Articles sur la santé

Éric DELMAS

Message par Éric DELMAS » dim. sept. 21, 2014 7:39 am

Tu oublies un léger détail. Le passage aux 35 s'est effectué en échange d'une stagnation salariale sur plusieurs années. En clair, nos 35 heures n'ont pas réduit notre charge de travail, donc ont augmenté notre productivité et nous ont fait perdre de l'argent.
Si je repasse aux 39 heures, je veux récupérer cet argent perdu et ne pas augmenter ma charge de travail, donc diminuer ma productivité. Comme ça nous reviendrons quelques années en arrière et je prendrai ma retraite avec une meilleure pension.
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Message par Arnaud BASSEZ » lun. sept. 22, 2014 6:14 pm

Hôpitaux de Paris
L'AP-HP rassure les agences de notation


David Bilhaut source pourquoidocteur.fr

Dans une note d’analyse, l’agence Standard & Poor's se veut rasssurante sur la santé financière de l'AP-HP mais pointe le manque de marge de manœuvre budgétaire du plan grand CHU d'Europe.

Représentant à elle seule 10 % de l’offre hospitalière publique française, l’AP-HP – 37 établissements et 91 500 employés – est scrutée à la loupe par les agences de notation. Sur les marchés financiers, la note de l’AP-HP est indexée sur celle de l’Etat Français. D’où les récentes dégradations de l’institution : AAA en 2011, AA+ en 2012 puis AA en 2013 où la dette a été réduite de 89 millions d'euros en 2013 pour atteindre les 2,26 milliards d'euros.

La stratégie d’emprunt de l’AP-HP est qualifiée d’« active et prudente », et l’accès au marché obligataire, d’« excellent ». Dans son analyse, l’agence Standard & Poor's anticipe « une quasi-stabilité de l'endettement » en 2017 ( à environ 31 % des recettes de l’AP-HP). Au regard de la position de l’Assistance publique dans le paysage sanitaire français, l’agence américaine est plutôt confiante pour l’avenir, estimant « que l'Etat apporterait à l'AP-HP de façon quasi-certaine un soutien financier extraordinaire, rapide et suffisant, en cas de graves difficultés financières ».

L’agence relève, par ailleurs, que le contrôle de l’État et de l’Agence régionale de santé d’Ile-de-France sur l’AP-HP s’est renforcé ces dernières années, l’État disposant notamment d’un droit de veto sur les principales décisions financières du premier CHU de France. Standard&Poor s’avère, en revanche, beaucoup plus réservée sur les marges de manœuvre budgétaires de l’institution.

Dependance à la T2A

Une part importante des recettes de l'AP-HP - 38% en 2013 - provient en effet de crédits liés à la tarification à l'activité (« T2A »). Problème : la croissance annuelle de l'activité médicale de l'AP-HP s’est avérée limitée ces dernières années (de à 1 à 2 % entre 2010 et 2012) et devrait perdurer ainsi entre 2014 et 2016 (à 1,7 % environ).
Elle s’explique surtout par « l'effet de réouvertures d'établissements après travaux », poursuit l’agence qui pointe le peu de « flexibilité budgétaire » de l’AP-HP. L’Assistance ne dispose pas de leviers forts sur ses recettes, les tarifs et dotations étant fixés (et limités) par l’Etat dans une perspective de rigueur budgétaire. Autre point d’inquiètude : le niveau de charge salariale, qui représente 62% des dépenses de fonctionnement du groupe en 2013, et qui n’a cessé de croître sous l’effet de la mise en place des 35 heures. Dans son plan stratégique couvrant la période 2014-2019, l'AP-HP table sur un important volet d’économies évalué à 720 millions d'euros.
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Message par Arnaud BASSEZ » sam. sept. 27, 2014 7:59 pm

suicide d'une anesthésiste
Jeudi 25 Septembre 2014

Clotilde Cadu - Marianne

Six mois après le suicide d’une anesthésiste à l’hôpital de Châteauroux, "Marianne" s’est procuré un rapport de l’inspection du travail qui dénonce les difficiles conditions d’exercice des praticiens. La direction conteste.

Châteauroux : ce que révèle le suicide d'une anesthésiste

Le 16 mars dernier, Simona, une anesthésiste de l’hôpital de Châteauroux, mettait fin à ses jours dans sa chambre de garde. La praticienne, originaire de Roumanie, 37 ans et mère d’un petit garçon, sortait d’une semaine de travail de 78 heures. Le drame avait secoué la communauté hospitalière et mettait une nouvelle fois en évidence la souffrance des soignants.

Six mois plus tard, un rapport de l’inspection du travail, que Marianne s'est procuré, se montre très sévère à l’encontre du centre hospitalier de Châteauroux. « Nous estimons que le non-respect par l’employeur de ses obligations a pu jouer un rôle dans la souffrance mentale ressentie par [Simona] et donc son suicide. De plus, même dans l’hypothèse (peu probable compte tenu des circonstances) où les conditions de travail de [Simona] n’auraient pas présidé à son geste, il est certain que son état de fatigue physique et mentale a contribué à abolir ou amoindrir ses capacités de discernement et, ainsi, priver [Simona] de sa capacité à sortir de l’impasse », peut-on y lire. Suite à cette enquête, un rapport au procureur de la République local devait être transmis.

Mais la direction de l’hôpital conteste avec vigueur les écrits de l’inspection du travail qui mettent « gravement en cause la réputation et l’honneur de l’établissement ». Elle estime que « les griefs présentés dans ce rapport ne sont pas fondés et sont sans lien avec le suicide de [Simona] qui était parfaitement intégrée au sein de l’établissement ». Il faut dire que l’inspection du travail ne mâche pas ses mots concernant les conditions de travail difficiles des personnels d’anesthésie et le manque d’écoute et de prévention de dont ferait preuve l’administration. La réorganisation, en novembre 2013, du bloc opératoire, est particulièrement pointée du doigt. Pour permettre un plus grand nombre d’interventions, l’hôpital a allongé les amplitudes horaire du bloc et, par conséquent, les journées de travail des anesthésistes.

Les syndicats, Force ouvrière et la CGT, les soignants s’étaient d’ailleurs émus de ce changement imposé et avaient alerté quant aux risques engendrés. « Le déficit en médecins anesthésistes ne permet pas d’appliquer des journées de 10 heures au bloc opératoire », écrivait aussi le chef du service d’anesthésie dans un courrier à la direction des ressources humaines. En vain. « Malgré sa connaissance de la situation, la direction a tout de même souhaité mettre en place cette nouvelle organisation, qui avait pour effet de compromettre la santé et la sécurité de ses agents et praticiens contractuels, cela afin de développer l’activité chirurgicale », note l’inspection du travail. « Nous n’avons jamais été écouté », indique Pascal Brion, le secrétaire du syndicat FO dans l’établissement. « La direction n’est pas dans une démarche de prévention », poursuit le syndicaliste qui avoue avoir du mal à tourner la page de ce drame. « Je ne peux pas m’empêcher de me dire : “Et si les alertes avaient été entendues ? Et si les choses avaient été faites ? Peut-être Simona serait encore là…” », confie Pascal Brion.

« L’hôpital-entreprise » en question

Derrière les écrits de l’inspection du travail, ce sont aussi les dérives de « l’hôpital-entreprise », né sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, qui transparaissent. La mise en place de la tarification à l’activité (T2A), en 2008, a introduit au sein des hôpitaux publics une recherche de la rentabilité qui essore littéralement les soignants. La logique est pour le moins pernicieuse : avec cette réforme, plus les établissements réalisent d’actes médicaux, plus ils sont payés. A en croire l’inspection du travail, l’hôpital de Châteauroux n’échappe pas à cette équation. Et de s’inquiéter de la sécurité des hospitaliers et des patients : les personnels, en sous-effectifs, sont fatigués, et les opérations programmées (aussi bien celles de l’hôpital public que celles des médecins qui exercent en privé) ne laissent pas toujours place aux aléas que sont les urgences… Le directeur de l’hôpital de Châteauroux, lui, réfute néanmoins l’idée d’une course aux actes. Il estime que l’augmentation de l’activité au bloc est la conséquence des fermetures de structures de soins aux alentours et fait valoir le principe de continuité du service public.

Il n’en reste pas moins que la profession d’anesthésiste est l’une des plus impactée par la pénurie médicale. Nombre de praticiens enchaînent des semaines à rallonge. « Quand vous êtes en sous-effectif, les semaines de 50 ou 70 heures, c’est toutes les semaines », explique Yves Rébufat, le président du Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs (SNPHAR). Régulièrement, la structure tire la sonnette d’alarme sur les conditions d’exercice des anesthésistes. « Une vraie réflexion doit être menée sur les risques psycho-sociaux liés aux temps de travail aberrants rencontrés par nos collègues », plaidait au mois de juillet le syndicat dans un communiqué de presse.

A Châteauroux, après le suicide de Simona, la direction a mis en place différentes mesures destinées à prévenir les risques et améliorer les conditions de travail. Les anesthésistes ont prévu, pour leur part, de reprendre leur ancienne organisation. De toute façon, « rien n’a changé depuis le suicide de notre collègue », déplore Christophe Kaladji, le chef du service d’anesthésie. Le sous-effectif est toujours patent, et les renforts d’intérimaires n’améliorent pas grand-chose. « Nous sommes six. Il faudrait être douze ».
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Message par Arnaud BASSEZ » dim. sept. 28, 2014 5:44 pm

New research suggests sleep apnea screening before surgery
Treatment helps reduce risk of cardiovascular complications by more than half


F Chicago — (September 23, 2014)

Scheduled for surgery? New research suggests that you may want to get screened and treated for obstructive sleep apnea (OSA) before going under the knife. According to a first-of-its-kind study in the October issue of Anesthesiology, the official medical journal of the American Society of Anesthesiologists® (ASA®), patients with OSA who are diagnosed and treated for the condition prior to surgery are less likely to develop serious cardiovascular complications such as cardiac arrest or shock.
“OSA is a common disorder that affects millions and is associated with an increased risk of surgical complications, but the condition often goes unrecognized,” said Thomas Mutter, M.D., lead author, department of anesthesia and perioperative medicine, University of Manitoba, Winnipeg, Canada. “As many as 25 percent of surgical patients may have OSA, but the vast majority of these patients aren’t treated or don’t know they have the disorder.”

OSA causes the soft tissue in the rear of the throat to narrow and repeatedly close during sleep. The brain responds to each of these “apnea events” by waking the person in order to resume breathing. Since apnea events can happen hundreds of times per night, sleep becomes broken and ineffective and can lead to serious health problems if undetected. Those who are overweight or have high blood pressure are predisposed to developing OSA. It tends to occur in men but women can also develop OSA. Symptoms of apnea may include: heavy snoring, pauses in breathing during sleep and excessive sleepiness during the day.

The study compared postoperative outcomes in 4,211 patients with OSA, who were diagnosed by sleep study either before or after surgery, with a matched control group of patients who did not have the condition. Those who were diagnosed with OSA prior to surgery were prescribed treatment with continuous positive airway pressure (CPAP) therapy. CPAP keeps a patient’s airway open by gently delivering pressurized air through a face mask.

The study found that although patients with untreated OSA were at an increased risk of developing cardiovascular complications, patients who were diagnosed and treated with CPAP therapy before surgery were less than half as likely to experience cardiovascular complications such as cardiac arrest or shock.

Additionally, researchers found that respiratory complications were twice as likely to occur in patients with OSA, compared to patients without the condition, regardless of when patients were diagnosed or if CPAP therapy was prescribed.

For both cardiovascular and respiratory complications, increasing severity of OSA was associated with increased risk. Age, type of surgery and other diseases were also important risk factors.

The authors acknowledge limitations related to their retrospective study, as well as the potential resources needed to implement widespread screening. Nonetheless, this study adds to the knowledge base of how to care for this increasingly large segment of the population.

An estimated 18 million Americans are thought to have clinically significant OSA and, even more alarming, about 16 million of those people remain undiagnosed.

THE AMERICAN SOCIETY OF ANESTHESIOLOGISTS
Founded in 1905, the American Society of Anesthesiologists (ASA) is an educational, research and scientific society with more than 52,000 members organized to raise and maintain the standards of the medical practice of anesthesiology. ASA is committed to ensuring physician anesthesiologists evaluate and supervise the medical care of patients before, during and after surgery to provide the highest quality and safest care every patient deserves.

For more information on the field of anesthesiology, visit the American Society of Anesthesiologists online at asahq.org. To learn more about the role physician anesthesiologists play in ensuring patient safety, visit asahq.org/WhenSecondsCount. Join the ANESTHESIOLOGYTM 2014 social conversation today. Like ASA on Facebook, follow ASALifeline on Twitter and use the hashtag #ANES2014.
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Message par Arnaud BASSEZ » lun. sept. 29, 2014 2:45 pm

Apgar à 5 minutes, toujours le même intérêt pronostique

Le score de Mme Virginia Apgar est universellement utilisé pour évaluer l’état des nouveau-nés à une, cinq et dix minutes de vie et guider leur réanimation. On considère que sa cotation à 5 minutes a aussi un intérêt pronostique sur le plan vital et sur le plan neurodéveloppemental. Une étude rétrospective des naissances en Ecosse, de 1992 à 2010 inclus, confirme l’association entre un score d’Apgar bas à 5 minutes et une surmortalité au cours de la première année.

Le croisement de plusieurs bases de données a permis de retrouver le score d’Apgar à 5 minutes et le devenir jusqu’à 1 an d’environ un million de singletons nés vivants et non malformés à des termes allant de 22 à 44 semaines.

A 5 minutes, 0,55 % des nouveau-nés avaient un Apgar bas (de 0 à 3), et 1 % un Apgar intermédiaire (de 4 à 6). La mortalité néonatale (de J0 à J28) s’élevait à 1,3 pour 1 000 naissances, et la mortalité infantile (de J0 à 1 an) à 2,2 p. 1 000. Après l’âge de 1 mois, la mort subite du nourrisson représentait un peu plus d’un décès sur deux.

Les taux de la mortalité néonatale et de ses composantes précoce (de J0 à J7) et tardive (de J8 à J28), et de la mortalité infantile - incluant la mortalité néonatale -, variaient en sens inverse de la valeur de deux covariables : le score d’Apgar à 5 minutes et l’âge gestationnel (mais pas du poids de naissance). Comme il existait une interaction entre les deux covariables, l’effet du score d’Apgar sur la mortalité a été analysé en stratifiant sur l’âge gestationnel.

Par rapport aux scores ≥ 7, les scores d’Apgar bas et intermédiaires à 5 min impliquaient des risques relatifs ajustés [RRa] de mortalité néonatale et de mortalité infantile très élevés dans toutes les strates d’âge gestationnel. Les RRa croissaient régulièrement de la strate de 24-31 semaines à celle de 41 semaines. Dans une strate donnée ils étaient plus élevés pour les scores d’Apgar bas que pour les scores d’Apgar intermédiaires. De façon synthétique les RRa atteignaient leurs maximums pour un score d’Apgar bas (0-3) à terme (37-41sem), avec des valeurs de 359 pour la mortalité néonatale précoce (Intervalle de Confiance 95 % : 277-465), de 30 pour la mortalité néonatale tardive (IC 95 % : 18-51), et de 50 pour la mortalité infantile (IC 95 % : 42-59).

L’association entre un score d’Apgar bas ou intermédiaire et la mortalité était significative pour deux causes de décès communes aux nouveau-nés à terme et aux prématurés, l’anoxie et l’infection néonatales, et pour une cause de décès propre aux prématurés, la maladie des membranes hyalines. Elle était la plus forte pour l’anoxie néonatale (RRa de 961 chez les nouveau-nés à terme et de 141 chez les prématurés ayant un score d’Apgar bas).

Au total, soixante ans après sa publication, le score d’Apgar à 5 min conserve son intérêt pronostique dans les pays occidentaux malgré la baisse spectaculaire des mortalités néonatale et infantile et les grands progrès de la réanimation néonatale survenus dans le même temps. Son intérêt pronostique est particulièrement net dans l’anoxie néonatale. On ne peut que souhaiter une étude similaire sur l’association entre le score d’Apgar à 5 min et le pronostic neurodéveloppemental à moyen terme.

Dr Jean-Marc Retbi
Références
Iliodromiti S et coll. : Apgar score and the risk of cause-specific infant mortality : a population-based cohort study. Lancet, 2014 : publication avancée en ligne du 16 septembre. Doi: 10.1016/S0140-6736(08)61345-8.
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Message par Arnaud BASSEZ » mer. oct. 01, 2014 4:54 pm

Du jeu vidéo à la salle d’opération

Lausanne, le samedi 27 septembre 2014

Il y a des patients qui font avancer la médecine. Le plus souvent, il s’agit de malades acceptant de tester pour la première fois un nouveau traitement dont les risques ne sont pas connus (que l’on pense au jeune Joseph Meister) ou qui involontairement sont soumis à l’étude attentive d’un praticien (l’Augustine de Charcot). Mais parfois, la rencontre décisive entre le médecin et le malade prend une dimension différente.
Un pionnier et son patient informaticien

Sacha R. Droz, originaire de Neuchâtel, ingénieur informaticien ayant travaillé pendant plus de dix ans pour Microsoft, dut au printemps 2013 s’y résoudre : le mal de dos chronique dont il souffre ne pourra être soulagé que grâce à une intervention chirurgicale. C’est dans cette perspective qu’il consulte l’un des plus éminents spécialistes suisses de neurochirurgie et de chirurgie spinale : le docteur Duccio Boscherini qui exerce en grande partie à la Clinique de la Source à Lausanne.

La rencontre entre les deux hommes ne va cependant pas se résumer en une relation habituelle médecin/malade. Face à l’ingénieur informatique, le praticien va exposer l’une de ses préoccupations : comment faciliter la manipulation des images bloc opératoire. Aujourd’hui, on le sait, les chirurgiens se réfèrent en effet constamment à des images provenant de différentes sources pour améliorer le plus possible la précision de leurs gestes. Clichés de radiologie et d’imagerie bien sûr, mais également images en direct de l’intervention en cours.

Accroître les bénéfices tirés de la consultation de ces images est depuis toujours un des chevaux de bataille de Duccio Boscherini. Il fut ainsi le premier en Suisse à utiliser la technique de navigation en deux et trois dimensions. Quand en 2008, il incite la clinique de la Source à faire l’acquisition du scanner O-Arm permettant ce type de navigation : seuls trois équipements de ce type sont installés en Europe et une douzaine dans le monde.

Un jeu d’enfant

Cependant, cette navigation plus pointue n’est pas une réponse à un obstacle encore majeur : le chirurgien ne peut que difficilement manipuler lui-même ces images (manipulation essentielle pour changer d’angle, zoomer, dézoomer, etc.). Il doit, soit avoir recours à un technicien, soit entrer lui-même en contact avec les appareils informatiques, ce qui suppose une nouvelle stérilisation. « La première solution n’est jamais vraiment précise, il est difficile de transmettre exactement ce que l’on veut à autrui. La seconde constitue une perte de temps » explique au quotidien Suisse Le Temps le Dr Boscherini. Exposant cette contrainte regrettable à son patient Sacha R. Droz, il fut agréablement surpris d’entendre ce dernier lui suggérer une solution : le recours à la technologie Kinect. Pour les aficionados de jeux vidéo, ce nom n’est sans doute pas étranger. Il s’agit en effet du capteur de mouvement mis au point pour la console de jeu Xbox de Microsoft. Sans toucher une manette ou un joystick, les joueurs peuvent déplacer et guider leur personnage à l’écran en réalisant eux-mêmes certains gestes qui agissent comme des commandes.

La main du chirurgien se transforme en souris

L’idée d’adapter « Kinect » à l’univers du bloc opératoire séduit l’entrepreneur Luigi Buraschi. Aussi, très rapidement après la première rencontre entre Duccio Boscherini et Sacha R. Droz est fondée par les trois hommes la start-up Arkimed. Le dispositif est conçu et la phase d’expérimentation débute elle aussi très vite dès le début de l’année 2014 (que l’on songe à la lenteur dont on se plaint en France !). Il suffit de seulement quatre gestes pour que sans bouger de la table d’opération le chirurgien puisse voir s’afficher à l’écran les images dont il a besoin. « Nous avons programmé quatre gestes de base reconnaissables par le dispositif.

Les deux mains levées à plat pour prendre les commandes de l’appareil, le doigt pointé pour mouvoir la souris, la fermeture du poing pour cliquer, et les avant-bras croisés pour fermer la session » détaille Sacha R. Droz dans le Temps. En pratique, le dispositif est plébiscité par le Dr Boscherini : « J’entre les données souhaitées, déplace le curseur, oriente les images où j’en ai besoin. J’ai le contrôle de l’appareil simplement avec mon doigt et des gestes bien définis comme si j’utilisais une souris, le tout sans bouger de la table d’opération » explique-t-il.

A peine plus d’un an entre l’idée et l’arrivée en salle d’opération

Après quatre mois de tests, le système a fait son entrée en salle d’opération au mois de juin et une vingtaine d’interventions neurochirurgicales ont été réalisées par le Dr Boscherini avec l’aide de ce système dont le bénéfice est comparé par le praticien à celui du GPS par rapport aux cartes routières. Les développements se poursuivent : Arkimed estime que son système pourrait en effet « représenter une valeur ajoutée pour toutes les interventions minimalement invasives qui nécessitent la gestion simultanée de plusieurs images. Notamment en radiologie interventionnelle, en ORL, en chirurgie orthopédique ou en chirurgie spinale », peut-on lire dans un communiqué de la Clinique de la Source. Enfin, une commercialisation est envisagée dès le début de l’année prochaine.

Qui ose encore croire à la lenteur helvète !

Aurélie Haroche
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Message par Arnaud BASSEZ » jeu. oct. 02, 2014 5:34 pm

Mort à la maternité d'Orthez : l'anesthésiste en détention provisoire

La médecin-anesthésiste, qui assistait la patiente âgée de 28 ans lors de son accouchement, souffre d'un problème d'alcool.

L'info. L'anesthésiste belge, qui assistait la patiente victime d'un accident mortel lors de son accouchement à la maternité d'Orthez, dans les Pyrénées-Atlantiques, a été placée en détention provisoire jeudi à la maison d'arrêt de Pau, a indiqué le parquet.

Un taux d'alcoolémie de 2,40 g/l de sang. Convoquée mardi par les gendarmes, l'anesthésiste de 45 ans s'était présentée avec un taux d'alcool de 2,40 g/l de sang et avait reconnu avoir "un problème pathologique d'alcool".Placée en garde à vue, elle a été mise en examen jeudi pour "homicide involontaire aggravé", selon le procureur de la République de Pau, Jean-Christophe Muller, qui a cité toute une série de "manquements" de la part de ce médecin.

La jeune vicitme, âgée de 28 ans, avait été prise en charge L'accident est survenu dans la nuit du 26 au 27 septembre lors de l'accouchement par césarienne sous anesthésie générale de la jeune parturiente, dans l'un des blocs opératoires de la clinique privée. Victime d'un arrêt cardiaque, vraisemblablement lié aux conditions d'anesthésie, (une intubation œsophagienne manifestement (AB) elle a été transférée à l'hôpital de Pau où elle est décédée mardi soir.
Le bébé, également hospitalisé à Pau, est lui sain et sauf.

Deux manquements sont apparus au terme de l'enquête, selon le procureur de Pau, Jean-Christophe Muller. Concernant les conditions dans lesquelles l'anesthésie s'est déroulée, le magistrat a noté que "l'utilisation des produits anesthésiants et de respiration artificielle semblent non-conformes aux produits habituellement utilisés".

Qui est la médecin mise en examen?

Ce jeudi matin, la médecin anesthésiste qui officiait durant l'intervention a été mise en examen pour "homicide involontaire aggravé par la violation manifeste et délibérée d'une obligation de prudence et de sécurité", passible de cinq ans d'emprisonnement. Elle a été placée en détention provisoire cet après-midi.

Convoquée devant les gendarmes mardi, l'anesthésiste, âgée de 45 ans, s'était présentée avec un taux d'alcool supérieur à deux grammes par litre de sang. Elle a reconnu avoir "un problème pathologique d'alcool". Selon France Bleu, elle aurait dit aux gendarmes avoir toujours sur elle une bouteille d'eau remplie de vodka.

Anesthésiste depuis 1999, le médecin avait notamment exercé lors de contrats courts en France, en Belgique et lors de missions de coopération, a indiqué le parquet. A Orthez, elle exerçait à titre libéral, pour le compte d'une clinique privée de la ville qui mettait à disposition son bloc chirurgical et du personnel à la maternité voisine qui, elle, relève de l'hôpital public. Elle était contractuellement employée depuis le 12 septembre par la clinique.

Le deuxième manquement est lié au comportement du médecin anesthésiste, "qui n'était pas dans son état normal durant l'intervention". Selon Jean-Christophe Muller, "cela donne du relief particulier aux constatations faites par l'équipe médicale au moment de l'intervention", à savoir "des difficultés d'expression, de compréhension et des problèmes de réactivité".

La maternité fermée.

Les autorités sanitaires ont annoncé lundi la fermeture temporaire de la maternité, "au titre du principe de précaution", avait expliqué le directeur de l'ARS Aquitaine, Michel Laforcade. "Compte tenu de fortes suspicions concernant la sécurité anesthésique, le directeur du Centre hospitalier a suspendu l'activité obstétricale en prévoyant son transfert vers le Centre hospitalier de Pau", avait ajouté l'ARS, qui a diligenté une enquête. Cette fermeture survient alors que la maternité d'Orthez était déjà en sursis, faute de gynécologues-obstétriciens suffisants. Samedi, 800 personnes avaient manifesté pour réclamer son maintien.

Pourquoi la maternité risque de ne pas rouvrir ?

Parallèlement à ce volet judiciaire, une procédure sur la possible fermeture définitive de la maternité est en cours. L'établissement est en sursis en raison du manque de recrutement de gynécologues-obstétriciens. La décision finale revient à l'Agence régionale de santé (ARS) d'Aquitaine, dont le directeur, Michel Laforcade, a déclaré à l'antenne de France Bleu: "Je ne me vois absolument pas réouvrir cette maternité sachant que je serai obligé au 11 octobre, date-limite, de constater que les conditions du côté des obstétriciens ne sont absolument pas remplies."
Depuis septembre 2013, la maternité cherche à recruter un second gynécologue, rappelle Sud Ouest. En juin, l'ARS préconisait l'arrêt des accouchements dès le 1er septembre 2014. Un délai a ensuite été négocié, portant l'ultimatum au 11 octobre.
Vendredi, "lors d'une réunion prévue de longue date, le directeur général de l'ARS sera amené à voir si d'autres perspectives que la fermeture sont envisageables", a déclaré ce jeudi Marisol Touraine. La ministre de la Santé s'est par ailleurs engagée à "faire la lumière sur ce qui s'est passé et d'apporter des explications à la famille."
Les défenseurs de la maternité d'Orthez sont amers. "On est assommés par cet accident, comme la famille et le personnel de la maternité (...) Mais que l'ARS profite de cette situation pour décider de la fermeture de la maternité, c'est incroyable. Cette décision pénalise les futures mères, leurs familles et le personnel, sachant que plus de 400 accouchements par an sont effectués dans cette maternité", s'est insurgé Éric Delteil, animateur du collectif de défense de la maternité d'Orthez. En cas de fermeture définitive, les parturientes devraient selon lui "faire trois quarts d'heure de route" pour se rendre dans d'autres maternités.


source europe 1 et l'express
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Message par Arnaud BASSEZ » sam. oct. 04, 2014 7:40 pm

Indignation au sein du Haut conseil des professions paramédicales


Dominique Acker, inspectrice générale des affaires sociales, a été nommée, le 29 septembre 2014, à la présidence du Haut conseil des professions paramédicales (HCPP). Cette nomination a entraîné la démission de Bernard Verrier, vice-président du HCPP, qui avait été cité en avril 2014 pour succéder à Edouard Couty, et l'indignation d'une partie des membres.

Explications.

Une nomination entraîne une démission au sein du Haut conseil des professions paramédicales

Le 29 septembre 2014, Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes a nommé Dominique Acker à la présidence du Haut conseil des professions paramédicales (HCPP). Elle succède ainsi à Édouard Couty qui a quitté ses fonctions le 2 avril 2014. A la suite de cette nomination, Bernard Verrier, vice-président du HCPP, a annoncé sa démission aux membres réunis en séance. Ce dernier était en effet cité pour succéder à Édouard Couty. Dans un courrier adressé à Marisol Touraine en fin de semaine dernière, il souligne avoir participé à 11 séances du Haut conseil et assuré la présidence de huit d'entre elles et déplore n'avoir reçu aucune explication autre que celle d'une volonté de renouveler les équipes. Et de conclure je ne comprends pas cet argument présenté après seulement 18 mois de fonctions au sein du HCPP et j'en tire la conclusion d'un déficit de confiance et d'une insuffisance de mes états de service à la présidence des séances de cet organisme.

L'indignation des membres du Haut conseil des professions paramédicales

Plusieurs représentants syndicaux, membres du HCPP, ont fait part de leur surprise face à la non-nomination de Bernard Verrier, selon l'APM, et lui ont également exprimé leur soutien. De plus, ils ont indiqué que face à cette situation inacceptable et compte tenu du fait que la séance n'avait pas été ouverte, il leur semblait impossible de tenir cette séance normalement. Sébastion Colson, président de l'Association Nationale des Puericultrices(teurs) Diplômés d'État (ANPDE), explique que c'est une grande première dans l'histoire du Haut Conseil des Professions Paramédicales : d'une part, les organisations syndicales, les instances ordinales et les associations professionnelles ont parlé à l'unisson pour dénoncer le manque de considération ministérielle vis-à-vis du Haut Conseil des Professions Paramédicales, et d'autre part, c'est la première fois que les membres du HCPP mettent fin à une séance sans en avoir étudié un seul point de l'ordre du jour. Cet événement semble marquer les grandes difficultés persistantes d'écoute et de communication du ministère vis-à-vis des professions paramédicales.

Par ailleurs, Hervé Rochais, secrétaire fédéral FO santé, a déclaré à l'APM que nous n'avons rien contre Dominique Acker mais le traitement réservé à Bernard Verrier traduit le manque de considération du ministère à l'égard du Haut conseil des professions paramédicales. FO considère qu'une séance « solennelle » du HCPP, présidée par la ministre de la santé ou le directeur générale de l'offre de soins, Jean Debeaupuis, est nécessaire pour prouver l'intérêt de cette instance.

Les membres du HCPP ont reçu une nouvelle convocation par procédure d'urgence pour une séance qui aura lieu le 7 octobre 2014. Affaire à suivre...

A quoi sert le Haut conseil des professions paramédicales ?

Le Haut conseil des professions paramédicales (HCPP) a pour objectif de promouvoir une réflexion interprofessionnelle. Il travaille notamment sur :

les conditions d'exercice des professions paramédicales ;
l'évolution des métiers ;
la coopération entre les professionnels ;
la répartition des compétences ;
la formation et les diplômes ;
la place des professions paramédicales dans le système de santé.
Il est institué par le décret n°2007-974 du 15 mai 2007. L’arrêté du 7 juillet 2008 précise sa composition pour assurer la représentativité des différentes professions :

syndicats nationaux ;
syndicats professionnels ;
fédérations des employeurs d’établissements de santé publics et privés ;
un représentant pour chacune des professions : ergothérapeute, manipulateur en électroradiologie, kinésithérapeute, infirmier, infirmier anesthésiste, infirmier de bloc opératoire, puéricultrice, aide-soignant, diététicien…. Soit 18 professions représentées.
Des représentants d'organisations professionnelles ayant voix consultative sont également présents : médecins et ordres professionnels.

Le HCPP a notamment donné son feu vert à l'accès des infirmiers de bloc opératoire diplômés d'Etat (IBODE) à de nouvelles compétences. Il a aussi retenu les propositions de la Fédération Nationale des Étudiants en Soins Infirmiers (FNESI) pour des évolutions dans la formation. Il a également communiqué un avis favorable à un projet de décret prévoyant de confier la réalisation d'entretiens préalables au don du sang à des infirmiers.


Aurélie TRENTESSE
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Arnaud BASSEZ
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Message par Arnaud BASSEZ » sam. oct. 04, 2014 7:47 pm

Comment être enceinte quand on est allergique au sperme…

L’allergie au liquide séminal est rare. L’utilisation de préservatifs permet l’éviction du contact avec l’allergène mais lorsqu’un désir de grossesse se manifeste, les choses se compliquent…

Une désensibilisation semble possible chez certaines femmes comme le confirme une observation récemment publiée par une équipe de Corée du Sud.

Il s’agit du cas d’une femme atopique (rhinite et asthme) de 32 ans qui présentait des symptômes de plus en plus sévères quelques minutes après les rapports sexuels avec son mari.

Le couple était marié depuis 5 ans et avait utilisé des préservatifs pendant les 2 premières années comme moyen de contraception. Les 3 années suivantes, en l’absence de contraception, des symptômes légers à type de prurit vaginal se sont manifestés puis se sont aggravés avec apparition d’urticaire généralisée, d’œdème, de vomissements, diarrhées, dyspnée et choc.

On ne notait aucun autre facteur déclenchant en particulier médicamenteux.

La patiente ayant un désir de grossesse, une insémination artificielle a été tentée à l’hôpital : une réaction systémique est survenue quelques minutes après l’insémination avec du sperme lavé.

Le bilan allergologique a consisté en la pratique de prick-tests cutanés avec 55 aéroallergènes communs. Seul les phanères de chien ont provoqué une réaction positive. Les IgE spécifiques étaient à 15 kUA/L pour le chien.

L’allergie au chien était confirmée par l’interrogatoire.

Un test à la métacholine a objectivé l’hyperréactivité bronchique (PC20 7,68 mg/mL).

Des prick-tests cutanés ont ensuite été réalisés avec des dilutions du liquide séminal du mari et ont été positifs aux dilutions de 1/100 et 1/10.

Le taux d’IgE spécifiques du liquide séminal était de 62,5 ng/mL.

Des anticorps spécifiques ont été mis en évidence à la fois vis-à-vis du liquide séminal du mari mais aussi de volontaires sains.

L’immunoblot a révélé des bandes de 12, 15, 18, 34 et 62 kDa.

Une désensibilisation intravaginale a été tentée en déposant 1 ml de 10-5 vol/vol de sperme dilué avec une augmentation de 10 fois la dose toutes les 45 minutes.

Aucune réaction allergique n’est survenue pendant ni après la désensibilisation.

Un intervalle de 2 à 3 jours pendant 1 mois a été conseillé pour la pratique des rapports sexuels pour maintenir la tolérance. Une grossesse est survenue spontanément.

La désensibilisation pourrait être la première mesure à adopter en cas de désir de grossesse chez une femme allergique au liquide séminal.

Dr Geneviève Démonet JIM

RÉFÉRENCES
Sohn SW et coll : Successful Intravaginal Desensitization in a Woman With Seminal Plasma Anaphylaxis After Artificial Insemination Failure. J Investig Allergol Clin Immunol 2014; 24:


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Mort d’une jeune femme pendant une césarienne : les différentes facettes du drame d’Orthez

Orthez, le vendredi 4 octobre 2014 – Dans la nuit du 26 au 27 septembre, une césarienne sous anesthésie générale a dû être pratiquée lors de l’accouchement d’une jeune femme de 28 ans, à la maternité d’Orthez (Pyrénées Atlantiques). La parturiente a alors été victime d’un arrêt cardiaque ; rapidement transférée à Pau, elle est morte mardi 1er octobre. Si une autopsie (dont les résultats devraient être prochainement connus) a été pratiquée ce mercredi afin de déterminer les causes exactes de la mort et définir si une spécificité physiologique existait chez la victime, très vite, l’existence d’une faute éventuelle lors de l’anesthésie de la patiente a également été recherchée. Plusieurs éléments sont apparus troublants : l’utilisation des produits anesthésiants a semblé non conforme aux recommandations habituelles, tandis qu’une erreur d’intubation a été constatée. L’anesthésiste présente au moment de la césarienne a donc été convoquée par les forces de l’ordre : âgée de 45 ans, de nationalité belge, elle s’est présentée manifestement ivre à cette convocation. Le médecin a confirmé souffrir d’un problème chronique de dépendance à l’alcool, ce qui a semblé être conforté par la découverte à son domicile, lors de la perquisition des gendarmes, de nombreuses bouteilles vides. Néanmoins, rien ne dit que le praticien était également ivre lors de l’anesthésie qui a été fatale à la patiente. Sur ce point, les informations sont contradictoires. Si le procureur de la République de Pau, Jean-Christophe Muller a affirmé que certains témoignages avaient décrit un praticien « pas dans son état normal au moment de l’intervention », le père de l’anesthésiste, gynécologue, et qui a longtemps travaillé avec sa fille assure que ces déclarations contredisent celles du chirurgien présent au bloc lors de la césarienne qui contesteraient une telle description. Ainsi, on le voit, ces faits complexes appellent plusieurs interrogations qui concernent d’une part la situation propre de la patiente, l’existence ou non de fautes caractéristiques lors de la mise en œuvre de l’anesthésie et de la réanimation et enfin l’état dans lequel le médecin est intervenu.

Pas de remplaçant disponible

A ces multiples aspects, s’ajoute la situation propre de la maternité d’Orthez. Depuis plusieurs mois, la fermeture de cette petite structure est l’objet de discussions, qui suscitent une forte opposition au sein de la population locale. Si les autorités s’interrogent sur une telle option c’est que l’établissement connaît depuis plusieurs années des problèmes chroniques de recrutement. Le drame qu’il traverse actuellement l’illustre d’ailleurs : l’anesthésiste n’est pas une salariée de l’hôpital, mais celui d’une clinique associée à l’établissement, qui a passé une convention avec la maternité afin que cette dernière puisse bénéficier des services de certains de ses praticiens. Cet accord avec la structure privée ne permet cependant pas de pallier toutes les difficultés : si la présence constante d’un anesthésiste est pratiquement quasiment assurée, il n’existe pas systématiquement de voie de recours. Ainsi, si pour n’importe quelle raison, le praticien désigné pour assurer la garde est indisposé, il n’est pas toujours possible de faire appel à un autre médecin. C’est ce que résume le maire d’Orthez, Yves Darrigrand, président du conseil de surveillance de l’hôpital qui affirmait ce matin au micro de RTL : « Il n’y avait pas d’anesthésiste de remplacement » ajoutant qu’il existe un « problème dramatique de démographie médicale » qui est absolument catastrophique.

Une fermeture contestée

Faut-il pour autant voir ce drame comme la confirmation de la dangerosité d’une petite structure comme Orthez ? Lundi, l’Agence régionale de Santé (ARS) a décidé de suspendre provisoirement l’établissement « au titre du principe de précaution », tandis qu’aujourd’hui, une réunion prévue de longue date doit se tenir au sein de l’ARS pour décider du sort de la maternité. Le ministre de la Santé assure que les deux procédures, l’enquête administrative et la suspension d’une part et la nouvelle réunion aujourd’hui d’autre part sont parfaitement distinctes. Mais pour les défenseurs de la petite maternité et de l’ensemble des hôpitaux de proximité, il est plus que probable que cet accident puise être utilisé comme un « prétexte » pour accélérer la fermeture. « Nous trouvons que c’est odieux sur des cas comme ça, dramatiques, d’avoir un couperet immédiat et qui n’atteint que les petites structures. Il y a des erreurs dans les CHU, mais on ne les ferme pas pour autant » a ainsi fortement regretté Jean-Luc Landas, membre de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité.

Aurélie Haroche JIM

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Médecins, pharmaciens, infirmières : vers la coordination

Mercredi 1er Octobre, la première table ronde des 7èmes Rencontres de l'USPO (Union des Syndicats de Pharmaciens d'Officine), l'un des trois principaux syndicats de pharmaciens avait pour sujet la coopération interprofessionnelle entre médecins, pharmacien(ne)s et infirmier(e)s. Au lendemain des rassemblements qui ont vu les professionnels libéraux converger vers les préfectures en province ou devant le ministère de Bercy à Paris, ils se retrouvaient, apaisés, pour envisager ensemble les contours d'une « équipe gagnante » au service des patients.

Pour le président de l'USPO, Gilles Bonnefond : « c'est maintenant qu'il faut entrer dans la réalité et faire évoluer les différentes professions et leur mode de rémunération. C'est par la coordination qu'on arrivera à améliorer la prise en charge des patients fragiles, les sorties hospitalières, en mettant en place des stratégies au niveau des territoires et non des régions. Les acteurs de terrain, médecins, pharmaciens et infirmiers ne doivent pas attendre que ce soit les ARS qui s'en occupent ».

Coordination d'accord, coopération, non.

Les trois intervenants, Brigitte Bouzige, pharmacienne, vice-présidente de l'USPO, Annick Touba, infirmière, présidente du SNIIL (Syndicat national des infirmiers et infirmières libéraux) et Claude Leicher, médecin et président de MG France ont tous plaidé pour des formations communes, notamment à l'ETP (Éducation thérapeutique du patient) pour parler d'une même voix au patient. Des formations très utiles selon Annick Touba : « pour permettre aux différentes professions de se découvrir. Les réticences viennent souvent d'une peur liée aux méconnaissance des modalités d'exercice et des compétences des uns et des autres ».

Tous préfèrent parler de coordination dans le respect des décrets de compétences et d'actes plutôt que de coopération synonyme dans l'article 51 de la loi HPST de délégation de compétences. Un sujet qui fâche explique Claude Leicher « surtout par crainte économique. Les médecins refusent de se voir déposséder des consultations simples peu chronophages pour ne garder que les actes complexes au tarif non revalorisé. ». Brigitte Bouzige, elle, insiste « sur la visibilité qui doit être donnée à cette coopération que les pharmaciens font déjà sans la tracer. Elle peut s’appliquer à beaucoup de sujets : traitements de substitution aux opiacés, conciliation d'ordonnance en sortie d'hôpital, etc. » Elle se veut incitatrice pour ses confrères : « qui ne se projettent pas, pourtant cette évolution est inéluctable. La pression économique nous pousse à améliorer nos pratiques »

Les moyens, la rémunération : des négociations en cours.

Pierre de Haas, médecin, président de la FFMPS (Fédération française des maisons et pôle de santé) à quant à lui évoqué la question des différents moyens pour mettre en place concrètement cette coordination : "il faut un système d'information partagé. Nous avons défini un cahier des charges de ces systèmes avec l'ASIP Santé. Nous travaillons également à l'élaboration de protocoles avec la HAS et le Collège de médecine générale pour les polypathologies pour aller au delà des actuelles approches mono-catégorielles ou mono-pathologie. Ensuite, il faut du temps et la rémunération. Les moyens financiers doivent être attribués à l'équipe qui décide comment les répartir entre les acteurs et les outils".

Ce problème de la rémunération est en effet le nerf de la guerre et les négociations avec l'assurance maladie sont en cours. Elles devraient aboutir d'ici trois semaines. C'est bien sur le point le plus délicat par ces temps de PLFSS amaigri. Il va falloir convaincre que les 20 Millions d'Euros mis sur la table ne suffiront pas et qu'investir sera une source d'économie. Claude Leicher enfonce le clou : « les décideurs y allant depuis plusieurs années à reculons, les inventeurs de ces nouveaux modes d'exercice sont les acteurs de terrain qui proposent aussi les nouvelles formes de rémunération et de formalisation du travail. Des actions comme les MPS (maison prévention santé), SISA (sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires) dans ou hors les murs ont fini par faire écho auprès des pouvoirs publics »

Marjolaine Labertoniere JIM

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Apgar à 5 minutes, toujours le même intérêt pronostique

Le score de Mme Virginia Apgar est universellement utilisé pour évaluer l’état des nouveau-nés à une, cinq et dix minutes de vie et guider leur réanimation. On considère que sa cotation à 5 minutes a aussi un intérêt pronostique sur le plan vital et sur le plan neurodéveloppemental. Une étude rétrospective des naissances en Ecosse, de 1992 à 2010 inclus, confirme l’association entre un score d’Apgar bas à 5 minutes et une surmortalité au cours de la première année.

Le croisement de plusieurs bases de données a permis de retrouver le score d’Apgar à 5 minutes et le devenir jusqu’à 1 an d’environ un million de singletons nés vivants et non malformés à des termes allant de 22 à 44 semaines.

A 5 minutes, 0,55 % des nouveau-nés avaient un Apgar bas (de 0 à 3), et 1 % un Apgar intermédiaire (de 4 à 6). La mortalité néonatale (de J0 à J28) s’élevait à 1,3 pour 1 000 naissances, et la mortalité infantile (de J0 à 1 an) à 2,2 p. 1 000. Après l’âge de 1 mois, la mort subite du nourrisson représentait un peu plus d’un décès sur deux.

Les taux de la mortalité néonatale et de ses composantes précoce (de J0 à J7) et tardive (de J8 à J28), et de la mortalité infantile - incluant la mortalité néonatale -, variaient en sens inverse de la valeur de deux covariables : le score d’Apgar à 5 minutes et l’âge gestationnel (mais pas du poids de naissance). Comme il existait une interaction entre les deux covariables, l’effet du score d’Apgar sur la mortalité a été analysé en stratifiant sur l’âge gestationnel.

Par rapport aux scores ≥ 7, les scores d’Apgar bas et intermédiaires à 5 min impliquaient des risques relatifs ajustés [RRa] de mortalité néonatale et de mortalité infantile très élevés dans toutes les strates d’âge gestationnel. Les RRa croissaient régulièrement de la strate de 24-31 semaines à celle de 41 semaines. Dans une strate donnée ils étaient plus élevés pour les scores d’Apgar bas que pour les scores d’Apgar intermédiaires. De façon synthétique les RRa atteignaient leurs maximums pour un score d’Apgar bas (0-3) à terme (37-41sem), avec des valeurs de 359 pour la mortalité néonatale précoce (Intervalle de Confiance 95 % : 277-465), de 30 pour la mortalité néonatale tardive (IC 95 % : 18-51), et de 50 pour la mortalité infantile (IC 95 % : 42-59).

L’association entre un score d’Apgar bas ou intermédiaire et la mortalité était significative pour deux causes de décès communes aux nouveau-nés à terme et aux prématurés, l’anoxie et l’infection néonatales, et pour une cause de décès propre aux prématurés, la maladie des membranes hyalines. Elle était la plus forte pour l’anoxie néonatale (RRa de 961 chez les nouveau-nés à terme et de 141 chez les prématurés ayant un score d’Apgar bas).

Au total, soixante ans après sa publication, le score d’Apgar à 5 min conserve son intérêt pronostique dans les pays occidentaux malgré la baisse spectaculaire des mortalités néonatale et infantile et les grands progrès de la réanimation néonatale survenus dans le même temps. Son intérêt pronostique est particulièrement net dans l’anoxie néonatale. On ne peut que souhaiter une étude similaire sur l’association entre le score d’Apgar à 5 min et le pronostic neurodéveloppemental à moyen terme.

Dr Jean-Marc Retbi

RÉFÉRENCES
Iliodromiti S et coll. : Apgar score and the risk of cause-specific infant mortality : a population-based cohort study. Lancet, 2014 : publication avancée en ligne du 16 septembre. Doi: 10.1016/S0140-6736(08)61345-8.


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Où la chirurgie laisse une belle empreinte…carbone !

Une étude originale compare 2 méthodes d’exploration du médiastin : la médiastinoscopie (MS) et l’échographie endobronchique avec aspiration à l’aiguille fine (EBUS-FNA) au regard des coûts et des profits induits mais aussi de la quantité de déchets générés et de l’empreinte carbone laissée.

Il s’agit d’une étude rétrospective menée chez des patients ayant eu une MS, une EBUS ou les deux sous anesthésie générale en salle d’opération et en ambulatoire (y compris ceux qui ont eu une EBUS suivie d’une MS dans le même temps opératoire).

Les coûts directs sont différenciés en coûts fixes (fonctionnement basique de la salle d’opération) et coûts variables (par exemple la quantité d’antalgiques en postopératoire qui varie d’un patient à l’autre)

Les remboursements estimés sont calculés selon des bases de données et des modèles de coûts

Les profits attendus équivalent à la différence entre les remboursements et les coûts et permettent de définir la « profitabilité » de chaque procédure.

En ce qui concerne les déchets (essentiellement les plastiques), ils sont pesés pour chaque intervention et convertis, selon des données officielles, en kilos de CO2 émis.

Cent quarante-huit patients ont été enrôlés : 89 EBUS, 39 MS et 20 EBUS suivies d’une MS.

• Le coût total d’une EBUS est de 147 $ plus élevé que celui d’une MS et cette dernière est remboursée 200 $ de plus qu’une EBUS. Une MS rapporte donc 347 $ de plus qu’une EBUS.
• En terme de déchets, la MS génère 1,8 kilo de déchets solides et 2,3 kilos de CO2 tandis que l’EBUS ne produit que 0,5 kilo de déchets et 0,6 kilo de CO2.
• La médiastinoscopie est donc plus rentable que l’EBUS mais produit 3,6 fois plus de déchets et 3,8 fois plus de CO2.

Pour tenter de réduire les écarts entre les deux techniques, au delà des indications, des buts recherchés et des préférences, les auteurs ont décidé :

• pour diminuer les coûts des EBUS de les réaliser en salle d’endoscopie et sous sédation et plutôt pour éliminer un stade N2/3 chez un patient à médiastin anormal
• pour réduire les déchets de la MS, de restreindre l’utilisation de l’usage unique (1,732 kg de plastiques/MS)

Ainsi la préoccupation environnementale arrive-t-elle dans les blocs opératoires. On estime qu’aux USA, les déchets des salles d’opération représentent, chaque jour, le poids de 8 Boeing 747 !

Dr Roland Charpentier

RÉFÉRENCES
Andrade RS et coll. : Endobronchial ultrasonography versus mediastinoscopy : a single-institution cost analysis and waste comparison. Ann Thorac Surg., 2014 ; 98 : 1003-7
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Message par Arnaud BASSEZ » mar. oct. 07, 2014 7:08 pm

Première naissance après transplantation d'utérus

L'enfant du miracle juste après sa naissance
Le Professeur Mats Brännström a de la suite dans les idées. Ce chirurgien gynécologue de l'hôpital Sahlgrenska à Gothenburg (Suède) a initié depuis 2003 un programme de transplantation d'utérus destiné à pouvoir traiter des stérilités d'origine utérine jusqu'ici au delà de toutes ressources thérapeutiques.

Après avoir mis au point la technique de greffe d'utérus chez la souris, il adapte le protocole opératoire et immunosuppresseur aux primates non humains. Puis il décide de passer à la femme au début des années 2010 en lançant un essai clinique portant sur 9 femmes. Ces 9 patientes sont toutes atteintes de stérilité utérine irréversible (8 cas de syndrome de Mayer-Rokitansky-Küster- Hauser avec aplasie congénitale de l’utérus et du vagin et un cas d'hystérectomie pour cancer du col).

Une fécondation in vitro précède la transplantation

Préalablement à la greffe, une fécondation in vitro a été pratiquée à partir d'ovules de la patiente et du sperme du mari et les embryons obtenus congelés pour une implantation ultérieure, une fois le caractère fonctionnel de l'utérus confirmé.

Ces patientes ont toutes reçu un utérus provenant d'une donneuse vivante et ont subi dans les mois qui ont suivi la greffe un traitement immunosuppresseur destiné à faire tolérer cette transplantation.

Dans 2 observations une hystérectomie a été nécessaire dans les mois qui ont suivi l'intervention en raison d'une thrombose de l'artère utérine et d'une infection grave.

Pour les sept autres femmes des règles régulières sont apparues dans les 2 à 3 mois et l'utérus est demeuré viable malgré quelques épisodes de rejet diagnostiqués sur les biopsies cervicales et facilement jugulés par un renforcement du traitement immunosuppresseur.

Plus de quinze heures de bloc au total

Aujourd'hui Mats Brännström nous présente le premier cas de naissance vivante après transplantation d'utérus.

La patiente âgée de 35 ans, atteinte d'un syndrome de Mayer-Rokitansky-Küster- Hauser et en bonne santé par ailleurs, fait partie du groupe de 7 malades chez qui l'intervention avait abouti un utérus fonctionnel durable.

La donneuse est une amie de la famille âgée de 61 ans qui a reçu pendant 3 mois un traitement estroprogestatif pour rendre son utérus à nouveau fonctionnel.

Le prélèvement, étape particulièrement délicate du protocole, qui a comporté après une longue dissection une ablation de l'utérus avec sa vascularisation artérielle et veineuse a duré 10 heures et 7 minutes. L'implantation chez la receveuse, avec anastomose des veines et des artères utérines aux réseaux iliaques et fixation de l'utérus, a, quant à elle, pris 4 heures 55.

Un hématome rétropéritonéal, imposant la transfusion de deux culots globulaires a compliqué l'intervention de la receveuse.

C'est un garçon !

Le traitement immunosuppresseur a consisté en une induction par une association de thymoglobuline et de méthylprednisolone et une phase d'entretien par tacrolimus et micophénolate mofétil, ce dernier médicament étant remplacé par de l'azathioprine avant toute tentative d'implantation d'embryon en raison de ses effets tératogènes possibles.

Un an après la transplantation et malgré deux épisodes de rejet diagnostiqués à l'histologie et l'apparition d'une dysplasie cervicale (en rapport avec une infection à HPV) ayant nécessité une mini-conisation, le transfert utérin d'un embryon obtenu avant la greffe a été réalisé en phase lutéale précoce du cycle. Dès cette première tentative une grossesse a débuté.

Celle-ci, particulièrement surveillée, a évolué normalement sur les plans cliniques, échographiques et biologiques jusqu'à 31 semaines et 5 jours où une pré-eclampsie a été diagnostiquée. Devant des décélérations répétées du rythme cardiaque fœtal, une césarienne a alors été pratiquée. Les suites ont été simples pour la mère et pour l'enfant, un garçon de 1 775 grammes (un poids normal pour l'âge gestationnel) dont l'APGAR s'établissait à 9, 9 et 10.

Pour cette jeune femme il est prévu de poursuivre le traitement immunosuppresseur si elle désire une seconde grossesse et de lui proposer une explantation de son utérus à l'issue de cette seconde gestation pour pouvoir interrompre ce traitement.

Un rapport bénéfice risque en question

Après plus de 10 ans de recherche expérimentale et clinique, l'équipe de Gothenbourg a donc démontré pour la première fois la faisabilité de ce type de transplantation et surtout la possibilité d'obtenir une naissance vivante malgré l'âge de la donneuse et le traitement immunosuppresseur.

Pour Mats Brännström cette technique est le seul traitement médical susceptible aujourd'hui de traiter les infertilités utérines définitives et pourrait constituer pour les dizaines de milliers de femmes concernées dans les pays occidentaux une alternative à l'adoption (loin d'être toujours possible) et à la gestation pour autrui (GPA) interdite dans de nombreux pays pour des raisons morales et/ou légales.

Il reste que malgré l'enthousiasme du gynécologue suédois ce type d'intervention pose, au delà de son coût très élevé, de multiples questions éthiques:

- Peut-on faire courir le risque d'une intervention aussi longue et délicate à une donneuse d'utérus âgée d'une soixantaine d'années et qui n'a aucun avantage personnel à attendre de ce type de chirurgie ?

Des donneuses plus jeunes et décédées auraient à ce titre de nombreux avantage mais cette solution n'a pas été retenue par l'équipe suédoise qui souhaitait implanter des utérus ayant prouvé leur capacité à mener à terme une gestation par des grossesses antérieures et qui redoutait sans nul doute aussi d'être confrontée à des refus de dons de la part des familles.

- Peut-on, sans parler du risque opératoire pour la receveuse, accepter de traiter une jeune femme durant plusieurs années par des immunosuppresseurs alors que sa vie n'est pas en danger ?

- Peut-on, malgré les données relativement rassurantes recueillies chez les femmes greffées d'autres organes et la fin heureuse de cette observation, accepter le risque de ce type de traitement pour un enfant à naître ?

Le débat est loin d'être clos.

Dr Céline Dupin

RÉFÉRENCES
Brännström M et coll.: Livebirth after uterus transplantation. Lancet 2014; publication avancée en ligne le 5 octobre 2014 (doi. org/10.1016/S0140-6736(14)61728-1)
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Message par Arnaud BASSEZ » dim. oct. 12, 2014 2:32 pm

Le gouvernement veut fermer l’hôpital militaire du Val-de-Grâce

Le Monde.fr le 09.10.2014 Par Laetitia Clavreul, Nathalie Guibert et Béatrice Jérôme

Le gouvernement envisage de fermer le célèbre hôpital militaire du Val-de-Grâce. Le projet est à l’étude depuis des mois mais le sujet est si sensible que l’exécutif se refuse pour l’heure à toute déclaration publique. Les autorités de santé restent aussi muettes que l’armée. Le sujet n’est « pas à l’ordre du jour au niveau du président à ce stade », fait-on valoir à l’Elysée. Rien n’est finalisé, des arbitrages présidentiels sont attendus, expliquent plusieurs sources du ministère de la défense. Des décisions seront annoncées « avant la fin du mois », indique-t-on chez le ministre Jean-Yves Le Drian.

Aucun démenti ni précision ne sont apportés quant au projet de transformation du site parisien historique, dont la vocation va changer. Les personnels du Val-de-Grâce s’inquiètent. « Depuis la fin 2013, de nombreux médecins généraux, patrons de service sont partis. Puis un plan de restructuration proposé par la direction a été retoqué par le service de santé des armées. Et le chantier des remises aux normes des infrastructures a été stoppé. De plus en plus d’officiers nous disent que l’on va fermer. Nous aimerions en savoir plus », indique Arnaud de Cooman, délégué FO, le syndicat majoritaire. Ce dernier a organisé une première assemblée générale des personnels lundi 29 septembre, une autre est prévue vendredi 10 octobre.

Trop cher, trop peu utile : l’hôpital d’instruction des armées de Paris, fondé en 1796, précurseur d’une spécificité française enviée à l’étranger, est devenu un poids. Cet établissement d’excellence est connu pour choisir ses patients. Il soigne les chefs de l’Etat français, mais aussi de nombreuses personnalités et gouvernants de la planète – le président algérien Abdelaziz Bouteflika a figuré parmi les derniers en date.

REMISE AUX NORMES ESTIMÉE À 250 MILLIONS D’EUROS

Mais le Val-de-Grâce, avec ses 380 lits, n’est plus qu’un des éléments d’une vaste réforme. Car le ministère de la défense traverse une période de restructuration de grande ampleur : il faut réduire les dépenses dans tous les services et arriver à réduire les effectifs de 34 000 personnes d’ici à 2019.

Le service de santé des armées, qui emploie 16 000 personnes, doit contribuer dans les trois ans à hauteur de 3 000 postes à cette vaste déflation. Les neuf hôpitaux militaires emploient environ 8 400 personnes, dont 680 médecins. Un nouveau modèle émerge, souligne le syndicat FO, qui explique que dans d’autres hôpitaux militaires comme Robert-Picqué à Bordeaux, la gestion des murs commence à être cédée à des prestataires privés, les personnels de statut public étant mis à disposition pour un temps déterminé.

Le Val-de-Grâce emploie 800 personnels de la défense, dont une moitié de militaires – les autres sont des fonctionnaires civils. Sur le site, en ajoutant les écoles de médecine militaire et le musée, travaillent au total 1 500 agents.

Trois hypothèses ont été mises sur la table ces derniers mois : une fermeture complète du Val-de-Grâce, une fermeture partielle, une cession à l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP). La première hypothèse, d’un strict point de vue de bonne gestion des deniers de l’Etat, est citée comme la plus raisonnable. Car la deuxième comme la troisième hypothèse ont un coût : le Val-de-Grâce doit être remis aux normes, un investissement de l’ordre de 250 millions d’euros. D’importants travaux ont déjà été lancés. Le bloc opératoire vient ainsi d’être rénové.

« ON SE TIENT PAR LA BARBICHETTE »

Le secteur public hospitalier, déjà très endetté, n’est pas preneur. Les médecins de l’AP-HP ne veulent pas récupérer un établissement aux finances jugées « chancelantes » et dans lequel il faudrait investir lourdement. En outre, à Paris, où elles estiment qu’il y a trop de lits, les autorités de santé sont déjà confrontées au dossier épineux de l’avenir de l’Hôtel-Dieu. « L’armée veut réduire ses coûts et nous, on ne veut pas augmenter les nôtres, on se tient par la barbichette », confie un médecin bon connaisseur du dossier.

En revanche, des activités devraient être dispatchées dans d’autres établissements. Depuis plusieurs mois, un gros travail a été engagé entre l’AP-HP et le service santé des armées pour réfléchir à une coopération. Il est en train d’aboutir, indique sans autre précision la direction de l’AP-HP.

Mais à l’hôpital Cochin, juste en face du Val-de-Grâce, on s’inquiète beaucoup d’une probable fermeture du voisin, alors qu’une association aurait pu être la solution. L’établissement de l’AP-HP utilisait les services de radiothérapie et de médecine nucléaire de l’hôpital militaire et n’a pas vraiment les moyens de financer des travaux de plusieurs millions d’euros pour accueillir son matériel, dont un TEP-Scan, un appareil d’imagerie très performant, mais hors de prix.

A la Mairie de Paris, on se dit « attentif » au sujet. Anne Hidalgo rencontrera le ministre de la défense à la mi-octobre. « Il ne faudrait pas que cette fermeture se traduise par une baisse globale de l’offre de soins dans la capitale, affirme Mathias Vicherat, directeur de cabinet de la maire de Paris. Et quid du devenir du site ? » La Ville, qui cherche du foncier disponible pour bâtir, ne se dit pas acquéreuse de l’emprise à ce stade.

LES ÉCOLES DE SANTÉ DES ARMÉES DÉJÀ REGROUPÉES

« Aucune capacité de soins ne sera supprimée », promet-on au ministère de la défense. En interne, les réorganisations avancent. Les services de neurochirurgie et de chirurgie viscérale du Val-de-Grâce ont d’ores et déjà commencé à rejoindre l’hôpital d’instruction des armées Percy-Clamart.

Début 2010, la Cour des comptes avait rendu un rapport très sévère sur la gestion de la médecine militaire. Ses neuf hôpitaux avaient alors cumulé un déficit de plus de 300 millions d’euros pour 800 millions de budget, soit le premier déficit du secteur en France pour seulement 2 % des capacités d’accueil nationales.

Un plan d’action avait suivi, fondé sur une rationalisation de l’offre de soins et un rapprochement avec les agences régionales de santé – le Val-de-Grâce comme les autres accueille environ 70 % de patients civils. Les grandes lignes en ont été présentées en 2013. Les écoles de santé des armées ont déjà été regroupées, près de Lyon. Les hôpitaux militaires ont été redéfinis en deux catégories.

Les établissements « de premier rang » (Val-de-Grâce, Percy-Clamart, Bégin à Saint-Mandé, Toulon, et Marseille) forment le pôle d’excellence de la médecine de guerre, pour garantir aux armées leur capacité « d’entrer en premier » dans un conflit. Le sort des hôpitaux de « deuxième rang », Bordeaux, Brest, Lyon et Metz, suscite d’autant plus d’inquiétudes que la défense a peu détaillé ses projets.

Neuf hôpitaux militaires gérés par la défense

16 000 personnes sont employées par le service de santé des armées, créé par Louis XIV en 1708. 15 % sont contractuels. Le budget de 1,5 milliard d’euros est issu à 37 % de l’activité hospitalière.

9 hôpitaux militaires sont gérés par le ministère de la défense, pour un total de 2 847 lits. Leurs équipements comptent 58 blocs opératoires et 30 équipes chirurgicales projetables en opérations extérieures. Leur patientèle est composée à 20 % de militaires, à 6 % d’ayants droit militaires et à 74 % de civils.

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Tampons vaginaux à la vodka, une nouvelle technique d’alcoolisation ?

La presse populaire se fait l’écho d’un phénomène récent chez les adolescents et les jeunes adultes : l’utilisation de tampons imbibés de vodka par voie vaginale ou rectale (1, 2). Les dangers en demeurent mal précisés mais on peut dire qu’au minimum, il s'agit d'une pratique "osée". Le terme tampons imbibés de vodka (tampons vodka soaked) sur YouTube génère 134 résultats en Français et bien plus encore en Anglais (3).

Beaucoup sont des vidéos qui montrent des tentatives d’emploi des dits tampons. ( http://www.youtube.com/results?search_q ... ked+tampon).

Mais à quel niveau d’alcoolisation peut conduire cette voie d’absorption clandestine ? C’est ce qu’ont voulu savoir SP Nordt et coll. qui ont effectué une expérience in vitro pour évaluer le volume d'éthanol absorbé à l'aide de tampons imbibés de vodka.

L’expérimentation a eu lieu sur quatre types de tampons disponibles dans le commerce : Tampax Super Perle absorption ; Tampax Perle absorption régulière ; Super absorbant Kotex U et tampon absorption régulière Kotex U. Chaque tampon a été submergé séparément dans 250 ml de vodka (Romanoff ; Westmont Ltd) dans un bécher pendant 10 minutes au chronomètre, tout en restant dans l'applicateur. Après 10 minutes, le tampon était retiré et le volume restant dans le récipient mesuré par cylindre gradué étalonné à des incréments de 1 ml. L’expérience a été répétée à trois reprises. Le volume moyen de chaque type de tampon a alors été calculé. Puis chacun des tampons a été retiré de son applicateur et placé à nouveau dans 250 ml de vodka et le volume absorbé mesuré au bout de 10 minutes.

Les volumes absorbés vont de 7 ± 2 ml (5-9 ml) à 11 ml ± 1,5 ml (10-13 ml). Le maximum absorbé par un type de tampon est de 15 ml. Sans applicateur, la quantité absorbée est de 31 ml, 30 ml, 25 ml et 29 ml, respectivement, avec une moyenne ± écart-type de 29 ± 3 mL.
Absorption de l’éthanol par voie vaginale ou rectale : inconnue…

L'administration rectale de médicaments peut être un moyen efficace d'absorption d’une molécule (4), en particulier si elle est insérée en dessous du niveau des veines rectales inférieures et moyennes qui contournent le foie et se jettent directement dans la veine cave inférieure. En raison de l'état liquide de l'éthanol, l'absorption par les 3 veines rectales est prévisible. Pour l'administration de médicaments par voie vaginale il y a un manque de données (5). La majorité des agents administrés l’est pour des effets locaux, par exemple, anti-infectieux ou spermicides. Les changements hormonaux cycliques normaux affectent l'épaisseur de la couche de cellules épithéliales, la largeur des canaux intercellulaires, le pH et les sécrétions vaginales, qui peuvent nuire à l'administration de médicaments.

L'efficacité de l'absorption d'éthanol est inconnue par voie vaginale. L’irritation locale de la muqueuse vaginale ou des lésions sont susceptibles d'affecter les jonctions cellulaires, ce qui pourrait théoriquement accroître l'absorption de produits chimiques comme l'éthanol (6).

L'absorption par voie rectale de l'éthanol est également inconnue. L’utilisation de grandes quantités administrées par voie rectale, connue sous le nom « butt teuf-teuf ou but chugging » qui pourrait être traduit par « cul soufflant », dans le but de provoquer une intoxication aiguë (conduisant à l'hospitalisation) a été rapportée (7) mais les « doses » sont beaucoup plus importantes que les quantités absorbées par les différents tampons dans l’expérience ci dessus.

La vodka employée dans cette dernière contient 40 % d'éthanol. A cette concentration, appliquée localement on peut s'attendre à provoquer une irritation locale des tissus et de l'inconfort, en particulier dans les cavités rectales et vaginales sensibles. Ce seul fait pourrait empêcher la rétention à long terme des tampons imprégnés d'éthanol.
Peu de risque d’intoxication

L’expérience a montré que des quantités minimes d'éthanol sont absorbées par les tampons avec l'applicateur. La quantité d'éthanol moyenne varie de 5 à 15 ml en fonction du tampon, lorsque l'applicateur est laissé en place. Aucune intoxication clinique grave ne peut survenir à ces doses chez un adolescent de taille normale, même si il n’a jamais été exposé à l'éthanol. Une quantité plus importante d'éthanol est absorbée par les tampons sans applicateurs, jusqu'à un maximum de 31 ml. Cependant, l'inspection physique des tampons expansées suggère qu'il serait difficile, voire impossible de les mettre en place correctement et que forcer l’insertion serait susceptible d'extruder des quantités considérables d'éthanol, ce qui diminuerait ainsi la quantité délivrée.

Les données de cette expérimentation suggèrent donc que des quantités minimes de vodka sont absorbées par les différents types de tampons et que l'intoxication « par cette voie » est peu probable. Il n’empêche qu’il faut rester vigilant quant au fait que les adolescents peuvent s’adonner à toutes sortes d’expériences stupides…

Dr Francis Leroy
Références
Nordt SP et coll. : A new clandestine route of ethanol administration? Volume of vodka absorbed in commercially available tampons. An in vitro study. Am J Emergency Medicine. 2104; 32: 941-942
1) Fox News 17. Grand rapids: vodka-soaked tampons: teens using dangerous tactic to avoid getting caught. http://fox17online.com/2013/11/04/vodka ... z2v3VFsLxl. 4 avril 2014.
2) NBC News 2. Fort Meyers. Dangerous trend: vodka tampons. http://www.nbc-2.com/story/18638042/dan ... ka-tampons. 4 avril 2014.
3) YouTube. Vodka soaked tampons. http://www.youtube.com/results?search_q ... ed+tampons. 4 avril 2104.
4) De Boer AG, Moolenaar F et coll. : Rectal drug administration: clinical pharmacokinetic considerations. Clin Pharmacokinet., 1982 ; 7 : 285–311
5) Vermani K, Garg S : The scope and potential of vaginal drug delivery. PharmSciTechnolToday., 2000; 3 : 359–363
6) Greaves P: Female genital tract: Histopathology of preclinical toxicity studies. Interpretation and relevance in drug safety studies (fourthed.), Elsevier, New York, 2012 : 667–723
7) The Huffington Post. New York: buttchugging leads to severe alcohol poisoning of University Of Tennessee student. http://www.huffingtonpost.com/2012/09/2 ... 13575.html. 4 avril 2014.


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Quelle est la meilleure méthode pour apprendre à lire ?

Longtemps on a considéré que le débat qui oppose les partisans de la méthode syllabique en vue de l’apprentissage de la lecture aux tenants de la méthode globale reposait principalement sur des fondements idéologiques. Schématiquement, la méthode syllabique, plus ingrate initialement et nécessitant plus d’opiniâtreté serait défendue par des inconditionnels du travail et du mérite (donc réputés à droite !), quand la méthode globale, par définition holiste se marierait mieux avec des convictions plus universalistes (marquées à gauche !). Par ailleurs, le fait que le développement de la « méthode globale », notamment dans les zones d’éducation prioritaire ait été porté par une volonté de « justice sociale » finissait d’inviter une forte dimension politique dans ce débat. Mais globalement, on s’accordait pour dire que les enfants finissaient tous, grosso modo, par apprendre à lire.
Des doutes sur le terrain

Peu à peu, beaucoup ont eu l’intuition puis la conviction que ces considérations n’avaient pas lieu d’être, qu’elles faussaient un débat capital. Ils ont défendu qu’objectivement il existait une méthode supérieure à l’autre. De fait, dans les écoles, les défauts de la méthode globale commençaient à se manifester chez des élèves présentant des difficultés plus importantes que ceux ayant appris à lire en commençant par le « B-A : BA ». Les données manquaient cependant de certitude, on évoquait la possibilité de biais sociologiques.

Mais enfin, les neurosciences ont parlé.
La boîte aux lettres du cerveau

Professeur au Collège de France, directeur du laboratoire de « Neuroimagerie cognitive » au sein du « NeuroSpin » de Saclay, Stanislas Dehaene s’intéresse depuis toujours aux mécanismes neurologiques en jeu dans l’apprentissage de l’écriture et de la lecture. En novembre 2010, l’équipe internationale coordonnée par ses soins publiait ainsi dans Science les résultats d’une étude présentant pour la « première fois des images détaillées de l’impact de l’apprentissage de la lecture sur le cerveau » comme il l’explique lui-même sur le site du Collège de France. « Nous avons trouvé qu’une région se spécialise dans le décryptage de la chaîne de lettres. Elle se met en place dès la première année de lecture mais elle est identique pour tous les individus, pour toutes les langues » avait expliqué le spécialiste en novembre dernier après avoir reçu la médaille de l’INSERM. « Apprendre à lire augmente les réponses des aires visuelles du cortex, non seulement dans une région spécialisée pour la forme écrite des lettres (précédemment identifiée comme la "boîte aux lettres du cerveau "), mais aussi dans l’aire visuelle primaire » observait-il encore.
Toute autre méthode que la technique syllabique éloigne les enfants de la lecture

Ses plus récents travaux se sont consacrés aux éventuelles différences neurologiques des méthodes d’apprentissage diverses de la lecture : le « circuit » observé lors des précédentes études était-il identique ? Des jeunes enfants en train d’apprendre à lire ont ainsi été soumis à des examens d’IRM fonctionnelles réguliers, au cours desquels ils étaient invités à lire les mots présentés devant eux. Certains de ces jeunes sujets recevaient un apprentissage basé sur la méthode syllabique, quand d’autres étaient initiés à la lecture par la méthode globale. Les résultats mis en avant par l’équipe de Stanislas Dehaene publiés récemment et présentés il y a quelques semaines par France 2 sont sans appel. « Les sujets qui utilisent une méthode alphabétique, phonique activent le circuit de l’hémisphère gauche qui est le circuit universel, efficace de la lecture. Les personnes qui ont une attention globale, la forme du mot, ces personnes n’utilisent pas ce circuit. Leur attention est orientée vers l’hémisphère droit qui est un circuit beaucoup moins efficace pour l’analyse de la lecture », décrypte le spécialiste qui conclue que toute autre méthode que la technique syllabique « éloigne l’enfant de la lecture ».
L’idéologie plus forte que les neurosciences

Ces conclusions scientifiques et objectives ainsi que les appels déjà lancés par ce spécialiste et d’autres "acteurs" directement impliqués n’ont cependant rencontré aucun écho auprès des responsables chargés de l’élaboration des programmes. Il faut dire que ces constatations neuroscientifiques objectives n’ont que peu de poids face à l' idéologie.

A cet égard il faut noter que le reportage diffusé par France 2 a principalement été cité par des organisations politiques marquées très fortement à droite ce qui, indirectement, a pu conforter l'idée (fausse) d'une connotation politique de cette étude universitaire.

Mais, quel est le circuit neurologique de l’apprentissage du bon sens ?

Aurélie Haroche
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Arnaud BASSEZ
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Message par Arnaud BASSEZ » mer. oct. 22, 2014 2:16 pm

Qui fait l’obstétricien fait le prince

Qui ne sait que Son Altesse Sérénissime Charlène de Monaco a révélé cette semaine être enceinte de jumeaux ?

Que la naissance du futur chef de l’un des plus petits états du (beau) monde, survienne par voie basse ou césarienne, cette gémellité sème le trouble sur l’ordre de succession au trône monégasque.

Rappelons, en préambule, que la principauté de Monaco suivant la loi salique, des questions ne se posent que pour le cas où naitraient deux garçons, le lys ne filant pas même à l'ombre du casino.
« A mon fils, s'il avait le malheur de devenir (1) » prince par voie basse

La tradition européenne monarchique et populaire veut qu'en cas de gémellité, le second enfant qui naisse par voie naturelle soit le premier conçu et bénéficie ainsi du droit d’aînesse.

Ce principe apparaît inégalement respecté, ainsi Louis XX, chef de la maison de France pour les légitimistes (2) l’a suivi récemment tandis que Philippe de Belgique a quant à lui préféré laisser la primauté au premier né à l’instar du prince Frédérik, héritier du royaume du Danemark (ou tout n’est pas si pourri). Plus loin de nous, Elisabeth de France, fille de Louix XV, née après sa sœur Henriette était appelée Madame Première pour respecter la tradition.

Dans cette incertitude successorale, la communauté médicale du Rocher aurait pu s’immiscer et trancher...si elle n’avait pas été autant divisée.
Tempête médicale sur un rocher

Ainsi, contacté par la revue Slate, un gynécologue pratiquant à Monte-Carlo raconte l’ambiance de polémiques qui a saisi les praticiens de la ville et fait part des divergences des médecins en résumant « que personne n’est d’accord » (!), tandis que l’un de ses confrères explique qu’il est « scientifiquement impossible de déterminer qui est l'aîné » et que « la légende populaire qui veut que le second enfant né est l'aîné est une bêtise et ne repose sur rien d'un point de vue médical ! ».

Les vues sur la question de l’équipe suivant la princesse emporteront peut-être la décision finale, même si les accoucheurs ne seront pas nécessairement de nationalité monégasque.
Les voies du gynécologue sont impénétrables

Plus encore, c’est pour le cas d’une césarienne, que le rôle du médecin deviendrait déterminant, ce geste chirurgical transformant l’accoucheur en faiseur de prince, le bébé qu'il extraira le premier devenant l'héritier. Comme celles du seigneur, les voies du gynécologue seront impénétrables quant il choisira le successeur des illustres Grimaldi.

Mais peut-être Albert de Monaco a-t-il prévu dans le secret (médical) de choisir l’aîné en fonction d’un examen clinique succin...

Aucun des deux (et c’est heureux) ne connaitra sans doute les affres de l'homme au masque de fer ou de Raymond-Bérenger II dont la mort au XIe siècle fit gagner à son frère jumeau son surnom de « fratricide ».

Gageons qu’en cas de conflit à la mort d’Albert, la solution de la division du royaume ne comblera pas les appétits des prétendants et peut-être leur faudra-t-il pour se départager, le jour venu, consulter les augures en comptant les vautours qui planent sur le Rocher...

Frédéric Haroche (jim)


RÉFÉRENCES
(1)Les plus férus d'histoire de nos lecteurs auront reconnu le testament de Louis XVI dont l’un des paragraphes commence par ces mots : « Je recommande à mon fils, s'il avait le malheur de devenir Roi... ».

(2)Ne ravivons pas ici les vaines querelles issues du traité d’Utrecht entre légitimistes et orléanistes.


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Bonjour Dr Google

Mountain View, le samedi 18 octobre 2014 –

Imaginez que vous êtes un passionné de la peinture à la renaissance italienne et que vous cherchez des précisions sur les pigments utilisés par un Botticelli, un Raphaël ou un Carpaccio. Il n’est pas tout à fait sûr qu’internet vous offre obligatoirement les réponses que vous attendez à moins que vous n’ayez la chance (assez fréquente sur le web) de dénicher la thèse d’un étudiant en histoire de l’art. Depuis quelques mois, ces longues heures obstinées à rechercher une information aussi précise ont été remplacées par un nouveau système baptisé « Helpouts ». Accessible aux utilisateurs de Google +, ce dispositif (qui se développe peu à peu dans tous les pays mais qui demeure d’abord américain) consiste à mettre en relation les internautes avec des « experts » dans différents domaines (art, musique, cuisine, fitness et autres) lorsqu’ils présentent certaines requêtes. Ainsi, en tapant « pigment + Botticelli + Carpaccio », les abonnés de Google + ayant connaissance de Helpouts peuvent être mis en relation avec un expert de ces questions moyennant finance ou visionner une vidéo préenregistrée (également payante) sur la beauté de la renaissance italienne.

N’auriez-vous pas besoin d’un médecin ?

Elargir « Helpouts » à la médecine ne pouvait évidemment que tenter la firme Google, qui s’est déjà investie à plusieurs reprises dans ce domaine. Ainsi, depuis quelques semaines aux Etats-Unis est testée une nouvelle fonctionnalité. Le système est le même mais n’est pas seulement réservé aux adhérents de « Google + » familiers d’Helpouts. Plus simplement, l’internaute qui pris d’une douleur à l’annulaire tape frénétiquement (mais avec neuf doigts) sur google « douleur annulaire » voit s’ouvrir une petite fenêtre qui lui propose : « Il semble que vous tentez d’avoir une réponse à une situation médicale. Nous pouvons si vous le souhaitez vous proposer une conversation vidéo avec un médecin ». Et voici l’internaute affligé de son annulaire ankylosé, rassuré ou pas par un vrai praticien et non embarqué dans la lecture de la prose des dizaines d’utilisateurs de forums ayant tôt fait d’attribuer n’importe quelle douleur à l’apparition d’un cancer fulgurant ou les sites internets préconisant la méditation, le choux rouge et la liberté d’esprit comme seul vrai remède aux souffrances articulaires.

Vie privée et tout le toutim

L’évaluation de cette nouvelle fonctionnalité a évidemment beaucoup fait réagir aux Etats-Unis comme ailleurs. Car tous, loin de là, ne voient pas seulement ici une occasion d’éloigner les internautes soucieux de santé (de plus en plus nombreux on le sait) des élucubrations parfois dangereuses du web. Certains s’interrogent tout d’abord sur cette nouvelle intrusion de Google dans notre vie privée : ne sera-t-il plus permis de s’interroger sur une vulgaire douleur au doigt de pied sans que tout le monde et « Google » le premier ne soit aux petits soins ? Par ailleurs, des questions se posent sur la qualité des interventions faites dans ces conditions : un « chat vidéo » peut-il réellement remplacer une consultation ? Même si déjà aujourd’hui, certains usent de ce moyen notamment pour assurer le suivi de patients isolés ou connaissant de grandes difficultés à se déplacer, dans le cas de notre internaute à l’annulaire brisé, un véritable examen clinique, avec « palpation » de la zone douloureuse ne serait-il pas préférable ? Enfin, quid du prix ? Aujourd’hui en phase de test, le système est gratuit comme le précise Google qui indique « Le coût de la consultation sera entièrement assumé par Google durant cet essai ». Cette formulation suggère cependant que les choses pourraient évoluer. Comment dès lors les praticiens seront-ils rémunérés ? Par l’intermédiaire de Google qui percevra les fonds pour eux, risquant de mettre à mal l’indépendance des médecins ? Directement par les patients ?

Notre petit doigt nous dit que les voies de Google restent encore sur ce point impénétrables.

Aurélie Haroche JIM

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Décès à la maternité d'Orthez : l'anesthésiste avait bu le soir des faits


L'anesthésiste belge mise en examen début octobre, après le décès d'une femme à la maternité d'Orthez fin septembre, a reconnu avoir bu le soir des faits tout en assurant qu'elle n'était pas «ivre», a-t-on appris mardi de source judiciaire.

«J'avais bu (...) Je n'étais pas ivre, j'étais à 70 % de mes capacités». Par ces mots, l'anesthésiste belge, mise en examen suite au décès de l'une de ses patientes à la maternité d'Orthez fin septembre, a reconnu avoir consommé de l'alcool le soir des faits.

Placée en détention provisoire, cette femme de 45 ans comparaissait mardi matin devant la chambre d'instruction de la Cour d'appel de Pau pour demander une mise en liberté. «Le soir des faits, j'avais bu, une demi-bouteille d'un mélange de vodka et d'eau de 50 cl. Je n'étais pas ivre, j'étais à 70% de mes capacités», a-t-elle donc expliqué. La décision de sa relâche a été mise en délibéré et sera rendue jeudi matin.


Elle s'était présentée à la gendarmerie avec un taux d'alcoolémie de 2,4 g/l

Dans la nuit du 26 au 27 septembre, l'anesthésiste participait à l'accouchement par césarienne, sous anesthésie générale, d'une femme âgée de 28 ans. Victime d'un arrêt cardiaque, la jeune femme, d'origine britannique mais de nationalité française, avait été transférée en urgence à l'hôpital de Pau, où elle est décédée le 30 septembre. Son bébé est sain et sauf.

Alors convoquée, l'anesthésiste belge s'était présentée à la gendarmerie avec un taux d'alcoolémie de 2,4 g/l dans le sang. Elle avait reconnu souffrir d'un «problème pathologique avec l'alcool» et avait été placée en détention provisoire à la maison d'arrêt de Pau après sa mise en examen pour «homicide involontaire aggravé».

Sans qu'il soit établi si elle était ivre au moment des faits, l'anesthésiste présentait lors de l'accouchement «un comportement bizarre», notamment «des difficultés d'expression, de compréhension et des problèmes de réactivité», selon le Parquet. Le père de celle-ci, gynécologue, était monté au créneau pour la défendre : «Rien ne prouve qu'elle était ivre» le soir des faits. Ce qui est toujours le cas aujourd'hui, même si l'anesthésiste a donc reconnu «avoir bu».

COMMENTAIRE
«J'avais bu (...) Je n'étais pas ivre, j'étais à 70 % de mes capacités»
Le problème ce sont les 30 % absents dont les patients ont légitimement le droit de pouvoir bénéficier.
«Le soir des faits, j'avais bu, une demi-bouteille d'un mélange de vodka et d'eau de 50 cl. Je n'étais pas ivre, j'étais à 70% de mes capacités»
Est-ce que la présence d'un IADE aurait changé la donne ? Je pense que oui, pour l'avoir vécu de façon indirecte dans ma carrière professionnelle. (C'est un collègue qui a trouvé le MAR ivre).

Elle s'était présentée à la gendarmerie avec un taux d'alcoolémie de 2,4 g/l
Reste à savoir si elle a bu après l'accident, ajoutant une dose supplémentaire, ou bien si l'accident l'a "dégrisé" auquel cas elle affichait certainement plus au compteur...Le temps que les autorités lui fassent les prélèvements sanguins, le taux a pu baisser
Dans la nuit du 26 au 27 septembre, l'anesthésiste participait à l'accouchement par césarienne, sous anesthésie générale, d'une femme âgée de 28 ans.
Pour qui a travaillé ou travaille en mater, on sait que les femmes enceintes sont potentiellement des patientes difficiles à intuber. Il semble que l'intubation œsophagienne n'ait pas été détectée.

Alors convoquée, l'anesthésiste belge s'était présentée à la gendarmerie avec un taux d'alcoolémie de 2,4 g/l dans le sang. Elle avait reconnu souffrir d'un «problème pathologique avec l'alcool»
On a tous connu des "incidents" de comportement, qu'il soit infirmier ou médical. Il ne s'agit pas de les cautionner mais de pouvoir les expliquer.
Sans qu'il soit établi si elle était ivre au moment des faits, l'anesthésiste présentait lors de l'accouchement «un comportement bizarre», notamment «des difficultés d'expression, de compréhension et des problèmes de réactivité», selon le Parquet.
Le problème étant l'urgence, il était difficile de demander un remplaçant rapidement disponible.

Il faudra donc surveiller ce malheureux fait divers à l'aune de la réaction de la SFAR, du SNPHAR, du SMARNU et du SNARF toujours prompts à dégainer pour flinguer le petit IADE qui se permet de grave dérive en exerçant hors de toute limite et contrôle, provoquant ainsi une perte de chance pour le patient.

Même des médecins, non anesthésiste, exerçant plus dans les médias que sur le terrain, et régulièrement au contact des IADE dont ils louent (en eux-même) les qualités sans le dire sur les antennes, se permettent de juger de nos compétences, alors qu'ils n'en n'ont aucune en anesthésie.

Attendons de voir s'ils trouvent des circonstances atténuantes ou pas envers leur collègue en difficulté.

A suivre...
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Message par Arnaud BASSEZ » mar. oct. 28, 2014 2:56 pm

SEP et vaccins : au delà du phantasme

Depuis plus d'une décennie, en France tout particulièrement, des observations de scléroses en plaques (SEP) ou d'autres affections démyelinisantes (ADM) survenues après une vaccination contre l'hépatite B (HB), ont fait suspecter une relation causale entre l'administration de ce vaccin et l'apparition de maladies démyélinisantes. Cette possibilité s'appuyait sur une hypothèse physiopathologique : la parenté antigénique entre certains constituants du vaccin et la myéline.

Pour confirmer ou infirmer cet effet secondaire, plusieurs études épidémiologiques ont été diligentées dans le monde. La plupart d'entre elles ont conclu à une coïncidence temporelle et non à un lien de causalité tandis que deux études retrouvaient une discrète augmentation du risque. D'autres vaccins, en particulier les plus récents ont également été soupçonnés d'augmenter le risque d'ADM. Il en est ainsi d'un vaccin contre certains papillomavirus humains (HPV) pour le quel des observations isolées d'ADM à début brutal ont été rapportées deux à 4 semaines après l'injection.

Une étude cas-témoins sur un cinquième de la population de Californie du Sud

Annette Langer-Gould et coll. ont remis l'ouvrage sur le métier en s'appuyant sur les bases de données du système d'assurance santé Kaiser Permanente qui couvre environ 20 % de la population de Californie du Sud. Pour cette étude cas témoins, 780 cas d'ADM ont été rassemblés (dont 427 SEP et d'autres pathologies auto-immunes neurologiques comme des encéphalomyelites aiguës disséminées, des myélites transverses idiopathiques, des névrites optiques ou des syndromes cliniques isolés). Ces "cas" ont été comparés à 3 885 contrôles appariés par l'âge, le sexe, l'origine ethnique et le code postal (marqueur du niveau socio-économique). Pour tous ces sujets, les antécédents (datés) de vaccination dans les 3 ans étaient connus et ce pour tous les vaccins sans que l'on puisse toutefois distinguer primo-vaccination et rappel.

RAS pour le vaccin hépatite B

Pour le vaccin contre l'HB aucune association significative n'a été trouvée entre cette vaccination et l'apparition d'une ADM dans les 3 ans (que l'on utilise un modèle ajusté ou non ajusté). Ces résultats confirment donc ceux de la majorité des études épidémiologiques conduites sur le sujet depuis 15 ans. Il faut cependant peut-être souligner que le pourcentage de sujets vaccinés dans les 3 ans dans cette population était réduit (4 % pour les cas) ce qui a limité la puissance statistique de l'étude et qu'il y avait très peu de vaccinations chez des nourrissons.

HPV : pas de conclusion

Pour le vaccin HPV seules les femmes de 9 à 26 ans ont été étudiées. Quatre- vingt-douze cas ont été identifiés. Une tendance à l'augmentation de fréquence de la SEP a été constatée dans les 3 mois qui suivaient la vaccination par le vaccin quadrivalent. Mais il faut noter, que le nombre de cas était très limité au 3ème mois (n = 6), que cette tendance n'atteignait pas le seuil de significativité statistique, qu'elle n'a pas été constatée au delà de 3 mois et ne concernait ni les syndromes cliniques isolés ni les encéphalomyelites aiguës disséminées généralement considérés comme des précurseurs de SEP. Tout ceci explique que les auteurs eux-mêmes estiment que cette partie de leur travail est "non conclusive".

Une tendance à l'augmentation du risque dans les 30 jours qui suivent toute vaccination

Le travail de l'équipe américaine a également été élargi au risque d'ADM après n'importe quelle vaccination. Il est apparu que dans les 3 ans qui suivent une vaccination, la fréquence des ADM n'est pas modifiée (Odds ratio [OR] : 1,03 avec un intervalle de confiance à 95 % [IC95] entre 0,86 et 1,22 ; NS). Cependant, quand on se limite aux sujets de moins de 50 ans et aux 30 jours qui suivent une vaccination quelle qu'elle soit, on constate une tendance à l'augmentation du risque d'ADM (OR : 1,57, IC95 entre 0,96 et 2,58). Mais il faut ajouter que cette tendance n'est plus constatée au delà de 30 jours après une vaccination et que parmi les 11 sujets ayant développé une SEP dans le mois suivant une vaccination on notait dans 3 cas l'existence d'un autre facteur de risque de SEP. Tous ces cas de SEP post vaccinale précoce ont régressé complètement après cette première poussée.

Des statistiques qui ne calmeront sans doute pas la polémique

Cette nouvelle étude donnera probablement lieu à des interprétations divergentes. Si un lien causal entre vaccin HB et ADM est infirmé une fois de plus, certains verront aussi très probablement dans ce travail une nouvelle raison de douter de l'innocuité à court terme des vaccins en général et de la vaccination contre l'HPV en particulier. Cependant pour les auteurs, la tendance constatée à une augmentation du risque d'ADM dans le mois qui suit une vaccination HPV ou dans les 3 mois qui suivent n'importe qu'elle vaccination doit être interprétée avec prudence. D'une part, car elle disparaît avec le temps, d'autre part, car elle ne concerne pas les syndromes généralement considérés comme des précurseurs de SEP, ce qui rend l'hypothèse d'une association fortuite plus vraisemblable, enfin parce que les effectifs pour ce qui concerne l'HPV sont très réduits.

Pour Annette Langer-Gould et coll. cette tendance limitée dans le temps, si elle était confirmée par des études ayant une plus grande puissance statistique, serait à rapprocher de la majoration du risque de poussées de SEP constatée après des infections respiratoires hautes. Cette augmentation provisoire du risque pourrait répondre aux mêmes mécanismes immunologiques non spécifiques et être liée à un effet pro-inflammatoire transitoire des vaccins.

Il n'est peut-être pas inutile de rappeler pour finir que depuis les premières vaccinations de Jenner au XVIIIe siècle, l'apparition de chaque nouveau vaccin suscite immanquablement la polémique sur ses effets secondaires. Et la contestation semble d'autant plus intense que le vaccin (sans être obligatoire) est recommandé à de larges pans de la population et que l'affection qu'il doit prévenir n'est susceptible de se manifester que dans de longues années.

Gageons que cet article entraînera lui aussi un grand nombre de réactions négatives sur JIM ou que seules les données chiffrées en faveur d'une facilitation transitoire possible de l'émergence clinique d'une SEP après vaccination seront mises en exergue par les ligues anti-vaccinales...

Dr Céline Dupin (jim)

RÉFÉRENCES
Langer-Gould A et coll.: Vaccines and the risk of multiple sclerosis and other central nervous system demyelinating diseases. JAMA Neurol 2014; publication avancée en ligne le 20 octobre 2014 (doi.10.1001/jamaneurol.2014.2633).


§§§

Tentative de meurtre sous NPS à Glasgow

Avant son procès pour tentative de meurtre sur son père, cet homme d’une vingtaine d’années pour lequel on ne relevait pas dans les antécédents d’actes de violence, a fait l’objet d’un examen psychiatrique.

Celui-ci révèle que le prévenu est un utilisateur régulier d’une grande variété de drogues illicites depuis l’âge de 14 ans avec un épisode de psychose induite un an et demi avant l’affaire. Traité pour une dépendance à l’héroïne au début de sa vingtième année, il stoppe la prise de produits illicites mais consomme de manière périodique de nouvelles substances psychoactives (NPS) « autorisées » obtenues via internet.

C’est ainsi qu’il s’est procuré du 3-méthoxyphencyclidine (3-MeO-PCP) et du méthylènedioxypyrovalérone (MDPV) deux substances psychoactives nouvelles, communément décrites dans les médias comme des «euphorisants légaux» (legal highs). La nuit du délit, il avait reniflé de grandes quantités de ces produits et également inhalé du gaz butane. Il avait alors éprouvé de vives hallucinations et développé des idées bizarres : sa maison devant devenir une base de super héros, il devait en toute logique se débarrasser de son père…Une voix l’enjoignait de le tuer, ce à quoi il a obéi et poignardé son père à plusieurs reprises. Celui-ci n’a eu la vie sauve que grâce à l’intervention des voisins alertés par les cris.

Malgré des antécédents de psychose induite par la drogue et bien qu'il conservât quelques légers symptômes résiduels avant la prise des deux produits, la responsabilité criminelle du jeune homme au moment du délit n’a pas été écartée. Il a été reconnu coupable de tentative d’assassinat et condamné à quatre ans de prison.

Les données sur le 3-MeO-PCP sont pauvres. C’est un composé kétamine-like avec des effets dissociatifs et euphorisants. Quant au MDPV, ses effets cliniques sont comparables à ceux de la cocaïne. Une utilisation répétée peut avoir des conséquences psychiatriques jusqu’à 8 mois après l’arrêt. Dans le cas présent, les hallucinations entraînées par l'utilisation de ces deux substances ont duré six semaines avant de disparaître complètement.

Quoi qu’il en soit la possible implication ce type de nouvelles substances psychoactives est à considérer lors des actes médico-légaux.

Dr Francis Leroy

RÉFÉRENCES
Stevenson R, Tuddenham L : Novel psychoactive substance intoxication resulting in attempted murder. J Forensic Leg Med., 2014; 25: 60-1. doi: 10.1016/j.jflm.2014.04.007.
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Message par Arnaud BASSEZ » sam. nov. 01, 2014 3:51 pm

Humour : une thèse de médecine sur les blagues médicales

Autant le dire d’emblée, je partage à 100% ce que Clément Pacault et Damien Maurin, jeunes médecins généralistes remplaçants sur la région grenobloise, ayant fraichement terminé leur internat et passé leur thèse, pensent en matière d’humour en général. A savoir, comme disait Alphonse Allais, que "les gens qui ne rient jamais ne sont pas des gens sérieux". Par ailleurs, pour avoir fait les mêmes études, je pense que les blagues recueillies au sein de la profession médicale véhiculent des stéréotypes qui en disent long sur les mentalités présentes dans ce milieu professionnel.

Pas étonnant donc que ces deux joyeux drilles aient décidé de conduire une étude sur ce thème, avec un autre complice médecin, Brieuc Galès. Le recrutement de la population-source, des médecins et futurs médecins, s’est fait par l'envoi d'emails personnels et professionnels, via Twitter et Facebook, mais également par la presse spécialisée médicale et la presse généraliste. « L’objectif principal était d’énumérer les représentations sociales issues d’une analyse qualitative de blagues médicales. Notre travail ne comportait pas de limites éthiques », indiquent les trois carabins dans un article publié en ligne dans la très sérieuse revue La Presse Médicale. On veut bien les croire !

Chaque médecin recruté recevait le lien vers un blog qui contenait un questionnaire, les participants devant raconter la blague impliquant des médecins qui les a fait le plus rire. Sur les 220 blagues sélectionnées, les stéréotypes ont été classés en six grandes catégories : les vicissitudes du métier de médecin, la guerre entre collègues du bloc opératoire à l’hôpital, les traits de personnalité du médecin, les études médicales et les malheurs du carabin, sans oublier le psychiatre - un grand classique - et évidemment « médecin et sexualité », thème considéré comme le must de l’humour médical potache.

Les blagues sur l’hôpital sont majoritaires. Elles concernent presque exclusivement deux spécialités : l’anesthésie et la chirurgie. L’anesthésiste est perçu comme incompétent, fainéant, inefficace. Le comble de la fainéantise est symbolisé par l’abus qu’il fait du café, qu’il boit et renverse à outrance sur sa blouse ou casaque. « Que fait un anesthésiste entre deux cafés ? Il boit un café ». Les chirurgiens sont cependant les vedettes de la plupart des blagues. Ils sont décrits comme idiots, mégalomanes, de véritables têtes brûlées. Par ailleurs « dénués de réflexion, ils ont une fâcheuse tendance à avoir le bistouri facile et parfois ravageur ».

Et le « psy », me direz-vous ? Ils sont avant tout décrits comme ne devant pas écouter leurs patients afin de se protéger : « Que fait un psychiatre quand son patient est absent à son RDV ? Il commence sans lui ». Leur image véhiculée dans les blagues est celle de spécialistes qui ne travaillent que sur le ressenti et pas sur le problème, ramenant tout au sexe ou à un conflit parental, et de surcroît ne sachant pas prendre de décisions.

Les stéréotypes associés aux internistes, spécialistes qui prennent en charge des pathologies multiples ou des maladies affectant plusieurs organes à la fois, ne sont pas plus flatteurs : "des médecins trop méticuleux, sachant tout mais ne faisant rien". Quant aux spécialistes des maladies du cerveau que sont les neurologues, les vannes les concernant montrent qu’ils complexifient trop leur raisonnement. Dans toutes les grandes spécialités, chacun en prend pour son grade d’interne, de chef de clinique, de professeur !

Concernant l’inépuisable réservoir des blagues médicales à caractère sexuel, cette étude montre que les médecins sont perçus comme « pervers, salaces, obsédés sexuellement voire immoraux, n’hésitant pas à coucher avec leur patiente ou leur secrétaire ». Plus précisément, les gynécologues apparaissent être la cible privilégiée des blagues spécifiquement liées à l’intimité féminine. « Comment reconnaît-on les gynécologues à un congrès ? Ce sont les seuls à porter leurs montres sur le bras… ».

J’imagine sans peine qu’à ce stade de lecture de billet, vous mourrez (je plaisante !) d’envie d’en lire bien davantage. Voici donc un florilège des blagues les plus courtes qui, comme chacun sait, sont souvent les meilleures. Et des stéréotypes associés. Nul besoin de vous dire que jamais la lecture d’un fichier annexe à un article médical ne m’aura autant ravi !

On demande à un ingénieur et à un étudiant en médecine d’apprendre l’annuaire par cœur. Le premier demande "pourquoi?". Le futur toubib répond "pour quand?"

Les étudiants en médecine sont obéissants et studieux. Des études qui demandent une grande mémoire.

Une blonde va chez son médecin et lui demande : " Excusez-moi, c'est comment déjà? Capricorne? Verseau? Lui : " Cancer, madame, cancer!"

Certain(e)s patient(e)s sont idiot(e)s.

Un patient souhaite avoir une chirurgie d’allongement de la verge et qu'elle touche le sol. Je l'ai adressé à mon collègue orthopédiste pour une amputation des deux cuisses !

En décalage avec la demande des patients.

"Docteur, c'est pénible, tous les matins quand je prends mon café, je ressens une vive douleur dans l'œil gauche". Le médecin, fin clinicien : « Je vous recommande de retirer la cuiller de la tasse ! »

Esprit pragmatique.

Après avoir eu un toucher rectal, le patient se retourne vers le médecin. « Bon, maintenant, je pense que l’on peut se tutoyer".

Excès d’intimité entre patient et médecin.

Docteur, quand je mange des carottes mes selles sont comme des carottes; quand je mange de la purée on dirait de la purée; quand je mange des navets c'est des navets.... Le médecin de répondre : « Et bien vous n'avez qu'à manger de la m… ! ».

Cynisme médical.

Comment fait un chirurgien pour opérer sans anesthésie ? Il met des boules Quies !

Les chirurgiens sont insensibles à la souffrance du patient.

Un mécanicien répare la moto d'un chirurgien cardiaque. « Vous et moi, on fait le même métier, tout est question de tuyauterie et de circulation de fluides". Le chirurgien de lui répondre : "Eh bien dans ce cas, réparez donc ma moto le moteur allumé ".

Les chirurgiens cardiaques sont prétentieux.

Une dame très mécontente retourne chez son chirurgien esthétique : Docteur ! Je vous avais demandé des seins en poires... pas en compotes !"

Les plasticiens sont incompétents.

Certaines blagues qui ne véhiculent pas de stéréotype n’en sont pas moins excellentes :

Monsieur et Madame ACTIQUE ont trois enfants: Chuck, Anna et Phill.

Elle parlera aux allergologues, comme aux patients allergiques.

Deux mamies boivent le thé. La première dit à l'autre : quand j'allais voir mon médecin lorsque j'étais jeune il me faisait déshabiller entièrement a chaque fois. Aujourd’hui il me demande d'ouvrir la bouche et de tirer la langue. Sa copine de lui répondre : "c'est fou ce que la médecine a fait comme progrès ".

Les médecins sont salaces.

Tu veux opérer sur un patient qui ne bouge pas, qui ne saigne pas, qui ne respire pas ? Fais donc de la médecine légale !

Les médecins légistes ne s’embêtent pas avec la réalité du patient.

Circulaire diffusée dans les hôpitaux des armées : « Trop de thermomètres ayant été cassés, on ne prendra plus la température qu'aux malades fébriles"

Et voilà pour la médecine militaire !

Un médecin prend le pouls de son patient. « Vous êtes en parfaite santé, votre pouls est aussi régulier qu'un mouvement d'horlogerie! ». Le patient : « C'est normal, vous avez le doigt sur ma montre ».

Un médecin incompétent et surtout distrait

Pourquoi une grande majorité de femmes atteintes de surdité choisit-elle un gynécologue comme médecin traitant ? Pour ses compétences à lire sur les lèvres !"

Accès à l’intimité des gynécologues

Comment reconnaît-on les gynécologues à un congrès ? Ce sont les seuls à porter leurs montres sur le bras...

Pour la même raison que précédemment !

Une femme consulte pour des douleurs, son gynéco après l'avoir examinée lui annonce qu'elle a une salpingite, elle lui demande d'où vient cette salpingite, le médecin répond : du grec je crois, et la femme dit alors :"Du Grec ? J'en étais sûre ! "

Les hellénisants apprécieront.

C’est un sanglier qui rencontre un cochon....et il lui demande "ça va ta chimio?".

On peut rire de tout, même des effets secondaires.

Et puis cette toute dernière, très courte, mais qui en dit long sur toute une profession.

Quel est le comble pour un médecin ? Travailler comme un malade.

Marc Gozlan, journaliste à Sciences et Avenir
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Message par Gaetan CLEMENCEAU » jeu. nov. 06, 2014 5:41 pm

Rôle et enjeux de l’organisation du travail : modalités d’actions

Intervention Philippe Davezies

Thierry GUILLEMOT, animateur
Philippe Davezies, vous êtes chercheur en médecine et santé au travail à l’Université Claude Bernard de Lyon 1. Vous trouvez comment en finir avec les idées reçues et vous n’hésitez pas à nager à contre-courant. Vous avez consacré toute votre vie universitaire à « l’énigme du travail », afin d’en entamer l’analyse psycho-dynamique. Vous nous proposez de réfléchir aujourd’hui sur le thème de « Qualité et santé : le défi des évolutions du travail ».

Philippe DAVEZIES, Enseignant chercheur santé et travail
Je vous remercie pour cette présentation. Mon propos est de vous exposer les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Mon premier point s’intitule « Ce que nous apprend la souffrance au travail », car, en tant que médecin, j’aborde effectivement le travail par la souffrance. Nous sommes confrontés à trois niveaux de difficulté dès lors que nous souhaitons prendre en charge ces questions.

Le premier niveau de difficulté est incontournable, car il est lié à la structure même du travail. Les salariés, quel que soit leur niveau hiérarchique, n’effectuent jamais exactement ce qui leur est demandé. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le système fonctionne. En effet, travailler correctement suppose toujours de :
• se confronter à des particularités de situations que l’échelon supérieur, qui prescrit le travail, n’est pas en mesure de percevoir ;
• affronter un grand nombre de dilemmes éthiques, qui ne sont pas arbitrés par les consignes ;
• mobiliser ses compétences professionnelles, mais aussi sa sensibilité et ses expériences diverses, y compris celles acquises en dehors des milieux professionnels ;
• affirmer sa responsabilité sur un fragment du monde.

Le travail est intéressant et facteur de développement et de santé, précisément parce qu’il n’est jamais ce qu’il devrait être. Il ne se résume toutefois pas à ce niveau d’activité.
Au niveau de la prescription, les personnes sont chargées de l’évaluation économique et de la gestion, qui sont une tout autre façon d’aborder le travail. Je cite souvent l’exemple d’une entreprise, qui se porte très bien, où le salariat de base est constitué d’un millier d’ingénieurs et de docteurs ès sciences. Ils fabriquent des produits de nouvelle technologie pour le monde de demain et se décrivent eux-mêmes comme tous diplômés « Bac+16 ». La même structure de conflit y est toutefois constatée. Les ingénieurs ont des critères de qualité, qui diffèrent souvent de ceux de leurs encadrants. Ces derniers considèrent que la qualité est celle requise par le marché, dans le temps du marché. Les managers s’efforcent donc d’arracher aux ingénieurs les produits à un stade où ceux-ci considèrent que leur conception n’est pas achevée. Si les managers emportaient cette bataille et que les ingénieurs abandonnaient leurs critères de qualité, l’entreprise s’effondrerait, car elle tire sa place sur le marché de l’engagement de ces ingénieurs. A l’inverse, si les ingénieurs l’emportaient sur les managers, l’entreprise s’effondrerait également. L’entreprise tire donc sa dynamique du jeu positif de cette tension entre l’expérience du travail et l’efficience économique. L’enjeu auquel nous sommes confrontés porte précisément sur la façon dont nous parvenons à articuler ces deux dimensions. Ce jeu n’est en rien dramatique. Il est l’essence même du travail et peut se déployer positivement ou négativement.

Le processus d’intensification du travail, sous l’effet des contraintes financières, agit négativement. Or intensifier le travail n’implique pas seulement de travailler plus vite. Les différences de pression modifient la nature même du travail. Les agents sont contraints de concentrer leur activité sur les dimensions du travail jugées prioritaires et d’abandonner certains critères, par exemple de qualité, qu’ils ne pourront pas tenir. La souffrance au travail est étroitement liée à cette question. Yves Clot répète que « ce qui fait mal au travail, ce n’est pas ce qu’on fait, mais les réponses qu’appelaient les situations et qu’on n’a pas été en mesure de donner ».

Or dans le monde du travail d’aujourd’hui, à tout niveau hiérarchique, travailler revient essentiellement à trier entre les critères de qualité qui pourront être pris en charge et ceux qu’il sera nécessaire de laisser de côté. Là encore, ce tri n’est pas dramatique, notamment dans les services sociaux et de santé, où il existe structurellement un décalage entre les moyens et les besoins.

Parallèlement, les espaces d’arbitrage collectifs se sont réduits sous l’effet de l’intensification, de la multiplication des statuts, de l’individualisation des horaires dans certains secteurs etc. Chacun tente donc d’arbitrer, seul, selon son expérience et sa sensibilité. Le processus d’individualisation du rapport au travail n’est pas simplement le développement d’un individualisme de tendance, mais d’un individualisme lié à l’organisation même du travail. Les nouveaux embauchés ne bénéficient plus de l’expérience accumulée par les seniors. Le processus le plus préoccupant est la dissolution des critères communs définissant un travail bien réalisé.

Dans un hôpital, chacun sait que le point de vue des médecins sur le travail n’est pas le même que celui des aides-soignantes. Les médecins, entre eux, ne sont pas d’accord. Il en va de même pour les infirmières. Cette situation se traduit par la multiplication des conflits individuels, en parallèle de la diminution des conflits collectifs. Certains éléments sont assez préoccupants. Selon l’enquête SUMER, menée par le ministère du Travail et la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques), 17% des salariés déclaraient être, en 2003, l’objet d’un comportement systématiquement hostile de la part d’une ou plusieurs personnes sur leur lieu de travail (qui ne soient pas nécessairement leur supérieur hiérarchique).

Nous retrouvons l’exigence majeure, portée tant par le milieu de la santé que par le patronat, de reconquérir des espaces de discussion sur le travail dans la norme ISO 26 000 sur la responsabilité sociale et dans le rapport économique et social de la Cnamts (Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés).

La troisième difficulté consiste à débattre du travail Les salariés eux-mêmes contournent autant que possible toute discussion sur le travail, qui puisse faire émerger des conflits. L’action n’est pas l’application d’une idée, car cette dernière est court-circuitée par l’activation des mémoires émotionnelles et des expériences antérieures. L’action est ainsi en avance sur la décision, comme le montrent les neurophysiologistes. Si nous devions réfléchir, c’est-à-dire produire une élaboration langagière sur les situations, avant de prendre une décision, plus aucun humain ne serait encore de ce monde, car il aurait été mangé par les prédateurs depuis bien longtemps.

Le principal obstacle est que l’activité est obscure, pas uniquement aux yeux du chef, qui a d’autres soucis ou du collègue, qui poursuit d’autres objectifs, mais également aux yeux mêmes de celui qui la déploie. L’action n’est pas l’application d’une idée. Des expériences ont démontré que l’action est déclenchée par une situation donnée, qui met en œuvre les mémoires émotionnelles, les programmes moteurs qui correspondent aux modalités de réponses qui sont induites par l’expérience du sujet. La prise de décision accompagne l’action. Elle n’en est pas la cause. Les facteurs de sollicitations à l’action ne sont que partiellement conscients. Le cerveau a toutefois des capacités d’intégration des situations spatiales et temporelles, qui sont très supérieures à celles de la réflexion consciente, fondée sur le langage. Je cite un article de Damasio sur des expérimentations montrant que nous sommes capables de choisir, dans un environnement dont nous ne connaissons pas les règles, les stratégies adéquates bien avant d’avoir compris pourquoi elles le sont. En résumé, l’activité est en avance sur la conscience, qui est elle-même en avance sur son expression langagière. Aussi, produire des mots sur le travail est un enjeu, surtout en cas de conflit.

La question de la subjectivité est celle du retour réflexif, interrogatif, éventuellement inquiet, sur sa propre action. Le « Je » doit alors prendre la responsabilité d’une activité dont il n’est pas la cause. A partir des éléments scientifiques connus, il est extrêmement contestable d’impliquer la responsabilité des salariés au travail, alors que l’organisation les prive des possibilités d’un retour réflexif sur leur activité, qui seule, permettra la construction de modalités de réponse qui seront activées lors de l’expérience suivante, sans que soit mobilisée la réflexion consciente et l’élaboration langagière. La subjectivité, telle que présentée par la psychanalyse, se focalise sur les dimensions défaillantes de l’être humain. Ce qui s’impose est ce que vous ratez. Tout ce que les salariés réalisent de positif, en plus de ce qui leur est demandé et qui traduit leur personnalité, échappe à la conscience de leur auteur, en raison d’un mécanisme du cerveau, qui n’analyse que ce qui est décalé par rapport à ses dispositions à l’action. Ce qui est attendu ne fait l’objet d’aucun retour sensoriel. Personne ne se réveille la nuit pour se demander comment il a pu mener aussi bien son travail, ce qui cache des dimensions réellement dramatiques. Le travail n’apparaît que sous le mode de la défaillance. Tout l’engagement positif est obscur, y compris aux yeux de son auteur. Se réapproprier les dimensions positives de son engagement relève de la confrontation avec l’activité d’autrui, soit en travaillant collectivement, soit par des dispositifs permettant de discuter de ce qui est raté, mais aussi de ce qui est porté positivement.

Le diagnostic classique d’un ergonome sur l’activité repose essentiellement sur ces bases, où se nichent les risques psychosociaux.
Ce manque d’espaces d’élaboration conduit à des conflits, notamment avec le chef qui interpelle l’agent sur des critères objectifs, de qualité, de quantité, de rythme ou de conformité à des normes. Pour que le débat ouvre sur une issue positive, le salarié doit pouvoir reconnaître ses défaillances, mais aussi exprimer ses propres normes, afin de trouver des compromis enrichissants, sachant que le travail repose sur la tension entre deux normes. Or les salariés ne disposent pas d’espaces de discussion sur leur activité, notamment sur leurs dimensions positives. Ils sont donc incapables de répondre à l’accusation, d’autant qu’ils sont eux-mêmes surtout conscients de leurs défaillances. La remarque peut alors être vécue comme intrusive et persécutoire. Lorsqu’ils se retrouvent dans cette situation, les salariés s’emparent alors d’éléments langagiers préfabriqués pour expliquer les conflits, alors que ces derniers ne rendent pas du tout compte de la dramatique propre à chaque salarié. Nous l’avons constaté à la suite de la publication du livre de Marie-France Hirigoyen sur le harcèlement moral.

Certains salariés, en consultation, nous en récitaient des passages entiers. Un salarié m’a même engagé un jour à lire le livre pour prendre connaissance de sa situation. Or ces discours occultent les conflits de normes, qui sont primordiaux. Pour des raisons biologiques, plus les agents utilisent ces procédés, moins ils sont capables de revenir sur les événements, localisables en temps et en lieu, qui les concernent. Des mécanismes biologiques engagent les personnes en situation de stress chronique dans une spirale de sur-généralisation de leur situation, ce qui tend à radicaliser les conflits.

Tout l’enjeu de la prise en charge est donc de se recentrer sur les questions du travail pour retrouver les enjeux de qualité. Il est nécessaire de construire des espaces d’élaboration autonomes sur le travail. Or le travail évolue beaucoup plus vite que les capacités d’élaboration langagière. Produire du discours sur le travail ne va pas de soi. L’activité est déployée face à la réalité du monde, alors que la capacité à en rendre compte est héritière des périodes antérieures.

Dans des milieux de travail où nous intervenons, nous constatons des distances majeures entre ce qui est débattu collectivement et les dilemmes auxquels sont confrontés les salariés en permanence. Dans certaines entreprises, la Direction déploie une politique très éloignée de la réalité du travail. Les représentants du personnel construisent des compétences pour répondre à ce niveau-là. Les salariés en sont réduits à arbitrer, comme ils le peuvent, des affaires qui ne sont pas débattues collectivement.

Je laisserai Mathieu Detchessahar évoquer la place de l’encadrement, sur lequel la tendance est de reporter la faute. Or, selon moi, le problème de l’élaboration se vérifie autant sur les agents que sur l’encadrement.

Les représentants du personnel sont la deuxième instance importante. Nous avons donc développé, avec des collègues ergonomes de l’Université de Bordeaux, un certain nombre de recherches-actions, avec les représentants du personnel, pour construire des modalités d’enquêtes syndicales qui s’approchent au plus près des conditions concrètes du travail. _ Ces enquêtes ont pour but d’ouvrir le débat avec les salariés, pour les aider à affirmer les dimensions positives de leur activité et leurs propres exigences de qualité. De fait, ces analyses rendent compte de la complexité des situations et de la richesse des activités du personnel, qui ne présente pas uniquement des défaillances.

Ces processus permettent de rompre l’isolement dans les problématiques individuelles, qui supposent de la culpabilité, du ressentiment et des conflits interpersonnels. Ils renouvellent les conditions du débat social à tout niveau et révèlent, non seulement les failles, mais également les potentiels de développement de l’organisation. En effet, les questions de santé, d’efficacité de la production, les potentiels de créativité et de vitalité de l’organisation se nichent au cœur de ce débat, sachant qu’in fine, le bien-être au travail est lié au bien faire au travail. Je vous remercie.

Thierry GUILLEMOT
Merci Philippe Davezies. J’ai enfin compris pourquoi les journalistes n’annoncent que des mauvaises nouvelles.
En fait, les travailleurs ne sont pas malades, le travail lui-même est une maladie.

Philippe DAVEZIES
Non, le travail n’est pas du tout une maladie, mais une expérience extrêmement décisive dans laquelle le travailleur est amené à mettre en forme un bout du monde en exprimant son histoire, ce qui lui permet de se construire et de se développer. Il ne peut toutefois s’engager dans cette expérience, sans risquer de se perdre lui-même. A l’inverse, le travail peut favoriser la santé, puisque privés de travail, les personnes tombent malades. Le travail en soi n’est pas une maladie. Selon Freud, les deux grandes fonctions de l’homme sont d’aimer et de travailler.

Thierry GUILLEMOT
Une proposition reviendra souvent tout au long de la journée : donner du sens au travail. Aussi, quel sens donnez-vous au travail ?

Philippe DAVEZIES
Nous avons souvent le sentiment que le travail est une boîte, qui peut déverser du sens. La Direction peut clarifier ses positions et donner, par-là même, le sens de son engagement. Pour autant, nous savons pertinemment que la réalité des organisations ne reflète pas uniquement les décisions de la Direction. Le sens suppose que l’expérience du travail, que n’a pas la Direction, puisse être exprimée, afin que chacun produise du sens. Le sens doit s’entendre comme une direction spatiale. Toute activité est orientée, mais elle est également sociale et doit donc s’articuler avec les autres. En l’absence d’articulation, les conflits se développent, ainsi que le non-sens. Personne ne dispose du sens.

Lorsque j’interviens dans une entreprise, les salariés se demandent souvent ce que fait la Direction. Or sans construction de formes permettant d’exprimer ce qu’est le travail, la Direction se trouve démunie. Il convient de procéder à l’articulation entre des enjeux réels, d’ordre économique, et la réalité des situations de travail. La Direction déploie du discours, ce qui est très important, mais aucun discours ne fait jamais le tour de la question.

L’activité déborde toujours le discours. Donner du sens permet d’éviter que tout parte à vau-l’eau, ce qui est tout de même le cas à l’hôpital. Comme les personnes ne sont pas capables de s’exprimer, elles pensent en termes très régressifs opposant les « méchants » et les « gentils ». Il ne s’agit pas d’introduire de la philosophie, bien que je considère qu’elle est très importante, mais de reprendre très concrètement les causes autour desquelles se nouent les conflits.

Bruno BEZIAT, Animateur
Vous semblez penser que la transmission de l’expérience des seniors est une piste d’action contre l’isolement.

Philippe DAVEZIES
Dans la société industrielle d’antan, les collectifs existaient, même s’ils présentaient par ailleurs, des aspects très contestables, car le savoir était transmis aux jeunes, mais ces derniers étaient en même temps mis au pas. A cette époque, la transmission était assurée. Aujourd’hui, les compétences et les savoirs ne sont plus partagés. A l’hôpital, les jeunes ont appris des savoirs importants, mais ils sont étonnés de constater comment fonctionnent les services en réalité, notamment au regard des actions relevant de la qualité des soins qui ne sont pas assurées.

Les risques psychosociaux sont la trace de questions collectives sur l’organisation du travail, qui relèvent du débat social, mais qui sont assumées individuellement par les agents, comme si elles étaient des questions personnelles.

Thierry GUILLEMOT
Une question de la salle : l’individualisation du travail semblant être une source d’augmentation des conflits, comment sortir de cette sur-individualisation du travail ? Quels leviers pouvons-nous actionner ?

Philippe DAVEZIES
En consultation, les agents récitent en boucle les discours que nous connaissons tous. Exprimer son activité constitue un véritable enjeu. Ils sont donc en difficulté, car ils ne rendent pas compte, ou très partiellement, par leur discours, de ce qu’ils vivent. Pour expliquer, ils doivent citer des événements localisables en temps et en lieu. Nous nous rendons alors compte que les conflits concernent des personnes qui poursuivent des objectifs différents, chacun ayant une légitimité non négligeable. Aussi, à tous les niveaux, que ce soit auprès de représentants du personnel autour du travail syndical, en consultation ou directement en entreprise, la ressource se trouve dans l’expression des salariés.

Bruno BEZIAT
Une question de la salle : comment éviter que cet enjeu de la créativité ne se transforme en une nouvelle injonction sur les encadrants ?

Philippe DAVEZIES
C’est effectivement l’un des problèmes. Je pense que Mathieu en parlera. Nous intervenons, avec mes collègues ergonomes, en milieu industriel. Nous montrons que des décisions d’organisation ont des conséquences désastreuses, y compris sur des dispositifs industriels qui engagent l’efficacité de l’entreprise. Or bien souvent, la réaction de la Direction est : « que fait l’encadrement ? », alors que nous savons que les encadrants n’ont de cesse d’alerter la Direction. La crise du travail se traduit avant tout par une crise de l’encadrement, qui peine énormément à tenir sa position et à faire entendre les questions aux Directions. En cas de problème, l’encadrement est immédiatement visé. Or je sais parfaitement que ce type de raisonnement ne permet pas de faire fonctionner un service ou une entreprise. Il est primordial que des espaces autonomes d’élaboration soient également instaurés pour les encadrants.
Intervention Mathieu Detchessahar

Bruno BEZIAT
Mathieu Detchessahar, vous êtes Docteur en gestion, Professeur des Universités à l’Institut d’Administration des Entreprises (IAE) de l’Université de Nantes. Vous pilotez une équipe de recherche en management, qui travaille depuis plus de six ans sur les liens entre les modes d’organisation (styles de management et santé/qualité de vie au travail), au sein du programme de recherche SORG (Santé et ORGanisation) soutenu par l’Agence nationale de la Recherche. Vos recherches ont notamment permis de révéler les raisons pour lesquelles certaines formes contemporaines de management peuvent avoir des effets délétères sur la santé et la qualité de vie au travail.

Mathieu DETCHESSAHAR, Professeur des Universités à l’IAE de Nantes
Merci pour cette présentation, très claire. Selon Philippe Davezies, le travail consiste à faire le tri et à recomposer constamment en fonction des nécessités de l’activité. Avec notre équipe de recherche de Nantes, nous sommes partis de ce constat.

Le travail n’est jamais uniquement exécutoire. Si nous ne devions qu’exécuter des procédures, nous ne travaillerions pas, car notre subjectivité ne serait impliquée. Le travail est toujours réalisé en fonction des nécessités de l’activité qui recomposent des prescriptions. Ces compromis ne s’arrêtent jamais. Mon travail d’universitaire, qui paraît parfaitement défini, est en fait éminemment contradictoire et en tension sur le terrain. Je suis censé faire de la recherche, de l’administration et de l’enseignement. En réalité, chacune de ces missions est en tension, compte tenu de ce que l’activité de recherche, de publication, de présence sur le terrain et en conférence suppose d’investissement et d’efforts pour se maintenir au meilleur niveau et sachant que ces trois activités sont en concurrence du point de vue de mon agenda.

Nous avons donc beaucoup débattu, dans nos collectifs de travail, avec le Directeur d’IAE, pour savoir comment travailler concrètement au carrefour de ces trois tensions. A force de discussions, nous avons mis à jour des compromis d’activités, dont nous savons la fragilité. Nous sommes partis du principe que certains collègues assureront un minimum d’enseignement et d’administration et une large part de recherche. Pour d’autres, ce sera l’inverse. Il convient toutefois de ne pas perdre de vue que la tension du travail constitue son intérêt même. A défaut, le travail ne serait qu’exécutoire. Ce qui serait convoqué serait alors davantage la force animale de l’homme.

Le travail est donc avant tout une affaire de tri, mais celui-ci ne peut être effectué seul, puisque nous travaillons toujours avec ou pour quelqu’un. Mon tri aura des répercussions sur mes collègues ou mes clients, ce qui suppose des processus d’élaboration de ce tri.

Je partage l’avis de Philippe Davezies sur l’enjeu que représente la mise en discussion du travail. En même temps, ce débat suscite des résistances, car le travail est opaque et résiste avant tout à soi-même. Il est enkysté dans des pratiques, que j’ai moi-même à inventorier. Or discuter supposerait de savoir rendre public, par des mots, une vision du travail et de comment l’effectuer.

Le travail est nécessairement conflit, car il est déjà difficile de publier la façon dont nous-mêmes nous travaillons, nous devons, en outre, nous confronter à d’autres façons de travailler. Cette discussion doit donc être organisée. Tel est le point de départ de nos travaux.

Par ailleurs, qui réalise ce travail de mise en visibilité du travail, de régulation ? Qui a un rôle essentiel de traduction des contraintes dans l’action, sachant que traduire des objectifs d’efficacité en actions consiste à les recomposer en fonction des nécessités de l’activité ? Qui a un rôle central dans ces opérations de tri ? Le management de première ligne réalise une partie de ce travail de mise en visibilité et de médiation entre les points de vue de chacun sur le travail en vue de produire des compromis, toujours temporaires, d’action. Ce processus de régulation du travail est sans fin. Les Américains préfèrent d’ailleurs le terme de « managing » pour évoquer ce processus, à celui de « management », qui renvoie à un état statique. Le manager de proximité n’est pas le seul, mais il a une part essentielle dans cette équation.

Dans nos recherches sur les secteurs de l’industrie, de la banque-assurance et de la santé, nous constatons que, dans les organisations rencontrant le plus de difficultés en matière de qualité de vie ou de santé au travail, dans les équipes les plus fragilisées, les problèmes proviennent, non d’une hyper présence ou d’une pression du management, mais de l’absence du manager de première ligne sur la régulation du travail. Management et travail divorcent de plus en plus souvent, au moment même où les tensions qui s’exercent sur le travail sont plus fortes que jamais. Le manager doit combiner des enjeux de coût, de qualité, de délais, d’innovation etc. Aussi, alors même que le travail devient plus exigeant et compliqué à trier pour les équipes, le soutien managérial leur est ôté. Les salariés l’expriment très bien. Dans les milliers d’heures de verbatim collectées, dans le cadre de nos recherches, auprès des équipes, personne n’avance qu’il se porte d’autant mieux qu’il ne voit jamais son chef. Les équipes réclament leurs managers, car elles en ont besoin pour faire face aux contraintes de l’activité et combiner le travail. Sans eux, l’arbitrage devient conflictuel au sein des équipes.

A partir de là, nous nous sommes demandé pourquoi les managers ne sont plus au cœur de l’activité. Nous pensons qu’ils sont happés par des forces centrifuges qui les retirent de la scène du travail, en priorisant, dans leur agenda, d’autres missions que l’activité de régulation du travail. Le maintien et l’alimentation des machines de gestion font partie de ces missions prioritaires (reporting, suivi des tableaux de bord d’activité...). Cette activité n’est pas managériale, mais administrative et gestionnaire. Le premier paradoxe est qu’elle suscite bien peu de vocations parmi les collaborateurs. Comme me l’a énoncé le Directeur commercial d’une grande compagnie d’assurance, « si être manager de proximité, c’est être enfermé dans le cockpit à surveiller les tableaux de bord, très peu pour moi ! ».

Le deuxième paradoxe est que l’information sur l’activité n’a jamais été aussi disponible, alors qu’elle semble chasser la communication sur le travail. Les outils de gestion sont extrêmement utiles aux managers. La machine, en revanche, est considérée comme toute puissante, à partir du moment où un pion l’entretient et l’alimente. Or je crains que le manager ne soit souvent perçu comme le pion qui l’entretient et l’alimente, comme une dépendance de la machine plutôt que son maître et utilisateur. Il arrive toutefois que le manager de proximité quitte son bureau… pour se rendre en réunion, alors que nous savons maintenant que nous souffrons d’un grave déficit de communication sur le travail. Les lieux de communication sont, en effet, omniprésents. Tous les sujets y sont évoqués, sauf celui du travail. En outre, nous y communiquons, nous n’y discutons pas nécessairement.

Les principaux lieux de discussion sont les réunions d’information descendantes. Le dialogue n’y a pas sa place. Les Directions y diffusent le sens, sous forme de monologue, afin que les managers le répercutent auprès de leurs équipes. Ce modèle est extrêmement monologique. Certains managers évoquent même « la messe ». Ces réunions reproduisent une vision un peu taylorienne du sens, dans laquelle il y a d’un côté ceux qui l’élaborent et de l’autre, ceux qui le consomme, et entre les deux, des courroies de transmission. Or construire du sens revient toujours à le réélaborer en fonction des nécessités de l’activité, ce qui suppose du dialogue et non du monologue.

Les réunions de groupes projets sont le deuxième lieu de discussion. Au titre du management participatif, elles ont pour but d’associer les managers de première ligne aux projets pour connaître l’écho du terrain. Le problème de cette « bonne idée » de départ est que les projets d’innovation débattus sont très souvent orientés et temporalisés par l’externe de l’entreprise. Ces innovations se font de moins en moins souvent l’écho des difficultés du travail. Elles proviennent le plus souvent de l’actionnaire et de ses analystes financiers qui prescrivent des modes de gestion, du législateur qui émet un prêt-à-gérer, en imposant la GPEC, les entretiens seniors et une négociation sur les risques psychosociaux. Les prescriptions proviennent également de tutelles, internationales ou nationales. Les managers de première ligne participent à ces réunions de travail sans en comprendre la finalité. Ils peuvent, en parallèle, être partie prenante de plusieurs projets importants en même temps.

Au carrefour de l’ensemble de ces forces centrifuges qui retirent les managers de la scène du travail, nous sommes face à la problématique d’un management empêché, dont le cœur du travail est devenu autre chose que l’animation et la régulation de l’activité. Il est nécessaire de réviser les réponses classiques aux plaintes qui montent du travail. Elles sont souvent adressées aux managers, sous la forme d’injonctions nouvelles, qui tentent d’influer leurs compétences (par la formation), leur comportement (par des chartes managériales) ou leur subjectivité (par l’accompagnement d’un coach). Ces trois formes de solutions, qui ne sont pas dommageables en tant que telles, ne règlent pas la première des difficultés qui est de réduire les empêchements du manager à prendre de nouveau en charge la régulation du travail.

La plupart des chantiers que nous ouvrons dans les organisations s’y consacrent. Dans un premier temps, il s’agit de se ressaisir de leur fiche de poste, pour la débarrasser des « tâches connexes », qui se sont progressivement accumulées jusqu’à devenir le cœur de leur métier. Ce nettoyage suppose un minimum de volonté politique, car ces tâches doivent alors être redistribuées.

Le deuxième chantier consiste à rendre des marges de manœuvre aux managers. Aucun manager ne prendra part à la discussion sur le travail s’il ne dispose pas, à son niveau, de la possibilité d’élaborer une réponse aux questions que cette discussion ne manquera pas de soulever. Or le pouvoir d’agir des cadres de première ligne a été extrêmement réduit. Il convient de reposer la question des délégations budgétaires, de décision, de prise en charge du risque dans le secteur de la banque-assurance, de l’autonomie dans l’organisation etc.

L’un des principes est d’être capable de penser la subsidiarité, pour qu’elle redevienne au moins l’un des paramètres de conception de ces organisations. La subsidiarité est davantage un principe moral que technique. Elle pose comme postulat que la décision est toujours plus efficace quand elle est prise, pour partie, au plus près du terrain. Nous pouvons alors penser la délégation, comme nous y invite la subsidiarité, du bas vers le haut, en délégant à l’échelon supérieur les tâches pour lesquelles un renfort et un soutien sont nécessaires. Je pense que cette subsidiarité peut être un premier mot d’ordre très efficace pour commencer à repenser nos organisations.

Pour conclure, ces pistes ne sont évidemment pas suffisantes pour faire redémarrer la discussion sur le travail. Au contraire, dans un premier temps, nous serons confrontés, lors de ces discussions sous pilotage managérial, à du silence, car elles supposent des acquis de confiance : « Ai-je droit de parler, y compris de façon critique ? Est-il utile que je m’expose ? ». Cette confiance est un prérequis à l’ouverture de la discussion sur le travail. Or nous ne pouvons pas attendre la restauration de la confiance pour entamer le débat, car la confiance est l’un des produits de la discussion sur le travail. Il est, par ailleurs, évident que l’ouverture de ces espaces de discussion locaux sur le travail, avec le management en leur cœur, implique que le produit de la discussion puisse être porté à des niveaux supérieurs, afin que des moyens soient déclenchés. Elle implique également que des espaces se développent en tout point de l’organisation et que les partenaires sociaux y soient associés. Merci beaucoup.

Thierry GUILLEMOT
Sortir le manager de toutes ses contraintes nécessite une véritable réorganisation, dont la décision ne peut émaner que de la Direction. Celle-ci doit donc prendre conscience de la situation.

Mathieu DETCHESSAHAR
Bien entendu. Il n’y a pas de grands méchants, car les dynamiques que je décris sont systémiques. Nous nous adressons donc à l’ensemble du système et en premier lieu, aux chefs, pour sortir de cette situation.
L’une des conditions pour mettre en place nos recherches-actions sont :
• d’avoir accès au comité de Direction ;
• que les représentants des questions d’organisation soient conviés au comité de pilotage, car ce projet devra être porté par la Direction et les acteurs de l’organisation.

Thierry GUILLEMOT
Vous sentez-vous entendus ?

Mathieu Detchessahar
Excellente question. Il semble notre discours rentre de nouveau dans la culture managériale. La crise, que nous vivons depuis trois ou quatre ans, est lourde de menaces, mais elle est, en même temps, porteuse d’opportunités. Beaucoup de comités de Direction sont aujourd’hui prêts à adopter des solutions un peu plus radicales.

En premier lieu, nous tentons d’équiper intellectuellement les managers d’une vision de l’organisation qui appelle la mise en discussion du travail. Il me semble que le premier problème des managers est leur vision très techniciste de l’organisation. Ils la perçoivent comme un ensemble à régler.

Nous avons vu que le travail est de plus en plus compliqué, mais face aux enjeux de performance multiples, des règles sont inventées et éteignent peu à peu le caractère fondamentalement erratique du travail. Des processus sont sans cesse imaginés, dans l’espoir d’épuiser un jour la complexité du travail, mais il restera toujours énigmatique, car changeant et soumis à l’aléa. Il est nécessaire de manager différemment, en ouvrant des espaces de médiation pour faire face au caractère irréductiblement erratique du travail.

Bruno BEZIAT Les questions de la salle affluent. Elles s’adressent à nos deux intervenants et se rejoignent sur la problématique de l’ingénierie :
• « N’est-il pas normal que le n+1 administre, puisqu’il est le gérant des ressources humaines ? On ne discute pas avec une ressource, on la gère. Donc les n+1 gèrent.
• Que faire contre cette absence de co-construction ? Redonner de l’autonomie aux équipes ? Leur rendre leur chef ? La force du loup, c’est la meute. Un homme, une mission, une équipe, des moyens.
• Comment discuter au travail ? Comment être partie prenante ? Quels sont les points clés d’une structure participative pour accompagner l’encadrement ? »

Mathieu DETCHESSAHAR
La structure participative repose sur deux éléments : la mise en discussion du travail d’une part et l’écosystème organisationnel d’autre part. L’ingénierie de la discussion consiste à rouvrir des espaces locaux de dialogue sur le travail, sous pilotage managérial. Pour ce faire, toutes sortes de questions se posent. La fréquence de ces discussions doit être en cohérence avec celle des cycles de travail. Philippe Davezies l’exprimerait mieux que moi, car il m’a inspiré cette idée. Des lieux alternatifs, sans pilotage managérial, peuvent également être imaginés pour laisser aux collaborateurs le soin de réélaborer le travail, entre eux, avant de le porter dans un espace qui permettra d’en tirer des conclusions politiques. Nous voyons de plus en plus souvent des clubs de management se reconstituer dans les organisations. Ils sont utiles à condition d’être connectés à un espace politique qui produise des règles. En résumé, concevoir ces espaces suppose de se demander en amont qui prend la parole, sous couvert de quel mandat, à quel moment, à quelle fréquence et avec quelle connexion à d’autres espaces.

Il convient également de réinterroger l’écosystème et de réduire les empêchements des managers, de mettre en avant des politiques de GRH, qui garantissent une certaine stabilité du cadre d’emploi. Cette stabilité est, en effet, indispensable à la restauration de la confiance. Or dans certains établissements de santé, il n’est pas rare que la stabilité du cadre n’excède pas douze à dix-huit mois, ce qui est bien sûr très largement insuffisant pour construire les prérequis de confiance nécessaires à la mise en discussion du travail.

La question de la professionnalité du cadre se pose également. Il est difficile de discuter du travail alors que l’activité est opaque pour les professionnels eux-mêmes, puisque les managers n’ont pas de rapport intime aux métiers. Les managers doivent donc posséder des compétences managériales, mais aussi des connaissances sur les métiers, au risque que les problèmes liés au travail leur paraissent toujours secondaires. Or des managers professionnels sont souvent recrutés, par exemple dans le secteur de la banque-assurance. Les cadres doivent, de ce fait, être évalués, non seulement sur le quantitatif, mais aussi sur le processus d’animation de la discussion.

Philippe DAVEZIES
Je ne peux qu’abonder sur les points clés évoqués par Mathieu autour de cette difficulté de discuter, sachant que nous avons tendance à n’évoquer que ce qui est défaillant. Pour parler de ce qui fonctionne, ce qui est très dynamisant, il est souvent nécessaire de se doter du soutien de personnes capables d’animer ce type de discussions. Le manager ne pouvant pas formuler d’observations réelles sur l’activité, il convient d’expérimenter d’autres modalités.

Ces questions sont un défi pour le management, mais aussi pour les représentants du personnel et le syndicalisme. La capacité des syndicats à aider les salariés à élaborer leur dimension affirmative est un chantier qui nécessite également des expérimentations. En fait, je pense que la situation nous impose d’expérimenter des modes de soutien autonomes, tant du côté du management que du mouvement syndical. Nous pouvons nous référer aux travaux d’Yves Clot dans le domaine de la psychologie clinique du travail.



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