Re: Articles sur la santé
Posté : mar. avr. 28, 2020 1:02 pm
Publié le 22/04/2020
Tests sérologiques : il faut sortir de la grande confusion
Paris, le mercredi 22 avril 2020 – Depuis plusieurs semaines, le lancement de campagnes locales de dépistage sérologique, afin de déterminer la proportion de la population ayant été en contact avec SARS-CoV-2, est régulièrement annoncé. Parallèlement, des laboratoires ont commencé à proposer dans certains départements des tests sérologiques rapides (des tests rapides d’orientation diagnostic ou TROD) accessibles sans ordonnance. Pourtant, les autorités rappellent également depuis plusieurs jours que, pour l’heure, il n’existe aucun test sérologique validé et que les dispositifs existant doivent être réservés à l’usage scientifique.
Le ministre de la Santé, Olivier Véran a par exemple mis en garde dimanche lors de sa conférence de presse contre le manque de fiabilité de certains tests étrangers, parfois accessibles sur internet. « Certains d’entre eux ont 40% de faux négatifs, donc près d’une chance sur deux de ne pas être détectés, quand bien même vous feriez ce test sérologique », a-t-il détaillé. Des faux positifs sont également possibles. « Certains kits montraient 10% d’igG anti-Covid positif sur du sang datant de 2017 », remarque par exemple cité par CheckNews, le président du Syndicat des jeunes biologistes médicaux Lionel Barrand.
Zones d’ombre
Comme l’illustrent ces exemples de faux négatifs et de faux positifs, de nombreux obstacles demeurent encore pour l’élaboration de tests fiables. Par ailleurs, compte tenu des incertitudes concernant les mécanismes immunologiques de l’infection par SARS-CoV-2, les tests en cours de validation ne pourront apporter qu’une seule certitude : « Les tests sérologiques permettent uniquement de déterminer si une personne a produit des anticorps en réponse à une infection par le virus SARS-CoV-2 » insiste la Haute autorité de Santé (HAS). Pour le reste, les zones d’ombre sont multiples : « La cinétique de production des anticorps contre le virus est encore aujourd’hui mal caractérisée principalement chez les patients asymptomatiques. La durée de protection éventuelle est également mal connue » résume la HAS.
Comparaison avec les tests sérologiques de référence
Outils dont la portée informative demeure encore réduite, les tests sérologiques doivent de plus être l’objet d’une vigilance absolue concernant leur validation. Cette tâche a été confiée au Centre national de référence (CNR) de l’Institut Pasteur dont l’avis repose sur l’analyse des résultats et la comparaison avec ses tests sérologiques de référence. « Ces tests de référence sont établis par des laboratoires aux moyens assez conséquents. Mais ils n'ont pas la capacité de faire des tests pour toute la population » explique cité par LCI Michaël Schwarzinger, chercheur associé à l'Inserm IAME (infection, anti-microbiens, modélisation, évolution) et au CHU Bichat (Paris). Concernant les critères, la HAS a rappelé la semaine dernière les attendus indispensables quant à « l’évaluation des performances des tests », qu’il s’agisse des tests « automatisables ou unitaires, qualitatifs ou semi-quantitatifs » et quelle que soit la technique sérologique utilisée (ELISA, immunochromatographie…).
Une spécificité analytique attendue de 100 %
La HAS rappelle d’abord que l’évaluation des tests sérologiques suppose classiquement trois étapes : les validations in vitro, (« le test mesure-t-il bien ce qu’il est censé mesurer et de façon correcte ? »), la validité clinique et la mesure de l'utilité clinique. Plus précisément, la HAS détaille les données de validité analytique qui doivent être produites et publiées. Elles concernent d’abord la précision du test qui repose sur la « répétabilité (…) la précision intermédiaire (…) et la reproductibilité (…) qui exprime les résultats entre différents laboratoires ».
Elles doivent également permettre de vérifier l’exactitude, la justesse, « la sensibilité analytique (ou limite de détection) (…) la valeur seuil de positivité ». Concernant la spécificité analytique, la HAS indique que pour le SARS-CoV-2, il s’agit d’écarter le risque de réaction avec « d'autres anticorps dirigés contre des virus apparentés au SARS-CoV2, des virus provoquant des infections respiratoires communes, ou d’autres composés connus pour donner des réactions croisées non spécifiques (facteur rhumatoïde notamment) ». La HAS insiste sur le fait que « La spécificité analytique attendue est de 100 %. Dans tous les cas, le fabricant doit indiquer la méthodologie adoptée ayant permis d’estimer la spécificité analytique du test ».
Une sensibilité clinique acceptable entre 90 et 95 %
Devra nécessairement également être précisée la sensibilité clinique. « Dans la mesure où la sensibilité clinique des tests de sérologie peut varier en fonction de la période de prélèvement du test (première ou deuxième semaine après l’apparition des symptômes par exemple), il conviendra de documenter explicitement le panel de sérums ayant conduit à la validation de la sensibilité clinique (…). En théorie, une sensibilité clinique de 100 % est attendue afin de minimiser le plus possible le nombre de faux-négatifs. La sensibilité des tests sérologiques doit donc tendre vers cette valeur. Toutefois, compte tenu des connaissances actuelles, la valeur seuil minimale acceptable pour la sensibilité clinique est estimée à 90 ou 95 % selon l’usage du test » relève la HAS. Enfin, concernant la spécificité, la valeur seuil minimale acceptable est de 98 % quel que soit le type de test. La HAS note enfin que « Les tests sérologiques recommandés doivent préférentiellement permettre au sein d’un même test de détecter séparément les IgM et les IgG spécifiques des antigènes ».
Le marquage CE n’est en rien un gage
Ce cahier des charges très précis, qui est une adaptation (aux spécificités de la crise sanitaire et du SARS-CoV-2) des critères classiques appliqués à l’évaluation des tests sérologiques rappelle de façon claire que le marquage CE que certains veulent voir comme un gage de fiabilité est très loin d’être suffisant, même s’il est également indispensable. C’est ce que rappelle de façon claire l’Académie de pharmacie dans un récent communiqué insistant : « Le marquage CE n’est en aucun cas une garantie absolue de qualité. Apposé par le fabricant, il indique seulement que la législation de l'Union européenne est respectée. C’est la raison pour laquelle tout nouveau test doit faire l’objet d’une évaluation dans des laboratoires de référence. Surtout, l’achat de tests sur internet doit être proscrit ».
Le biologiste médical : un référent incontournable
Compte tenu des enjeux, la période de validation pourrait donc encore prendre quelques semaines avant qu’un test sérologique puisse être finalement homologué et que son utilisation en routine puisse être envisagée. Se posera alors la question de la mise en œuvre de ces tests, concernant notamment les TROD et les autotests. Sur ce point, l’Académie de pharmacie recommande que « le biologiste médical soit le référent incontournable assurant la maîtrise de la qualité de l’analyse et la contextualisation du résultat en fonction des performances analytiques des réactifs utilisés ». Par ailleurs, l’ensemble des représentants des médecins, pharmaciens et biologistes (Ordres et Académies) ont insisté dans une déclaration commune pour que « Tous les examens non validés par le CNR soient interdits au risque de laisser se diffuser des techniques non fiables et sources d’incertitudes aux conséquences graves pour la santé publique (faux négatifs en particulier) ». A suivre.
Aurélie Haroche
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Publié le 27/04/2020
L’IDM par temps de Covid-19, une véritable course d’obstacles
Le (ou la) Covid-19 pose un double problème en santé publique : il faut répondre à la prise en charge hospitalière des formes graves de la maladie alors que les autres urgences n’ont évidemment pas disparu. L’exemple de l’infarctus du myocarde (IDM) aigu est particulièrement éclairant. Or le nombre d’admissions en rapport avec ce diagnostic a significativement diminué en Europe depuis le début de la pandémie pour diverses raisons.
Moins d’admissions pour IDM
En premier lieu, les patients, sont moins attentifs à leur état ou à leurs symptômes, et craignent de recourir à des services d’urgences qu’ils savent surchargés : il leur suffit de suivre le fil de l’actualité pour s’en convaincre. A quoi il faut ajouter la peur de contracter l’infection à l’hôpital ou de ne pas recevoir le traitement optimal. Le système de santé est du reste mis à dure épreuve à tous les niveaux : médecins de ville, infirmiers, ambulanciers etc. Tout concourt à ralentir le transport des patients victimes d’un IDM aigu vers une unité de soins intensifs (USI) où une angioplastie primaire pourrait être réalisée dans les meilleurs délais. La situation est encore plus préoccupante dans les régions les plus éloignées des centres urbains durement touchés par le Covid-19 et cela vaut pour tous les pays d’Europe.
Accéder à la revascularisation myocardique est ainsi devenu en peu de temps une véritable course d’obstacles dans laquelle les services d’urgences insuffisants ou saturés se dépêtrent tant bien que mal, d’autant que peuvent manquer à tous les niveaux les équipements de protection individuelle (EPI) et les disponibilités en temps, en personnel ou en moyens de toutes sortes. Les incertitudes diagnostiques viennent par ailleurs compliquer la prise en charge en retardant, par exemple, la mise en route d’une thrombolyse intraveineuse chez un patient dont le tableau clinique simulant un IDM aigu ne permet pas d’écarter la possibilité d’un Covid-19.
Quand le diagnostic d’IDM est posé avec certitude, la coronarographie réalisée en urgence peut révéler une atteinte pluritronculaire : comment procéder à une revascularisation myocardique optimale à l’heure actuelle, a fortiori chez un patient atteint du Covid-19 ? Il faut savoir se contenter de traiter la lésion coupable et de reporter l’angioplastie des lésions associées à des jours meilleurs, ce qui permet de raccourcir le séjour en USI. Tout cela, c’est de la théorie face à ce qui s’est passé sur le terrain en Italie et en Espagne, chiffres et vécu à l’appui…
A Bergame…
L’expérience de la ville de Bergame (Italie) durement frappée par l’épidémie à la fin février 2020 est particulièrement édifiante. A partir de ce moment, les urgences du seul hôpital Papa Giovanni ont été confrontées à un afflux massif de patients, très exactement 1 407 en 40 jours, tous atteints d’une pneumonie sévère, nécessitant une ventilation non invasive pour 400 d’entre eux et une intubation pour 150 autres. Dans la province de Bergame, le nombre de décès en mars 2020 s’est élevé à 5 400, dont 2 060 imputables au SARS-CoV-2 et survenus en milieu hospitalier. Face à ce tsunami, le réseau chargé de la prise en charge des IDM et de la cardiologie interventionnelle s’est transformé à toute allure en un autre modèle capable de concentrer en des lieux précis le personnel compétent et les activités urgentes : l’objectif a été de continuer à assurer la prise en charge des urgences cardiologiques et neurologiques, les AVC notamment, tout en mettant le plus de monde possible à la disposition des unités Covid-19 en pleine expansion au sein des hôpitaux de la région.
Dans une ambiance de film-catastrophe, le tri des patients dans l’urgence, leur acheminement vers la salle de cathétérisme, la formation du personnel soignant face à cette infection émergente, l’adoption des EPI …ont été autant d’étapes à mettre en protocoles à toute vitesse. En dépit de tous ces obstacles, l’angioplastie primaire a pu être proposée dans l’immense majorité des cas à bon escient avec quelque retard. En cas de syndrome de détresse respiratoire aiguë liée à un Covid-19, une thrombolyse intraveineuse était effectuée à la place de l’angioplastie quand l’intubation n’était pas nécessaire. Mais, dans les formes les plus sévères de la maladie, l’intubation précédait l’angioplastie primaire pour éviter la contamination par le SARS-CoV-2.
Quel a été le prix de ces obstacles multiples dans la province de Bergame? En mars 2020, 37 % d’angioplasties primaires pour IDM en moins et des délais de prise en charge allongés de 25 % par rapport au même mois de l’année précédente. Parallèlement, le nombre des IDM, les thromboses coronaires extensives et les phénomènes de no reflow ont été plus fréquents.
Comme à Madrid …
L’expérience de Madrid est au diapason du drame de Bergame : l’Espagne est parmi les pays les plus lourdement touchés par le Covid-19, plus particulièrement la ville de Madrid et sa province qui ont cumulé plus d’un tiers des cas nationaux de la maladie et autant de décès causés par cette dernière. Le pic de l’épidémie a été atteint le 5 avril 2020, mais entre-temps les protocoles appliqués par le réseau “Codigo Infarto Madrid" ont été malmenés selon une stratégie « à l’italienne » improvisée. Ce réseau à l’efficacité éprouvée permet, en temps normal, de prendre en charge chaque année 2 500 IDM aigus et de les traiter, dans 98 % des cas, par angioplastie primaire au sein de 11 unités de cathétérisme cardiaque disponibles 24/7. La saturation des services d’urgences d’un bout à l’autre de la chaîne a bouleversé la donne : une enquête réalisée à Madrid a révélé que le nombre d’angioplasties primaires a diminué de moitié depuis le début de l’épidémie, cependant que celui des thrombolyses IV a légèrement augmenté, ces dernières étant effectuées dans des centres le plus souvent non spécialisés. Face à cette situation, la communauté cardiologique espagnole s’est lancée dans une campagne d’information et de sensibilisation auprès de la population par l’intermédiaire des journaux et des réseaux sociaux. Objectif : au fur et à mesure que la crise sanitaire perd de son ampleur, restaurer les bonnes habitudes dans la prise en charge de l’IDM aigu.
En attendant, ici comme ailleurs, tous les patients sont traités comme s’ils étaient atteints du Covid-19 et la revascularisation myocardique dans l’urgence reste la stratégie de choix en dépit des obstacles qu’elle rencontre à Bergame et Madrid, mais aussi dans bien d’autres grandes villes… Le défi est de taille, mais il reste à la portée des systèmes de santé des pays à haut revenu pour peu que toutes les parties prenantes fassent preuve de la même volonté.
Dr Catherine Watkins
Référence
Roffi M et coll. The Obstacle Course of Reperfusion for STEMI in the COVID-19 Pandemics. Circulation. 2020 (21 avril) : publication avancée en ligne le 21 avril. doi: 10.1161/CIRCULATIONAHA.120.047523.
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Publié le 28/04/2020
Exclusif : la messe est dite, les pros favorables à une obligation du port du masque pour tous
Paris, le mardi 28 avril 2020 – S’il était pertinent (et sans doute cela ne l’est guère) de vouloir dresser aujourd’hui un bilan de la gestion de l’épidémie par le gouvernement français, en dépit des différents couacs de communication autour du déconfinement et des retards concernant la mobilisation des ressources pour la réalisation des tests, c’est probablement la question des masques qui s’imposera comme le symbole de ses limites et erreurs.
Des cautions scientifiques pour masquer l’impréparation
Plusieurs enquêtes, que nous avons déjà évoquées dans ces colonnes, ont confirmé comment le gouvernement avait tenté de dissimuler la pénurie de masques (liée en partie au non renouvellement des stocks d’état par ses prédécesseurs) en dissuadant très leur utilisation par la population générale (en mettant en avant des arguments scientifiques en défaveur de leur généralisation et en taisant ceux, plus nombreux, en faveur d’un recours plus large). Peu à peu, la vérité a pu se faire jour sur l’impréparation du gouvernement et sur les très grandes difficultés rencontrées par la France (à l’instar il faut le dire de tous les autres pays d’Europe) pour tenter de répondre à l’urgence, dans un contexte d’hyper concurrence et de production restreinte en raison de l’épidémie.
Plébiscite pragmatique pour les masques grand public
Les dissimulations premières et les impréparations ont participé à une communication totalement erratique qui voit aujourd’hui les mêmes qui déconseillaient fortement l’utilisation du masque, y compris du « masque grand public », le recommander désormais voir de souhaiter le rendre obligatoire. Il faut dire que la très grande majorité des sociétés savantes défend aujourd’hui, en s’appuyant notamment sur des données empiriques, le port du masque pour tous, certains espérant même l’adoption de mesures contraignantes. S’inscrivant dans cette lignée, les professionnels de santé se montrent aujourd’hui majoritairement favorables à un port du masque obligatoire dans la population générale (quel que soit le type de masque).
C’est ce que révèle un sondage réalisé sur JIM ces derniers jours. Avec une participation record (1906 répondeurs), nos résultats montrent que 61 % des professionnels de santé considèrent que le port du masque devrait être rendu obligatoire pour toute la population, quel que soit son type, tandis que 26 % seraient en accord avec une telle mesure à condition que des masques chirurgicaux soient disponibles pour tout le monde. Ainsi, on le voit, en dépit des incertitudes concernant les qualités de filtration des masques en tissu, les professionnels de santé évaluent la situation actuelle de façon pragmatique (comme l’Académie de médecine) et paraissent juger que cet outil doit faire partie des dispositifs incontournables au moment du déconfinement, couplé avec les autres mesures barrières (distanciation et lavage des mains). Une petite minorité (12 %) de professionnels de santé, s’interrogeant peut-être sur les risques liés au port du masque (mauvaise utilisation et possible relâchement des autres mesures barrières plus efficaces, notamment le lavage des mains) se montrent hostiles à l’idée d’obligation, d’autant plus que des incertitudes demeurent quant à la qualité de filtration de certains types de masques et à la pertinence de leur recours dans certaines situations (espaces extérieurs ou la distanciation sociale est possible notamment).
Gérer la pénurie, encore et toujours
En dépit de l’attente des professionnels de santé et des sociétés savantes et de l’adhésion des Français au port du masque (comme en témoignent les sondages réalisés en population générale et la multiplication des masques dans les rues), le gouvernement ne devrait pas édicter d’obligation du port du masque en population générale dans toutes les situations (à l’exception probablement des transports). Une fois encore, il est probable que ce choix soit en partie dicté par l’insuffisance des stocks de masques grand public disponibles. Ainsi, cette semaine 20 millions de masques grand public devraient être accessibles (grâce aux importations et aux livraisons des entreprises françaises dont les prototypes ont reçu le label de l’Afnor) permettant autour de 151 millions d’usages. La semaine du 11 mai, ce seront 38 millions de masques (soit autour de 511 millions d’usages) qui devraient être en circulation. Dans une note de Bercy du 14 avril, dévoilée le 26 avril par le Journal du Dimanche les besoins ont été évalués à minima (à raison de deux usages par jour et par personne, cinq jours par semaine), à 376 millions d’usages hebdomadaires pour le déconfinement des secteurs prioritaires et 600 millions pour l’ensemble de la population.
L’excuse de l’innovation !
Les tensions d’approvisionnement qui se profilent pourraient conduire à une envolée des prix. Pourtant, à la différence du gouvernement italien, la France se refuse pour l’heure à envisager la fixation d’un prix maximum, afin de ne pas freiner « l’innovation » a expliqué le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie, Agnès Pannier-Runacher. Cependant, cette position pourrait (devrait ?) évidemment évoluer, à l’instar d’un très grand nombre de « dogmes » associés à cette épidémie. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes doit ainsi présenter demain « des propositions permettant de garantir la qualité et l’accessibilité en termes de prix des masques vendus au grand public ». Les pharmaciens espèrent que cette saisie permettra de répondre à certaines de leurs questions et notamment à celle de la possibilité de distribuer gratuitement des protections aux plus précaires.
Des canaux de distribution multiples
Parallèlement à cette question du prix et alors que cette excuse de « l’innovation » apparaît peu satisfaisante, il semble illusoire d’attendre de la part du gouvernement une gestion plus claire concernant la distribution des masques lavables que celle qui a prévalu pour les masques chirurgicaux et FFP2 à destination des professionnels de santé. Il a ainsi fallu attendre ce week-end pour qu’enfin les pharmacies soient autorisées à commercialiser ces masques grand public, créant ce lundi un afflux de patients, le plus souvent très déçus : la plupart des officines n’ont en effet nullement eu le temps de s’approvisionner. Parallèlement, dans les « territoires », des distributions commencent à être organisées partout par les mairies, ciblant en priorité les populations les plus fragiles. Et dans ce cadre, les masques sont gratuits.
Aurélie Haroche
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Tests sérologiques : il faut sortir de la grande confusion
Paris, le mercredi 22 avril 2020 – Depuis plusieurs semaines, le lancement de campagnes locales de dépistage sérologique, afin de déterminer la proportion de la population ayant été en contact avec SARS-CoV-2, est régulièrement annoncé. Parallèlement, des laboratoires ont commencé à proposer dans certains départements des tests sérologiques rapides (des tests rapides d’orientation diagnostic ou TROD) accessibles sans ordonnance. Pourtant, les autorités rappellent également depuis plusieurs jours que, pour l’heure, il n’existe aucun test sérologique validé et que les dispositifs existant doivent être réservés à l’usage scientifique.
Le ministre de la Santé, Olivier Véran a par exemple mis en garde dimanche lors de sa conférence de presse contre le manque de fiabilité de certains tests étrangers, parfois accessibles sur internet. « Certains d’entre eux ont 40% de faux négatifs, donc près d’une chance sur deux de ne pas être détectés, quand bien même vous feriez ce test sérologique », a-t-il détaillé. Des faux positifs sont également possibles. « Certains kits montraient 10% d’igG anti-Covid positif sur du sang datant de 2017 », remarque par exemple cité par CheckNews, le président du Syndicat des jeunes biologistes médicaux Lionel Barrand.
Zones d’ombre
Comme l’illustrent ces exemples de faux négatifs et de faux positifs, de nombreux obstacles demeurent encore pour l’élaboration de tests fiables. Par ailleurs, compte tenu des incertitudes concernant les mécanismes immunologiques de l’infection par SARS-CoV-2, les tests en cours de validation ne pourront apporter qu’une seule certitude : « Les tests sérologiques permettent uniquement de déterminer si une personne a produit des anticorps en réponse à une infection par le virus SARS-CoV-2 » insiste la Haute autorité de Santé (HAS). Pour le reste, les zones d’ombre sont multiples : « La cinétique de production des anticorps contre le virus est encore aujourd’hui mal caractérisée principalement chez les patients asymptomatiques. La durée de protection éventuelle est également mal connue » résume la HAS.
Comparaison avec les tests sérologiques de référence
Outils dont la portée informative demeure encore réduite, les tests sérologiques doivent de plus être l’objet d’une vigilance absolue concernant leur validation. Cette tâche a été confiée au Centre national de référence (CNR) de l’Institut Pasteur dont l’avis repose sur l’analyse des résultats et la comparaison avec ses tests sérologiques de référence. « Ces tests de référence sont établis par des laboratoires aux moyens assez conséquents. Mais ils n'ont pas la capacité de faire des tests pour toute la population » explique cité par LCI Michaël Schwarzinger, chercheur associé à l'Inserm IAME (infection, anti-microbiens, modélisation, évolution) et au CHU Bichat (Paris). Concernant les critères, la HAS a rappelé la semaine dernière les attendus indispensables quant à « l’évaluation des performances des tests », qu’il s’agisse des tests « automatisables ou unitaires, qualitatifs ou semi-quantitatifs » et quelle que soit la technique sérologique utilisée (ELISA, immunochromatographie…).
Une spécificité analytique attendue de 100 %
La HAS rappelle d’abord que l’évaluation des tests sérologiques suppose classiquement trois étapes : les validations in vitro, (« le test mesure-t-il bien ce qu’il est censé mesurer et de façon correcte ? »), la validité clinique et la mesure de l'utilité clinique. Plus précisément, la HAS détaille les données de validité analytique qui doivent être produites et publiées. Elles concernent d’abord la précision du test qui repose sur la « répétabilité (…) la précision intermédiaire (…) et la reproductibilité (…) qui exprime les résultats entre différents laboratoires ».
Elles doivent également permettre de vérifier l’exactitude, la justesse, « la sensibilité analytique (ou limite de détection) (…) la valeur seuil de positivité ». Concernant la spécificité analytique, la HAS indique que pour le SARS-CoV-2, il s’agit d’écarter le risque de réaction avec « d'autres anticorps dirigés contre des virus apparentés au SARS-CoV2, des virus provoquant des infections respiratoires communes, ou d’autres composés connus pour donner des réactions croisées non spécifiques (facteur rhumatoïde notamment) ». La HAS insiste sur le fait que « La spécificité analytique attendue est de 100 %. Dans tous les cas, le fabricant doit indiquer la méthodologie adoptée ayant permis d’estimer la spécificité analytique du test ».
Une sensibilité clinique acceptable entre 90 et 95 %
Devra nécessairement également être précisée la sensibilité clinique. « Dans la mesure où la sensibilité clinique des tests de sérologie peut varier en fonction de la période de prélèvement du test (première ou deuxième semaine après l’apparition des symptômes par exemple), il conviendra de documenter explicitement le panel de sérums ayant conduit à la validation de la sensibilité clinique (…). En théorie, une sensibilité clinique de 100 % est attendue afin de minimiser le plus possible le nombre de faux-négatifs. La sensibilité des tests sérologiques doit donc tendre vers cette valeur. Toutefois, compte tenu des connaissances actuelles, la valeur seuil minimale acceptable pour la sensibilité clinique est estimée à 90 ou 95 % selon l’usage du test » relève la HAS. Enfin, concernant la spécificité, la valeur seuil minimale acceptable est de 98 % quel que soit le type de test. La HAS note enfin que « Les tests sérologiques recommandés doivent préférentiellement permettre au sein d’un même test de détecter séparément les IgM et les IgG spécifiques des antigènes ».
Le marquage CE n’est en rien un gage
Ce cahier des charges très précis, qui est une adaptation (aux spécificités de la crise sanitaire et du SARS-CoV-2) des critères classiques appliqués à l’évaluation des tests sérologiques rappelle de façon claire que le marquage CE que certains veulent voir comme un gage de fiabilité est très loin d’être suffisant, même s’il est également indispensable. C’est ce que rappelle de façon claire l’Académie de pharmacie dans un récent communiqué insistant : « Le marquage CE n’est en aucun cas une garantie absolue de qualité. Apposé par le fabricant, il indique seulement que la législation de l'Union européenne est respectée. C’est la raison pour laquelle tout nouveau test doit faire l’objet d’une évaluation dans des laboratoires de référence. Surtout, l’achat de tests sur internet doit être proscrit ».
Le biologiste médical : un référent incontournable
Compte tenu des enjeux, la période de validation pourrait donc encore prendre quelques semaines avant qu’un test sérologique puisse être finalement homologué et que son utilisation en routine puisse être envisagée. Se posera alors la question de la mise en œuvre de ces tests, concernant notamment les TROD et les autotests. Sur ce point, l’Académie de pharmacie recommande que « le biologiste médical soit le référent incontournable assurant la maîtrise de la qualité de l’analyse et la contextualisation du résultat en fonction des performances analytiques des réactifs utilisés ». Par ailleurs, l’ensemble des représentants des médecins, pharmaciens et biologistes (Ordres et Académies) ont insisté dans une déclaration commune pour que « Tous les examens non validés par le CNR soient interdits au risque de laisser se diffuser des techniques non fiables et sources d’incertitudes aux conséquences graves pour la santé publique (faux négatifs en particulier) ». A suivre.
Aurélie Haroche
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Publié le 27/04/2020
L’IDM par temps de Covid-19, une véritable course d’obstacles
Le (ou la) Covid-19 pose un double problème en santé publique : il faut répondre à la prise en charge hospitalière des formes graves de la maladie alors que les autres urgences n’ont évidemment pas disparu. L’exemple de l’infarctus du myocarde (IDM) aigu est particulièrement éclairant. Or le nombre d’admissions en rapport avec ce diagnostic a significativement diminué en Europe depuis le début de la pandémie pour diverses raisons.
Moins d’admissions pour IDM
En premier lieu, les patients, sont moins attentifs à leur état ou à leurs symptômes, et craignent de recourir à des services d’urgences qu’ils savent surchargés : il leur suffit de suivre le fil de l’actualité pour s’en convaincre. A quoi il faut ajouter la peur de contracter l’infection à l’hôpital ou de ne pas recevoir le traitement optimal. Le système de santé est du reste mis à dure épreuve à tous les niveaux : médecins de ville, infirmiers, ambulanciers etc. Tout concourt à ralentir le transport des patients victimes d’un IDM aigu vers une unité de soins intensifs (USI) où une angioplastie primaire pourrait être réalisée dans les meilleurs délais. La situation est encore plus préoccupante dans les régions les plus éloignées des centres urbains durement touchés par le Covid-19 et cela vaut pour tous les pays d’Europe.
Accéder à la revascularisation myocardique est ainsi devenu en peu de temps une véritable course d’obstacles dans laquelle les services d’urgences insuffisants ou saturés se dépêtrent tant bien que mal, d’autant que peuvent manquer à tous les niveaux les équipements de protection individuelle (EPI) et les disponibilités en temps, en personnel ou en moyens de toutes sortes. Les incertitudes diagnostiques viennent par ailleurs compliquer la prise en charge en retardant, par exemple, la mise en route d’une thrombolyse intraveineuse chez un patient dont le tableau clinique simulant un IDM aigu ne permet pas d’écarter la possibilité d’un Covid-19.
Quand le diagnostic d’IDM est posé avec certitude, la coronarographie réalisée en urgence peut révéler une atteinte pluritronculaire : comment procéder à une revascularisation myocardique optimale à l’heure actuelle, a fortiori chez un patient atteint du Covid-19 ? Il faut savoir se contenter de traiter la lésion coupable et de reporter l’angioplastie des lésions associées à des jours meilleurs, ce qui permet de raccourcir le séjour en USI. Tout cela, c’est de la théorie face à ce qui s’est passé sur le terrain en Italie et en Espagne, chiffres et vécu à l’appui…
A Bergame…
L’expérience de la ville de Bergame (Italie) durement frappée par l’épidémie à la fin février 2020 est particulièrement édifiante. A partir de ce moment, les urgences du seul hôpital Papa Giovanni ont été confrontées à un afflux massif de patients, très exactement 1 407 en 40 jours, tous atteints d’une pneumonie sévère, nécessitant une ventilation non invasive pour 400 d’entre eux et une intubation pour 150 autres. Dans la province de Bergame, le nombre de décès en mars 2020 s’est élevé à 5 400, dont 2 060 imputables au SARS-CoV-2 et survenus en milieu hospitalier. Face à ce tsunami, le réseau chargé de la prise en charge des IDM et de la cardiologie interventionnelle s’est transformé à toute allure en un autre modèle capable de concentrer en des lieux précis le personnel compétent et les activités urgentes : l’objectif a été de continuer à assurer la prise en charge des urgences cardiologiques et neurologiques, les AVC notamment, tout en mettant le plus de monde possible à la disposition des unités Covid-19 en pleine expansion au sein des hôpitaux de la région.
Dans une ambiance de film-catastrophe, le tri des patients dans l’urgence, leur acheminement vers la salle de cathétérisme, la formation du personnel soignant face à cette infection émergente, l’adoption des EPI …ont été autant d’étapes à mettre en protocoles à toute vitesse. En dépit de tous ces obstacles, l’angioplastie primaire a pu être proposée dans l’immense majorité des cas à bon escient avec quelque retard. En cas de syndrome de détresse respiratoire aiguë liée à un Covid-19, une thrombolyse intraveineuse était effectuée à la place de l’angioplastie quand l’intubation n’était pas nécessaire. Mais, dans les formes les plus sévères de la maladie, l’intubation précédait l’angioplastie primaire pour éviter la contamination par le SARS-CoV-2.
Quel a été le prix de ces obstacles multiples dans la province de Bergame? En mars 2020, 37 % d’angioplasties primaires pour IDM en moins et des délais de prise en charge allongés de 25 % par rapport au même mois de l’année précédente. Parallèlement, le nombre des IDM, les thromboses coronaires extensives et les phénomènes de no reflow ont été plus fréquents.
Comme à Madrid …
L’expérience de Madrid est au diapason du drame de Bergame : l’Espagne est parmi les pays les plus lourdement touchés par le Covid-19, plus particulièrement la ville de Madrid et sa province qui ont cumulé plus d’un tiers des cas nationaux de la maladie et autant de décès causés par cette dernière. Le pic de l’épidémie a été atteint le 5 avril 2020, mais entre-temps les protocoles appliqués par le réseau “Codigo Infarto Madrid" ont été malmenés selon une stratégie « à l’italienne » improvisée. Ce réseau à l’efficacité éprouvée permet, en temps normal, de prendre en charge chaque année 2 500 IDM aigus et de les traiter, dans 98 % des cas, par angioplastie primaire au sein de 11 unités de cathétérisme cardiaque disponibles 24/7. La saturation des services d’urgences d’un bout à l’autre de la chaîne a bouleversé la donne : une enquête réalisée à Madrid a révélé que le nombre d’angioplasties primaires a diminué de moitié depuis le début de l’épidémie, cependant que celui des thrombolyses IV a légèrement augmenté, ces dernières étant effectuées dans des centres le plus souvent non spécialisés. Face à cette situation, la communauté cardiologique espagnole s’est lancée dans une campagne d’information et de sensibilisation auprès de la population par l’intermédiaire des journaux et des réseaux sociaux. Objectif : au fur et à mesure que la crise sanitaire perd de son ampleur, restaurer les bonnes habitudes dans la prise en charge de l’IDM aigu.
En attendant, ici comme ailleurs, tous les patients sont traités comme s’ils étaient atteints du Covid-19 et la revascularisation myocardique dans l’urgence reste la stratégie de choix en dépit des obstacles qu’elle rencontre à Bergame et Madrid, mais aussi dans bien d’autres grandes villes… Le défi est de taille, mais il reste à la portée des systèmes de santé des pays à haut revenu pour peu que toutes les parties prenantes fassent preuve de la même volonté.
Dr Catherine Watkins
Référence
Roffi M et coll. The Obstacle Course of Reperfusion for STEMI in the COVID-19 Pandemics. Circulation. 2020 (21 avril) : publication avancée en ligne le 21 avril. doi: 10.1161/CIRCULATIONAHA.120.047523.
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Publié le 28/04/2020
Exclusif : la messe est dite, les pros favorables à une obligation du port du masque pour tous
Paris, le mardi 28 avril 2020 – S’il était pertinent (et sans doute cela ne l’est guère) de vouloir dresser aujourd’hui un bilan de la gestion de l’épidémie par le gouvernement français, en dépit des différents couacs de communication autour du déconfinement et des retards concernant la mobilisation des ressources pour la réalisation des tests, c’est probablement la question des masques qui s’imposera comme le symbole de ses limites et erreurs.
Des cautions scientifiques pour masquer l’impréparation
Plusieurs enquêtes, que nous avons déjà évoquées dans ces colonnes, ont confirmé comment le gouvernement avait tenté de dissimuler la pénurie de masques (liée en partie au non renouvellement des stocks d’état par ses prédécesseurs) en dissuadant très leur utilisation par la population générale (en mettant en avant des arguments scientifiques en défaveur de leur généralisation et en taisant ceux, plus nombreux, en faveur d’un recours plus large). Peu à peu, la vérité a pu se faire jour sur l’impréparation du gouvernement et sur les très grandes difficultés rencontrées par la France (à l’instar il faut le dire de tous les autres pays d’Europe) pour tenter de répondre à l’urgence, dans un contexte d’hyper concurrence et de production restreinte en raison de l’épidémie.
Plébiscite pragmatique pour les masques grand public
Les dissimulations premières et les impréparations ont participé à une communication totalement erratique qui voit aujourd’hui les mêmes qui déconseillaient fortement l’utilisation du masque, y compris du « masque grand public », le recommander désormais voir de souhaiter le rendre obligatoire. Il faut dire que la très grande majorité des sociétés savantes défend aujourd’hui, en s’appuyant notamment sur des données empiriques, le port du masque pour tous, certains espérant même l’adoption de mesures contraignantes. S’inscrivant dans cette lignée, les professionnels de santé se montrent aujourd’hui majoritairement favorables à un port du masque obligatoire dans la population générale (quel que soit le type de masque).
C’est ce que révèle un sondage réalisé sur JIM ces derniers jours. Avec une participation record (1906 répondeurs), nos résultats montrent que 61 % des professionnels de santé considèrent que le port du masque devrait être rendu obligatoire pour toute la population, quel que soit son type, tandis que 26 % seraient en accord avec une telle mesure à condition que des masques chirurgicaux soient disponibles pour tout le monde. Ainsi, on le voit, en dépit des incertitudes concernant les qualités de filtration des masques en tissu, les professionnels de santé évaluent la situation actuelle de façon pragmatique (comme l’Académie de médecine) et paraissent juger que cet outil doit faire partie des dispositifs incontournables au moment du déconfinement, couplé avec les autres mesures barrières (distanciation et lavage des mains). Une petite minorité (12 %) de professionnels de santé, s’interrogeant peut-être sur les risques liés au port du masque (mauvaise utilisation et possible relâchement des autres mesures barrières plus efficaces, notamment le lavage des mains) se montrent hostiles à l’idée d’obligation, d’autant plus que des incertitudes demeurent quant à la qualité de filtration de certains types de masques et à la pertinence de leur recours dans certaines situations (espaces extérieurs ou la distanciation sociale est possible notamment).
Gérer la pénurie, encore et toujours
En dépit de l’attente des professionnels de santé et des sociétés savantes et de l’adhésion des Français au port du masque (comme en témoignent les sondages réalisés en population générale et la multiplication des masques dans les rues), le gouvernement ne devrait pas édicter d’obligation du port du masque en population générale dans toutes les situations (à l’exception probablement des transports). Une fois encore, il est probable que ce choix soit en partie dicté par l’insuffisance des stocks de masques grand public disponibles. Ainsi, cette semaine 20 millions de masques grand public devraient être accessibles (grâce aux importations et aux livraisons des entreprises françaises dont les prototypes ont reçu le label de l’Afnor) permettant autour de 151 millions d’usages. La semaine du 11 mai, ce seront 38 millions de masques (soit autour de 511 millions d’usages) qui devraient être en circulation. Dans une note de Bercy du 14 avril, dévoilée le 26 avril par le Journal du Dimanche les besoins ont été évalués à minima (à raison de deux usages par jour et par personne, cinq jours par semaine), à 376 millions d’usages hebdomadaires pour le déconfinement des secteurs prioritaires et 600 millions pour l’ensemble de la population.
L’excuse de l’innovation !
Les tensions d’approvisionnement qui se profilent pourraient conduire à une envolée des prix. Pourtant, à la différence du gouvernement italien, la France se refuse pour l’heure à envisager la fixation d’un prix maximum, afin de ne pas freiner « l’innovation » a expliqué le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie, Agnès Pannier-Runacher. Cependant, cette position pourrait (devrait ?) évidemment évoluer, à l’instar d’un très grand nombre de « dogmes » associés à cette épidémie. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes doit ainsi présenter demain « des propositions permettant de garantir la qualité et l’accessibilité en termes de prix des masques vendus au grand public ». Les pharmaciens espèrent que cette saisie permettra de répondre à certaines de leurs questions et notamment à celle de la possibilité de distribuer gratuitement des protections aux plus précaires.
Des canaux de distribution multiples
Parallèlement à cette question du prix et alors que cette excuse de « l’innovation » apparaît peu satisfaisante, il semble illusoire d’attendre de la part du gouvernement une gestion plus claire concernant la distribution des masques lavables que celle qui a prévalu pour les masques chirurgicaux et FFP2 à destination des professionnels de santé. Il a ainsi fallu attendre ce week-end pour qu’enfin les pharmacies soient autorisées à commercialiser ces masques grand public, créant ce lundi un afflux de patients, le plus souvent très déçus : la plupart des officines n’ont en effet nullement eu le temps de s’approvisionner. Parallèlement, dans les « territoires », des distributions commencent à être organisées partout par les mairies, ciblant en priorité les populations les plus fragiles. Et dans ce cadre, les masques sont gratuits.
Aurélie Haroche
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