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par Arnaud BASSEZ » ven. avr. 10, 2009 3:54 pm
Ordre infirmier : la présidente s’explique sur le montant de la cotisation
Le montant de la cotisation annuelle à l’ordre infirmier, obligatoire pour exercer légalement, est fixé à 75 euros. Le conseil national de l’ordre infirmier en a décidé ainsi par un vote en séance du 3 avril après avoir consulté les présidents des conseils départementaux et régionaux le mercredi 1er avril. Alors que les esprits s’attendaient davantage à une cotisation autour de 30 euros, des voix critiques, voire en colère, s’élèvent (1). La présidente de l’ordre, Dominique Le Bœuf, justifie cette décision ainsi que le budget dont l’ordre des infirmiers sera bientôt doté.
Pourquoi ne pas avoir transmis aux départements et aux régions les éléments d’information bien en amont, ce qui aurait évité l’effet de surprise, voire le sentiment d’une trahison ?
Il y en a toujours qui se laissent surprendre, à commencer par ceux qui ont promis une cotisation à 30 euros. Mais tous ceux qui ont déjà des affaires en instance ont compris. Nous sommes confrontés au principe de réalité. J’ai fait le choix de réunir les présidents départementaux et régionaux avant le vote du conseil national pour les informer et les consulter parce que ça me semblait important.
Mercredi 1er avril, les présidents départementaux et régionaux qui étaient venus avec 30 euros en tête, ont accepté pour certains de revoir leur position compte tenu des nouvelles informations communiquées entre temps. A la fin de la journée, le sentiment de l’assemblée se situait plutôt autour d’une cinquantaine d’euros.
Le conseil national a-t-il tenu compte de cette consultation ?
Bien sûr puisque nous avons revu le budget à la baisse : de plus de 80 euros de cotisation, nous sommes descendus à 75 euros. Mais la loi prévoit que seul le conseil national vote. Or je vous rappelle que le conseil national a été élu, c’est donc en toute démocratie que la décision s’est prise.
75 euros multipliés par 470.000 IDE, ça fait environ 35 millions d’euros de budget annuel. Qu’est-ce qui va coûter si cher dans le fonctionnement de l’ordre ?
Il y a énormément de dépenses que les gens ne mesurent pas. Je vous donne un exemple : en cas de suspension d’exercice pour état pathologique en urgence, l’ordre est obligé de réunir une commission restreinte pour statuer dans l’intérêt de l’infirmier comme dans celui des patients. Pour pouvoir statuer, il faut convoquer trois médecins experts. Or un médecin expert prend entre 500 et 1.000 euros. J’ai déjà quatre dossiers de ce type en régions. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.
Pouvez-vous nous expliquer ce qui a présidé au choix de la répartition des quote-parts nationale (50%), départementale (40%) et régionale (10%) ?
On n’a rien choisi, on s’est aligné sur ce que font à peu près tous les ordres. Les 50% du national vont servir à équiper tous les départements et régions en informatique et en bureautique, à instaurer un pôle juridique qui servira aux départements, à installer un service de communication à l’usage de l’ordre dans son ensemble. Les 40% des départements se justifient car ce sont eux qui vont enregistrer tous les infirmiers. Personne ne réalise aujourd’hui le travail que ça représente.
Pensez-vous que cette répartition permettra aux petits départements, pauvres en infirmières, de fonctionner ?
Tout à fait. En revanche, une cotisation à 30 euros ne leur aurait jamais permis de fonctionner. Et d’ailleurs je me demande dans quelle mesure il ne va pas falloir aider en particulier les infirmières des tout petits départements, eu égard à la pénurie.
Où sera situé le siège de l’ordre ?
A Paris, c’est sûr, mais je ne sais pas encore où. Je cherche un endroit, le moins cher possible.
Vous savez déjà qu’il faudra 800 mètres carrés ?
Oui, c’est ce qu’il faut, sachant que ces locaux seront mutualisés entre trois assemblées : le conseil national, le conseil régional d’Île-de-France et le conseil départemental de Paris. Ceux qui sont contre oublient que dans ces locaux, il faut des toilettes, des accès pour personnes handicapées, un accueil, etc.
De combien de salariés l’ordre disposera-t-il ?
La fourchette se situe entre 30 et 34 personnes en tout. Ça peut sembler beaucoup, mais pour s’occuper de l’exercice d’un demi-million d’infirmières, gérer l’informatique, la communication, etc., c’est raisonnable. A titre de comparaison, les pédicures podologues qui sont 12.000, ont trois juristes. Nous en aurons quatre.
Donc vous n’estimez pas avoir «vu trop grand», comme certains commencent à vous le reprocher ?
Si on ne se donne pas les moyens, on ne fait rien. Si tout le monde trouve que c’est trop cher, j’ai une solution : on abroge l’ordre. Et d’ailleurs, trop cher par rapport à quoi ? 75 euros par an, c’est 6,25 euros par mois ! Les autres ordres infirmiers en Europe sont tous à plus de 80 euros de cotisation annuelle. Il y a 500.000 infirmières en France, vous imaginez les courriers à envoyer ! Si on ne sert que d’annexe à la Ddass comme chambre d’enregistrement, ce n’est pas la peine de faire un ordre. Croyez-moi, je ne suis pas irresponsable, ce budget est rationnel.
Quand pensez-vous être en mesure de lancer l’appel à cotisation ?
Le plus vite possible. Cela va dépendre du rythme auquel on va monter le système informatique.
Ne redoutez-vous pas l’hostilité des syndicats ? Force ouvrière dénonce « un impôt » qui « va amputer encore un peu plus le pouvoir d’achat des infirmières », la CFDT parle carrément de « racket » et de « provocation injuste et scandaleuse »…
Racket, ce mot est très fort, on n’est pas loin de la diffamation. Mais au-delà des mots, les syndicats sont dans leur rôle, il n’y a rien de nouveau. Ils étaient hostiles à l’ordre dès le début, cela fait des semaines qu’ils préparent le terrain. Dans tous les hôpitaux, les infirmières étaient préparées à une cotisation à 30 euros par les syndicats. Mais on ne va pas se priver d’assurer l’autonomie de l’ordre rien que parce que les syndicats ne sont pas contents. En revanche cette cotisation nous oblige. Il va falloir qu’on soit capable de produire des résultats d’ici la fin de l’année. Les gens veulent payer pour voir et c’est normal. C’est un terrible challenge.
Propos recueillis par Cécile Almendros, espaceinfirmier.com