internationales.
Comment se fait-il en effet, s’interrogent les détracteurs du scientifique marseillais, qu’une étude comprenant autant d’insuffisances méthodologiques (faible nombre de patients, absence de randomisation ou de groupe placebo, exclusion arbitraire de certains patients au cours de l’étude…) ait pu tenir cinq ans avant d’être retirée ?
Un scandale, parmi d’autres, qui a poussé un groupe de scientifiques venus du monde entier à se lancer dans une croisade contre les essais scientifiques aux contenus fallacieux. Le projet INSPECT-SR* a ainsi été lancé en novembre 2023.
Comme l’expliquent les participants au projet dans leur « manifeste » publié à l’époque, « alors qu’il est habituel de traquer les failles méthodologiques des essais randomisés contrôlés (ERC) lors d’une revue systématique, il est rare que soit pris en compte la possibilité que ces études contiennent de fausses données ».
Près d’un quart des études scientifiques contiennent des données douteuses
« Les études contenant de fausses données ne sont donc pas repérées et peuvent fausser les conclusions des revues systématiques » poursuivent les scientifiques. Ils citent notamment des méta-analyses qui ont pu conclure erronément à l’efficacité de l’ivermectine pour traiter la Covid-19 ou de la vitamine K pour la prévention des factures en se basant sur des essais cliniques contenant de fausses données.
« Le but du projet INSPECT-SR est de développer un outil pour mieux mesurer la véracité des ERC » expliquent les chercheurs.
Dans une étude prépubliée le 26 novembre dernier (et qui, ironie de l’histoire, n’a donc pas encore fait l’objet d’une revue systématique) et dont la revue Nature s’est fait l’écho le mois dernier, les membres du projet INSPECT-SR ont fait état des premiers résultats de leurs recherches.
Ils ont décidé d’appliquer à 50 méta-analyses contenues dans la base de données Cochrane (connue pour la qualité des études scientifiques qu’elle recense) une batterie de 72 vérifications pour s’assurer de la véracité des études contenues dans ces méta-analyses.
A la fin de leur travail de vérification, ils en sont arrivés à émettre des doutes sur l’authenticité de 25 % des essais cliniques et de sérieux doutes sur 6 % d’entre eux. En retirant tous les essais cliniques douteux, ce sont 22 % des méta-analyses qui se retrouvaient totalement vidées de leur substance.
Les membres du projet INSPECT-SR admettent cependant que ces résultats ne sont pas forcément représentatifs, puisque certaines de ces vérifications étaient subjectives et difficiles à appliquer et que seules les méta-analyses contenant cinq études ou moins ont été prises en compte. Ces résultats rejoignent cependant de précédentes estimations selon lesquelles près d’un quart des études scientifiques contiennent de fausses données.
Les charlatans sur la sellette
Au-delà du résultat brut, cette étude a surtout permis de déterminer quels types de vérifications sont utiles pour déterminer la véracité d’une étude clinique et lesquels sont inutiles ou impossible à mettre en œuvre en pratique.
Les chercheurs ont pu ainsi affiner leurs méthodes et n’ont retenu que 21 vérifications réparties dans quatre domaines : le devenir de l’étude (par exemple s’il y a eu des demandes de retrait) ; sa méthodologie et sa transparence (notamment s’agissant des questions éthiques) ; la présence ou non de contenu plagié ou de données modifiées ; les éventuelles incohérences dans les résultats.
Les membres du projet INSPECT-SR vont continuer leur travail pour aboutir à un outil de vérification des études scientifiques qu’ils espèrent le plus efficace et facile à utiliser, bien conscient que ceux qui procèdent à des revues systématiques ont parfois des centaines d’études scientifiques à examiner en très peu de temps.
Par ailleurs, grâce à l’intelligence artificielle, de plus en plus d’outils informatiques se développent permettant de repérer les éventuels plagiats ou modifications d’images. Les charlatans risquent d’avoir de plus en plus de mal à prospérer.
* INSPECT-SR : INveStigating ProblEmatic Clinical Trials in Systematic Reviews (enquêter sur les essais cliniques problématiques dans les revues systématiques)
La loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2024 prévoit qu’à partir des revenus de 2025 (donc à partir de 2026), les cotisations sociales et la CSG/CRDS auront désormais la même assiette. Elle correspondra désormais au BNC augmenté des cotisations sociales mais auquel s’appliquera un abattement de 26 %. Cet abattement sera cependant plafonné à 1,3 plafond de la Sécurité Sociale (PASS) soit, selon les calculs de la FMF, à partir d’un BNC de 232 000 euros environ.
Comme l’explique la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF) dans son bulletin de décembre dernier, cette réforme poursuit trois objectifs : la simplification (il n’y aura plus qu’une seule assiette sociale), l’équité (salariés et indépendants seront désormais traités à la même enseigne) et l’augmentation des droits à la retraite.
En effet, pour compenser la baisse des charges consécutive à cette réforme (d’environ 170 millions d’euros par an), les cotisations maladie et retraite vont augmenter d’autant. La réforme sera donc neutre sur les charges pour les indépendants, mais contribuera à augmenter leurs droits à la retraite. « Après réforme, cela générera une augmentation de 10 % de l’ensemble des pensions de la CARMF par année concernée » explique la CARMF.
Les conséquences de la réforme seront cependant bien différentes selon les praticiens. Les médecins en secteur 1 seront les grands gagnants de la réforme. En effet, puisqu’une partie de leurs cotisations sociales sont déjà prises en charge par l’Assurance Maladie, ils ne seront presque pas touchés par la hausse des cotisations maladie et retraite. Avec la réforme, ils auront donc le beurre (une baisse de charge de l’ordre de 2 à 5 % selon les calculs de la CARMF) et l’argent du beurre (une augmentation de leurs droits à la retraite).
Les médecins en secteur 2 sont les grands perdants de la réforme
L’autre grand gagnant de la réforme sera la CARMF elle-même grâce à l’augmentation des cotisations retraite. Sans la réforme, ses réserves auraient été entièrement consommés d’ici 2039. Avec la réforme, ces réserves ne devraient jamais passer en dessous de 2 milliards d’euros.
En revanche, les médecins en secteur 2 seront les grands perdants de cette réforme. Pour la plupart d’entre eux (à l’exception de ceux ayant de relativement faibles revenus), « la baisse de la CSG ne permet pas de compenser les hausses couplées des cotisations maladie et retraite » explique la CARMF. « Les médecins secteur 2 subiront donc une hausse globale de charges de l’ordre de 5 % ». « Ils auront cependant davantage de droits » précise la CARMF.
Les calculs sont complexes (euphémisme) et comme l’explique la CARMF, il faudra sans doute attendre les appels de solde des cotisations à l’été 2026 pour que chaque médecin puisse mieux comprendre les conséquences individuelles de la réforme. Mais d’ores et déjà, certains syndicats de médecins s’inquiètent.
« Certains confrères vont perdre de 3 000 à 5 000 euros par an » s’insurge auprès de nos confrères du Quotidien du médecin le Dr Patrick Gasser, président du syndicat Avenir Spé. Le gastro-entérologue demande au gouvernement soit un moratoire sur la réforme, soit une hausse des tarifs pour compenser la hausse des charges. Pour le syndicaliste, la réforme a été faite « pour faire plaisir principalement aux artisans », le principal contingent d’indépendants, sans prendre en compte la situation particulière des médecins de secteur 2.
Mais en ces temps de déficit public abyssal, il sera sans doute difficile de mobiliser sur le sort de praticiens à haut revenus.
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Déserts médicaux : les contre-propositions du CNOM, des doyens et des carabins
Quentin Haroche | 13 Janvier 2025
Opposés aux propositions visant à limiter la liberté d’installation, le CNOM, les doyens de faculté et les étudiants et internes en médecine proposent de nouvelles mesures incitatives.
En France en 2023, on comptait cinq fois plus de médecins par habitant à Paris que dans l’Eure. Alors que l’inégale répartition géographique des médecins ne fait que s’aggraver ces dernières années, certains estiment que limiter la liberté d’installation des praticiens est désormais la seule solution pour résoudre le problème de la désertification médicale.
Une proposition de loi en ce sens, cosigné par plus de 200 députés, a ainsi été déposée à l’Assemblée Nationale. Au moment d’en débattre, les députés auront notamment en tête que les dentistes ont perdu depuis le 1er janvier leur liberté d’installation (ils ne peuvent s’installer en zone suffisamment dotée qu’en cas de départ d’un confrère).
Les médecins et les étudiants en médecine n’apprécient évidemment guère cette volonté de brider leur liberté. Dans le même temps, ils ne peuvent pas rester totalement aveugle à la question de la désertification médicale et se doivent d’être force de proposition pour contrer les tentatives visant à restreindre leur liberté d’installation.
Dans un communiqué commun publié ce jeudi, le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM), la conférence des doyens des facultés de médecine, l’intersyndicale nationale des internes (ISNI) et l’association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) ont donc uni leur voix pour présenter un contre-programme de lutte contre la désertification médicale.
Favoriser la formation médicale en zone sous-dense
« Nous ne sommes pas favorables à des mesures contraignantes sur l’installation car elles sont inefficaces en période de pénurie et facilement contournables » plaident les quatre organismes. « Ainsi, nous proposons des mesures basées sur la formation et l’encadrement en territoire sous dense, propositions qui ont déjà prouvé leur efficacité à l’étranger dans la littérature sur le sujet ». L’incitation plutôt que la contrainte, voici donc la formule gagnante pour les quatre organismes à l’origine de ce communiqué.
S’appuyant sur une récente étude de l’Inserm qui a prouvé que les médecins s’installaient généralement près de leur lieu d’étude (la moitié des généralistes exercent à moins de 50 km de leur université d’internat), les auteurs du communiqué veulent favoriser la décentralisation de la formation médicale, pour permettre aux futurs médecins d’étudier dans des territoires sous-denses.
« Il convient donc de permettre aux étudiants de réaliser des stages à distance du CHU et de la faculté » peut-on lire dans le communiqué « Pour cela, il faut former des maîtres de stage universitaires (MSU) et des professeurs associés ou titulaires qui animent des antennes universitaires territoriales. Ces stages en zone sous denses doivent être accessibles à tout moment des études médicales, notamment, concerner les étudiants de deuxième cycle ».
Le CNOM, les doyens et les futurs médecins souhaitent également créer un statut de « docteur junior ambulatoire », pour permettre aux médecins en fin d’internat de « découvrir l’exercice médical en territoire sous-dense ».
Mais la principale proposition qui émane de ce communiqué est la création d’un « assistanat territorial ». En clair, les quatre organismes souhaitent inciter (« sur la base du volontariat » précisent-ils) les médecins qui viennent de terminer leur internat à venir exercer pendant un ou deux ans en zone sous-dense.
L’assistanat territorial, nouvelle trouvaille des partisans de la liberté d’installation
Pour les auteurs du communiqué, cet assistanat territorial présente de nombreux avantages : il repose sur des médecins formés et non sur des étudiants ou des internes, il permet de faire le pont entre l’internat et le recrutement de maîtres de stages universitaires (rôle que pourront remplir ces assistants territoriaux) et il « peut être rapidement mis en œuvre et mettre potentiellement à disposition de la population plusieurs milliers de médecins pour intervenir dans les zones sous-denses ».
Le CNOM estime que cet assistanat territorial pourra s’appliquer à toutes les spécialités et pas seulement à la médecine générale et « doit se construire dans le cadre d’un contrat gagnant/gagnant avec les jeunes médecins concernés » qui devront bénéficier de diverses mesures d’accompagnement (facilités de transport, soutien aux jeunes parents, aides au logement…).
Pour inciter les futurs médecins à faire le choix de l’assistanat territorial, les représentants des médecins et des étudiants en médecine ont imaginé plusieurs mesures incitatives. Les assistants territoriaux pourraient ainsi s’installer en libéral après seulement un an (contre deux ans pour les assistants hospitaliers). Ceux qui voudraient exercer à l’hôpital pourraient quant à eux entrer dans la carrière de praticien hospitalier (PH) avec un échelon supérieur aux confrères qui n’ont pas exercé en zone sous-dense.
Mais la crainte est que ces mesures ne deviennent trop incitatives et ne dégarnissent les rangs des hôpitaux. De manière quelque peu paradoxale, le communiqué indique donc que « les chefs de clinique-assistants des hôpitaux devront bénéficier des mêmes avantages que les assistants territoriaux afin de maintenir l’attractivité des carrières hospitalo-universitaires » : c’est le serpent qui se mord la queue !
Ces mesures incitatives, qui sont dans la lignée d’autres propositions en ce sens, auront toujours les faveurs des médecins, très attachés à leur liberté. Mais sont-elles vraiment suffisantes pour mettre fin à la désertification médicale ? Rien n’est moins sûr.
Quentin Haroche | 17 Janvier 2025
jim.fr
L’agression d’Annemasse a relancé le débat sur la réponse de l’Etat face aux violences contre les soignants, que de nombreux professionnels de santé jugent insuffisante.
Ce samedi, le Dr Yannick Neuder, ministre de la Santé, était en visite aux urgences de l’hôpital d’Annemasse. Pas pour y constater les difficultés qu’ont de nombreux établissements de santé à prendre en charge l’épidémie de grippe, mais pour y exprimer sa solidarité avec les soignants victimes d’une violente agression. Le 8 janvier dernier, deux frères s’en sont en effet pris verbalement puis physiquement au personnel des urgences. Douze personnes ont été blessées. Les deux hommes ont été interpellés et placés sous contrôle judiciaire : ils doivent être jugés le 17 février prochain.
« Il y aura une tolérance zéro » a affirmé le ministre de la Santé, qui a évoqué la possibilité que les peines encourues en cas d’agression contre les professionnels de santé soient aggravées. En mars dernier, une proposition de loi en ce sens avait été examinée à l’Assemblée Nationale. Elle prévoyait d’étendre l’application des circonstances aggravantes déjà prévues en cas de violences commises contre un professionnel de santé aux violences commises à l’encontre de tout membre du personnel d’un établissement de santé, de créer un délit d’outrage à l’encontre des professionnels de santé (puni de six mois d’emprisonnement) et de permettre à l’établissement de santé qui l’emploie de porter plainte à la place du soignant victime.
Une proposition de loi restée lettre morte
La proposition de loi a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée Nationale et transmise au Sénat. Et depuis, plus rien : le texte prend la poussière à la chambre haute depuis près d’un an, son examen ayant notamment été retardé par la crise politique actuelle. « Combien de soignants insultés, maltraités voire tabassés, frappés, roués de coups au sol devrons-nous encore supporter avant que le Sénat fasse de l’examen de la proposition de loi une priorité ? » s’insurgeait l’UFML dans un communiqué publié le 19 décembre dernier.
La non-adoption de cette loi est pour beaucoup de syndicats symptomatique de l’attitude de l’Etat sur cette question de la sécurité des soignants : beaucoup d’annonces mais peu d’actions concrètes. En septembre 2023, le gouvernement avait présenté un plan de lutte contre la violence des soignants prévoyant entre autres la facilitation du dépôt de plainte, une meilleure formation des professionnels de santé à la gestion des conflits et une sécurisation des lieux de soins. Des mesures qui n’ont, pour la plupart, toujours pas été mises à exécution. « Le plan n’a pas vécu », reconnait Nathalie Nion, cadre de santé à l’AP-HP, qui a participé à l’élaboration de ces propositions gouvernementales et qui invoque la valse des ministres de la santé (sept en 30 mois) pour expliquer cette absence de mesures concrètes. « Il faudrait qu’un maximum de recommandations soient mises en place » plaide-t-elle.
La CSMF et l’UFML demandent des mesures concrètes
Les syndicats ont de plus en plus de mal à cacher leur exaspération face à ces violences et à l’immobilisme de l’Etat. Lors de la présentation des vœux de la CSMF ce mercredi, le président du syndicat, le Dr Franck Devulder a, en présence de Yannick Neuder et de la ministre de la Santé et du Travail Catherine Vautrin, appelé à un sursaut. « Il est temps de prendre les mesures nécessaires » plaide le gastro-entérologue.« La population doit être informée qu’il y aura des peines aggravées en cas de violences contre les soignants, à l’instar de ce qui existe pour les forces de l’ordre ».
Les propositions des représentants des professionnels de santé vont toutes dans le même sens : aggravation des peines pour les agresseurs, facilitation des plaintes et mises en place de dispositifs de sécurité. « Un bracelet, un bouton caché dans une poche ou autre, peut être déterminant » indiquait déjà le plan du gouvernement de 2023. Le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML, demande quant à lui la mise en place d’un « guichet unique qui permette de porter plainte par voie numérique et de suivre son instruction en permanence » pour les soignants victimes.
Bien qu’il soit très difficile d’avoir des chiffres fiables sur la question, les violences contre les soignants semblent en augmentation ces dernières années. L’Observatoire de la sécurité des médecins a enregistré près de 20 000 signalements en 2023, soit une hausse de 27 % depuis 2022 et de 65 % depuis 2020. Le Dr Marty estime par ailleurs que « 80 % des agressions ne sont pas signalées ».
A lire sur le site de la SOFIA l'article sur les violences aux professionnels de santé
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Budget de la Sécu : Bayrou donne des gages à sa gauche
Quentin Haroche | 15 Janvier 2025
jim.fr
Dans son discours de politique générale, le Premier Ministre François Bayrou a annoncé une hausse « notable » des dépenses de santé.
Il aura fallu attendre les toutes dernières minutes du (trop) long discours de politique générale que François Bayrou ce mardi devant l’Assemblée Nationale pour que le Premier Ministre évoque les questions de santé et de handicap. Certains y verront un signe que les sujets sanitaires sont loin d’être la priorité du nouveau gouvernement, actuellement sur un siège éjectable, tant le soutien dont il bénéficie dans l’hémicycle est mince. Le maire de Pau n’en a pas moins fait des annonces importantes sur le sujet, presque toutes à rebours de son prédécesseur Michel Barnier.
On se souvient que c’est justement la santé qui a fait tomber l’éphémère gouvernement Barnier. L’ancien commissaire européen avait présenté un projet de loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) d’austérité (toute relative) qui prévoyait (entre autres) près de 4 milliards d’euros d’économie sur les dépenses de santé. Mal lui en a pris, puisque son PLFSS a été rejeté par l’Assemblée Nationale le 4 décembre dernier, à la suite du vote par le Rassemblement National d’une motion de censure du Nouveau Front Populaire provoquant la chute du gouvernement, une première en France depuis 1962.
Hausse de l’Ondam, pas d’augmentation du ticket modérateur, remboursement des fauteuils roulants : François Bayrou se montre dépensier
Bien décidé à tenir plus longtemps que son prédécesseur, François Bayrou a décidé de bazarder toute idée d’austérité en matière de santé. Il a ainsi annoncé que « le gouvernement proposera une hausse notable de l’objectif national de dépenses maladie » (Ondam), sans la chiffrer précisément, afin d’ « améliorer les conditions de travail des soignants et de protéger les plus fragiles ». Le PLFSS de Michel Barnier prévoyait déjà une hausse de l’Ondam hospitalier de 2,8 %. Mais une partie de la somme étant allouée à renflouer les caisses du régime de retraite de la fonction publique hospitalière, la hausse de l’Ondam n’était en réalité que de 2,1 %. Insuffisant pour la fédération hospitalière de France (FHF), qui réclamait une hausse du budget des hôpitaux de 6 %.
Semblant ignorer la situation budgétaire extrêmement compromise de l’Etat et de la Sécurité Sociale (qu’il a pourtant longuement dénoncé en début de discours), François Bayrou a également annoncé qu’il abandonnait la hausse du ticket modérateur sur les médicaments et les consultations médicales, voulu par Michel Barnier et qui aurait permis de dégager 1 milliard d’euros d’économie pour la Sécurité Sociale. La proposition avait provoqué un tollé en fin d’année dernière, à l’extrême-droite comme à gauche et l’ancien Premier Ministre y avait d’ailleurs renoncé s’agissant des médicaments, ce qui ne lui avait pas permis de sauver son poste.
Toujours aussi généreux, François Bayrou a également promis le « remboursement intégral des fauteuils roulants dès 2025 », reprenant ainsi une promesse formulée par Emmanuel Macron en 2023 et qui a déjà donné lieu à une proposition de loi adoptée en commission en novembre dernier. N’effaçant pas totalement l’héritage du gouvernement Barnier, l’actuel Premier Ministre a également confirmé que la santé mentale serait bien la grande cause nationale en 2025, comme l’avait voulu son prédécesseur.
3 février : reprise des débats sur le PLFSS…et sur la fin de vie ?
Pour le reste, François Bayrou a énuméré de nombreux thèmes de politique sanitaire, sans formuler de propositions concrètes. Il a ainsi tour à tout appelé à « travailler sur l’enjeu de la démographie médicale », à « résoudre le problème irrésolu de la formation des médecins » et également évoquer l’école inclusive qui aurait atteint une « masse critique » (sans évoquer des pistes de solution). Il a également évoqué l’idée d’adopter une « logique de financement pluriannuelle » de la santé, semblant ainsi reprendre à son compte la proposition formulée de longue date par la FHF de mettre en place des lois de programmation budgétaire des hôpitaux.
La politique sanitaire de François Bayrou se clarifiera au moment où son gouvernement présentera le nouveau PLFSS. Ce mardi matin, peu avant que le Premier Ministre ne prenne la parole, on apprenait que la conférence des présidents de l’Assemblée Nationale avait décidé que le débat parlementaire sur le PLFSS reprendrait dans l’hémicycle le 3 février prochain. Une semaine qui pourrait être chargée, puisque la présidente de l’Assemblée Nationale Yael Braun-Pivet souhaite que l’examen du projet de loi sur la fin de vie, qui a été stoppé net par la dissolution, reprenne à cette date. Sur ce sujet majeur, François Bayrou, qui comme il le rappelle souvent est catholique pratiquant, aura été peu prolixe, se contentant d’évoquer le « pouvoir d’initiative » des députés sur « des sujets importants dans notre société, comme la fin de vie ».
Mais avant d’en arriver au 3 février, il faudra passer l’écueil de la censure, ce qui n’est pas encore totalement assuré pour le gouvernement Bayrou.
Dépenser toujours plus, creuser le déficit, laisser celui-ci aux générations futures... Ne pas s'attaquer aux vrais problèmes structurels, ne pas faire de réforme courageuse, laisser l'impunité des évasions fiscales... Rien de nouveau au 57 rue de Varenne.
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L’immigration médicale serait en diminution…mais son coût préoccupe de plus en plus
Quentin Haroche | 14 Janvier 2025
Selon le dernier rapport de l’OFII, le nombre de demandes de visas pour raisons médicales est en baisse continue depuis 2017, mais son coût reste inconnu.
L’Aide médicale d’Etat (AME), dispositif assurant des soins gratuits aux immigrés clandestins sous condition de ressource, fait toujours l’objet de débats enflammés entre la droite et l’extrême-droite qui veulent la réformer (voir la supprimer) et la gauche qui défend son maintien au nom d’un certain humanisme. Mais l’AME n’est pas la seule manifestation de la générosité médicale de la France vis-à-vis des étrangers. Notre pays a en effet mis au point un dispositif de visa pour raisons médicales considéré comme l’un des plus généreux au monde.
Tout étranger non-européen peut ainsi en principe venir se faire soigner gratuitement en France, à condition de remplir les conditions cumulatives suivantes : résider habituellement en France, avoir besoin d’une prise en charge médicale « sans laquelle sa santé deviendrait critique », ne pas pouvoir bénéficier d’un traitement équivalent à celui prodigué en France dans son pays d’origine et ne pas représenter un danger pour l’ordre public.
Jusqu’en 2017, les demandes de visas médicaux étaient examinées par les agences régionales de santé (ARS), ce qui entrainait de fortes disparités selon les régions. Désormais, les demandes sont étudiées par les médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Ces médecins ne font cependant qu’émettre un avis, la décision finale revenant au préfet.
2100 demandes d’Algériens et onze d’Américains
Selon le dernier rapport de l’OFII sur l’immigration médicale, remis au Parlement le 20 décembre dernier, un peu plus de 24 000 demandes de visas médicaux ont été déposées en 2022, soit une baisse de 12,7 % par rapport à 2021. Depuis 2017 et la mise en place du contrôle par l’OFII, le nombre de demandes s’est effondré, diminuant de 58,6 % en cinq ans.
La générosité des médecins de l’OFII chargés d’examiner ces demandes est très variable selon les années. Après être passé de 51 % en 2017 à 66 % en 2020, le taux d’avis favorable est repassé à 61 % en 2022. Et, selon un rapport de l’Académie de Médecine datant de 2020, le taux d’avis favorable avoisinait les 75 % à l’époque où les contrôles étaient opérés par les ARS.
Les immigrés médicaux sont généralement atteints de pathologies infectieuses (27 % des demandeurs), de maladies de l’appareil circulatoire (21 %) ou d’affections endocriniennes (18 %). Les Algériens sont le principal contingent des immigrés médicaux, comptant à eux seuls pour 8,7 % des recours (2 100 demandes), suivis par les Ivoiriens (7,1 %, 1 700 demandes) et les Géorgiens (6,4 %, 1 500 demandes).
Chaque année, une poignée d’étrangers originaires de pays riches disposant de système de santé équivalent à celui de la France demandent pourtant à bénéficier de la générosité de notre pays : en 2022, onze Américains et onze Britanniques ainsi que cinq canadiens ont déposé des demandes de visas médicaux pour la France.
Bien que le nombre d’immigrés médicaux soient visiblement en baisse, ces chiffres inquiètent l’Observatoire de l’immigration et de la démographie (OID), un « think-tank » qui serait proche de l’extrême-droite. Dans une note consacrée à l’immigration médicale publié en novembre dernier, elle considère que ces visas pour raisons médicales ne constituent que la face émergée de l’iceberg et qu’une grande partie des bénéficiaires de l’AME sont des immigrés médicaux, qui ne sont venus en France que pour bénéficier de la générosité de notre système de santé.
La note cite notamment un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) de 2019 selon lequel « plus d’un quart des étrangers en situation irrégulière citeraient les soins parmi les raisons de leur migration ».
Un coût invisible
En outre, les membres de l’OID notent que les conditions, apparemment strictes, pour obtenir un visa médical, sont souvent contournés. En effet, le refus d’accorder un visa médical par le préfet peut être attaqué en justice et les juges se montrent parfois particulièrement cléments. La note de l’OID cite le cas, qualifié d’ «emblématique », d’une femme africaine, déjà mère de trois ans enfants, qui a finalement pu bénéficier, grâce au juge administratif, d’un visa médical pour bénéficier en France…d’une procréation médicalement assistée (PMA).
Reste la question du coût de cette immigration médicale pour la collectivité. Dans une interview accordée au journal Le Parisien ce lundi, le président de Les Républicains Laurent Wauquiez évoque « un dispositif qui coûte très cher » et qu’il évalue à plusieurs centaines de millions d’euros par an. En réalité, de l’avis même de l’OFII, le coût de l’immigration médicale est impossible à déterminer, car il est noyé dans la masse des dépenses de l’Assurance Maladie (l’OFII parle de « coût invisible »).
Une seule chose est sure : les dépenses médicales dont peuvent bénéficier un étranger malade sont « sans limites ». L’OFII évoque ainsi le cas d’étrangers malades dont les soins coûtent plus de 600 000 euros par an à la collectivité. « Les montants, même approximatifs, sont clairement sous pondérés car n’incluant que le prix du schéma posologique et ne comprennent pas le séjour hospitalier » ajoute l’OFII.
« Honnêtement, on ne sait pas ce que ça représente » reconnait auprès du Parisien Claude Evin, ancien ministre de la Santé et auteur d’un rapport sur l’AME en 2023. « C’est un sujet sur lequel on entend beaucoup de choses mais qu’il faudrait pouvoir expertiser précisément ».
A tout le moins…
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Quand les taxes changent nos habitudes : le cas des boissons sucrées dans la baie de San Francisco
Juliette Seblon | 15 Janvier 2025
Alors que les programmes de santé publique se multiplient pour réduire la consommation de boissons sucrées, une étude récente explore l’impact des taxes sur ces produits dans les communautés à faible revenu de la région de la baie de Californie.
Concentrée sur les villes de San Francisco, Oakland, Berkeley et Richmond, cette recherche ne permet pas de complétement déterminer si au-delà de l’effet mécanique du prix qui réduit la consommation, les taxes modifient l’acceptabilité sociale et plus encore les idées reçues concernant les effets sur la santé des boissons sucrées.
Une méthodologie longitudinale et ciblée
L’étude a recueilli des données issues d’enquêtes menées entre 2016 et 2021 auprès de 9 128 participants dans quatre villes aux politiques fiscales distinctes. Berkeley a instauré une taxe dès 2015, tandis que Oakland et San Francisco ont suivi en 2017 et 2018. Richmond, qui n’a pas adopté de taxe, a servi de groupe témoin.
Les chercheurs ont analysé deux dimensions principales : les normes sociales reflétées par les perceptions des participants quant à la consommation de boissons sucrées par leurs pairs et les idées reçues relatives aux conséquences pour la santé de la consommation de ces produits, incluant les sodas, boissons énergétiques et jus sucrés.
Réduction de la consommation = réduction des normes sociales?
Concernant les normes sociales, les auteurs rappellent qu’il s’agit de ce qui est considéré comme “socialement acceptable”. Logiquement, ces “normes sociales” influencent les comportements. Ainsi les participants ont-ils été interrogés sur la propension de leurs pairs à boire des boissons sucrées : une diminution pouvant être analysée comme le fait que ces dernières sont perçues comme moins “socialement acceptables”. Or, entre 2016 et 2021, la consommation perçue a reculé de 28 % pour les sodas, de 26 % pour les boissons énergétiques et de 28 % pour les jus sucrés.
À Oakland, une réduction spécifique de 22 % de la perception de la consommation de boissons énergétiques a été enregistrée après l’instauration de la taxe. Ces résultats pourraient illustrer l’effet combiné des taxes et d’une forte exposition médiatique, contribuant à dénormaliser ces produits.
Idées reçues quant aux bienfaits des boissons sucrées
Mais d’autres éléments amoindrissent un peu la pertinence de cette observation. En effet, contrairement aux normes sociales, les idées reçues sur les bienfaits supposés des boissons sucrées n’ont que peu évolué. À San Francisco, les opinions favorables sur les jus sucrés ont légèrement régressé après la mise en œuvre de la taxe. Mais parallèlement, certaines persistent, comme le fait que les jus de fruits ou les boissons énergétiques sont souvent considérés à tort comme des choix plus sains. Les chercheurs attribuent cette résistance à l’influence des campagnes marketing, qui continuent de promouvoir ces produits en valorisant leur image de boissons "naturelles" ou "énergétiques", malgré leur teneur élevée en sucre. Ainsi, il semble que c’est plus certainement le poids financier des taxes que les raisons pour lesquelles elles sont mises en œuvre qui modifie les comportements.
L’impact des campagnes médiatiques
Entre 2014 et 2018, plus de 700 articles de presse relatifs aux taxes sur les boissons sucrées ont été publiés dans la région de la baie. Ce flux médiatique pourrait avoir joué un rôle essentiel dans la transformation des perceptions, y compris dans les villes non taxées comme Richmond.
Néanmoins, les auteurs de l’étude soulignent qu’une part significative des habitants des villes concernées ignorait l’existence même de ces taxes, ce qui met en évidence un déficit de communication à combler pour maximiser leur efficacité et surtout mieux faire connaître leurs motivations.
Vers des changements durables
Aussi, les responsables de l’étude recommandent-ils de tirer parti des recettes fiscales pour financer des campagnes éducatives, afin de renforcer l’impact des taxes sur la perception et la consommation des boissons sucrées. Ils préconisent également d’étendre ces taxes à d’autres zones géographiques pour homogénéiser leurs effets et de développer des messages visant à contrer les stratégies publicitaires des fabricants.
Enfin, les chercheurs suggèrent que les succès des politiques anti-tabac pourraient servir de modèle, grâce à une combinaison de taxes, d’éducation et de sensibilisation à long terme.
References
Référence : Altman et al. De-normalizing sugar-sweetened beverage consumption: effects of tax measures on social norms and attitudes in the California Bay Area, BMC Public Health, 2024.
https://www.dreamstime.com/two-tall-gla ... e350574260
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Démographie : taux de fécondité le plus bas depuis 1919
Quentin Haroche | 15 Janvier 2025
Espérance de vie élevée, naissances en baisse : la France est de plus en plus un pays de seniors.
Il ne vous aura pas échappé qu’il a beaucoup été question d’âge de la retraite ces derniers jours. Le gouvernement de François Bayrou voudrait maintenir cet âge à 64 ans, l’opposition de gauche veut le ramener à 62 ans (si ce n’est à 60 ans) et la question devrait continuer à être décisive pour l’avenir politique de notre pays. Et qui dit âge de la retraite dit bien sur espérance de vie, une donnée que les décideurs politiques ne peuvent ignorer au moment d’aborder ces questions. Bonne nouvelle pour les Français (mais mauvaise pour les finances publiques et l’argumentation des politiciens de gauche) : l’espérance de vie n’a jamais été aussi élevée en France.
C’est l’un des nombreux enseignements du bilan démographique de l’année 2024 que l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a publié ce mardi. On y apprend donc que l’espérance de vie à la naissance en France est de 85,6 ans pour les femmes (stable par rapport à 2023) et de 80 ans pour les hommes (+ 0,1 an). Depuis 2010, l’espérance de vie augmente en moyenne chaque année de 0,1 an pour les femmes et de 0,2 ans pour les hommes, sauf entre 2020 et 2022 où elle a diminué du fait de la pandémie de Covid-19. L’espérance de vie à 60 ans est également en légère augmentation et s’établit à 27,8 ans pour les femmes et 23,7 ans pour les hommes. Et dans l’hexagone, l’espérance de vie est supérieure à la moyenne des pays de l’Union Européenne (UE) chez les femmes (84,2 ans) comme chez les hommes (78,9 ans).
L’indice de fécondité au plus bas depuis 1919 !
Conséquence de cette longue durée de vie, la population française vieillit : 21,4 % des Français ont plus de 65 ans et 10,3 % ont plus de 75 ans, des chiffres comparables au reste de l’UE (21,3 % de plus de 65 ans). Mais paradoxalement, la population française reste également relativement jeune : 16,7 % des Français ont moins de 15 ans, soit plus que dans le reste de l’UE (14,9 %).
Cela s’explique par le fait que la France a longtemps connu une forte dynamique des naissances. Ce n’est malheureusement plus le cas (et cela devrait peser également dans le débat sur les retraites, car il faudra bien des actifs pour les payer) : la France n’a enregistré que 663 000 naissances en 2024, du jamais vu depuis 1945 (646 000 naissances), une époque où notre pays ne comptait que 40 millions d’habitants et où des millions d’hommes étaient absents (prisonniers ou déportés). Le nombre de naissances est en baisse de 2,2 % par rapport à 2023 mais ce recul de la natalité est une tendance à long terme : depuis le pic des naissances de 2010 (833 000 bébés), le nombre de nouveau-nés a diminué de 21,5 % en France. Le « réarmement démographique » que le Président de la République Emmanuel Macron appelait de ses vœux il y a tout juste un an a donc, pour l’instant, fait pschitt.
Comme l’explique l’Insee, le nombre de femmes âgées de 20 à 40 ans et donc les plus susceptibles d’avoir des enfants est resté relativement stable ces dix dernières années. Le recul de la natalité s’explique donc par la baisse du taux de fécondité : il est passé de 2,03 enfants par femme en 2010 à seulement 1,62 en 2024, soit une baisse de plus de 20 %. Le taux de fécondité en France n’a jamais été aussi bas depuis…1919, une époque où la France sortait de difficultés autrement plus graves qu’aujourd’hui !
Un solde naturel quasiment nul
Si les naissances diminuent, le nombre de décès est lui en hausse de 1,1 % en 2024, pour atteindre 646 000 morts. L’année passée n’ayant pas été marqué par des épidémies ou des canicules majeures, cette hausse s’explique donc « par le vieillissement de la population » et « du fait de l’arrivée à des âges de forte mortalité des générations nombreuses du baby-boom » explique l’Insee.
Conséquence de cette baisse des naissances couplée à cette hausse des décès, le solde naturel n’est en 2024 que de 17 000, au plus bas depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale et en baisse de 94 % (!) depuis 2006. Grâce à un solde migratoire net de 152 000 personnes, la population de la France a tout de même augmenté de 169 000 en 2024 (+ 0,25 % sur un an) pour atteindre 68,6 millions d’habitants.
Toutes ces données seront, on l’espère, examiner avec attention par les décideurs politiques, au moment de déterminer une politique du grand âge, de tenter de relancer la natalité et donc de déterminer l’âge de la retraite.
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Vers une hausse des charges pour les médecins en secteur 2
Quentin Haroche | 14 Janvier 2025
La réforme de l’assiette sociale des indépendants, qui entrera en vigueur en 2026, devrait conduire à une hausse des charges de 5 % pour les médecins en secteur 2.
C’est l’heure de faire chauffer les calculatrices. Rien de tel quand on est médecin pour passer un mauvais moment et s’arracher les cheveux que de faire ses comptes et de calculer (ou tenter de calculer) les cotisations que l’on doit à l’URSSAF ou à la CARMF.
Le système actuel des cotisations est en effet particulièrement complexe. Une réforme qui doit aboutir en 2026 a justement pour but de simplifier ce mécanisme. Mais pour comprendre les tenants et les aboutissants de la réforme, de savants calculs sont nécessaires.
Rappelons tout d’abord que les médecins, comme tous les indépendants, doivent actuellement jongler entre deux assiettes sociales. Le calcul des cotisations sociales classiques (assurance maladie, allocations familiales, retraite) se fait sur la base du bénéfice non commercial (BNC), compte tenu des exonérations fiscales et des réductions d’impôts. Le calcul de la CSG/CRDS se fait lui sur cette même base augmentée du montant des cotisations sociales : les indépendants payent donc en quelque sorte des cotisations sur les cotisations.
Une seule assiette pour un calcul plus simple
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Comment mieux repérer les essais scientifiques aux données falsifiées
Quentin Haroche | 13 Janvier 2025
Un groupe de scientifiques s’est lancé dans une chasse aux essais scientifiques aux données falsifiées et tentent de développer des outils pour mieux repérer ces travaux qui nuisent à la qualité de la recherche scientifique.
Le retrait, le 17 décembre dernier, près de cinq ans après sa publication, de la première étude du Pr Didier Raoult censée prouver l’efficacité de l’hydroxychloroquine (HCQ) dans le traitement de la Covid-19 a suscité de nombreuses questions sur la qualité des études cliniques publiées dans des revues internationales.
Comment se fait-il en effet, s’interrogent les détracteurs du scientifique marseillais, qu’une étude comprenant autant d’insuffisances méthodologiques (faible nombre de patients, absence de randomisation ou de groupe placebo, exclusion arbitraire de certains patients au cours de l’étude…) ait pu tenir cinq ans avant d’être retirée ?
Un scandale, parmi d’autres, qui a poussé un groupe de scientifiques venus du monde entier à se lancer dans une croisade contre les essais scientifiques aux contenus fallacieux. Le projet INSPECT-SR* a ainsi été lancé en novembre 2023.
Comme l’expliquent les participants au projet dans leur « manifeste » publié à l’époque, « alors qu’il est habituel de traquer les failles méthodologiques des essais randomisés contrôlés (ERC) lors d’une revue systématique, il est rare que soit pris en compte la possibilité que ces études contiennent de fausses données ».
Près d’un quart des études scientifiques contiennent des données douteuses
« Les études contenant de fausses données ne sont donc pas repérées et peuvent fausser les conclusions des revues systématiques » poursuivent les scientifiques. Ils citent notamment des méta-analyses qui ont pu conclure erronément à l’efficacité de l’ivermectine pour traiter la Covid-19 ou de la vitamine K pour la prévention des factures en se basant sur des essais cliniques contenant de fausses données.
« Le but du projet INSPECT-SR est de développer un outil pour mieux mesurer la véracité des ERC » expliquent les chercheurs.
Dans une étude prépubliée le 26 novembre dernier (et qui, ironie de l’histoire, n’a donc pas encore fait l’objet d’une revue systématique) et dont la revue Nature s’est fait l’écho le mois dernier, les membres du projet INSPECT-SR ont fait état des premiers résultats de leurs recherches.
Ils ont décidé d’appliquer à 50 méta-analyses contenues dans la base de données Cochrane (connue pour la qualité des études scientifiques qu’elle recense) une batterie de 72 vérifications pour s’assurer de la véracité des études contenues dans ces méta-analyses.
A la fin de leur travail de vérification, ils en sont arrivés à émettre des doutes sur l’authenticité de 25 % des essais cliniques et de sérieux doutes sur 6 % d’entre eux. En retirant tous les essais cliniques douteux, ce sont 22 % des méta-analyses qui se retrouvaient totalement vidées de leur substance.
Les membres du projet INSPECT-SR admettent cependant que ces résultats ne sont pas forcément représentatifs, puisque certaines de ces vérifications étaient subjectives et difficiles à appliquer et que seules les méta-analyses contenant cinq études ou moins ont été prises en compte. Ces résultats rejoignent cependant de précédentes estimations selon lesquelles près d’un quart des études scientifiques contiennent de fausses données.
Les charlatans sur la sellette
Au-delà du résultat brut, cette étude a surtout permis de déterminer quels types de vérifications sont utiles pour déterminer la véracité d’une étude clinique et lesquels sont inutiles ou impossible à mettre en œuvre en pratique.
Les chercheurs ont pu ainsi affiner leurs méthodes et n’ont retenu que 21 vérifications réparties dans quatre domaines : le devenir de l’étude (par exemple s’il y a eu des demandes de retrait) ; sa méthodologie et sa transparence (notamment s’agissant des questions éthiques) ; la présence ou non de contenu plagié ou de données modifiées ; les éventuelles incohérences dans les résultats.
Les membres du projet INSPECT-SR vont continuer leur travail pour aboutir à un outil de vérification des études scientifiques qu’ils espèrent le plus efficace et facile à utiliser, bien conscient que ceux qui procèdent à des revues systématiques ont parfois des centaines d’études scientifiques à examiner en très peu de temps.
Par ailleurs, grâce à l’intelligence artificielle, de plus en plus d’outils informatiques se développent permettant de repérer les éventuels plagiats ou modifications d’images. Les charlatans risquent d’avoir de plus en plus de mal à prospérer.
* INSPECT-SR : INveStigating ProblEmatic Clinical Trials in Systematic Reviews (enquêter sur les essais cliniques problématiques dans les revues systématiques)
La loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2024 prévoit qu’à partir des revenus de 2025 (donc à partir de 2026), les cotisations sociales et la CSG/CRDS auront désormais la même assiette. Elle correspondra désormais au BNC augmenté des cotisations sociales mais auquel s’appliquera un abattement de 26 %. Cet abattement sera cependant plafonné à 1,3 plafond de la Sécurité Sociale (PASS) soit, selon les calculs de la FMF, à partir d’un BNC de 232 000 euros environ.
Comme l’explique la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF) dans son bulletin de décembre dernier, cette réforme poursuit trois objectifs : la simplification (il n’y aura plus qu’une seule assiette sociale), l’équité (salariés et indépendants seront désormais traités à la même enseigne) et l’augmentation des droits à la retraite.
En effet, pour compenser la baisse des charges consécutive à cette réforme (d’environ 170 millions d’euros par an), les cotisations maladie et retraite vont augmenter d’autant. La réforme sera donc neutre sur les charges pour les indépendants, mais contribuera à augmenter leurs droits à la retraite. « Après réforme, cela générera une augmentation de 10 % de l’ensemble des pensions de la CARMF par année concernée » explique la CARMF.
Les conséquences de la réforme seront cependant bien différentes selon les praticiens. Les médecins en secteur 1 seront les grands gagnants de la réforme. En effet, puisqu’une partie de leurs cotisations sociales sont déjà prises en charge par l’Assurance Maladie, ils ne seront presque pas touchés par la hausse des cotisations maladie et retraite. Avec la réforme, ils auront donc le beurre (une baisse de charge de l’ordre de 2 à 5 % selon les calculs de la CARMF) et l’argent du beurre (une augmentation de leurs droits à la retraite).
Les médecins en secteur 2 sont les grands perdants de la réforme
L’autre grand gagnant de la réforme sera la CARMF elle-même grâce à l’augmentation des cotisations retraite. Sans la réforme, ses réserves auraient été entièrement consommés d’ici 2039. Avec la réforme, ces réserves ne devraient jamais passer en dessous de 2 milliards d’euros.
En revanche, les médecins en secteur 2 seront les grands perdants de cette réforme. Pour la plupart d’entre eux (à l’exception de ceux ayant de relativement faibles revenus), « la baisse de la CSG ne permet pas de compenser les hausses couplées des cotisations maladie et retraite » explique la CARMF. « Les médecins secteur 2 subiront donc une hausse globale de charges de l’ordre de 5 % ». « Ils auront cependant davantage de droits » précise la CARMF.
Les calculs sont complexes (euphémisme) et comme l’explique la CARMF, il faudra sans doute attendre les appels de solde des cotisations à l’été 2026 pour que chaque médecin puisse mieux comprendre les conséquences individuelles de la réforme. Mais d’ores et déjà, certains syndicats de médecins s’inquiètent.
« Certains confrères vont perdre de 3 000 à 5 000 euros par an » s’insurge auprès de nos confrères du Quotidien du médecin le Dr Patrick Gasser, président du syndicat Avenir Spé. Le gastro-entérologue demande au gouvernement soit un moratoire sur la réforme, soit une hausse des tarifs pour compenser la hausse des charges. Pour le syndicaliste, la réforme a été faite « pour faire plaisir principalement aux artisans », le principal contingent d’indépendants, sans prendre en compte la situation particulière des médecins de secteur 2.
Mais en ces temps de déficit public abyssal, il sera sans doute difficile de mobiliser sur le sort de praticiens à haut revenus.
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Déserts médicaux : les contre-propositions du CNOM, des doyens et des carabins
Quentin Haroche | 13 Janvier 2025
Opposés aux propositions visant à limiter la liberté d’installation, le CNOM, les doyens de faculté et les étudiants et internes en médecine proposent de nouvelles mesures incitatives.
En France en 2023, on comptait cinq fois plus de médecins par habitant à Paris que dans l’Eure. Alors que l’inégale répartition géographique des médecins ne fait que s’aggraver ces dernières années, certains estiment que limiter la liberté d’installation des praticiens est désormais la seule solution pour résoudre le problème de la désertification médicale.
Une proposition de loi en ce sens, cosigné par plus de 200 députés, a ainsi été déposée à l’Assemblée Nationale. Au moment d’en débattre, les députés auront notamment en tête que les dentistes ont perdu depuis le 1er janvier leur liberté d’installation (ils ne peuvent s’installer en zone suffisamment dotée qu’en cas de départ d’un confrère).
Les médecins et les étudiants en médecine n’apprécient évidemment guère cette volonté de brider leur liberté. Dans le même temps, ils ne peuvent pas rester totalement aveugle à la question de la désertification médicale et se doivent d’être force de proposition pour contrer les tentatives visant à restreindre leur liberté d’installation.
Dans un communiqué commun publié ce jeudi, le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM), la conférence des doyens des facultés de médecine, l’intersyndicale nationale des internes (ISNI) et l’association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) ont donc uni leur voix pour présenter un contre-programme de lutte contre la désertification médicale.
Favoriser la formation médicale en zone sous-dense
« Nous ne sommes pas favorables à des mesures contraignantes sur l’installation car elles sont inefficaces en période de pénurie et facilement contournables » plaident les quatre organismes. « Ainsi, nous proposons des mesures basées sur la formation et l’encadrement en territoire sous dense, propositions qui ont déjà prouvé leur efficacité à l’étranger dans la littérature sur le sujet ». L’incitation plutôt que la contrainte, voici donc la formule gagnante pour les quatre organismes à l’origine de ce communiqué.
S’appuyant sur une récente étude de l’Inserm qui a prouvé que les médecins s’installaient généralement près de leur lieu d’étude (la moitié des généralistes exercent à moins de 50 km de leur université d’internat), les auteurs du communiqué veulent favoriser la décentralisation de la formation médicale, pour permettre aux futurs médecins d’étudier dans des territoires sous-denses.
« Il convient donc de permettre aux étudiants de réaliser des stages à distance du CHU et de la faculté » peut-on lire dans le communiqué « Pour cela, il faut former des maîtres de stage universitaires (MSU) et des professeurs associés ou titulaires qui animent des antennes universitaires territoriales. Ces stages en zone sous denses doivent être accessibles à tout moment des études médicales, notamment, concerner les étudiants de deuxième cycle ».
Le CNOM, les doyens et les futurs médecins souhaitent également créer un statut de « docteur junior ambulatoire », pour permettre aux médecins en fin d’internat de « découvrir l’exercice médical en territoire sous-dense ».
Mais la principale proposition qui émane de ce communiqué est la création d’un « assistanat territorial ». En clair, les quatre organismes souhaitent inciter (« sur la base du volontariat » précisent-ils) les médecins qui viennent de terminer leur internat à venir exercer pendant un ou deux ans en zone sous-dense.
L’assistanat territorial, nouvelle trouvaille des partisans de la liberté d’installation
Pour les auteurs du communiqué, cet assistanat territorial présente de nombreux avantages : il repose sur des médecins formés et non sur des étudiants ou des internes, il permet de faire le pont entre l’internat et le recrutement de maîtres de stages universitaires (rôle que pourront remplir ces assistants territoriaux) et il « peut être rapidement mis en œuvre et mettre potentiellement à disposition de la population plusieurs milliers de médecins pour intervenir dans les zones sous-denses ».
Le CNOM estime que cet assistanat territorial pourra s’appliquer à toutes les spécialités et pas seulement à la médecine générale et « doit se construire dans le cadre d’un contrat gagnant/gagnant avec les jeunes médecins concernés » qui devront bénéficier de diverses mesures d’accompagnement (facilités de transport, soutien aux jeunes parents, aides au logement…).
Pour inciter les futurs médecins à faire le choix de l’assistanat territorial, les représentants des médecins et des étudiants en médecine ont imaginé plusieurs mesures incitatives. Les assistants territoriaux pourraient ainsi s’installer en libéral après seulement un an (contre deux ans pour les assistants hospitaliers). Ceux qui voudraient exercer à l’hôpital pourraient quant à eux entrer dans la carrière de praticien hospitalier (PH) avec un échelon supérieur aux confrères qui n’ont pas exercé en zone sous-dense.
Mais la crainte est que ces mesures ne deviennent trop incitatives et ne dégarnissent les rangs des hôpitaux. De manière quelque peu paradoxale, le communiqué indique donc que « les chefs de clinique-assistants des hôpitaux devront bénéficier des mêmes avantages que les assistants territoriaux afin de maintenir l’attractivité des carrières hospitalo-universitaires » : c’est le serpent qui se mord la queue !
Ces mesures incitatives, qui sont dans la lignée d’autres propositions en ce sens, auront toujours les faveurs des médecins, très attachés à leur liberté. Mais sont-elles vraiment suffisantes pour mettre fin à la désertification médicale ? Rien n’est moins sûr.
La santé est un état précaire qui ne laisse augurer rien de bon.
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Covid-19 : prévoir l’imprévisible
Quentin Haroche | 31 Janvier 2025
jim.fr
Sauf rebondissement inattendu, il n’y aura pas de grand procès de la Covid-19. Après plus de quatre ans d’investigation, la Cour de Justice de la République (CJR), seule juridiction habilitée à juger des ministres pour les actes commis dans l’exercice de leur fonction, a clos le 30 décembre dernier son enquête sur la gestion de l’épidémie.
Aucun des trois ministres visés, à savoir l’ancien Premier Ministre Edouard Philippe et les deux anciens ministres de la Santé le Pr Agnès Buzyn et le Dr Olivier Véran, n’ont été mis en examen. Tout porte à croire que l’affaire se clôturera par un non-lieu.
Tout ça pour ça serait-on tenté de dire. Gérard Davet et Fabrice Lhomme, deux journalistes d’investigation du journal Le Monde, connus pour leurs ouvrages à quatre mains qui révèlent les arcanes du pouvoir politique (« Un président ne devrait pas dire ça », livre à charge contre François Hollande, est sans doute leur œuvre la plus connue), ne sont pas de cet avis.
Grâce notamment à une source « proche du dossier » comme disent les journalistes et dont il préserve l’anonymat (comme dans un bon roman d’espionnage), les deux journalistes ont en effet pu accéder à la colossale enquête de la CJR (un dossier d’un million de pages selon eux).
Dans leur dernier ouvrage « Les juges et l’assassin », un livre parfois passionnant, parfois rébarbatif, souvent accusateur, ils décortiquent avec précision cette enquête et derrière elle la gestion des tous premiers mois de la pandémie de Covid-19, entre janvier et mars 2020.
Malgré le non-lieu que s’apprêtent à rendre les juges, la conclusion de l’enquête est, pour les deux journalistes, sans appel : oui, l’Etat français a fauté dans sa préparation et sa riposte face à la pandémie. « Le dossier judiciaire établit que plus de cinquante rapports ou notes avaient, avant l’irruption du Covid, alerté les autorités politiques du délabrement sanitaire en cours » écrivent les deux journalistes. « Les faits sont là, ils indiquent de manière difficilement contestable, que le pouvoir a fauté ».
L’insaisissable Pr Buzyn
Tout au long des plus de 400 pages de l’ouvrage, les deux journalistes égrènent en effet jusqu’à la nausée, les nombreuses notes ou rapports de diverses administrations qui, pendant des années, ont alerté sur le risque d’une potentielle pandémie et qui, le plus souvent, sont restés au fond des tiroirs.
Pour expliquer cet aveuglement et cet immobilisme, les deux journalistes mettent en cause la structure même de la bureaucratie française : les administrations s’accumulent, dans un univers « kafkaïen », où chacun défend son pré-carré, avant de tenter de se défausser sur l’autre au moment où les ennuis judiciaires commencent.
Quand la pandémie viendra prendre au dépourvu cette administration, son premier réflexe sera d’ailleurs de créer de nouveaux comités abscons plutôt que d’agir concrètement.
L’administration en prend ainsi pour son grade et notamment celui qui en est le principal responsable, le Président de la République Emmanuel Macron. Intouchable pour la CJR du fait de son statut présidentiel, le chef de l’Etat reste dans l’ombre tout au long de l’ouvrage, mais son comportement déroute. Jusqu’aux derniers jours avant le confinement, Emmanuel Macron apparait ainsi plus préoccupé par sa réforme des retraites que par la pandémie.
Contre l’avis de tous ses conseillers, il se rend à Marseille en avril 2020 pour adouber le sulfureux Pr Didier Raoult (qui, révèle l’ouvrage, maintiendra des contacts étroits avec Olivier Véran jusqu’à fin 2020). Puis, quand l’enquête du CJR démarre, le chef de l’Etat et son entourage plonge dans la paranoïa, se croyant sur écoute. Dans une atteinte à la séparation des pouvoirs, le Président de la République ira même jusqu’à faire modifier la déposition du Président de l’Assemblée Nationale Richard Ferrand devant la CJR.
Mais le principal personnage de ce « roman » reste le Pr Agnès Buzyn, ministre de la Santé jusqu’au 16 février 2020. Les deux journalistes ont bien du mal à cerner ce personnage à fleur de peau, qui semble avoir été très affectée émotionnellement par ces terribles premiers mois de l’année 2020.
L’enquête du CJR confirme ainsi que l’hématologue a bien, comme elle l’a dit plus tard à plusieurs reprises, vu avant tout le monde que la catastrophe allait arriver. Dès janvier 2020, elle multiplie les alertes auprès d’Emmanuel Macron et d’Edouard Philippe, qui lui répondent par l’indifférence.
Mais le Pr Buzyn est un personnage double. D’un côté donc le médecin qui s’inquiète de ce danger sanitaire qui monte. De l’autre, bon soldat de la macronie, qui ne veut pas décevoir ses chefs et qui se lance donc, en plein début d’épidémie, dans l’aventure des élections municipales de Paris. Toute la complexité du personnage est résumée dans un échange de SMS avec Edouard Philippe début mars 2020.
Le matin, elle évoque avec le chef du gouvernement son évolution dans les sondages en vue des élections…et le soir, elle lui demande d’annuler les élections au vu de la situation épidémique. « Derrière vos décisions, ce sont des gens qui vont mourir » finira-t-elle par dire au Premier Ministre, face à ce qu’elle juge être son manque de réaction face au risque sanitaire.
L’affaire des masques ou le péché originel
Le principal élément à charge de ce procès médiatique (à défaut de judiciaire) que les deux journalistes mènent contre l’Etat est bien sûr la désastreuse gestion des masques. Une question qui a constitué une porte d’entrée pour les deux journalistes, qui avaient déjà réalisé pour Le Monde une enquête sur ce sujet en 2020.
Les longs développements que l’ouvrage consacrent à ce sujet sont particulièrement saisissants : pendant les dix années que précèdent la pandémie, l’Etat, pris d’une schizophrénie administrative, va d’une main multiplier les notes insistant sur l’importance des masques en cas d’épidémie, de l’autre détruire ses stocks stratégiques de masques.
On est ainsi effaré de lire que jusqu’en mars 2020, alors que la France était déjà confinée et que les équipements de protection manquaient cruellement dans les hôpitaux, l’administration continuait de détruire des masques chirurgicaux supposément périmés.
Si les torts sont partagés dans cette affaire, le principal responsable de ce fiasco est sans doute Jérôme Salomon. Directeur général de la Santé (DGS) de 2018 à 2023, c’est lui qui ordonne de ne pas renouveler les stocks stratégiques de masques.
En 2019, il fait ainsi pression pour que Santé Publique France (SPF) supprime une note indiquant qu’il faudrait stocker un milliard de masques, alors que lui-même vient de n’en commander que 50 millions.
Lorsqu’en février 2020, le gouvernement découvre, horrifié, (malgré les nombreuses alertes émises pendant des années) que l’Etat ne détient que quelques dizaines de millions de masques, la priorité est de tenter de cacher cette incurie aux Français.
Si les notes internes confidentielles exhumées par les magistrats parlent bien de « pénurie » de masque, les ministres inventent alors l’expression de « tensions d’approvisionnement » (l’expression a fait flores depuis et est utilisée chaque fois qu’un médicament vient à manquer en officine).
L’ouvrage de Davet et Lhomme confirme à ce titre ce que l’on pressentait déjà : le gouvernement a adapté sa communication sur l’utilité des masques au nombre de masques disponibles. Ainsi, le 12 mars 2020, le jour même où le tout nouveau Conseil scientifique recommande le port du masque, Edouard Philippe annonce que cela est parfaitement inutile. A peine quelques semaines plus tard, il deviendra obligatoire (même dans la rue).
Mais malgré la minutie de l’enquête, malgré les fautes et mensonges incontestables de l’administration qu’il révèle, la lecture de cet ouvrage est parfois déroutante. N’est-il pas un peu facile de « refaire l’histoire » comme le dit le Pr Jean-François Delfraissy aux magistrats de la CJR ? A plusieurs reprises, les deux journalistes reprochent ainsi aux membres du gouvernement et de l’administration de ne pas avoir prédit l’imprévisible.
Contrairement à ce qu’ils affirment, ce n’est pas parce que de nombreux plans de préparation aux pandémies avaient été élaborés que l’ampleur de la pandémie de Covid-19 était prévisible. On n’a ainsi un peu de mal à penser, comme les deux journalistes, que le gouvernement aurait dû confiner la population dès l’apparition d’un premier cluster dans l’Oise fin février 2020 quand la maladie avait fait…11 morts en France.
Il semble ainsi un peu réducteur (pour ne pas dire injuste), comme le font les journalistes dans leur conclusion, de décréter que les 30 000 morts de la Covid que la France a déploré durant les trois premiers mois de la pandémie sont uniquement de la responsabilité du gouvernement (en oubliant que les hécatombes constatées dans certains autres pays développés ne devaient rien à l’incurie réelle ou supposée de nos ministres).
Cinq ans après le vent de panique qui a déferlé sur la France, certains semblent avoir encore du mal à faire l’apprentissage de la fatalité.
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Une hirondelle au-dessus du camp
Aurélie Haroche | 31 Janvier 2025
jim.fr
Au moins une fois. Comme un rite de passage. « On devrait obliger tout le monde à aller voir l'usine de l'horreur ». Celui qui parle est né plusieurs années après la fin de la seconde guerre mondiale. Comme la grande majorité des enfants, il a grandi, porté par l’affection de sa mère.
Une mère qui portait quelques chiffres sur l’avant-bras. « Je voyais que ma mère avait un numéro et je me suis certainement dit que toutes les mamans avaient un numéro ». Mais toutes les mamans n’ont pas de numéro.
Et peu à peu, Richard Kolinka a appris. Et aujourd’hui, alors que sa mère est l’une des dernières à pouvoir dire l’horreur, au lendemain du quatre-vingtième anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz, il propose : « On devrait obliger tout le monde à aller voir l’usine de l’horreur ».
Au nom du père
Sans doute. Peut-être. Même si cela ne serait probablement pas suffisant pour que tous aient enfin la conscience de l’extrémité de la haine. Mais pour tous ceux capables ne serait-ce que de la deviner, tous ceux se sentant vaciller face à la noirceur abyssale, une autre promenade : le Jardin des Justes. Lire un à un ces noms vacillants et dérisoires, mais si puissants. En cueillir un. Adélaïde Hautval.
« Elle a accepté cette distinction parce que cela offrait un souvenir à tous ceux qui n’étaient pas revenus », racontait il y a quelques années, Frédéric Hautval dans un documentaire consacré à sa tante. Elle avait demandé aussi qu’y soit associé le nom de son père (Hautval étant le nom français qu’il avait choisi), son père, le pasteur déchu pour avoir préféré les Français aux Allemands dans l’Alsace d’avant la première guerre mondiale.
Probablement, parce que c’est là, dans cette enfance auprès de cet homme inspiré par la tolérance, qu’elle avait appris le refus de la discrimination. Mais sait-on jamais comment naît la lumière chez les êtres d’exception.
Franchir la ligne
Quand revient le temps de la guerre, Haïdi a trente-trois ans et a achevé depuis quelques temps ses études de médecine. Elle a choisi la psychiatrie, mais surtout le soin aux plus vulnérables. Elle a ainsi fondé une maison pour enfants en difficulté Les Hirondelles avec un de ses frères à Kussnacht en Suisse. L’arrivée des Allemands en France bouleverse toutes les vies, éclate toutes les familles.
Comme une grande partie de la population alsacienne, Adélaïde Hautval est évacuée en Dordogne, puis dans les Hautes Pyrénées. Elle continue à y exercer son métier, au sein de l’hôpital de la ville. Difficilement, des nouvelles de sa famille lui parviennent.
Au début de l’année 42, elle apprend, qu’à Paris, sa mère est gravement malade. Désormais, elle n’a qu’un objectif : la rejoindre. Une demande de laisser passer lui est refusée ; elle décide de franchir sans cette autorisation la ligne de démarcation. Son voyage clandestin est découvert à Vierzon où elle arrêtée. En avril 1942, les arrestations de juifs sont alors nombreuses. Adélaïde Hautval surprend des Allemands malmenant une famille : « Mais laissez-les tranquilles » lance l’Alsacienne, maitrisant parfaitement la langue allemande.
« Vous ne voyez pas que ce ne sont que des juifs ? » lui rétorquent les hommes d’un ton rogue. « Et alors, ce sont des gens comme les autres, laissez-les ! ». Ces quelques mots vont faire basculer le destin d’Adélaïde. Interrogée comme une criminelle pour cette simple remarque, elle est transférée de prison en prison.
Maltraitée, brimée, elle continue cependant à répéter ses déclarations et refuser de s’en excuser ou de les "retirer" comme le lui conseillent plusieurs policiers. Face à cet entêtement, la sentence tombe : « Très bien, puisque vous aimez tant les juifs, alors vous partagerez leur sort ».
En chantant
Commence alors une longue pérégrination pour Adélaïde, de camps de transit en prisons. Partout, la jeune femme est reconnue comme médecin et est chargée d’apporter des soins aux autres prisonnières. Ainsi, au camp de Pithiviers fait elle la rencontre de Noémie Rabinovitch, qu’elle prend sous son aile, en faisant d’elle son aide-soignante.
Cette jeune femme qui devait mourir quelques semaines plus tard à Auschwitz est la grande-tante de l’écrivain Anne Berest, qui dans son roman la Carte postale raconte comment elle a découvert, profondément émue, le témoignage d’Adélaïde Hautval sur cette jeune femme assassinée, dans les hasards tortueux de cette histoire si cruelle. Dans Médecine et crimes contre l’humanité, elle décrit : « Visage lituanien, corps charpenté, sain, solide. Elle a dix-neuf ans. Tout de suite, je jette mon dévolu sur elle. Elle deviendra ma meilleure collaboratrice ». Mais Adélaïde ne parviendra pas à sauver la jeune femme.
Quelques temps après que sa protégée a été déportée, elle est à son tour emmenée dans un des derniers convois. Le 24 janvier 1943, elle fait partie du seul train de femmes déportées politiques et résistantes envoyées à Auschwitz. Après trois jours de voyage, c’est en chantant La Marseillaise qu’elles franchissent les portes du camp.
Bonne conscience
Ici encore, elle interviendra en tant que médecin, envoyée notamment au Block 10. Des expériences de stérilisation y sont pratiquées. Il est demandé à Adélaïde d’y participer. Elle multiplie les refus. Une communiste allemande Orli Reichert-Wald tente de la raisonner : si elle s’obstine, elle sera exécutée. Mais Haïdi persiste. Alors, Orli lui administre à son insu un somnifère et la place sous une pile de cadavre, faisant croire à sa mort.
Lui sauvant la vie. Cela n’empêche pas la Française de continuer à dire non. Au médecin nazi Eduard Wirths par exemple, qui la toise et lui demande « Ne voyez-vous pas que ces gens sont différents de vous ? ». Elle répond : « Bien des gens sont différents de moi dans ce camp. Vous, par exemple. »
Au Dr Mengele, qui dans un de ces moments où l’Histoire se suspend, choisit de respecter son refus. Si cette intransigeance (qui se transformait en douceur quand elle prenait soin des infortunés patientes) était son arme la plus solide, elle la laissait parfois face à de désespérants cas de conscience. Ainsi, envoyée auprès de détenues considérées comme "folles", elle doit invariablement les considérer comme "incapables de travailler", un diagnostic dont elle sait pertinemment ce qu’il recouvre. Elle s’y refuse une fois encore. « Pour quelle obscure raison tiennent-ils tant à une pseudo-justification de leur décision d’extermination ? », s’interroge-t-elle.
« Finalement, c’est une collègue autrichienne, une camarade charmante et spirituelle qui, pour m’éviter des ennuis "sérieux" se charge de ce travail. Actuellement encore je me pose la question si, pour garder "bonne conscience", on peut admettre que quelqu’un d’autre se charge d’une besogne qui risque d’être pour lui un sujet de tourment dans la suite. Je ne puis y répondre ».
Courbes de température
Adélaïde Hautval décrit aussi comment l’inhumanité se mêle à l’absurdité la plus terrifiante. « Une Polonaise, une Autrichienne et moi-même, sommes appelées devant l’Unterscharführer (caporal ou sergent, non-médecin) et recevons un savon magistral. Les malades ne reçoivent-elles pas les soins nécessaires ? Néglige-t-on le service ? Oh non, il s’agit d’une chose diablement plus importante, plus vitale : les médicaments que les malades devraient recevoir ne sont pas inscrits sur les feuilles de température. Berlin s’affole de cette négligence, car ces feuilles sont effectivement envoyées à Berlin pour montrer au monde la sollicitude allemande pour les détenus des camps de concentration. Des milliers y meurent journellement dans d’atroces conditions, mais… les courbes de température seront belles, mensongères, rassurantes. Dans toute mon existence médicale, je n’ai jamais vu faire autant de "vitesses de sédimentation", de "numérations globulaires" (avec formule leucocytaire je vous prie). L’utilité ? Pratiquement aucune, mais cela "fait bien" » raconte-t-elle.
Vérité et silence
Le dernier camp où elle est envoyée, Ravensbruck, est libéré le 30 avril 1945, mais Adélaïde Hautval choisit d’y demeurer encore de longues semaines : avec Marie-Claude Vaillant-Couturier, elle restera pour prendre soin des malades qui ne peuvent être transportés.
Elle ne retrouvera la France que le 25 juin 1945. Celle qui n’appartenait à aucun groupe constitué avant d’être arrêtée mettra des années avant d’obtenir sa carte de résistante. Qu’importe, elle poursuit son existence avec la même distinction et le même souci de lutter contre les injustices. Ainsi, après la guerre, Adélaïde témoignera au cours du procès intenté par Léon Uris contre Vladislav Dering.
Le gynécologue polonais avait intenté un procès en diffamation contre l’écrivain américain qui l’avait accusé d’avoir participé à des expériences médicales dans le camp d’Auschwitz. Avec son port altier, Adélaïde rétablira la vérité : il était possible de dire non aux Nazis.
Les années s’étirent. Après avoir pris sa retraite de médecin scolaire et consigné dans des petits cahiers toute l’expérience de sa vie de déporté, Adélaïde préférera parler musique avec ses neveux plutôt que d’évoquer son histoire. Et quand la maladie de Parkinson l’empêchera de continuer à poser ses mains sur un piano, elle mettra fin à ses jours le 12 octobre 1988.
Dire non, une dernière fois.
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Qu’est-ce qui ne change pas en 21 jours ?
Frédéric Haroche | 31 Janvier 2025
Un mythe à la vie dure : il faudrait 21 jours seulement pour ancrer une nouvelle habitude. Cette vision quasi magique permet d’entrevoir des résultats aussi mirifiques que rapides : arrêter de fumer ? 21 jours ! Arrêter de boire ? 21 jours ! Rompre avec l’hyperphagie ? 21 jours !
Comme certains esprits aiguisés en avaient l’intuition, cette affirmation tiendrait plus d’un slogan publicitaire que d’une réalité dument établie par des Hommes en blouses blanches, bien que certaines opérations de santé publique, comme le dry January ait pu le mettre en avant.
Une recherche menée par l'Université d'Australie du Sud tend ainsi à démontrer que la formation d'une nouvelle habitude (saine si possible !) pourrait prendre bien plus de temps que prévu...et que peu de règle existerait en la matière !
Nouvelle habitude : ça dépend des gens !
Dans la première revue systématique, des chercheurs de l’université d’Australie du Sud ont analysé 20 études impliquant 2 601 participants (âge moyen : 21,5-73,5 ans). 11 de ces études « présentaient un risque élevé de biais ». Les comportements en matière de santé comprenaient, notamment, l'activité physique, la consommation d'eau, de vitamines, l'utilisation du fil dentaire, une alimentation saine.
Quatre études ont mis en évidence le fait que les délais médians et moyens pour parvenir à la formation d'une habitude, allait de 59 à 66 jours (médiane) et de 106 à 154 jours (moyenne), avec une variabilité individuelle importante (4 à 335 jours).
La meta-analyse a également révélé que certains facteurs influencent la réussite de la formation d'une habitude. « Lorsqu'on essaie d'établir une nouvelle habitude saine, plusieurs éléments peuvent influencer le succès, notamment la fréquence de la nouvelle activité, le moment où elle est pratiquée et le plaisir que l'on y trouve (…) Planifier et prévoir d’accomplir un nouveau comportement peut aussi renforcer son intégration. Par exemple, préparez vos vêtements de sport la veille pour faciliter votre marche matinale ou préparez un déjeuner sain à l’avance pour éviter les tentations. Intégrer des stratégies de formation d’habitudes dans notre quotidien et prévoir comment les atteindre nous met en meilleure position pour réussir » résume le docteur Singh.
Il est urgent de ne pas conclure !
References
Singh B et al. : Time to Form a Habit: A Systematic Review and Meta-Analysis of Health Behaviour Habit Formation and Its Determinants. Healthcare (Basel). 2024 Dec 9;12(23):2488. doi: 10.3390/healthcare12232488.
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Paracétamol : quand TikTok met la cohérence au défi
Aurélie Haroche | 31 Janvier 2025
La semaine a été marquée par une multiplication d’articles dans la presse française évoquant une pratique dangereuse sur le réseau social TikTok, très prisée par les adolescents : le paracétamol challenge.
L’affaire semble de taille : les autorités suisses romandes et les centres anti-poisons belges, notamment, ont pris des positions officielles pour évoquer la manière dont des jeunes absorbent des doses mortelles de paracétamol en réponse à des incitations lancées sur TikTok.
Voir et être vu
Nous avons déjà évoqué comment ce réseau voit proliférer régulièrement des « défis » potentiellement dangereux, qui souvent ne font qu’amplifier les provocations qui peuvent être lancées dans les cours de récréation. Cependant, le plus souvent, ce qui importe dans ces challenges est de pouvoir poster à son tour la vidéo de son exploit.
Le « Superman Dance » (qui consiste à se faire projeter dans l’air par ses camarades, dans la position du célèbre superhéros) ou le « Blackout Challenge », qui incite à couper sa respiration jusqu’à la perte de connaissance, ne sont que quelques-unes de ces propositions délétères.
Qui sera hospitalisé le plus longtemps ?
On ne retrouve pas nécessairement cette aspiration à la viralité dans le paracétamol challenge. D’ailleurs (peut-être aussi grâce au signalement des posts dangereux), il est difficile, quand on (essaie de) se promener sur TikTok, de trouver des traces du fameux « paracétamol challenge ».
On y repère beaucoup de rappels de la dangerosité de la substance, quelques chansons scandant « paracétamol » (!), mais pas d’appels stricto sensu à ingérer le plus possible de comprimés. Par contre, on note quelques vidéos d’adolescents cloués sur un lit d’hôpital. Tel est en effet l’objectif du défi : être hospitalisé le plus longtemps possible (sans doute pour échapper au joug quotidien de la vie scolaire).
Des overdoses bien connues
Difficile de parfaitement mesurer l’ampleur du phénomène (les médias évoquent souvent la mort d’un enfant de 11 ans aux États-Unis) et même de parfaitement comprendre le soudain pic de fièvre des médias français. Le « paracétamol challenge » resurgit en effet régulièrement parmi les hantises médiatiques, ce qui permet de contribuer à dénoncer les méfaits des réseaux sociaux pour les adolescents.
Cependant, il est certain qu’il n’a pas été nécessaire d’attendre TikTok pour que le surdosage de paracétamol fasse des ravages. Une étude publiée en 2015 signalait ainsi que, sur 600 transplantations liées à une insuffisance hépatique aiguë, 114 avaient pour origine une overdose médicamenteuse. Le paracétamol était impliqué dans 111 d’entre elles (97,3 %), en majorité intentionnelles (63,0 %).
Les femmes surexposées
Dans sa thèse présentée en 2023, la pharmacienne Amélie Taguet rappelait de son côté : « Bien que le paracétamol soit considéré sans danger par les patients, son mésusage est la première cause iatrogène de greffe hépatique en France. En raison de son accessibilité, il est le deuxième médicament source d’appel au Centre Antipoison de Paris pour une ingestion volontaire et le premier médicament impliqué dans une exposition accidentelle, devançant le bromazépam et l’ibuprofène. L’intoxication peut entraîner des atteintes hépatiques allant jusqu’à l’hépatite fulminante. Ainsi, pour les cas les plus graves, la seule issue résolutive reste la transplantation hépatique ».
Elle évoquait encore une étude réalisée à partir de données de centres antipoison signalant que, dans près de 30 % des cas, les expositions sont volontaires (le patient possède une réelle volonté de détourner l’usage de la molécule). Les femmes sont concernées dans 60 % des cas et, lorsque l’intoxication est volontaire, la proportion des femmes est 28 fois supérieure à celle des hommes.
Quentin Haroche | 31 Janvier 2025
jim.fr
Sauf rebondissement inattendu, il n’y aura pas de grand procès de la Covid-19. Après plus de quatre ans d’investigation, la Cour de Justice de la République (CJR), seule juridiction habilitée à juger des ministres pour les actes commis dans l’exercice de leur fonction, a clos le 30 décembre dernier son enquête sur la gestion de l’épidémie.
Aucun des trois ministres visés, à savoir l’ancien Premier Ministre Edouard Philippe et les deux anciens ministres de la Santé le Pr Agnès Buzyn et le Dr Olivier Véran, n’ont été mis en examen. Tout porte à croire que l’affaire se clôturera par un non-lieu.
Tout ça pour ça serait-on tenté de dire. Gérard Davet et Fabrice Lhomme, deux journalistes d’investigation du journal Le Monde, connus pour leurs ouvrages à quatre mains qui révèlent les arcanes du pouvoir politique (« Un président ne devrait pas dire ça », livre à charge contre François Hollande, est sans doute leur œuvre la plus connue), ne sont pas de cet avis.
Grâce notamment à une source « proche du dossier » comme disent les journalistes et dont il préserve l’anonymat (comme dans un bon roman d’espionnage), les deux journalistes ont en effet pu accéder à la colossale enquête de la CJR (un dossier d’un million de pages selon eux).
Dans leur dernier ouvrage « Les juges et l’assassin », un livre parfois passionnant, parfois rébarbatif, souvent accusateur, ils décortiquent avec précision cette enquête et derrière elle la gestion des tous premiers mois de la pandémie de Covid-19, entre janvier et mars 2020.
Malgré le non-lieu que s’apprêtent à rendre les juges, la conclusion de l’enquête est, pour les deux journalistes, sans appel : oui, l’Etat français a fauté dans sa préparation et sa riposte face à la pandémie. « Le dossier judiciaire établit que plus de cinquante rapports ou notes avaient, avant l’irruption du Covid, alerté les autorités politiques du délabrement sanitaire en cours » écrivent les deux journalistes. « Les faits sont là, ils indiquent de manière difficilement contestable, que le pouvoir a fauté ».
L’insaisissable Pr Buzyn
Tout au long des plus de 400 pages de l’ouvrage, les deux journalistes égrènent en effet jusqu’à la nausée, les nombreuses notes ou rapports de diverses administrations qui, pendant des années, ont alerté sur le risque d’une potentielle pandémie et qui, le plus souvent, sont restés au fond des tiroirs.
Pour expliquer cet aveuglement et cet immobilisme, les deux journalistes mettent en cause la structure même de la bureaucratie française : les administrations s’accumulent, dans un univers « kafkaïen », où chacun défend son pré-carré, avant de tenter de se défausser sur l’autre au moment où les ennuis judiciaires commencent.
Quand la pandémie viendra prendre au dépourvu cette administration, son premier réflexe sera d’ailleurs de créer de nouveaux comités abscons plutôt que d’agir concrètement.
L’administration en prend ainsi pour son grade et notamment celui qui en est le principal responsable, le Président de la République Emmanuel Macron. Intouchable pour la CJR du fait de son statut présidentiel, le chef de l’Etat reste dans l’ombre tout au long de l’ouvrage, mais son comportement déroute. Jusqu’aux derniers jours avant le confinement, Emmanuel Macron apparait ainsi plus préoccupé par sa réforme des retraites que par la pandémie.
Contre l’avis de tous ses conseillers, il se rend à Marseille en avril 2020 pour adouber le sulfureux Pr Didier Raoult (qui, révèle l’ouvrage, maintiendra des contacts étroits avec Olivier Véran jusqu’à fin 2020). Puis, quand l’enquête du CJR démarre, le chef de l’Etat et son entourage plonge dans la paranoïa, se croyant sur écoute. Dans une atteinte à la séparation des pouvoirs, le Président de la République ira même jusqu’à faire modifier la déposition du Président de l’Assemblée Nationale Richard Ferrand devant la CJR.
Mais le principal personnage de ce « roman » reste le Pr Agnès Buzyn, ministre de la Santé jusqu’au 16 février 2020. Les deux journalistes ont bien du mal à cerner ce personnage à fleur de peau, qui semble avoir été très affectée émotionnellement par ces terribles premiers mois de l’année 2020.
L’enquête du CJR confirme ainsi que l’hématologue a bien, comme elle l’a dit plus tard à plusieurs reprises, vu avant tout le monde que la catastrophe allait arriver. Dès janvier 2020, elle multiplie les alertes auprès d’Emmanuel Macron et d’Edouard Philippe, qui lui répondent par l’indifférence.
Mais le Pr Buzyn est un personnage double. D’un côté donc le médecin qui s’inquiète de ce danger sanitaire qui monte. De l’autre, bon soldat de la macronie, qui ne veut pas décevoir ses chefs et qui se lance donc, en plein début d’épidémie, dans l’aventure des élections municipales de Paris. Toute la complexité du personnage est résumée dans un échange de SMS avec Edouard Philippe début mars 2020.
Le matin, elle évoque avec le chef du gouvernement son évolution dans les sondages en vue des élections…et le soir, elle lui demande d’annuler les élections au vu de la situation épidémique. « Derrière vos décisions, ce sont des gens qui vont mourir » finira-t-elle par dire au Premier Ministre, face à ce qu’elle juge être son manque de réaction face au risque sanitaire.
L’affaire des masques ou le péché originel
Le principal élément à charge de ce procès médiatique (à défaut de judiciaire) que les deux journalistes mènent contre l’Etat est bien sûr la désastreuse gestion des masques. Une question qui a constitué une porte d’entrée pour les deux journalistes, qui avaient déjà réalisé pour Le Monde une enquête sur ce sujet en 2020.
Les longs développements que l’ouvrage consacrent à ce sujet sont particulièrement saisissants : pendant les dix années que précèdent la pandémie, l’Etat, pris d’une schizophrénie administrative, va d’une main multiplier les notes insistant sur l’importance des masques en cas d’épidémie, de l’autre détruire ses stocks stratégiques de masques.
On est ainsi effaré de lire que jusqu’en mars 2020, alors que la France était déjà confinée et que les équipements de protection manquaient cruellement dans les hôpitaux, l’administration continuait de détruire des masques chirurgicaux supposément périmés.
Si les torts sont partagés dans cette affaire, le principal responsable de ce fiasco est sans doute Jérôme Salomon. Directeur général de la Santé (DGS) de 2018 à 2023, c’est lui qui ordonne de ne pas renouveler les stocks stratégiques de masques.
En 2019, il fait ainsi pression pour que Santé Publique France (SPF) supprime une note indiquant qu’il faudrait stocker un milliard de masques, alors que lui-même vient de n’en commander que 50 millions.
Lorsqu’en février 2020, le gouvernement découvre, horrifié, (malgré les nombreuses alertes émises pendant des années) que l’Etat ne détient que quelques dizaines de millions de masques, la priorité est de tenter de cacher cette incurie aux Français.
Si les notes internes confidentielles exhumées par les magistrats parlent bien de « pénurie » de masque, les ministres inventent alors l’expression de « tensions d’approvisionnement » (l’expression a fait flores depuis et est utilisée chaque fois qu’un médicament vient à manquer en officine).
L’ouvrage de Davet et Lhomme confirme à ce titre ce que l’on pressentait déjà : le gouvernement a adapté sa communication sur l’utilité des masques au nombre de masques disponibles. Ainsi, le 12 mars 2020, le jour même où le tout nouveau Conseil scientifique recommande le port du masque, Edouard Philippe annonce que cela est parfaitement inutile. A peine quelques semaines plus tard, il deviendra obligatoire (même dans la rue).
Mais malgré la minutie de l’enquête, malgré les fautes et mensonges incontestables de l’administration qu’il révèle, la lecture de cet ouvrage est parfois déroutante. N’est-il pas un peu facile de « refaire l’histoire » comme le dit le Pr Jean-François Delfraissy aux magistrats de la CJR ? A plusieurs reprises, les deux journalistes reprochent ainsi aux membres du gouvernement et de l’administration de ne pas avoir prédit l’imprévisible.
Contrairement à ce qu’ils affirment, ce n’est pas parce que de nombreux plans de préparation aux pandémies avaient été élaborés que l’ampleur de la pandémie de Covid-19 était prévisible. On n’a ainsi un peu de mal à penser, comme les deux journalistes, que le gouvernement aurait dû confiner la population dès l’apparition d’un premier cluster dans l’Oise fin février 2020 quand la maladie avait fait…11 morts en France.
Il semble ainsi un peu réducteur (pour ne pas dire injuste), comme le font les journalistes dans leur conclusion, de décréter que les 30 000 morts de la Covid que la France a déploré durant les trois premiers mois de la pandémie sont uniquement de la responsabilité du gouvernement (en oubliant que les hécatombes constatées dans certains autres pays développés ne devaient rien à l’incurie réelle ou supposée de nos ministres).
Cinq ans après le vent de panique qui a déferlé sur la France, certains semblent avoir encore du mal à faire l’apprentissage de la fatalité.
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Une hirondelle au-dessus du camp
Aurélie Haroche | 31 Janvier 2025
jim.fr
Au moins une fois. Comme un rite de passage. « On devrait obliger tout le monde à aller voir l'usine de l'horreur ». Celui qui parle est né plusieurs années après la fin de la seconde guerre mondiale. Comme la grande majorité des enfants, il a grandi, porté par l’affection de sa mère.
Une mère qui portait quelques chiffres sur l’avant-bras. « Je voyais que ma mère avait un numéro et je me suis certainement dit que toutes les mamans avaient un numéro ». Mais toutes les mamans n’ont pas de numéro.
Et peu à peu, Richard Kolinka a appris. Et aujourd’hui, alors que sa mère est l’une des dernières à pouvoir dire l’horreur, au lendemain du quatre-vingtième anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz, il propose : « On devrait obliger tout le monde à aller voir l’usine de l’horreur ».
Au nom du père
Sans doute. Peut-être. Même si cela ne serait probablement pas suffisant pour que tous aient enfin la conscience de l’extrémité de la haine. Mais pour tous ceux capables ne serait-ce que de la deviner, tous ceux se sentant vaciller face à la noirceur abyssale, une autre promenade : le Jardin des Justes. Lire un à un ces noms vacillants et dérisoires, mais si puissants. En cueillir un. Adélaïde Hautval.
« Elle a accepté cette distinction parce que cela offrait un souvenir à tous ceux qui n’étaient pas revenus », racontait il y a quelques années, Frédéric Hautval dans un documentaire consacré à sa tante. Elle avait demandé aussi qu’y soit associé le nom de son père (Hautval étant le nom français qu’il avait choisi), son père, le pasteur déchu pour avoir préféré les Français aux Allemands dans l’Alsace d’avant la première guerre mondiale.
Probablement, parce que c’est là, dans cette enfance auprès de cet homme inspiré par la tolérance, qu’elle avait appris le refus de la discrimination. Mais sait-on jamais comment naît la lumière chez les êtres d’exception.
Franchir la ligne
Quand revient le temps de la guerre, Haïdi a trente-trois ans et a achevé depuis quelques temps ses études de médecine. Elle a choisi la psychiatrie, mais surtout le soin aux plus vulnérables. Elle a ainsi fondé une maison pour enfants en difficulté Les Hirondelles avec un de ses frères à Kussnacht en Suisse. L’arrivée des Allemands en France bouleverse toutes les vies, éclate toutes les familles.
Comme une grande partie de la population alsacienne, Adélaïde Hautval est évacuée en Dordogne, puis dans les Hautes Pyrénées. Elle continue à y exercer son métier, au sein de l’hôpital de la ville. Difficilement, des nouvelles de sa famille lui parviennent.
Au début de l’année 42, elle apprend, qu’à Paris, sa mère est gravement malade. Désormais, elle n’a qu’un objectif : la rejoindre. Une demande de laisser passer lui est refusée ; elle décide de franchir sans cette autorisation la ligne de démarcation. Son voyage clandestin est découvert à Vierzon où elle arrêtée. En avril 1942, les arrestations de juifs sont alors nombreuses. Adélaïde Hautval surprend des Allemands malmenant une famille : « Mais laissez-les tranquilles » lance l’Alsacienne, maitrisant parfaitement la langue allemande.
« Vous ne voyez pas que ce ne sont que des juifs ? » lui rétorquent les hommes d’un ton rogue. « Et alors, ce sont des gens comme les autres, laissez-les ! ». Ces quelques mots vont faire basculer le destin d’Adélaïde. Interrogée comme une criminelle pour cette simple remarque, elle est transférée de prison en prison.
Maltraitée, brimée, elle continue cependant à répéter ses déclarations et refuser de s’en excuser ou de les "retirer" comme le lui conseillent plusieurs policiers. Face à cet entêtement, la sentence tombe : « Très bien, puisque vous aimez tant les juifs, alors vous partagerez leur sort ».
En chantant
Commence alors une longue pérégrination pour Adélaïde, de camps de transit en prisons. Partout, la jeune femme est reconnue comme médecin et est chargée d’apporter des soins aux autres prisonnières. Ainsi, au camp de Pithiviers fait elle la rencontre de Noémie Rabinovitch, qu’elle prend sous son aile, en faisant d’elle son aide-soignante.
Cette jeune femme qui devait mourir quelques semaines plus tard à Auschwitz est la grande-tante de l’écrivain Anne Berest, qui dans son roman la Carte postale raconte comment elle a découvert, profondément émue, le témoignage d’Adélaïde Hautval sur cette jeune femme assassinée, dans les hasards tortueux de cette histoire si cruelle. Dans Médecine et crimes contre l’humanité, elle décrit : « Visage lituanien, corps charpenté, sain, solide. Elle a dix-neuf ans. Tout de suite, je jette mon dévolu sur elle. Elle deviendra ma meilleure collaboratrice ». Mais Adélaïde ne parviendra pas à sauver la jeune femme.
Quelques temps après que sa protégée a été déportée, elle est à son tour emmenée dans un des derniers convois. Le 24 janvier 1943, elle fait partie du seul train de femmes déportées politiques et résistantes envoyées à Auschwitz. Après trois jours de voyage, c’est en chantant La Marseillaise qu’elles franchissent les portes du camp.
Bonne conscience
Ici encore, elle interviendra en tant que médecin, envoyée notamment au Block 10. Des expériences de stérilisation y sont pratiquées. Il est demandé à Adélaïde d’y participer. Elle multiplie les refus. Une communiste allemande Orli Reichert-Wald tente de la raisonner : si elle s’obstine, elle sera exécutée. Mais Haïdi persiste. Alors, Orli lui administre à son insu un somnifère et la place sous une pile de cadavre, faisant croire à sa mort.
Lui sauvant la vie. Cela n’empêche pas la Française de continuer à dire non. Au médecin nazi Eduard Wirths par exemple, qui la toise et lui demande « Ne voyez-vous pas que ces gens sont différents de vous ? ». Elle répond : « Bien des gens sont différents de moi dans ce camp. Vous, par exemple. »
Au Dr Mengele, qui dans un de ces moments où l’Histoire se suspend, choisit de respecter son refus. Si cette intransigeance (qui se transformait en douceur quand elle prenait soin des infortunés patientes) était son arme la plus solide, elle la laissait parfois face à de désespérants cas de conscience. Ainsi, envoyée auprès de détenues considérées comme "folles", elle doit invariablement les considérer comme "incapables de travailler", un diagnostic dont elle sait pertinemment ce qu’il recouvre. Elle s’y refuse une fois encore. « Pour quelle obscure raison tiennent-ils tant à une pseudo-justification de leur décision d’extermination ? », s’interroge-t-elle.
« Finalement, c’est une collègue autrichienne, une camarade charmante et spirituelle qui, pour m’éviter des ennuis "sérieux" se charge de ce travail. Actuellement encore je me pose la question si, pour garder "bonne conscience", on peut admettre que quelqu’un d’autre se charge d’une besogne qui risque d’être pour lui un sujet de tourment dans la suite. Je ne puis y répondre ».
Courbes de température
Adélaïde Hautval décrit aussi comment l’inhumanité se mêle à l’absurdité la plus terrifiante. « Une Polonaise, une Autrichienne et moi-même, sommes appelées devant l’Unterscharführer (caporal ou sergent, non-médecin) et recevons un savon magistral. Les malades ne reçoivent-elles pas les soins nécessaires ? Néglige-t-on le service ? Oh non, il s’agit d’une chose diablement plus importante, plus vitale : les médicaments que les malades devraient recevoir ne sont pas inscrits sur les feuilles de température. Berlin s’affole de cette négligence, car ces feuilles sont effectivement envoyées à Berlin pour montrer au monde la sollicitude allemande pour les détenus des camps de concentration. Des milliers y meurent journellement dans d’atroces conditions, mais… les courbes de température seront belles, mensongères, rassurantes. Dans toute mon existence médicale, je n’ai jamais vu faire autant de "vitesses de sédimentation", de "numérations globulaires" (avec formule leucocytaire je vous prie). L’utilité ? Pratiquement aucune, mais cela "fait bien" » raconte-t-elle.
Vérité et silence
Le dernier camp où elle est envoyée, Ravensbruck, est libéré le 30 avril 1945, mais Adélaïde Hautval choisit d’y demeurer encore de longues semaines : avec Marie-Claude Vaillant-Couturier, elle restera pour prendre soin des malades qui ne peuvent être transportés.
Elle ne retrouvera la France que le 25 juin 1945. Celle qui n’appartenait à aucun groupe constitué avant d’être arrêtée mettra des années avant d’obtenir sa carte de résistante. Qu’importe, elle poursuit son existence avec la même distinction et le même souci de lutter contre les injustices. Ainsi, après la guerre, Adélaïde témoignera au cours du procès intenté par Léon Uris contre Vladislav Dering.
Le gynécologue polonais avait intenté un procès en diffamation contre l’écrivain américain qui l’avait accusé d’avoir participé à des expériences médicales dans le camp d’Auschwitz. Avec son port altier, Adélaïde rétablira la vérité : il était possible de dire non aux Nazis.
Les années s’étirent. Après avoir pris sa retraite de médecin scolaire et consigné dans des petits cahiers toute l’expérience de sa vie de déporté, Adélaïde préférera parler musique avec ses neveux plutôt que d’évoquer son histoire. Et quand la maladie de Parkinson l’empêchera de continuer à poser ses mains sur un piano, elle mettra fin à ses jours le 12 octobre 1988.
Dire non, une dernière fois.
_______________________
Qu’est-ce qui ne change pas en 21 jours ?
Frédéric Haroche | 31 Janvier 2025
Un mythe à la vie dure : il faudrait 21 jours seulement pour ancrer une nouvelle habitude. Cette vision quasi magique permet d’entrevoir des résultats aussi mirifiques que rapides : arrêter de fumer ? 21 jours ! Arrêter de boire ? 21 jours ! Rompre avec l’hyperphagie ? 21 jours !
Comme certains esprits aiguisés en avaient l’intuition, cette affirmation tiendrait plus d’un slogan publicitaire que d’une réalité dument établie par des Hommes en blouses blanches, bien que certaines opérations de santé publique, comme le dry January ait pu le mettre en avant.
Une recherche menée par l'Université d'Australie du Sud tend ainsi à démontrer que la formation d'une nouvelle habitude (saine si possible !) pourrait prendre bien plus de temps que prévu...et que peu de règle existerait en la matière !
Nouvelle habitude : ça dépend des gens !
Dans la première revue systématique, des chercheurs de l’université d’Australie du Sud ont analysé 20 études impliquant 2 601 participants (âge moyen : 21,5-73,5 ans). 11 de ces études « présentaient un risque élevé de biais ». Les comportements en matière de santé comprenaient, notamment, l'activité physique, la consommation d'eau, de vitamines, l'utilisation du fil dentaire, une alimentation saine.
Quatre études ont mis en évidence le fait que les délais médians et moyens pour parvenir à la formation d'une habitude, allait de 59 à 66 jours (médiane) et de 106 à 154 jours (moyenne), avec une variabilité individuelle importante (4 à 335 jours).
La meta-analyse a également révélé que certains facteurs influencent la réussite de la formation d'une habitude. « Lorsqu'on essaie d'établir une nouvelle habitude saine, plusieurs éléments peuvent influencer le succès, notamment la fréquence de la nouvelle activité, le moment où elle est pratiquée et le plaisir que l'on y trouve (…) Planifier et prévoir d’accomplir un nouveau comportement peut aussi renforcer son intégration. Par exemple, préparez vos vêtements de sport la veille pour faciliter votre marche matinale ou préparez un déjeuner sain à l’avance pour éviter les tentations. Intégrer des stratégies de formation d’habitudes dans notre quotidien et prévoir comment les atteindre nous met en meilleure position pour réussir » résume le docteur Singh.
Il est urgent de ne pas conclure !
References
Singh B et al. : Time to Form a Habit: A Systematic Review and Meta-Analysis of Health Behaviour Habit Formation and Its Determinants. Healthcare (Basel). 2024 Dec 9;12(23):2488. doi: 10.3390/healthcare12232488.
_________________________
Paracétamol : quand TikTok met la cohérence au défi
Aurélie Haroche | 31 Janvier 2025
La semaine a été marquée par une multiplication d’articles dans la presse française évoquant une pratique dangereuse sur le réseau social TikTok, très prisée par les adolescents : le paracétamol challenge.
L’affaire semble de taille : les autorités suisses romandes et les centres anti-poisons belges, notamment, ont pris des positions officielles pour évoquer la manière dont des jeunes absorbent des doses mortelles de paracétamol en réponse à des incitations lancées sur TikTok.
Voir et être vu
Nous avons déjà évoqué comment ce réseau voit proliférer régulièrement des « défis » potentiellement dangereux, qui souvent ne font qu’amplifier les provocations qui peuvent être lancées dans les cours de récréation. Cependant, le plus souvent, ce qui importe dans ces challenges est de pouvoir poster à son tour la vidéo de son exploit.
Le « Superman Dance » (qui consiste à se faire projeter dans l’air par ses camarades, dans la position du célèbre superhéros) ou le « Blackout Challenge », qui incite à couper sa respiration jusqu’à la perte de connaissance, ne sont que quelques-unes de ces propositions délétères.
Qui sera hospitalisé le plus longtemps ?
On ne retrouve pas nécessairement cette aspiration à la viralité dans le paracétamol challenge. D’ailleurs (peut-être aussi grâce au signalement des posts dangereux), il est difficile, quand on (essaie de) se promener sur TikTok, de trouver des traces du fameux « paracétamol challenge ».
On y repère beaucoup de rappels de la dangerosité de la substance, quelques chansons scandant « paracétamol » (!), mais pas d’appels stricto sensu à ingérer le plus possible de comprimés. Par contre, on note quelques vidéos d’adolescents cloués sur un lit d’hôpital. Tel est en effet l’objectif du défi : être hospitalisé le plus longtemps possible (sans doute pour échapper au joug quotidien de la vie scolaire).
Des overdoses bien connues
Difficile de parfaitement mesurer l’ampleur du phénomène (les médias évoquent souvent la mort d’un enfant de 11 ans aux États-Unis) et même de parfaitement comprendre le soudain pic de fièvre des médias français. Le « paracétamol challenge » resurgit en effet régulièrement parmi les hantises médiatiques, ce qui permet de contribuer à dénoncer les méfaits des réseaux sociaux pour les adolescents.
Cependant, il est certain qu’il n’a pas été nécessaire d’attendre TikTok pour que le surdosage de paracétamol fasse des ravages. Une étude publiée en 2015 signalait ainsi que, sur 600 transplantations liées à une insuffisance hépatique aiguë, 114 avaient pour origine une overdose médicamenteuse. Le paracétamol était impliqué dans 111 d’entre elles (97,3 %), en majorité intentionnelles (63,0 %).
Les femmes surexposées
Dans sa thèse présentée en 2023, la pharmacienne Amélie Taguet rappelait de son côté : « Bien que le paracétamol soit considéré sans danger par les patients, son mésusage est la première cause iatrogène de greffe hépatique en France. En raison de son accessibilité, il est le deuxième médicament source d’appel au Centre Antipoison de Paris pour une ingestion volontaire et le premier médicament impliqué dans une exposition accidentelle, devançant le bromazépam et l’ibuprofène. L’intoxication peut entraîner des atteintes hépatiques allant jusqu’à l’hépatite fulminante. Ainsi, pour les cas les plus graves, la seule issue résolutive reste la transplantation hépatique ».
Elle évoquait encore une étude réalisée à partir de données de centres antipoison signalant que, dans près de 30 % des cas, les expositions sont volontaires (le patient possède une réelle volonté de détourner l’usage de la molécule). Les femmes sont concernées dans 60 % des cas et, lorsque l’intoxication est volontaire, la proportion des femmes est 28 fois supérieure à celle des hommes.
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Re: Articles sur la santé
Eaux Nestlé : la multinationale suisse est-elle protégée jusqu’au sommet de l’Etat ?
Quentin Haroche | 04 Février 2025
jim.fr
Le journal Le Monde et Radio France révèlent des documents prouvant que l’Elysée et Matignon ont permis à Nestlé d’utiliser des procédés de filtration de l’eau non-conformes, malgré de potentiels risques sanitaires.
Le 10 septembre dernier, la société Nestlé Waters, leader mondial du marché de l’eau minérale et filiale de la société suisse Nestlé, a signé avec le parquet d’Epinal une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP). La firme va ainsi payer une amende de 2 millions d’euros afin d’échapper à tout procès dans l’affaire de la décontamination de ses eaux minérales.
En janvier 2024, la firme avait en effet reconnu, pour devancer une enquête réalisée par Radio France et Le Monde, qu’elle avait, jusqu’en 2021, utilisé des techniques interdites de décontamination pour ses différentes marques d’eaux minérales (Perrier, Vittel, Hépar, Contrex). Pour recevoir la qualification d’eau minérale naturelle, l’eau de source doit pourtant ne subir aucune désinfection.
Si Nestlé Waters va donc a priori échapper à tout procès, le scandale politico-sanitaire est en revanche loin d’être terminé. Ce mardi, Le Monde et Radio France publient ainsi une nouvelle partie de leur enquête. Ayant mis la main sur plusieurs mails et notes confidentielles, les journalistes révèlent ce qui était pressenti depuis la première enquête d’il y a un an : Nestlé Waters a bénéficié de la protection de l’Etat pour pouvoir mener en toute impunité des activités non-réglementaires.
Un risque sanitaire pour les consommateurs ?
Tout débute en août 2021, quand Nestlé a vent que l’un de ses concurrents, Alma, fait l’objet d’une enquête pour avoir utilisé des procédés interdits (traitements ultraviolets et filtre à charbon actif) pour décontaminer son eau minérale. Problème : Nestlé utilise les mêmes méthodes illicites. La firme décide alors immédiatement d’en informer les ministres de l’Industrie (Agnès Pannier-Runacher) et de la Santé (Olivier Véran).
Au lieu de saisir le procureur pour qu’une enquête soit menée, comme l’article 40 du code de procédure pénale le leur prescrit, les ministres préfèrent diligenter une enquête auprès l’inspection générale des affaires sociales (IGAS).
Environ un an plus tard, l’IGAS remet son rapport et ses conclusions sont sans appel. « Toutes les dénominations commerciales font l'objet d'un traitement non conforme » résume le directeur général de la Santé Jérôme Salomon dans une note du 14 juillet 2022, évoquant un « risque de contentieux avec la Commission Européenne », la question des eaux minérales étant régi par une directive européenne de 2009.
Le gouvernement décide alors d’enterrer le rapport de l’IGAS, qui ne sera finalement publié qu’en janvier 2024, quand l’affaire sera révélée par la presse.
Nestlé arrive pourtant à avoir vent des conclusions de ce rapport et se lance dans une campagne de lobbying intense au sommet de l’Etat. L’objectif : que le gouvernement autorise l’utilisation de procédé de filtrage à un seuil de 0,2 micron, alors que la réglementation n’autorise le filtrage que jusqu’à un seuil de 0,8 micron.
Le lobbyiste de Nestlé, Nicolas Bouvier, multiplie les rencontres avec les conseillers des différents ministres, ainsi qu’avec ceux de la Première Ministre Elisabeth Borne et rencontrera même Alexis Kohler, secrétaire général de l’Elysée et éminence grise d’Emmanuel Macron.
Alors que ces tractations se jouent dans l’ombre, une inspection menée par l’Agence Régionale de Santé (ARS) d’Occitanie dans l’usine de conditionnement de l’eau Perrier (qui appartient à Nestlé) révèle l’ampleur du problème.
Non seulement des procédés de filtration interdits sont utilisés mais, selon un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), il n’existe aucune preuve que la filtration « permet d'assurer la sécurité sanitaire de l'eau embouteillée ». Au contraire, « la microfiltration serait inefficace vis-à-vis de la rétention de virus » et il est donc possible que l’eau Perrier soit contaminé par des agents pathogènes.
L’exécutif a fait fi des alertes de Jérôme Salomon
Fort de ces informations, le DGS prône la fermeté. Dans une note adressée au ministère de la santé le 20 janvier 2023, Jérôme Salomon recommande de « suspendre immédiatement l’autorisation d’exploitation et de conditionnement de l’eau pour les sites de Nestlé dans les Vosges, compte tenu des enjeux sanitaires et réglementaires ».
Mais la proposition de Jérôme Salomon ne sera pas entendue. A l’issue d’une concertation interministérielle du 23 février 2023, il est décidé de changer discrètement la réglementation et d’autoriser, comme le demande Nestlé, la microfiltration jusqu’à un seuil de 0,8 micron, malgré le risque de contentieux européen et les enjeux sanitaires.
Le gouvernement aurait été sensible au « chantage à l’emploi » (selon le terme utilisé par Jérôme Salomon) employé par Nestlé, qui menaçait de détruire des centaines d’emplois si ses sites de conditionnement d’eau minérale venaient à fermer.
A la suite des premières révélations des journalistes sur cette affaire en janvier 2024, la Commission Européenne a diligenté en mars dernier une enquête sur le contrôle des eaux minérales en Europe. En France, un rapport parlementaire remis par la sénatrice Antoinette Guhl en octobre dernier avait déjà pointé du doigt les collusions entre l’exécutif et Nestlé. Une commission d’enquête du Sénat a été mise en place pour tenter d’y voir plus clair.
Alors que les ministres et l’Elysée nient avoir cédé au lobbying de Nestlé et avoir été au courant d’un risque sanitaire pour les consommateurs, d’autres découvertes sur cette affaire tortueuse sont donc à attendre. A la suite des révélations du Monde et de Radio France, la commission d’enquête du Sénat a d’ores et déjà annoncé qu’elle allait « élargir les auditions du côté de l’Elysée et de Matignon ».
Toujours la même rengaine. Qui dirige le pays ? les lobbying qui font toujours le même chantage à l'emploi. Qui aura un jour le courage de traîner en justice, ceux qui se contrefoutent de notre santé ? Il me semble que c'est dans le discours d'investiture à l’Élysée. Défendre le intérêts des français d'abord. On en est loin.
Quentin Haroche | 04 Février 2025
jim.fr
Le journal Le Monde et Radio France révèlent des documents prouvant que l’Elysée et Matignon ont permis à Nestlé d’utiliser des procédés de filtration de l’eau non-conformes, malgré de potentiels risques sanitaires.
Le 10 septembre dernier, la société Nestlé Waters, leader mondial du marché de l’eau minérale et filiale de la société suisse Nestlé, a signé avec le parquet d’Epinal une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP). La firme va ainsi payer une amende de 2 millions d’euros afin d’échapper à tout procès dans l’affaire de la décontamination de ses eaux minérales.
En janvier 2024, la firme avait en effet reconnu, pour devancer une enquête réalisée par Radio France et Le Monde, qu’elle avait, jusqu’en 2021, utilisé des techniques interdites de décontamination pour ses différentes marques d’eaux minérales (Perrier, Vittel, Hépar, Contrex). Pour recevoir la qualification d’eau minérale naturelle, l’eau de source doit pourtant ne subir aucune désinfection.
Si Nestlé Waters va donc a priori échapper à tout procès, le scandale politico-sanitaire est en revanche loin d’être terminé. Ce mardi, Le Monde et Radio France publient ainsi une nouvelle partie de leur enquête. Ayant mis la main sur plusieurs mails et notes confidentielles, les journalistes révèlent ce qui était pressenti depuis la première enquête d’il y a un an : Nestlé Waters a bénéficié de la protection de l’Etat pour pouvoir mener en toute impunité des activités non-réglementaires.
Un risque sanitaire pour les consommateurs ?
Tout débute en août 2021, quand Nestlé a vent que l’un de ses concurrents, Alma, fait l’objet d’une enquête pour avoir utilisé des procédés interdits (traitements ultraviolets et filtre à charbon actif) pour décontaminer son eau minérale. Problème : Nestlé utilise les mêmes méthodes illicites. La firme décide alors immédiatement d’en informer les ministres de l’Industrie (Agnès Pannier-Runacher) et de la Santé (Olivier Véran).
Au lieu de saisir le procureur pour qu’une enquête soit menée, comme l’article 40 du code de procédure pénale le leur prescrit, les ministres préfèrent diligenter une enquête auprès l’inspection générale des affaires sociales (IGAS).
Environ un an plus tard, l’IGAS remet son rapport et ses conclusions sont sans appel. « Toutes les dénominations commerciales font l'objet d'un traitement non conforme » résume le directeur général de la Santé Jérôme Salomon dans une note du 14 juillet 2022, évoquant un « risque de contentieux avec la Commission Européenne », la question des eaux minérales étant régi par une directive européenne de 2009.
Le gouvernement décide alors d’enterrer le rapport de l’IGAS, qui ne sera finalement publié qu’en janvier 2024, quand l’affaire sera révélée par la presse.
Nestlé arrive pourtant à avoir vent des conclusions de ce rapport et se lance dans une campagne de lobbying intense au sommet de l’Etat. L’objectif : que le gouvernement autorise l’utilisation de procédé de filtrage à un seuil de 0,2 micron, alors que la réglementation n’autorise le filtrage que jusqu’à un seuil de 0,8 micron.
Le lobbyiste de Nestlé, Nicolas Bouvier, multiplie les rencontres avec les conseillers des différents ministres, ainsi qu’avec ceux de la Première Ministre Elisabeth Borne et rencontrera même Alexis Kohler, secrétaire général de l’Elysée et éminence grise d’Emmanuel Macron.
Alors que ces tractations se jouent dans l’ombre, une inspection menée par l’Agence Régionale de Santé (ARS) d’Occitanie dans l’usine de conditionnement de l’eau Perrier (qui appartient à Nestlé) révèle l’ampleur du problème.
Non seulement des procédés de filtration interdits sont utilisés mais, selon un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), il n’existe aucune preuve que la filtration « permet d'assurer la sécurité sanitaire de l'eau embouteillée ». Au contraire, « la microfiltration serait inefficace vis-à-vis de la rétention de virus » et il est donc possible que l’eau Perrier soit contaminé par des agents pathogènes.
L’exécutif a fait fi des alertes de Jérôme Salomon
Fort de ces informations, le DGS prône la fermeté. Dans une note adressée au ministère de la santé le 20 janvier 2023, Jérôme Salomon recommande de « suspendre immédiatement l’autorisation d’exploitation et de conditionnement de l’eau pour les sites de Nestlé dans les Vosges, compte tenu des enjeux sanitaires et réglementaires ».
Mais la proposition de Jérôme Salomon ne sera pas entendue. A l’issue d’une concertation interministérielle du 23 février 2023, il est décidé de changer discrètement la réglementation et d’autoriser, comme le demande Nestlé, la microfiltration jusqu’à un seuil de 0,8 micron, malgré le risque de contentieux européen et les enjeux sanitaires.
Le gouvernement aurait été sensible au « chantage à l’emploi » (selon le terme utilisé par Jérôme Salomon) employé par Nestlé, qui menaçait de détruire des centaines d’emplois si ses sites de conditionnement d’eau minérale venaient à fermer.
A la suite des premières révélations des journalistes sur cette affaire en janvier 2024, la Commission Européenne a diligenté en mars dernier une enquête sur le contrôle des eaux minérales en Europe. En France, un rapport parlementaire remis par la sénatrice Antoinette Guhl en octobre dernier avait déjà pointé du doigt les collusions entre l’exécutif et Nestlé. Une commission d’enquête du Sénat a été mise en place pour tenter d’y voir plus clair.
Alors que les ministres et l’Elysée nient avoir cédé au lobbying de Nestlé et avoir été au courant d’un risque sanitaire pour les consommateurs, d’autres découvertes sur cette affaire tortueuse sont donc à attendre. A la suite des révélations du Monde et de Radio France, la commission d’enquête du Sénat a d’ores et déjà annoncé qu’elle allait « élargir les auditions du côté de l’Elysée et de Matignon ».
Toujours la même rengaine. Qui dirige le pays ? les lobbying qui font toujours le même chantage à l'emploi. Qui aura un jour le courage de traîner en justice, ceux qui se contrefoutent de notre santé ? Il me semble que c'est dans le discours d'investiture à l’Élysée. Défendre le intérêts des français d'abord. On en est loin.
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Re: Articles sur la santé
Alzheimer : la piste virale se renforce
Pr Audrey Rousseau | 06 Février 2025
jim.fr
Une étude renforce l’hypothèse d’un rôle du virus HSV-1 dans la maladie d’Alzheimer. La détection de protéines virales dans le cerveau des patients, en interaction avec la protéine tau, suggère un mécanisme initialement protecteur qui, à terme, pourrait favoriser la neurodégénérescence. Ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques.
La maladie d’Alzheimer (MA) est caractérisée par l’accumulation dans le cerveau de dégénérescences neurofibrillaires, constituées majoritairement de protéine tau phosphorylée (p-tau), et de plaques amyloïdes, elles-mêmes principalement constituées de protéine amyloïde ß (Aß). La cause de la MA reste inconnue, même si un lien avec des agents pathogènes est régulièrement évoqué.
L’hypothèse HSV1 dans la maladie d’Alzheimer
Des études ont montré que la réponse immunitaire du cerveau face à des agents pathogènes pourrait favoriser le développement de la MA. Il existerait notamment un lien entre MA et encéphalite virale, le virus HSV1 (virus herpes simplex de type 1) étant le principal candidat. En effet, les individus ayant survécu à une encéphalite herpétique présentent un risque plus élevé de développer des troubles cognitifs et une démence. De plus, l’infection par HSV1 a été associée à une production de protéine Aß et de p-tau par des neurones adjacents aux neurones infectés par le virus.
L’ADN du virus peut persister des années après une infection tandis que les protéines du virus ont des demi-vies de quelques heures. Hyde et al. ont détecté des niveaux très faibles de protéines HSV1 à l’aide de techniques particulièrement sensibles dans des cerveaux de patients atteints de MA plus ou moins avancée. Le but était d’évaluer le rôle de cette production a minima de protéines HSV1 dans la physiopathogénie de la maladie.
Co-localisation de protéines virales et de tau phosphorylée
Les protéines HSV1 étaient détectées tout au long de la MA. A partir d’échantillons et d’organoïdes de cerveaux humains, les auteurs ont observé une co-localisation de tau et des protéines du virus. Dans les régions du cerveau renfermant des dégénérescences neurofibrillaires et des dépôts amyloïdes, l’expression d’ICP27 - une protéine précoce/intermédiaire de l’infection par HSV1 - augmentait avec la sévérité de la MA.
La protéine ICP27 co-localisait avec p-tau, mais pas avec Aß, et cette co-localisation était d’autant plus marquée que la MA était avancée. La p-tau co-localisait également avec les cellules microgliales (macrophages résidents du système nerveux central).
La protéine tau phosphorylée, un rempart contre HSV1 ?
L’infection par HSV1 induisait une phosphorylation de tau dans des neurones humains en culture en 2 dimensions (2D) ou 3D (organoïdes). La phosphorylation de tau inhibait l’expression d’ICP27 et était associée à une réduction significative de la mort neuronale (de 64 % à 7 % dans les organoïdes) après infection par HSV1. La p-tau jouait ainsi un rôle protecteur vis-à-vis des neurones.
Le virus HSV1 et d’autres virus à ADN sont reconnus par cGAS (cGAMP synthase), qui détecte l’ADN viral présent dans le cytoplasme et active la voie cGAS-STING, entraînant la libération de cytokines antivirales pro-inflammatoires et d’interférons. Cette voie cGAS/STING semble activée dans les maladies neurodégénératives et est une cible thérapeutique potentielle dans la MA.
Les auteurs ont visualisé les produits de la voie cGAS/STING, NFKB et IRF3. Ces derniers co-localisaient avec ICP27 et p-tau dans les MA avancées. L’activation de la voie cGAS/STING entraînait une expression et une phosphorylation de tau. L’activation de cette voie activait le facteur TBK1 qui recrute et phosphoryle NFKB et IRF3. Une inhibition de TBK1 prévenait la phosphorylation de tau.
Au total, p-tau inhibait l’expression des protéines HSV1 indiquant un potentiel rôle antagoniste vis-à-vis du virus. L’activation de la voie cGAS-STING augmentait la phosphorylation de tau tandis que l’inhibition de TBK1 la prévenait. Ces résultats suggèrent que la phosphorylation de tau agit comme une réponse immunitaire innée régulée par cGAS-STING dans la MA.
Cette étude plaide en faveur du rôle au moins facilitateur des infections virales dans les maladies neurodégénératives. Tau pourrait jouer un rôle protecteur initial mais entraîner, en cas de réponses prolongées ou dérégulées, des pathologies du système nerveux central.
References
Hyde VR, Zhou C, Fernandez JR, et al. Anti-herpetic tau preserves neurons via the cGAS-STING-TBK1 pathway in Alzheimer's disease. Cell Rep. 2025 Jan 28;44(1):115109. doi: 10.1016/j.celrep.2024.115109.
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Quand l’épuisement des infirmières met les patients en danger
Geneviève Perennou | 06 Février 2025
jim.fr
Le burn-out des infirmières ne se limite pas à une fatigue, il compromet la qualité et la sécurité des soins. Une méta-analyse révèle son impact sur les erreurs médicales, les infections nosocomiales et la satisfaction des patients. Peut-on soigner sans prendre soin de ceux qui soignent ?
Le syndrome d’épuisement professionnelle, ou burn-out, chez les infirmières est un problème majeur, avec une prévalence élevée variant de 11 % à 56 % selon les études, voire davantage pendant la pandémie de Covid-19. Il est caractérisé par un épuisement émotionnel, une dépersonnalisation et un sentiment de diminution de l'accomplissement personnel.
Si certains travaux ont montré une association entre certains facteurs (jeune âge, soutien social…), et la survenue d’un burn-out, aucune méta-analyse n’avait jusqu’à présent étudié l’association entre l’épuisement professionnel des infirmières et la qualité des soins, la sécurité des patients, et leur satisfaction.
288 000 infirmières dont 30 % en burn-out
Cette méta-analyse systématique a interrogé cette problématique. Elle a porté sur 85 études (81 transversales et 4 longitudinales) impliquant 288 581 infirmières provenant de 32 pays (âge moyen [ET], 33,9 [2,1] ans ; 82,7 % de femmes). La rigueur de la méthode est assurée par des critères d'inclusion/exclusion précis, la révision par deux chercheurs indépendants, et l'utilisation des directives PRISMA 2020.
Le taux de prévalence moyen de l'épuisement professionnel était de 30,7 % (ET 9,7 %) sur la base de seuils spécifiques à l'étude.
La méta-analyse à effets aléatoires montre des associations négatives entre épuisement professionnel des infirmières et divers résultats en matière de sécurité des patients. Tout d'abord, le burn-out du personnel infirmier était associé à un climat ou une culture de sécurité plus bas (DMS, -0,68 [IC à 95 %, -0,83 à -0,54]).
Un climat de sécurité positif se caractérise par une communication ouverte concernant les erreurs et les soins omis, ainsi qu'un soutien de la direction en matière de sécurité. L’épuisement professionnel était également associé à une note de sécurité inférieure (DMS, -0,53 [-0,72 à -0,34]), reflétant des facteurs tels que le respect des protocoles, la disponibilité des ressources et l'efficacité des mesures de sécurité. Les infirmières plus épuisées ont tendance à évaluer plus négativement la sécurité des soins aux patients.
Davantage d’événements liés à la sécurité des patients
Les analyses ont aussi montré une fréquence plus élevée d'infections nosocomiales (DMS, -0,20 [-0,36 à -0,04]), de chutes de patients (DMS, −0,12 [-0,22 à -0,03]), d'erreurs médicamenteuses (DMS, −0,30 [-0,48 à -0,11]), d'événements indésirables ou d'incidents de sécurité des patients (DMS, −0,42 [-0,76 à -0,07]), et de soins non réalisés ou omis (DMS, −0,58 [-0,91 à -0,26]). Aucune association avec la fréquence des escarres de décubitus n’a été mise en évidence.
En outre, l'étude a révélé que les associations entre l'épuisement professionnel et les résultats négatifs pour les patients étaient constantes, indépendamment de l'âge, du sexe, de l'expérience professionnelle et de la région géographique des infirmières.
Le burnout des infirmières était également associé à des notes de satisfaction des patients inférieures (DMS, -0,51 [-0,86 à -0,17]), mais sans augmentation de plaintes des patients. Enfin, les infirmières épuisées ont tendance à évaluer négativement la qualité des soins fournis (DMS, −0,44 [-0,57 à -0,30]). L'étude note également que l'association avec la qualité des soins est devenue de plus en plus négative au cours des trois dernières décennies, même après avoir tenu compte de la pandémie de Covid-19.
Cette étude met en évidence une association significative et persistante entre le burn-out des infirmières, la sécurité des patients, la satisfaction et la qualité des soins, indépendamment des caractéristiques démographiques. En outre, les données indiquent que l'épuisement émotionnel et la dépersonnalisation sont particulièrement associés à la sécurité des patients, davantage que le manque d'accomplissement personnel.
Ce travail met en lumière la nécessité d'interventions systémiques visant à atténuer le burn-out chez les infirmières. Les auteurs recommandent de cibler les causes profondes telles que les effectifs insuffisants et les horaires prolongés, tout en préconisant de mettre en œuvre des approches fondées sur des preuves pour améliorer le bien-être des soignants. Cependant, la majorité des études étant transversales, elles ne permettent pas d'établir de lien de causalité, et les comparaisons géographiques ne représentent pas tous les pays.
References
Li LZ, Yang P, Singer SJ, et al. Nurse Burnout and Patient Safety, Satisfaction, and Quality of Care: A Systematic Review and Meta-Analysis. JAMA Netw Open. 2024 Nov 4;7(11):e2443059. doi: 10.1001/jamanetworkopen.2024.43059.
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Après les Etats-Unis, l’Argentine quitte à son tour l’OMS
Quentin Haroche | 06 Février 2025
jim.fr
Grand admirateur de Donald Trump, l’excentrique président argentin Javier Milei a lui aussi décidé d’entamer le retrait de son pays de l’agence onusienne.
Près de 80 ans après sa création au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) est en train de connaitre la plus grave crise de son histoire. Alors qu’elle constitue un symbole du multilatéralisme et que la totalité des pays adhérents de l’ONU en sont membres, ce sont deux pays qui ont annoncé coup sur coup vouloir quitter l’agence onusienne. Deux semaines après le président américain Donald Trump, c’est en effet au tour du très controversé président argentin Javier Milei d’annoncer ce mercredi que son pays allait quitter l’OMS.
« L’Argentine ne va plus permettre à une organisation internationale d’intervenir dans notre souveraineté, encore moins dans notre santé » a ainsi déclaré le ministre des affaires étrangères Manuel Adorni, tandis que le président argentin publiait sur X un message un peu moins subtil : « Dégage l’OMS : vive la liberté bordel ! »
La décision du chef de l’Etat argentin est tout sauf une surprise. Il a en effet plusieurs fois exprimé son dédain pour l’ONU et les instances internationales et au contraire son admiration pour Donald Trump. Pour justifier son retrait de l’OMS, il a d’ailleurs utilisé les mêmes arguments que son homologue américain, en critiquant la manière dont l’agence onusienne avait géré la pandémie de Covid-19 ainsi que « son manque d’indépendance face à l’influence politique de certains Etats », comprenez la Chine.
Des critiques contre l’OMS pas totalement dénuées de fondement
Ce n’est pas la première fois que l’OMS est critiquée pour sa collusion avec la Chine et pour la manière dont elle a réagi lors de l’apparition de la Covid-19 début 2020. Des critiques qui ne sont d’ailleurs pas totalement dénuées de fondement. Originaire d’Ethiopie, un pays sous forte dépendance économique de la Chine, le directeur général de l’OMS, le Dr Thedros Ghebreyesus avait ainsi qualifié en 2017 le dictateur chinois Xi Jinping de « visionnaire » et le système de santé chinois de « modèle à suivre ».
Au tout début de la pandémie de Covid-19, en janvier 2020, le directeur de l’OMS avait également salué « l’efficacité de la Chine » dans la gestion de la crise sanitaire et sa « transparence », alors même que le gouvernement chinois cachait délibérément la situation et emprisonnait les médecins contestant la ligne officielle. « Si j’avais la Covid-19, j’aimerais être traité en Chine » n’hésitait pas à déclarer à l’époque le Dr Bruce Aylward, cadre de l’OMS.
A la demande de Pékin, qui a longtemps nié que le virus pouvait se transmettre entre hommes, l’OMS attendra le 31 janvier pour décréter une urgence de santé publique internationale, faisait perdre un temps précieux aux autorités sanitaires du monde entier. L’agence onusienne choisira également d’ignorer les alertes venant de Taiwan, île revendiquée par Pékin, alors que les Taiwanais avaient communiqué sur la situation sanitaire à Wuhan dès le 31 décembre 2019. Le Dr Ghebreyesus prendra finalement ses distances vis-à-vis de Pékin à partir de 2021, notamment en critiquant son manque de transparence quant à l’origine de SARS-Cov-2.
Dans son communiqué justifiant son retrait de l’OMS, le président argentin a également reproché à l’OMS d’avoir « échoué dans son épreuve de feu en promouvant des quarantaines éternelles sans fondement scientifique » qui constitue selon lui l’« une des plus grandes catastrophes économiques de l’histoire mondiale ». Javier Milei, qui est justement entré en politique en organisant en 2020 des manifestations contre le confinement en Argentine, l’un des plus longs (quatre mois) et stricts du monde, a qualifié l’OMS d’ « organisme si néfaste qu’il a été l’exécutant de ce qui fut la plus grande expérience de contrôle social de l’histoire (…) un des crimes contre l’humanité le plus saugrenu ».
Javier Milei s’attaque aux droits des personnes transgenres (mais pas des pumas)
Selon le ministre des affaires étrangères, le retrait de l’OMS devrait donner au gouvernement argentin « une plus grande flexibilité pour mettre en œuvre des politiques adaptées au contexte et aux intérêts de l’Argentine, une plus grande disponibilité de ressources » même si l’Argentine devrait, a priori, rester membre de l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS), qui dépend de l’Organisation des Etats américains (OEA). Le retrait de l’Argentine aura évidemment des conséquences bien moins lourdes pour l’OMS que celui des Etats-Unis, qui est le premier contributeur financier de l’agence onusienne : l’Argentine ne verse que 4,4 millions de dollars par an à l’OMS, soit moins de 0,1 % du budget de l’agence onusienne.
Le président argentin a également annoncé ce mercredi des mesures concernant la prise en charge des personnes transgenres, toujours dans la lignée de celles prises aux Etats-Unis par Donald Trump. Dans le cadre d’une « bataille culturelle » contre « le cancer woke », il a annoncé vouloir abroger une loi de 2012 autorisant les traitements hormonaux et la chirurgie de réaffirmation de genre pour les mineurs. « L’idéologie du genre poussée à l’extrême, et appliquée aux enfants par la force ou la coercition psychologique, constitue clairement et simplement une maltraitance infantile » indique le communiqué présidentiel. « Les enfants n’ont pas la maturité cognitive nécessaire pour prendre des décisions concernant des processus irréversibles ».
Le président argentin a également annoncé vouloir revenir sur la possibilité de pouvoir changer de genre à l’état civil sur simple déclaration et veut interdire aux détenues femmes transgenres de pouvoir être transférées dans une prison pour femmes. Par le passé, « El Loco » (le fou), comme on surnomme Javier Milei, avait pourtant affiché des positions plus libérales sur les personnes transgenres. « Si vous vous identifiez comme étant un puma, ça m’est parfaitement égal du moment que vous ne me demandez pas de payer » affirmait-il.
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La greffe d’organes de porc génétiquement modifiés est-elle l’avenir de la transplantation ?
Quentin Haroche | 06 Février 2025
jim.fr
Les autorités américaines ont autorisé la menée d’essais cliniques comportant douze patients qui bénéficieront d’une greffe de rein de porc génétiquement modifié. Pour le moment, seuls trois patients ont été opérés.
« Je suis une superwoman » se réjouit auprès de l’Associated Press Towana Looney. Cette Américaine de 53 ans, n’est en effet pas une femme comme les autres. Depuis une intervention réalisée à l’hôpital NYU Langone de New York le 25 novembre dernier, elle vit en effet avec un rein de porc génétiquement modifié. Elle est ainsi la cinquième personne aux Etats-Unis à bénéficier d’une xénogreffe de porc modifiée génétiquement afin d’éviter un rejet.
Deux patients greffés d’un cœur de porc ainsi traités en 2022 et en 2023 sont morts deux mois après leurs transplantations. Les deux premiers patients greffés avec un rein de porc l’an dernier sont également décédés rapidement, l’un au bout de 52 jours, l’autre après 86 jours (mais le greffon avait dû lui être retiré après 47 jours). En survivant plus de deux mois, Towana Looney a donc battu un record.
« Son rein fonctionne absolument normalement » se réjouit le Dr Robert Montgomery, qui a supervisé l’opération. « Nous sommes optimistes sur le fait qu’il va continuer à fonctionner pendant une durée significative ». Towana Looney, qui avait fait don d’un rein à sa mère en 1999, souffrait d’insuffisance rénale et était en attente d’une greffe depuis 2017.
12 patients inclus dans deux essais cliniques
Si le cas de cette femme originaire de l’Alabama est pour le moment exceptionnel, il pourrait se généraliser dans les années à venir. Pour le moment, toutes les xénogreffes réalisées aux Etats-Unis ont été autorisées au cas par cas à titre compassionnel. Mais un cap a été franchi ce mardi, lorsque la Food and Drug Administration (FDA) a autorisé le lancement de deux essais cliniques sur les xénogreffes, menés par les deux sociétés spécialisées dans le génie génétique qui ont « confectionné » les greffons utilisés dans les différentes opérations tentées aux Etats-Unis.
Le premier essai clinique sera mené par la société United Therapeutics et concernera une cohorte de six patients âgés de 55 à 70 ans atteints d’insuffisance rénale terminale et dialysés depuis au moins six mois. Les participants devront avoir peu de chance de trouver un donneur de rein compatible ou craindre d’attendre une greffe pendant plus de cinq ans. Les premières opérations devront se tenir en milieu d’année.
Le second essai clinique, plus modeste, sera réalisé par la firme eGenesis : trois patients en attente d’une greffe et ayant peu de chance de trouver un donneur compatible seront inclus.
Pour certains spécialistes, la xénogreffe constitue l’avenir de la transplantation et un moyen efficace de pallier l’insuffisance de greffons. Aux Etats-Unis, ce sont 110 000 patients qui sont en attente d’une transplantation, la plupart du temps d’un rein et 6 000 personnes décèdent chaque année en attente d’un organe.
L’idée n’est pas nouvelle : des greffes de reins de chimpanzé avaient déjà été réalisés sur des patients aux Etats-Unis durant les années 1960, avant que le projet ne soit abandonné au vu des mauvais résultats en termes d’ espérance de vie des patients. Les progrès du génie génétique ont finalement permis de ressusciter cette idée.
Un laboratoire français à la manœuvre
En attendant la généralisation éventuelle de ce type d’opérations, Towana Looney fait l’objet d’une surveillance médicale rapprochée, pour la maintenir en vie le plus longtemps possible, mais également pour comprendre davantage les mécanismes à l’œuvre en cas de xénogreffe. Elle a ainsi subi six biopsies depuis son opération et cocorico, ces prélèvements sont analysés par un laboratoire français : l’Institut de transplantation et de régénération d’organes de Paris (PITOR), appartenant à l’université Paris Cité.
Toutes les xénogreffes réalisées aux Etats-Unis ces dernières années ont ainsi fait l’objet d’un suivi par le PITOR. Ce sont les chercheurs français qui ont, dans un article publié dans la revue The Lancet, en août 2023, décrit pour la première fois le mécanisme de rejet en cas de xénogreffe, en étudiant le cas d’une greffe de rein de porc génétiquement modifié sur un patient en état de mort cérébrale en 2021.
Le laboratoire PITOR est chargé du suivi de Towana Looney depuis son opération. « Dès la première biopsie, on a immédiatement vu des petits signaux d’alarme et on leur a conseillé d’augmenter le traitement immunosuppresseur » raconte ainsi au journal Le Monde le Dr Valentin Goutaudier, chercheur dans ce laboratoire de pointe.
Le Pr Alexandre Loupy, qui dirige ce laboratoire, n’est pas peu fier de cette expertise française, mais craint la concurrence étrangère. « Les Etats-Unis avancent à pas de géant, il suffit de voir le nombre de publications. Et la Chine arrive. En France, malheureusement, une seule équipe travaille sur le sujet et a publié : c’est la nôtre » explique-t-il. « Aujourd’hui, nous avons des difficultés à obtenir des financements académiques ».
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PADHUE : les recalés des EVC espèrent qu’on leur fera à nouveau une fleur
Quentin Haroche | 06 Février 2025
jim.fr
Les syndicats regrettent que plusieurs centaines de postes ouverts aux EVC, l’examen que doivent passer les PADHUE pour exercer en France, n’ont finalement pas été pourvues.
En janvier 2024, le Président de la République Emmanuel Macron promettait de régulariser la situation de l’ensemble des praticiens à diplômes obtenus hors de l’Union Européenne, les fameux PADHUE. Un an plus tard, même si la situation administrative de ces médecins étrangers s’est quelque peu améliorée, elle reste particulièrement précaire. Encore une fois, la colère de ces praticiens formés hors d’Europe tient en trois lettres : EVC, les épreuves de vérification des connaissances, un concours qu’ils doivent passer pour être autorisés à exercer en France.
Face aux critiques importantes soulevées par la dernière édition des EVC, jugée par beaucoup trop difficile, le centre national de gestion (CNG), qui organise ces épreuves, avait pourtant revu sa copie pour 2024 : 3 749 postes avaient ainsi été ouverts, soit environ 1 000 de plus que l’année précédente, de quoi a priori satisfaire les PADHUE. Mais lorsque les résultats du concours ont été publiés ce vendredi, ces derniers ont déchanté : seulement 3 044 candidats ont finalement été admis, soit environ 20 % de postes ouverts mais non pourvus.
Les recalés seront-ils à nouveau repêchés ?
« S’agit-il d’un concours dans le concours ? » s’indigne la Fédération des praticiens de santé (FPS) dans un communiqué. Le syndicat constate d’ailleurs que ce sont les spécialités les plus en tension dans les hôpitaux français qui connaissent le plus faible taux de réussite au concours. En psychiatrie par exemple, seulement 18 % des postes ouverts ont finalement été pourvus. « Il est essentiel de souligner que ce décalage entre le nombre de lauréats et le nombre de postes ouverts perdure depuis des années » poursuit FPS.
Face à ce début de polémique, le CNG a affirmé que « les jurys des différentes spécialités sont souverains pour arrêter leurs délibérations finales et arrêter sur ces bases la liste des lauréats sans avoir à pourvoir l’intégralité des postes initialement ouverts au recrutement ». De son côté, le ministère de la Santé rappelle que le nombre de postes pourvus restait 50 % supérieur à celui de l’an dernier et qu’il y a également « 638 candidats sur liste complémentaire ». « Des travaux sont en cours avec les Agences régionales de santé (ARS) afin d’assurer l’affectation de l’ensemble de ces professionnels pour répondre aux besoins des territoires, tout en veillant à maintenir sur leurs postes les lauréats exerçant déjà en France » poursuit le ministère.
Des associations de Padhue ont écrit au Président de la République pour lui demander d’intervenir dans ce dossier. Il n’est pas impossible qu’ils obtiennent gain de cause : l’an dernier, au vu du nombre important de praticiens déboutés des EVC, tous les recalés avaient été régularisés (supprimant ainsi quasiment tout l’intérêt de l’examen). Depuis, deux décrets publiés le 21 décembre dernier ont créé le statut de praticien associé contractuel temporaire (PACT), qui permet aux PADHUE d’exercer en France pendant 13 mois renouvelable une fois en attendant de passer les EVC.
Vers une nouvelle réforme des EVC
Sur le plus long terme, les PADHUE demandent une réforme des EVC. Ils estiment injuste que les médecins étrangers exerçant déjà en France et qui, du fait de leurs obligations professionnelles, n’ont pas le temps de préparer le concours, soient mis en concurrence avec des médecins résidents à l’étranger. « Comment comprendre qu’un jury puisse préférer un médecin venant de l’étranger, n’ayant aucune connaissance de notre système de santé à un praticien déjà intégré, compétent et pleinement engagé au service des patients français ? » s’indigne ainsi le Dr Abdelhalim Bensaidi, diabétologue à Nanterre et recalé aux EVC (et qui est à deux doigts d’exiger la préférence nationale pour les PADHUE !).
Une réforme (une de plus) des EVC est actuellement en projet au ministère de la santé et une première ébauche en a été présentée le 12 décembre dernier lors d’une réunion entre le CNG, la direction générale de l’offre de soins (DGOS) et les syndicats. Le concours prendrait désormais deux formes : une voie interne « destinée aux praticiens en poste sur le territoire national » qui « comprendrait une seule épreuve portant sur les connaissances théoriques qui pourrait prendre la forme de QCM » et une voie externe qui s’adresserait « à tous les autres candidats et maintiendrait les deux épreuves écrites sous la forme actuelle des EVC » explique-t-on au ministère. Insuffisant pour les PADHUE, qui veulent que les médecins étrangers exerçant déjà en France soient admis sur examen voire sur dossier, ce qui est déjà le cas en outre-mer depuis 2005.
Certains directeurs d’hôpitaux craignent que ces tracasseries administratives à répétition ne poussent ces praticiens à se détourner de la France, ce qui pourrait entrainer des conséquences dramatiques, notamment dans les petites structures. « Dans les centres hospitaliers de villes moyennes, les Padhue permettent tout simplement de ne pas fermer les services » explique ainsi dans Libération Eric-Alban Giroux, directeur de l’hôpital du Haut-Anjou dans la Mayenne. Un exode vers l’Allemagne et la Suisse, où les médecins étrangers sont sélectionnés sur simple dossier, semble déjà avoir commencé : le nombre de demandes pour s’installer en Allemagne de la part de médecins d’Afrique francophone a été multiplié par six ces deux dernières années.
Je me permets de rappeler aux lecteurs de ce forum, que les praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE) se sont déclarés être contre la pratique avancée pour les IADE. Dans le genre de quoi je me mêle on ne fait pas mieux. Est-ce que les IADE ont publié une tribune pour dénoncer les carences professionnelles de certains PADHUE ? Pourtant il y aurait des choses à dire en matière de compétences aléatoires...
Pr Audrey Rousseau | 06 Février 2025
jim.fr
Une étude renforce l’hypothèse d’un rôle du virus HSV-1 dans la maladie d’Alzheimer. La détection de protéines virales dans le cerveau des patients, en interaction avec la protéine tau, suggère un mécanisme initialement protecteur qui, à terme, pourrait favoriser la neurodégénérescence. Ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques.
La maladie d’Alzheimer (MA) est caractérisée par l’accumulation dans le cerveau de dégénérescences neurofibrillaires, constituées majoritairement de protéine tau phosphorylée (p-tau), et de plaques amyloïdes, elles-mêmes principalement constituées de protéine amyloïde ß (Aß). La cause de la MA reste inconnue, même si un lien avec des agents pathogènes est régulièrement évoqué.
L’hypothèse HSV1 dans la maladie d’Alzheimer
Des études ont montré que la réponse immunitaire du cerveau face à des agents pathogènes pourrait favoriser le développement de la MA. Il existerait notamment un lien entre MA et encéphalite virale, le virus HSV1 (virus herpes simplex de type 1) étant le principal candidat. En effet, les individus ayant survécu à une encéphalite herpétique présentent un risque plus élevé de développer des troubles cognitifs et une démence. De plus, l’infection par HSV1 a été associée à une production de protéine Aß et de p-tau par des neurones adjacents aux neurones infectés par le virus.
L’ADN du virus peut persister des années après une infection tandis que les protéines du virus ont des demi-vies de quelques heures. Hyde et al. ont détecté des niveaux très faibles de protéines HSV1 à l’aide de techniques particulièrement sensibles dans des cerveaux de patients atteints de MA plus ou moins avancée. Le but était d’évaluer le rôle de cette production a minima de protéines HSV1 dans la physiopathogénie de la maladie.
Co-localisation de protéines virales et de tau phosphorylée
Les protéines HSV1 étaient détectées tout au long de la MA. A partir d’échantillons et d’organoïdes de cerveaux humains, les auteurs ont observé une co-localisation de tau et des protéines du virus. Dans les régions du cerveau renfermant des dégénérescences neurofibrillaires et des dépôts amyloïdes, l’expression d’ICP27 - une protéine précoce/intermédiaire de l’infection par HSV1 - augmentait avec la sévérité de la MA.
La protéine ICP27 co-localisait avec p-tau, mais pas avec Aß, et cette co-localisation était d’autant plus marquée que la MA était avancée. La p-tau co-localisait également avec les cellules microgliales (macrophages résidents du système nerveux central).
La protéine tau phosphorylée, un rempart contre HSV1 ?
L’infection par HSV1 induisait une phosphorylation de tau dans des neurones humains en culture en 2 dimensions (2D) ou 3D (organoïdes). La phosphorylation de tau inhibait l’expression d’ICP27 et était associée à une réduction significative de la mort neuronale (de 64 % à 7 % dans les organoïdes) après infection par HSV1. La p-tau jouait ainsi un rôle protecteur vis-à-vis des neurones.
Le virus HSV1 et d’autres virus à ADN sont reconnus par cGAS (cGAMP synthase), qui détecte l’ADN viral présent dans le cytoplasme et active la voie cGAS-STING, entraînant la libération de cytokines antivirales pro-inflammatoires et d’interférons. Cette voie cGAS/STING semble activée dans les maladies neurodégénératives et est une cible thérapeutique potentielle dans la MA.
Les auteurs ont visualisé les produits de la voie cGAS/STING, NFKB et IRF3. Ces derniers co-localisaient avec ICP27 et p-tau dans les MA avancées. L’activation de la voie cGAS/STING entraînait une expression et une phosphorylation de tau. L’activation de cette voie activait le facteur TBK1 qui recrute et phosphoryle NFKB et IRF3. Une inhibition de TBK1 prévenait la phosphorylation de tau.
Au total, p-tau inhibait l’expression des protéines HSV1 indiquant un potentiel rôle antagoniste vis-à-vis du virus. L’activation de la voie cGAS-STING augmentait la phosphorylation de tau tandis que l’inhibition de TBK1 la prévenait. Ces résultats suggèrent que la phosphorylation de tau agit comme une réponse immunitaire innée régulée par cGAS-STING dans la MA.
Cette étude plaide en faveur du rôle au moins facilitateur des infections virales dans les maladies neurodégénératives. Tau pourrait jouer un rôle protecteur initial mais entraîner, en cas de réponses prolongées ou dérégulées, des pathologies du système nerveux central.
References
Hyde VR, Zhou C, Fernandez JR, et al. Anti-herpetic tau preserves neurons via the cGAS-STING-TBK1 pathway in Alzheimer's disease. Cell Rep. 2025 Jan 28;44(1):115109. doi: 10.1016/j.celrep.2024.115109.
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Quand l’épuisement des infirmières met les patients en danger
Geneviève Perennou | 06 Février 2025
jim.fr
Le burn-out des infirmières ne se limite pas à une fatigue, il compromet la qualité et la sécurité des soins. Une méta-analyse révèle son impact sur les erreurs médicales, les infections nosocomiales et la satisfaction des patients. Peut-on soigner sans prendre soin de ceux qui soignent ?
Le syndrome d’épuisement professionnelle, ou burn-out, chez les infirmières est un problème majeur, avec une prévalence élevée variant de 11 % à 56 % selon les études, voire davantage pendant la pandémie de Covid-19. Il est caractérisé par un épuisement émotionnel, une dépersonnalisation et un sentiment de diminution de l'accomplissement personnel.
Si certains travaux ont montré une association entre certains facteurs (jeune âge, soutien social…), et la survenue d’un burn-out, aucune méta-analyse n’avait jusqu’à présent étudié l’association entre l’épuisement professionnel des infirmières et la qualité des soins, la sécurité des patients, et leur satisfaction.
288 000 infirmières dont 30 % en burn-out
Cette méta-analyse systématique a interrogé cette problématique. Elle a porté sur 85 études (81 transversales et 4 longitudinales) impliquant 288 581 infirmières provenant de 32 pays (âge moyen [ET], 33,9 [2,1] ans ; 82,7 % de femmes). La rigueur de la méthode est assurée par des critères d'inclusion/exclusion précis, la révision par deux chercheurs indépendants, et l'utilisation des directives PRISMA 2020.
Le taux de prévalence moyen de l'épuisement professionnel était de 30,7 % (ET 9,7 %) sur la base de seuils spécifiques à l'étude.
La méta-analyse à effets aléatoires montre des associations négatives entre épuisement professionnel des infirmières et divers résultats en matière de sécurité des patients. Tout d'abord, le burn-out du personnel infirmier était associé à un climat ou une culture de sécurité plus bas (DMS, -0,68 [IC à 95 %, -0,83 à -0,54]).
Un climat de sécurité positif se caractérise par une communication ouverte concernant les erreurs et les soins omis, ainsi qu'un soutien de la direction en matière de sécurité. L’épuisement professionnel était également associé à une note de sécurité inférieure (DMS, -0,53 [-0,72 à -0,34]), reflétant des facteurs tels que le respect des protocoles, la disponibilité des ressources et l'efficacité des mesures de sécurité. Les infirmières plus épuisées ont tendance à évaluer plus négativement la sécurité des soins aux patients.
Davantage d’événements liés à la sécurité des patients
Les analyses ont aussi montré une fréquence plus élevée d'infections nosocomiales (DMS, -0,20 [-0,36 à -0,04]), de chutes de patients (DMS, −0,12 [-0,22 à -0,03]), d'erreurs médicamenteuses (DMS, −0,30 [-0,48 à -0,11]), d'événements indésirables ou d'incidents de sécurité des patients (DMS, −0,42 [-0,76 à -0,07]), et de soins non réalisés ou omis (DMS, −0,58 [-0,91 à -0,26]). Aucune association avec la fréquence des escarres de décubitus n’a été mise en évidence.
En outre, l'étude a révélé que les associations entre l'épuisement professionnel et les résultats négatifs pour les patients étaient constantes, indépendamment de l'âge, du sexe, de l'expérience professionnelle et de la région géographique des infirmières.
Le burnout des infirmières était également associé à des notes de satisfaction des patients inférieures (DMS, -0,51 [-0,86 à -0,17]), mais sans augmentation de plaintes des patients. Enfin, les infirmières épuisées ont tendance à évaluer négativement la qualité des soins fournis (DMS, −0,44 [-0,57 à -0,30]). L'étude note également que l'association avec la qualité des soins est devenue de plus en plus négative au cours des trois dernières décennies, même après avoir tenu compte de la pandémie de Covid-19.
Cette étude met en évidence une association significative et persistante entre le burn-out des infirmières, la sécurité des patients, la satisfaction et la qualité des soins, indépendamment des caractéristiques démographiques. En outre, les données indiquent que l'épuisement émotionnel et la dépersonnalisation sont particulièrement associés à la sécurité des patients, davantage que le manque d'accomplissement personnel.
Ce travail met en lumière la nécessité d'interventions systémiques visant à atténuer le burn-out chez les infirmières. Les auteurs recommandent de cibler les causes profondes telles que les effectifs insuffisants et les horaires prolongés, tout en préconisant de mettre en œuvre des approches fondées sur des preuves pour améliorer le bien-être des soignants. Cependant, la majorité des études étant transversales, elles ne permettent pas d'établir de lien de causalité, et les comparaisons géographiques ne représentent pas tous les pays.
References
Li LZ, Yang P, Singer SJ, et al. Nurse Burnout and Patient Safety, Satisfaction, and Quality of Care: A Systematic Review and Meta-Analysis. JAMA Netw Open. 2024 Nov 4;7(11):e2443059. doi: 10.1001/jamanetworkopen.2024.43059.
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Après les Etats-Unis, l’Argentine quitte à son tour l’OMS
Quentin Haroche | 06 Février 2025
jim.fr
Grand admirateur de Donald Trump, l’excentrique président argentin Javier Milei a lui aussi décidé d’entamer le retrait de son pays de l’agence onusienne.
Près de 80 ans après sa création au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) est en train de connaitre la plus grave crise de son histoire. Alors qu’elle constitue un symbole du multilatéralisme et que la totalité des pays adhérents de l’ONU en sont membres, ce sont deux pays qui ont annoncé coup sur coup vouloir quitter l’agence onusienne. Deux semaines après le président américain Donald Trump, c’est en effet au tour du très controversé président argentin Javier Milei d’annoncer ce mercredi que son pays allait quitter l’OMS.
« L’Argentine ne va plus permettre à une organisation internationale d’intervenir dans notre souveraineté, encore moins dans notre santé » a ainsi déclaré le ministre des affaires étrangères Manuel Adorni, tandis que le président argentin publiait sur X un message un peu moins subtil : « Dégage l’OMS : vive la liberté bordel ! »
La décision du chef de l’Etat argentin est tout sauf une surprise. Il a en effet plusieurs fois exprimé son dédain pour l’ONU et les instances internationales et au contraire son admiration pour Donald Trump. Pour justifier son retrait de l’OMS, il a d’ailleurs utilisé les mêmes arguments que son homologue américain, en critiquant la manière dont l’agence onusienne avait géré la pandémie de Covid-19 ainsi que « son manque d’indépendance face à l’influence politique de certains Etats », comprenez la Chine.
Des critiques contre l’OMS pas totalement dénuées de fondement
Ce n’est pas la première fois que l’OMS est critiquée pour sa collusion avec la Chine et pour la manière dont elle a réagi lors de l’apparition de la Covid-19 début 2020. Des critiques qui ne sont d’ailleurs pas totalement dénuées de fondement. Originaire d’Ethiopie, un pays sous forte dépendance économique de la Chine, le directeur général de l’OMS, le Dr Thedros Ghebreyesus avait ainsi qualifié en 2017 le dictateur chinois Xi Jinping de « visionnaire » et le système de santé chinois de « modèle à suivre ».
Au tout début de la pandémie de Covid-19, en janvier 2020, le directeur de l’OMS avait également salué « l’efficacité de la Chine » dans la gestion de la crise sanitaire et sa « transparence », alors même que le gouvernement chinois cachait délibérément la situation et emprisonnait les médecins contestant la ligne officielle. « Si j’avais la Covid-19, j’aimerais être traité en Chine » n’hésitait pas à déclarer à l’époque le Dr Bruce Aylward, cadre de l’OMS.
A la demande de Pékin, qui a longtemps nié que le virus pouvait se transmettre entre hommes, l’OMS attendra le 31 janvier pour décréter une urgence de santé publique internationale, faisait perdre un temps précieux aux autorités sanitaires du monde entier. L’agence onusienne choisira également d’ignorer les alertes venant de Taiwan, île revendiquée par Pékin, alors que les Taiwanais avaient communiqué sur la situation sanitaire à Wuhan dès le 31 décembre 2019. Le Dr Ghebreyesus prendra finalement ses distances vis-à-vis de Pékin à partir de 2021, notamment en critiquant son manque de transparence quant à l’origine de SARS-Cov-2.
Dans son communiqué justifiant son retrait de l’OMS, le président argentin a également reproché à l’OMS d’avoir « échoué dans son épreuve de feu en promouvant des quarantaines éternelles sans fondement scientifique » qui constitue selon lui l’« une des plus grandes catastrophes économiques de l’histoire mondiale ». Javier Milei, qui est justement entré en politique en organisant en 2020 des manifestations contre le confinement en Argentine, l’un des plus longs (quatre mois) et stricts du monde, a qualifié l’OMS d’ « organisme si néfaste qu’il a été l’exécutant de ce qui fut la plus grande expérience de contrôle social de l’histoire (…) un des crimes contre l’humanité le plus saugrenu ».
Javier Milei s’attaque aux droits des personnes transgenres (mais pas des pumas)
Selon le ministre des affaires étrangères, le retrait de l’OMS devrait donner au gouvernement argentin « une plus grande flexibilité pour mettre en œuvre des politiques adaptées au contexte et aux intérêts de l’Argentine, une plus grande disponibilité de ressources » même si l’Argentine devrait, a priori, rester membre de l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS), qui dépend de l’Organisation des Etats américains (OEA). Le retrait de l’Argentine aura évidemment des conséquences bien moins lourdes pour l’OMS que celui des Etats-Unis, qui est le premier contributeur financier de l’agence onusienne : l’Argentine ne verse que 4,4 millions de dollars par an à l’OMS, soit moins de 0,1 % du budget de l’agence onusienne.
Le président argentin a également annoncé ce mercredi des mesures concernant la prise en charge des personnes transgenres, toujours dans la lignée de celles prises aux Etats-Unis par Donald Trump. Dans le cadre d’une « bataille culturelle » contre « le cancer woke », il a annoncé vouloir abroger une loi de 2012 autorisant les traitements hormonaux et la chirurgie de réaffirmation de genre pour les mineurs. « L’idéologie du genre poussée à l’extrême, et appliquée aux enfants par la force ou la coercition psychologique, constitue clairement et simplement une maltraitance infantile » indique le communiqué présidentiel. « Les enfants n’ont pas la maturité cognitive nécessaire pour prendre des décisions concernant des processus irréversibles ».
Le président argentin a également annoncé vouloir revenir sur la possibilité de pouvoir changer de genre à l’état civil sur simple déclaration et veut interdire aux détenues femmes transgenres de pouvoir être transférées dans une prison pour femmes. Par le passé, « El Loco » (le fou), comme on surnomme Javier Milei, avait pourtant affiché des positions plus libérales sur les personnes transgenres. « Si vous vous identifiez comme étant un puma, ça m’est parfaitement égal du moment que vous ne me demandez pas de payer » affirmait-il.
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La greffe d’organes de porc génétiquement modifiés est-elle l’avenir de la transplantation ?
Quentin Haroche | 06 Février 2025
jim.fr
Les autorités américaines ont autorisé la menée d’essais cliniques comportant douze patients qui bénéficieront d’une greffe de rein de porc génétiquement modifié. Pour le moment, seuls trois patients ont été opérés.
« Je suis une superwoman » se réjouit auprès de l’Associated Press Towana Looney. Cette Américaine de 53 ans, n’est en effet pas une femme comme les autres. Depuis une intervention réalisée à l’hôpital NYU Langone de New York le 25 novembre dernier, elle vit en effet avec un rein de porc génétiquement modifié. Elle est ainsi la cinquième personne aux Etats-Unis à bénéficier d’une xénogreffe de porc modifiée génétiquement afin d’éviter un rejet.
Deux patients greffés d’un cœur de porc ainsi traités en 2022 et en 2023 sont morts deux mois après leurs transplantations. Les deux premiers patients greffés avec un rein de porc l’an dernier sont également décédés rapidement, l’un au bout de 52 jours, l’autre après 86 jours (mais le greffon avait dû lui être retiré après 47 jours). En survivant plus de deux mois, Towana Looney a donc battu un record.
« Son rein fonctionne absolument normalement » se réjouit le Dr Robert Montgomery, qui a supervisé l’opération. « Nous sommes optimistes sur le fait qu’il va continuer à fonctionner pendant une durée significative ». Towana Looney, qui avait fait don d’un rein à sa mère en 1999, souffrait d’insuffisance rénale et était en attente d’une greffe depuis 2017.
12 patients inclus dans deux essais cliniques
Si le cas de cette femme originaire de l’Alabama est pour le moment exceptionnel, il pourrait se généraliser dans les années à venir. Pour le moment, toutes les xénogreffes réalisées aux Etats-Unis ont été autorisées au cas par cas à titre compassionnel. Mais un cap a été franchi ce mardi, lorsque la Food and Drug Administration (FDA) a autorisé le lancement de deux essais cliniques sur les xénogreffes, menés par les deux sociétés spécialisées dans le génie génétique qui ont « confectionné » les greffons utilisés dans les différentes opérations tentées aux Etats-Unis.
Le premier essai clinique sera mené par la société United Therapeutics et concernera une cohorte de six patients âgés de 55 à 70 ans atteints d’insuffisance rénale terminale et dialysés depuis au moins six mois. Les participants devront avoir peu de chance de trouver un donneur de rein compatible ou craindre d’attendre une greffe pendant plus de cinq ans. Les premières opérations devront se tenir en milieu d’année.
Le second essai clinique, plus modeste, sera réalisé par la firme eGenesis : trois patients en attente d’une greffe et ayant peu de chance de trouver un donneur compatible seront inclus.
Pour certains spécialistes, la xénogreffe constitue l’avenir de la transplantation et un moyen efficace de pallier l’insuffisance de greffons. Aux Etats-Unis, ce sont 110 000 patients qui sont en attente d’une transplantation, la plupart du temps d’un rein et 6 000 personnes décèdent chaque année en attente d’un organe.
L’idée n’est pas nouvelle : des greffes de reins de chimpanzé avaient déjà été réalisés sur des patients aux Etats-Unis durant les années 1960, avant que le projet ne soit abandonné au vu des mauvais résultats en termes d’ espérance de vie des patients. Les progrès du génie génétique ont finalement permis de ressusciter cette idée.
Un laboratoire français à la manœuvre
En attendant la généralisation éventuelle de ce type d’opérations, Towana Looney fait l’objet d’une surveillance médicale rapprochée, pour la maintenir en vie le plus longtemps possible, mais également pour comprendre davantage les mécanismes à l’œuvre en cas de xénogreffe. Elle a ainsi subi six biopsies depuis son opération et cocorico, ces prélèvements sont analysés par un laboratoire français : l’Institut de transplantation et de régénération d’organes de Paris (PITOR), appartenant à l’université Paris Cité.
Toutes les xénogreffes réalisées aux Etats-Unis ces dernières années ont ainsi fait l’objet d’un suivi par le PITOR. Ce sont les chercheurs français qui ont, dans un article publié dans la revue The Lancet, en août 2023, décrit pour la première fois le mécanisme de rejet en cas de xénogreffe, en étudiant le cas d’une greffe de rein de porc génétiquement modifié sur un patient en état de mort cérébrale en 2021.
Le laboratoire PITOR est chargé du suivi de Towana Looney depuis son opération. « Dès la première biopsie, on a immédiatement vu des petits signaux d’alarme et on leur a conseillé d’augmenter le traitement immunosuppresseur » raconte ainsi au journal Le Monde le Dr Valentin Goutaudier, chercheur dans ce laboratoire de pointe.
Le Pr Alexandre Loupy, qui dirige ce laboratoire, n’est pas peu fier de cette expertise française, mais craint la concurrence étrangère. « Les Etats-Unis avancent à pas de géant, il suffit de voir le nombre de publications. Et la Chine arrive. En France, malheureusement, une seule équipe travaille sur le sujet et a publié : c’est la nôtre » explique-t-il. « Aujourd’hui, nous avons des difficultés à obtenir des financements académiques ».
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PADHUE : les recalés des EVC espèrent qu’on leur fera à nouveau une fleur
Quentin Haroche | 06 Février 2025
jim.fr
Les syndicats regrettent que plusieurs centaines de postes ouverts aux EVC, l’examen que doivent passer les PADHUE pour exercer en France, n’ont finalement pas été pourvues.
En janvier 2024, le Président de la République Emmanuel Macron promettait de régulariser la situation de l’ensemble des praticiens à diplômes obtenus hors de l’Union Européenne, les fameux PADHUE. Un an plus tard, même si la situation administrative de ces médecins étrangers s’est quelque peu améliorée, elle reste particulièrement précaire. Encore une fois, la colère de ces praticiens formés hors d’Europe tient en trois lettres : EVC, les épreuves de vérification des connaissances, un concours qu’ils doivent passer pour être autorisés à exercer en France.
Face aux critiques importantes soulevées par la dernière édition des EVC, jugée par beaucoup trop difficile, le centre national de gestion (CNG), qui organise ces épreuves, avait pourtant revu sa copie pour 2024 : 3 749 postes avaient ainsi été ouverts, soit environ 1 000 de plus que l’année précédente, de quoi a priori satisfaire les PADHUE. Mais lorsque les résultats du concours ont été publiés ce vendredi, ces derniers ont déchanté : seulement 3 044 candidats ont finalement été admis, soit environ 20 % de postes ouverts mais non pourvus.
Les recalés seront-ils à nouveau repêchés ?
« S’agit-il d’un concours dans le concours ? » s’indigne la Fédération des praticiens de santé (FPS) dans un communiqué. Le syndicat constate d’ailleurs que ce sont les spécialités les plus en tension dans les hôpitaux français qui connaissent le plus faible taux de réussite au concours. En psychiatrie par exemple, seulement 18 % des postes ouverts ont finalement été pourvus. « Il est essentiel de souligner que ce décalage entre le nombre de lauréats et le nombre de postes ouverts perdure depuis des années » poursuit FPS.
Face à ce début de polémique, le CNG a affirmé que « les jurys des différentes spécialités sont souverains pour arrêter leurs délibérations finales et arrêter sur ces bases la liste des lauréats sans avoir à pourvoir l’intégralité des postes initialement ouverts au recrutement ». De son côté, le ministère de la Santé rappelle que le nombre de postes pourvus restait 50 % supérieur à celui de l’an dernier et qu’il y a également « 638 candidats sur liste complémentaire ». « Des travaux sont en cours avec les Agences régionales de santé (ARS) afin d’assurer l’affectation de l’ensemble de ces professionnels pour répondre aux besoins des territoires, tout en veillant à maintenir sur leurs postes les lauréats exerçant déjà en France » poursuit le ministère.
Des associations de Padhue ont écrit au Président de la République pour lui demander d’intervenir dans ce dossier. Il n’est pas impossible qu’ils obtiennent gain de cause : l’an dernier, au vu du nombre important de praticiens déboutés des EVC, tous les recalés avaient été régularisés (supprimant ainsi quasiment tout l’intérêt de l’examen). Depuis, deux décrets publiés le 21 décembre dernier ont créé le statut de praticien associé contractuel temporaire (PACT), qui permet aux PADHUE d’exercer en France pendant 13 mois renouvelable une fois en attendant de passer les EVC.
Vers une nouvelle réforme des EVC
Sur le plus long terme, les PADHUE demandent une réforme des EVC. Ils estiment injuste que les médecins étrangers exerçant déjà en France et qui, du fait de leurs obligations professionnelles, n’ont pas le temps de préparer le concours, soient mis en concurrence avec des médecins résidents à l’étranger. « Comment comprendre qu’un jury puisse préférer un médecin venant de l’étranger, n’ayant aucune connaissance de notre système de santé à un praticien déjà intégré, compétent et pleinement engagé au service des patients français ? » s’indigne ainsi le Dr Abdelhalim Bensaidi, diabétologue à Nanterre et recalé aux EVC (et qui est à deux doigts d’exiger la préférence nationale pour les PADHUE !).
Une réforme (une de plus) des EVC est actuellement en projet au ministère de la santé et une première ébauche en a été présentée le 12 décembre dernier lors d’une réunion entre le CNG, la direction générale de l’offre de soins (DGOS) et les syndicats. Le concours prendrait désormais deux formes : une voie interne « destinée aux praticiens en poste sur le territoire national » qui « comprendrait une seule épreuve portant sur les connaissances théoriques qui pourrait prendre la forme de QCM » et une voie externe qui s’adresserait « à tous les autres candidats et maintiendrait les deux épreuves écrites sous la forme actuelle des EVC » explique-t-on au ministère. Insuffisant pour les PADHUE, qui veulent que les médecins étrangers exerçant déjà en France soient admis sur examen voire sur dossier, ce qui est déjà le cas en outre-mer depuis 2005.
Certains directeurs d’hôpitaux craignent que ces tracasseries administratives à répétition ne poussent ces praticiens à se détourner de la France, ce qui pourrait entrainer des conséquences dramatiques, notamment dans les petites structures. « Dans les centres hospitaliers de villes moyennes, les Padhue permettent tout simplement de ne pas fermer les services » explique ainsi dans Libération Eric-Alban Giroux, directeur de l’hôpital du Haut-Anjou dans la Mayenne. Un exode vers l’Allemagne et la Suisse, où les médecins étrangers sont sélectionnés sur simple dossier, semble déjà avoir commencé : le nombre de demandes pour s’installer en Allemagne de la part de médecins d’Afrique francophone a été multiplié par six ces deux dernières années.
Je me permets de rappeler aux lecteurs de ce forum, que les praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE) se sont déclarés être contre la pratique avancée pour les IADE. Dans le genre de quoi je me mêle on ne fait pas mieux. Est-ce que les IADE ont publié une tribune pour dénoncer les carences professionnelles de certains PADHUE ? Pourtant il y aurait des choses à dire en matière de compétences aléatoires...
La santé est un état précaire qui ne laisse augurer rien de bon.
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Re: Articles sur la santé
Quel fromage pourrait vous rendre plus intelligent ?
Quentin Haroche | 07 Février 2025
jim.fr
Il y a peu, le JIM évoquait une étude parue dans la revue Nature en juin dernier dans laquelle des chercheurs normands avaient réussi à élaborer un nouveau produit de contraste permettant de détecter les mini-caillots en cas d’AVC en utilisant une molécule produite par les moules normandes.
Mais un autre aliment cher aux Normands pourrait avoir des effets bénéfiques pour la santé, plus directs cette fois. Selon une étude publiée en fin d’année dernière dans la très sérieuse revue Neuroscience Research, la consommation de camembert pourrait en effet améliorer les capacités cognitives.
Cette fois, pour éviter tout conflit d’intérêt, l’étude n’a pas été menée par des scientifiques normands mais…japonais. Malgré les dizaines de milliers de kilomètres qui les séparent du pays du fromage, les chercheurs du département des sciences de la nutrition de l’université de Kyoto ont donc jeté leur dévolu sur le camembert et ont voulu étudier ses effets sur les capacités intellectuelles des animaux de laboratoire.
Des souris ont donc été séparés en deux groupes : l’un a reçu une alimentation riche en graisse sans camembert, dont il a été prouvé qu’elle favorisait le déclin cognitif chez ces animaux et l’autre une alimentation riche en camembert.
Des tests comportementaux de reconnaissance d’objets (ORT) et de localisation d’objets (OLT) ont ensuite été menés sur les souris. Il en ressort que les souris nourris au camembert avaient une meilleure mémoire des lieux et des objets que celles qui avaient été privés de ce délicieux fromage normand.
L’intelligence réside dans la fermentation du camembert
En poussant davantage leurs recherches, les chercheurs japonais ont pu établir que c’était certainement le myristamide, un amide d’acide gras issu de la fermentation du camembert et qu’on trouve peu dans les autres fromages, qui était à la source des effets bénéfiques de ce fromage sur la cognition.
L’étude de l’hippocampe des souris nourris au camembert a permis de montrer que le myristamide stimulait la production de facteur neurotrophique dérivé du cerveau (brain-derived neurotrophic factor ou BDNF en anglais), une protéine connue pour son rôle dans la mémoire et l’activité cognitive. Un lien entre la maladie d’Alzheimer et la baisse de production de BDNF dans le cerveau est ainsi suspecté par ces neurologues.
Selon les chercheurs japonais (qui ont sans doute célébré la publication de leur étude en dégustant un bon plateau de fromage), les conclusions de leurs recherches sont en lien avec celles d’autres études, qui ont établi que la consommation de produits laitiers pouvait diminuer le risque de développer une maladie d’Alzheimer et retarder le déclin cognitif.
Ils précisent cependant (comme c’est rituel) que des études plus poussées doivent être menées pour confirmer le lien entre la consommation de camembert et une meilleure activité cognitive chez l’homme. Il n’est donc pas encore arrivé le temps où les étudiants mangeront du camembert pour se préparer à un examen.
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Un grand gaillard obsédé par un petit organe
Quentin Haroche | 07 Février 2025
C’est un collage de photos assez hétéroclites. Mère Thérèsa et Gandhi d’un côté côtoient des enfants mutilés et des mines anti personnelles. Comme si le Dr Pierre Foldes, qui affiche ces photographies dans son bureau de l’Institut en santé génésique de Saint-Germain-en-Laye, voulait se rappeler de tout ce que l’humanité pouvait faire de plus beau et de plus terrible.
Depuis 40 ans, ce chirurgien urologue qui se qualifie de « médecin militant » et d’ « homme féministe » tente justement de faire triompher le beau sur l’horrible en réparant les femmes victimes de mutilations génitales et plus particulièrement d’excision.
Rien ne prédestinait pourtant Pierre Foldes, né en 1951 dans une famille bourgeoise, à passer le plus clair de son temps à prendre en charge des femmes immigrés africaines et à parcourir le monde pour sensibiliser les populations à la question de l’excision.
Son père voulait qu’il soit ingénieur, par défi il choisit la médecine. Une fois son doctorat en poche, l’idée de passer ses journées en consultations, à multiplier les ordonnances et à vivre bourgeoisement ne l’enchante guère.
Réparer sans juger
Nous sommes alors à la fin des années 1970, l’époque des « French doctors », de la naissance de Médecins sans frontières (MSF) et de l’essor de l’humanitaire. D’origine bretonne, le Dr Foldes prend le large. Il part au Liban, en pleine guerre civile, puis à Calcutta, où il travaille pendant plusieurs années dans l’un des mouroirs de Mère Thérèsa.
« Elle m’a tout appris, c’est une sainte » explique le chirurgien, qui n’est pourtant pas mystique pour un sou. « Elle avait une capacité incroyable à entrer en communication avec celui qui allait mourir, par les mains, les yeux, avec une sensualité étonnante ». De ce travail avec la religieuse, il a surtout retenu « l’importance de ne jamais baisser les bras, de ne pas désespérer quand on côtoie l’extrême ».
Mais le grand tournant de la vie du Dr Foldes survient au début des années 1980 lorsque, lors d’une mission humanitaire au Burkina Faso, il découvre les ravages de l’excision, une pratique bien ancrée dans les traditions de nombreux pays africains. Le chirurgien se refuse pourtant à tout jugement de valeur.
« En tant qu'homme, je suis mal placé pour juger de ce genre de tradition mais en tant que médecin, je suis à même de comprendre les dangers de ces pratiques » expliquait-il il y a quelques années dans une interview accordé à Libération.
Le Dr Foldes met alors rapidement au point une technique de réparation du clitoris des femmes mutilées, qui consiste à enlever la portion cicatricielle et à reconstruire le clitoris en extériorisant la partie profonde non touchée par la mutilation. Il ouvre un premier centre de chirurgie réparatrice du clitoris en 1990, dans lequel il opérera plusieurs milliers de femmes, jusqu’à cinquante par mois à ses plus belles heures.
En 2004, il obtient que l’opération qu’il a mise au point soit prise en charge par l’Assurance Maladie en France, une première dans le monde. En 2012, son travail est pleinement reconnu par une étude rétrospective qu’il publie dans The Lancet et qui constate l’efficacité de son travail : la quasi-totalité des patientes qu’il opère ne souffre plus et plus d’un tiers parviennent à retrouver du plaisir clitoridien.
L’homme qui répare les femmes
Le plaisir sexuel de la femme et le clitoris deviennent les préoccupations du Dr Foldes. Un organe qui n’existait quasiment pas avant qu’il s’y intéresse : au début de ses études, il avait constaté qu’il n’existait pas une seule étude publiée sur le clitoris contre plus de 10 000 sur le pénis ! En 2009, il réalise, en partenariat, avec le Dr Odile Buisson les toutes premières échographies du clitoris et du point G.
« C'était dingue de voir ce gros costaud de 1,87 m, plein de muscles, venir me proposer de réaliser une échographie du clitoris. Alors que moi, en tant que femme, je n'y avais jamais pensé » se rappelle la gynécologue.« Il y a quelque chose dans ce don de soi que je n'arrive pas à piger » poursuit-elle.« C'est héroïque ou névrotique ».
En parallèle, le Dr Foldes comprend que l’immigration africaine a en quelque sorte importé l’excision en France. En partenariat avec la militante féministe Frédérique Martz, il ouvre donc en 2014 l’Institut en santé génésique de Saint-Germain-En-Laye, qui se propose de prendre en charge les femmes victimes d’excision, mais plus globalement de venir en aide à toutes les femmes victimes de violence.
Selon une étude de 2023, plus de 7 % des femmes âgées de 18 à 45 ans vivant en Seine-Saint-Denis ont été excisées et on compterait environ 140 000 femmes excisées en France, la grande majorité en Ile-de-France.
A l’occasion de la journée de lutte contre les mutilations génitales féminines ce jeudi, la ministre de l’Egalité entre les femmes et les hommes Aurore Bergé a présenté un nouveau plan de lutte contre « une barbarie qui n’a que trop duré sous couvert de coutumes ». Selon la ministre, 7 000 mineures vivant en France sont menacées d’excision.
Du haut de ses 73 ans, le Dr Foldes continue lui son inlassable combat féministe. « Je tente de ne pas me comporter en macho primaire, au travail comme dans le privé » racontait dans Libération il y a quelques années cet infatigable féministe.
« Même si je ne peux pas m’empêcher de regarder une belle paire de jambes » ajoutait-il en riant sans craindre la réprobation woke.
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Sans culture mais pas sans génie
Frédéric Haroche | 07 Février 2025
Damocles Diagnostics, une start-up française fondée en 2023 à Limoges a récemment attiré l'attention de la communauté médicale en remportant le concours i-Lab 2024 financé par la Banque Publique d’Investissement (BPI) pour son projet DAMAST. Il vise à révolutionner la pratique de l’antibiogramme.
La technologie développée par cette jeune pousse repose sur une approche innovante de caractérisation biophysique des bactéries. Plutôt que d’attendre que les bactéries se multiplient en laboratoire, comme avec les méthodes actuelles, l’outil DAMAST analyse directement leurs propriétés physiques, notamment leur taille et leur densité.
Lorsqu’un antibiotique est ajouté, les bactéries sensibles subissent des modifications détectables, comme une réduction de taille ou un changement de densité, tandis que les bactéries résistantes restent inchangées. En mesurant ces variations, l’outil permet de déterminer en quelques heures quels antibiotiques seront efficaces contre l’infection du patient.
Cette approche innovante offre des résultats en moins de 5 heures, contre 48 pour les méthodes classiques d’antibiogramme, gain de temps qui peut avoir des conséquences majeures en cas d’infections graves.
Le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Limoges a été l'un des premiers à adopter cette technologie. Les chercheurs du centre de bactériologie participent activement au projet, soulignant l'importance de cette innovation pour le bon usage des antibiotiques. Damocles Diagnostics prévoit de commercialiser sa technologie dans le domaine de la santé animale dès 2025, avec pour objectif à plus long terme une application en santé humaine.
Cette démarche s'inscrit dans l'initiative "One Health", reconnaissant l'interconnexion entre la santé humaine, animale et environnementale.
Quentin Haroche | 07 Février 2025
jim.fr
Il y a peu, le JIM évoquait une étude parue dans la revue Nature en juin dernier dans laquelle des chercheurs normands avaient réussi à élaborer un nouveau produit de contraste permettant de détecter les mini-caillots en cas d’AVC en utilisant une molécule produite par les moules normandes.
Mais un autre aliment cher aux Normands pourrait avoir des effets bénéfiques pour la santé, plus directs cette fois. Selon une étude publiée en fin d’année dernière dans la très sérieuse revue Neuroscience Research, la consommation de camembert pourrait en effet améliorer les capacités cognitives.
Cette fois, pour éviter tout conflit d’intérêt, l’étude n’a pas été menée par des scientifiques normands mais…japonais. Malgré les dizaines de milliers de kilomètres qui les séparent du pays du fromage, les chercheurs du département des sciences de la nutrition de l’université de Kyoto ont donc jeté leur dévolu sur le camembert et ont voulu étudier ses effets sur les capacités intellectuelles des animaux de laboratoire.
Des souris ont donc été séparés en deux groupes : l’un a reçu une alimentation riche en graisse sans camembert, dont il a été prouvé qu’elle favorisait le déclin cognitif chez ces animaux et l’autre une alimentation riche en camembert.
Des tests comportementaux de reconnaissance d’objets (ORT) et de localisation d’objets (OLT) ont ensuite été menés sur les souris. Il en ressort que les souris nourris au camembert avaient une meilleure mémoire des lieux et des objets que celles qui avaient été privés de ce délicieux fromage normand.
L’intelligence réside dans la fermentation du camembert
En poussant davantage leurs recherches, les chercheurs japonais ont pu établir que c’était certainement le myristamide, un amide d’acide gras issu de la fermentation du camembert et qu’on trouve peu dans les autres fromages, qui était à la source des effets bénéfiques de ce fromage sur la cognition.
L’étude de l’hippocampe des souris nourris au camembert a permis de montrer que le myristamide stimulait la production de facteur neurotrophique dérivé du cerveau (brain-derived neurotrophic factor ou BDNF en anglais), une protéine connue pour son rôle dans la mémoire et l’activité cognitive. Un lien entre la maladie d’Alzheimer et la baisse de production de BDNF dans le cerveau est ainsi suspecté par ces neurologues.
Selon les chercheurs japonais (qui ont sans doute célébré la publication de leur étude en dégustant un bon plateau de fromage), les conclusions de leurs recherches sont en lien avec celles d’autres études, qui ont établi que la consommation de produits laitiers pouvait diminuer le risque de développer une maladie d’Alzheimer et retarder le déclin cognitif.
Ils précisent cependant (comme c’est rituel) que des études plus poussées doivent être menées pour confirmer le lien entre la consommation de camembert et une meilleure activité cognitive chez l’homme. Il n’est donc pas encore arrivé le temps où les étudiants mangeront du camembert pour se préparer à un examen.
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Un grand gaillard obsédé par un petit organe
Quentin Haroche | 07 Février 2025
C’est un collage de photos assez hétéroclites. Mère Thérèsa et Gandhi d’un côté côtoient des enfants mutilés et des mines anti personnelles. Comme si le Dr Pierre Foldes, qui affiche ces photographies dans son bureau de l’Institut en santé génésique de Saint-Germain-en-Laye, voulait se rappeler de tout ce que l’humanité pouvait faire de plus beau et de plus terrible.
Depuis 40 ans, ce chirurgien urologue qui se qualifie de « médecin militant » et d’ « homme féministe » tente justement de faire triompher le beau sur l’horrible en réparant les femmes victimes de mutilations génitales et plus particulièrement d’excision.
Rien ne prédestinait pourtant Pierre Foldes, né en 1951 dans une famille bourgeoise, à passer le plus clair de son temps à prendre en charge des femmes immigrés africaines et à parcourir le monde pour sensibiliser les populations à la question de l’excision.
Son père voulait qu’il soit ingénieur, par défi il choisit la médecine. Une fois son doctorat en poche, l’idée de passer ses journées en consultations, à multiplier les ordonnances et à vivre bourgeoisement ne l’enchante guère.
Réparer sans juger
Nous sommes alors à la fin des années 1970, l’époque des « French doctors », de la naissance de Médecins sans frontières (MSF) et de l’essor de l’humanitaire. D’origine bretonne, le Dr Foldes prend le large. Il part au Liban, en pleine guerre civile, puis à Calcutta, où il travaille pendant plusieurs années dans l’un des mouroirs de Mère Thérèsa.
« Elle m’a tout appris, c’est une sainte » explique le chirurgien, qui n’est pourtant pas mystique pour un sou. « Elle avait une capacité incroyable à entrer en communication avec celui qui allait mourir, par les mains, les yeux, avec une sensualité étonnante ». De ce travail avec la religieuse, il a surtout retenu « l’importance de ne jamais baisser les bras, de ne pas désespérer quand on côtoie l’extrême ».
Mais le grand tournant de la vie du Dr Foldes survient au début des années 1980 lorsque, lors d’une mission humanitaire au Burkina Faso, il découvre les ravages de l’excision, une pratique bien ancrée dans les traditions de nombreux pays africains. Le chirurgien se refuse pourtant à tout jugement de valeur.
« En tant qu'homme, je suis mal placé pour juger de ce genre de tradition mais en tant que médecin, je suis à même de comprendre les dangers de ces pratiques » expliquait-il il y a quelques années dans une interview accordé à Libération.
Le Dr Foldes met alors rapidement au point une technique de réparation du clitoris des femmes mutilées, qui consiste à enlever la portion cicatricielle et à reconstruire le clitoris en extériorisant la partie profonde non touchée par la mutilation. Il ouvre un premier centre de chirurgie réparatrice du clitoris en 1990, dans lequel il opérera plusieurs milliers de femmes, jusqu’à cinquante par mois à ses plus belles heures.
En 2004, il obtient que l’opération qu’il a mise au point soit prise en charge par l’Assurance Maladie en France, une première dans le monde. En 2012, son travail est pleinement reconnu par une étude rétrospective qu’il publie dans The Lancet et qui constate l’efficacité de son travail : la quasi-totalité des patientes qu’il opère ne souffre plus et plus d’un tiers parviennent à retrouver du plaisir clitoridien.
L’homme qui répare les femmes
Le plaisir sexuel de la femme et le clitoris deviennent les préoccupations du Dr Foldes. Un organe qui n’existait quasiment pas avant qu’il s’y intéresse : au début de ses études, il avait constaté qu’il n’existait pas une seule étude publiée sur le clitoris contre plus de 10 000 sur le pénis ! En 2009, il réalise, en partenariat, avec le Dr Odile Buisson les toutes premières échographies du clitoris et du point G.
« C'était dingue de voir ce gros costaud de 1,87 m, plein de muscles, venir me proposer de réaliser une échographie du clitoris. Alors que moi, en tant que femme, je n'y avais jamais pensé » se rappelle la gynécologue.« Il y a quelque chose dans ce don de soi que je n'arrive pas à piger » poursuit-elle.« C'est héroïque ou névrotique ».
En parallèle, le Dr Foldes comprend que l’immigration africaine a en quelque sorte importé l’excision en France. En partenariat avec la militante féministe Frédérique Martz, il ouvre donc en 2014 l’Institut en santé génésique de Saint-Germain-En-Laye, qui se propose de prendre en charge les femmes victimes d’excision, mais plus globalement de venir en aide à toutes les femmes victimes de violence.
Selon une étude de 2023, plus de 7 % des femmes âgées de 18 à 45 ans vivant en Seine-Saint-Denis ont été excisées et on compterait environ 140 000 femmes excisées en France, la grande majorité en Ile-de-France.
A l’occasion de la journée de lutte contre les mutilations génitales féminines ce jeudi, la ministre de l’Egalité entre les femmes et les hommes Aurore Bergé a présenté un nouveau plan de lutte contre « une barbarie qui n’a que trop duré sous couvert de coutumes ». Selon la ministre, 7 000 mineures vivant en France sont menacées d’excision.
Du haut de ses 73 ans, le Dr Foldes continue lui son inlassable combat féministe. « Je tente de ne pas me comporter en macho primaire, au travail comme dans le privé » racontait dans Libération il y a quelques années cet infatigable féministe.
« Même si je ne peux pas m’empêcher de regarder une belle paire de jambes » ajoutait-il en riant sans craindre la réprobation woke.
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Sans culture mais pas sans génie
Frédéric Haroche | 07 Février 2025
Damocles Diagnostics, une start-up française fondée en 2023 à Limoges a récemment attiré l'attention de la communauté médicale en remportant le concours i-Lab 2024 financé par la Banque Publique d’Investissement (BPI) pour son projet DAMAST. Il vise à révolutionner la pratique de l’antibiogramme.
La technologie développée par cette jeune pousse repose sur une approche innovante de caractérisation biophysique des bactéries. Plutôt que d’attendre que les bactéries se multiplient en laboratoire, comme avec les méthodes actuelles, l’outil DAMAST analyse directement leurs propriétés physiques, notamment leur taille et leur densité.
Lorsqu’un antibiotique est ajouté, les bactéries sensibles subissent des modifications détectables, comme une réduction de taille ou un changement de densité, tandis que les bactéries résistantes restent inchangées. En mesurant ces variations, l’outil permet de déterminer en quelques heures quels antibiotiques seront efficaces contre l’infection du patient.
Cette approche innovante offre des résultats en moins de 5 heures, contre 48 pour les méthodes classiques d’antibiogramme, gain de temps qui peut avoir des conséquences majeures en cas d’infections graves.
Le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Limoges a été l'un des premiers à adopter cette technologie. Les chercheurs du centre de bactériologie participent activement au projet, soulignant l'importance de cette innovation pour le bon usage des antibiotiques. Damocles Diagnostics prévoit de commercialiser sa technologie dans le domaine de la santé animale dès 2025, avec pour objectif à plus long terme une application en santé humaine.
Cette démarche s'inscrit dans l'initiative "One Health", reconnaissant l'interconnexion entre la santé humaine, animale et environnementale.
La santé est un état précaire qui ne laisse augurer rien de bon.
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