Mort de Lénine : AVC, syphilis ou anomalie génétique ?
Près de 90 ans après sa mort, trois médecins russo-américains ont repris et analysé avec leurs connaissances de 2013 le rapport d'autopsie du père de la révolution russe (1870 - 1924). Ils sont convaincus que Lénine est mort à cause d'une maladie génétique, impossible à détecter en 1924, écartant les thèses de la syphilis et de l’accident vasculaire cérébral.
Photographié dans son fauteuil roulant à la fin de sa vie, il semble ne plus avoir l'usage de son bras droit et, surtout, son œil droit, grand ouvert et figé de manière surnaturelle. C’est l'été 1923 et Lénine, de son vrai nom Vladimir Ilitch Oulianov, le révolutionnaire russe et fondateur de l'URSS, n'est plus que l'ombre de lui-même.
Trois balles
Tout a commencé deux ans plus tôt, en 1921. Vladimir Ilitch Oulianov a alors 51 ans. Souffrant de maux de tête et d'insomnies, il éprouve des difficultés à maintenir son rythme de travail habituel.
Autre signe inquiétant : lui qui a toujours été un bon orateur a parfois du mal à trouver ses mots et il claque impatiemment des doigts comme pour les obliger à venir plus vite. En mai 1922, il est victime d'un premier accident vasculaire cérébral dont il se remet en quelques mois. En décembre, un deuxième AVC le frappe qui marque la fin de sa carrière politique en même temps qu'il paralyse son côté droit. En mars 1923, une troisième attaque cérébrale le prive définitivement de la parole.
Lénine meurt le 21 janvier 1924 à l'âge de 53 ans, avec un corps très abimé, malgré une bonne hygiène de vie : il ne fumait pas, interdisait qu'on allume une cigarette en sa présence, faisait de l'exercice, buvait modérément et n'était pas obèse. Ses médecins pensent alors que l'origine de ses problèmes de santé était liée aux deux balles restées dans son corps après l'attentat dont il avait été victime en 1918 - une des trois balles tirée par la dissidente Fanny Kaplan est logée dans son cou, trop proche de la colonne vertébrale pour qu'on puisse tenter une opération chirurgicale avec les techniques médicales de l'époque.
Salvarsan
Trois médecins israéliens ont, dans une
étude publiée en 2004, posé un nouveau diagnostic sur la fin de Vladimir Ilitch Oulianov. Pour eux, les troubles neurologiques dont a souffert Lénine à la fin de sa vie correspondaient parfaitement à ceux que peuvent provoquer les derniers stades de la syphilis. D'ailleurs, soulignaient-ils, il est avéré que le révolutionnaire avait pris du Salvarsan, une molécule contenant de l'arsenic, ainsi que de l'iodure de potassium, qui, à l'époque, constituaient les traitements de référence contre cette maladie vénérienne. Les auteurs de cette étude n'ayant pas apporté la preuve formelle, les avis sur cette conclusion sont restés partagés .
Des documents rendus publics suite à la chute de l'URSS, ainsi que les mémoires des médecins de Lénine, évoquent un traitement pour la syphilis dès 1895. Selon les documents, on aurait donné l'ordre à Alexi Abrikosov, le pathologiste chargé de l'autopsie, de prouver que Lénine n’est pas mort de syphilis, fin trop peu glorieuse pour un homme de son rang. Abrikosov ne mentionne pas la syphilis dans l'autopsie, mais le second rapport d'autopsie ne parle d'aucun des organes, des principales artères ou des régions du cerveau habituellement affectés par la syphilis, alors que les lésions aux vaisseaux du cerveau, la paralysie et certaines autres affections qu’il mentionne sont typiques de cette maladie.
Son minéral
Une nouvelle étude de l'autopsie publiée en février 2013 dans la revue Human Pathology a montré que les AVC à répétition de Lénine étaient plutôt dus à une importante athérosclérose de ses artères cérébrales. Celles-ci s'avérèrent presque bouchées et ne laissaient quasiment plus passer de sang.
Selon les trois médecins américano-russe auteurs de l’étude, la taille importante des lésions du cerveau de Lénine et leur emplacement correspondent peu à ce que provoque d'ordinaire une syphilis. Ces chercheurs soulignent également qu'aucun des autres signes potentiels de la maladie vénérienne (atteintes cardiaques ou osseuses) n'a été retrouvé lors de l'autopsie.
Lors de l'analyse du corps, un médecin constata, en frappant une de ces artères avec une pince chirurgicale, qu'elle rendait un son minéral, comme si sa calcification l'avait fossilisée. Les gros vaisseaux sanguins du cerveau de Lénine, rigidifiés par les plaques d'athérome, étaient en quelque sorte en train de se pétrifier.
Calcifications artérielles
Les auteurs de cette étude ont alors fouillé dans les antécédents familiaux du célèbre révolutionnaire. Ils découvrirent que Ilia Oulianov, le père de Lénine, est mort à 54 ans, quasiment au même âge que son fils, d'une attaque cérébrale ayant elle aussi suivi une phase de déclin neurologique. Il se trouve également que trois des frères et sœurs de Vladimir ont succombé à des maladies cardiovasculaires.
A ce moment là, les chercheurs-détectives font le lien avec une découverte récente.
En 2011, une étude a montré qu'une anomalie génétique pouvait provoquer des calcifications artérielles massives. Pour cette nouvelle équipe de chercheurs, la clé est là : la famille de Lénine a sans doute souffert de cette anomalie génétique.Pour étayer leur idée, les chercheurs ont déniché, dans la littérature médicale, un article de 2011 montrant qu'une mutation génétique provoque bien dans certaines familles des calcifications artérielles aussi massives que ciblées, dans les mains et dans les jambes. Les chercheurs ont conclu qu'une anomalie analogue et non encore identifiée, visant non pas les artères des membres mais celles du cerveau, a touché la famille de Lénine et provoqué le décès prématuré de Vladimir Ilitch Oulianov.
Une bonne manière de confirmer cette nouvelle hypothèse sur sa mort consisterait à effectuer des analyses sur le cerveau du dirigeant russe, qui, élevé par certains inconditionnels au rang de relique, est conservé depuis des décennies à l'Institut du cerveau de Moscou.
§§§
Maupassant et sa Syphilis : une vie tragique
Guy de Maupassant est mort à 43 ans d’une paralysie générale, liée à une syphilis contractée 16 ans plus tôt. Sa correspondance et plusieurs témoignages permettent de suivre l’évolution de sa maladie qui fut une terrible descente aux enfers.
Maupassant, maître incontesté de la nouvelle littéraire, était célèbre pour son appétit sexuel qu’il exprime, ainsi, dans le poème libertin Désirs: "
Je voudrais que pour moi nulle ne restât sage; Choisir l’une aujourd’hui, prendre l’autre demain, Car j’aimerais cueillir l’amour sur mon passage, Comme on cueille des fruits en étendant la main…"
Maupassant se vantait de pouvoir accomplir jusqu’à vingt étreintes en une seule nuit, n’hésitant pas à faire constater ses performances devant un huissier! À 27 ans, il contracte la syphilis à la suite d’une relation avec une de ses compagnes de canotage. Il le relate dans une lettre écrite le 2 mars 1877 à son ami Pinchon: "
Tu ne devineras jamais la merveilleuse découverte que mon médecin vient de faire en moi… La vérole… J’ai la vérole, enfin la vraie, pas la misérable chaude-pisse, pas l’ecclésiastique christalline… non, la grande vérole, celle dont est mort François-1er. Et j’en suis fier, malheur…, j’ai la vérole, par conséquent je n’ai plus peur de l’attraper".
Un oeil qui dit Zola à l’autre
Le 11 mars 1877, il reçoit un traitement à base d’arsenic et d’iodure de potassium. Mais ce dernier lui donne des troubles digestifs et il doit l’arrêter. Ladreit de la Charrière, médecin au ministère de la Marine, l’envoie faire une cure d’eaux sulfatées. Il semble avoir pris également d’autres médicaments antisyphilitiques alors en vogue tels que le célèbre sirop de Gibert, des pilules de Ricord et la liqueur de Van Swieten.
En 1877, Maupassant se plaint à Tourgueniev de perdre ses cheveux par poignées, ce qui laisse supposer une possible syphilis secondaire. À partir de cette période, il se plaint aussi, à de multiples reprises, de migraines tenaces qui lui broient la tête et qui l’empêchent de lire plus d’une heure de suite.
Guy de Maupassant a commencé à évoquer ses troubles oculaires en 1880. Il explique son handicap à Flaubert dans les termes suivants
'je n’y vois presque plus de l’oeil droit… enfin, c’est à peine si je peux écrire en fermant cet oeil'. Au mois de mars 1880, il précise "
j’ai une paralysie de l’accommodation de l’oeil droit et Abadi considère cette affection comme à peu près inguérissable '. Le Dr Abadie qu’il a consulté a préconisé l’administration de cyanure de mercure, puis l’a adressé au Pr Rendu. L’année suivante, le 7 août 1881, Maupassant écrit à son ami Pinchon "
T’épate pas si ce n’est pas mon écriture. J’ai un oeil qui dit Zola à l’autre".
La vie de Maupassant, handicapé par ses troubles visuels, est devenue un véritable calvaire. Il le décrit en 1890 : "
Cette impossibilité de me servir de mes yeux… fait de moi un martyr… Je souffre atrocement… certains chiens qui hurlent expriment très bien mon état… Je ne peux pas écrire, je n’y vois plus. C’est le désastre de ma vie".
À partir de l’automne 1889, les premiers troubles liés à la paralysie générale apparaissent. Les 2 années qui suivent le début de cette redoutable complication de la syphilis (automne 1889- janvier 1892), voient l’activité de Maupassant diminuer de façon notable. Il éprouve le besoin d’une perpétuelle fuite en avant qui le contraint à changer perpétuellement de domicile. Il erre de Paris à Cannes, des Pyrénées à l’Algérie, et d’une station thermale à une autre.
Excentricités
Mais surtout, Maupassant est devenu sujet à bien des excentricités. Un jour, on le retrouve sur le boulevard Haussmann gesticulant et invectivant des passants imaginaires. Un autre jour, il explique au poète Dorchain que le lac Divonne déborde en plein été, qu’avec sa canne il s’est défendu de 3 souteneurs par devant et de 3 chiens enragés par derrière… Une autre fois, il se plaint d’être imprégné de sel, responsable selon lui d’intolérables douleurs gastriques et cérébrales.
Au cours de cette période, Maupassant a des troubles de l’écriture qui sont tout à fait typiques de la paralysie générale. L’écriture ondule à l’effort, des syllabes ou des mots sautent dans le corps des phrases, mais surtout son style littéraire devient enfantin et répétitif comme l’atteste cette lettre écrite à sa mère: "
Je fais faire pour mon bateau une tente très épaisse courant le pont que m’assurera dedans un asile petit, mais frais, quel que soit soleil dans les ports. En mer si nous marchons par des jours très chauds je resterai dans l’intérieur comme dans un petit salon bleu. Où je pourrais sommeiller comme chez moi. Dans les petits ports qui me plairaient, je passerais huit jours en me promenant surtout dans les ports d’Espagne…".
Maupassant se plaint à longueur de journée de terribles névralgies crâniennes et oculaires, d’une diminution de sa vision et de multiples hallucinations autoscopiques et auditives. Il vit dans la hantise de sombrer dans la folie.
Parallèlement, l’aspect physique de Maupassant se transforme. Un visage de vieillard contraste avec un corps toujours vigoureux et même athlétique. Ce visage émacié et ravagé frappe Tancrède Martel, dès la fin de 1889. Un an plus tard, le 23 novembre 1890, Goncourt, qui l’a observé à l’occasion de l’inauguration du monument de Flaubert à Rouen, note dans son Journal: "
Je suis frappé de la mauvaise mine de Maupassant, du décharnement de sa figure, de son teint briqueté… et même de la fixité maladive de son regard. Il ne me semble pas destiné à faire de vieux os".
Un coup de revolver dans la bouche
Durant l’été 1891, Maupassant se confie, à Paris, à son vieil ami le peintre Fournier: "
Personne ne me reconnaît plus, c’est un fait… Je souffre de plus en plus d’horribles migraines. Seule l’antipyrine me donne un peu de calme… Seulement je crois bien que c’est à cause de ce poison que j’ai maintenant d’effroyables lacunes dans la mémoire. Les mots les plus simples me manquent. Si j’ai besoin du mot ciel ou du mot maison, ils disparaissent subitement de mon cerveau. Je suis fini".
La deuxième période d’évolution de la paralysie générale de Maupassant est marquée par une détérioration mentale majeure qui débute au cours de la nuit du 2 janvier 1892. François et le marin Raymond sont réveillés cette nuit-là par un grand bruit dans la chambre de l’écrivain. Ils le trouvent ensanglanté, cherchant désespérément à se jeter par la fenêtre. Maupassant, après avoir tenté vainement de se tirer un coup de revolver dans la bouche (mais son valet en avait, par prudence, retiré les balles), s’était alors, en désespoir de cause, tailladé la gorge. Les deux hommes le maîtrisent à grand peine et sont obligés de le ligoter. Toute la journée Maupassant demeure confus et prostré. Le soir, il se dresse en hurlant: "
François vous êtes prêt? Nous partons. La guerre est déclarée".
À Paris, Mme de Maupassant est informée de la situation. Elle consulte aussitôt le célèbre psychiatre Émile Blanche. Ce dernier juge nécessaire de faire venir l’écrivain à Paris pour l’interner, à Passy, dans sa clinique où Gérard de Nerval avait déjà séjourné 40 ans plus tôt. Blanche envoie à Cannes un infirmier musclé qui prend en charge Maupassant et lui passe une camisole de force. Avant de le mettre dans le train, on lui fait longuement contempler son yacht, dans l’espoir d’un hypothétique et bénéfique choc psychique… Finalement, le 7 janvier 1892, Maupassant est hospitalisé dans la chambre 15 de la clinique de Passy. Ce sera son seul univers jusqu’à sa mort 18 mois plus tard.
Les dernières semaines, Maupassant reste inerte, couché ou secoué de sinistres crises d’épilepsie. Il sombre dans le coma et meurt seul le 6 juillet 1893 à moins de 43 ans, sans la présence d’amis ou de famille. Son père et sa mère, qui ne sont pas venus le voir, une seule fois, à la clinique, ne se dérangeront pas pour ses obsèques. Ainsi finit Maupassant qui avait prophétisé: "
Je suis entré dans la vie littéraire comme un météore et j’en sortirai comme un coup de foudre".
Source : La RevueduPraticien.fr.
Auteur : Bruno Halioua. Ancien chef de clinique à la faculté de médecine et dermatologue, il enseigne l'Histoire de la médecine à l'université Paris IV.
§§§
Conclave : les secrets de santé des cardinaux
Cloitrés en conclave dans la chapelle Sixtine les 115 cardinaux viennent d’élire le nouveau pape. L’Argentin Jorge Mario Bergoglio est devenu mercredi 13 mars le pape François Ier. Pour des cardinaux souvent âgés, le conclave est une épreuve physique et spirituelle. Tout est donc prévu pour les épargner, y compris un bataillon dédié de 90 personnes, dont nombre de professionnels de santé.
Devant la fresque azur et dantesque du Jugement Dernier, c’est un véritable marathon auquel se sont livrés les cardinaux réunis en conclave dans la chapelle Sixtine depuis mardi. A raison de quatre votes par jour, de 9h30 à 20h et sans contact avec le monde extérieur, ils étaient chargés d’élire le nouveau souverain pontife en une durée indéterminée. Par le passé, l'élection de Jean XXIII (1958-1963) a été la plus difficile, puisqu'elle a nécessité 11 tours. Celle de Pie XI (1939-1958), a été la plus facile : trois tours. L'élection du pape François, avec cinq tours de scrutin, se situe dans la moyenne.
90 personnes à leur service
Les 115 cardinaux électeurs ne doivent pas dépasser 80 ans, car le conclave est considéré comme une charge trop lourde à un âge où l’état de santé peut être fragile. Mais même en dessous de cette limite, les électeurs n’en restent pas moins âgés. "Leur moyenne d’âge se situe entre 72 et 73 ans", explique le Père Cédric Burgun, doctorant en droit canonique à l’Institut catholique de Paris. "Leur état de santé est pris en compte, chacun a notamment droit à un infirmier particulier et un service médical complet est mis à leur disposition. Les prélats qui auraient du mal à marcher peuvent par exemple parcourir en mini-bus les 500 mètres qui séparent la chapelle Sixtine de leur lieu de résidence."
Certains cardinaux, appelés "infirmarii" sont spécifiquement chargés d’aider leurs confrères en difficulté, soit en les aidant à rejoindre l’autel de la chapelle où se trouve l’urne, soit en déposant pour eux leurs bulletins. "Cela permet à ceux qui seraient trop affaiblis de rester dans leur chambre, et de toute façon ceux qui en ont besoin peuvent être traités directement ou être évacués", poursuit le Père Burgun.
Au total, 90 personnes tenues au silence sous peine d’excommunication accompagnent les cardinaux pendant le conclave : médecins, infirmiers, prêtres… Sans compter les carabiniers, gendarmes du Vatican qui escortent les électeurs, et les Filles de la Charité de Saint Vincent De Paul qui gèrent la résidence Sainte-Marthe où ils sont hébergés.
Sans toilettes
"Le conclave est éprouvant au niveau spirituel et humain. Physiquement, les cardinaux sont désormais ménagés, mais cette sérénité du corps est relativement nouvelle", résume le Père Burgun. La résidence Saint-Marthe, un ancien hospice, a été aménagée pour recevoir les cardinaux à l’initiative de Jean-Paul II.
Alors qu’ils bénéficient désormais d’une chambre individuelle avec laverie et repas, les participants au conclave campaient auparavant dans les couloirs autour de la chapelle, sans toilettes. "Les conditions étaient presque sauvages", raconte Gérard Leclerc, éditorialiste à France Catholique et Radio Notre-Dame. "Le cardinal Marty, ancien archevêque de Paris, m’a raconté un jour que lors d’un conclave du temps d’avant Jean-Paul II, il devait littéralement enjamber le lit d’un confrère pour aller voter !"
Malgré une amélioration indéniable du confort des cardinaux, le mot d’ordre reste la sobriété. A Sainte-Marthe, les chambres, composées de lits simples surmontés d’une croix sans ornements, sont tirées au sort pour éviter les jalousies. La numéro 201, la plus belle, est réservée au Pape nouvellement élu. François 1er y a passé sa première nuit après son élection. Les repas sont quant à eux composés de légumes bouillis, de pâtes, de potages et d’un peu de viande. Simple, mais tout de même bien loin du régime pain sec et eau imposé aux cardinaux jusqu’au XXème siècle au-delà de cinq jours sans résultats et supprimé par Jean XXIII.
Sanglots et guillotine
D’un point de vue spirituel et humain, le conclave reste un moment de grande tension. "Comme le disait récemment le cardinal Barbarin, archevêque de Lyon, les électeurs ont le sentiment d’une grande responsabilité. Après l’élection de Benoît XVI, il raconte que la moitié d’entre eux étaient en pleurs. C’était à la fois l’émotion provoquée par l’arrivée du nouveau Pape et la pression qui retombait", rappelle Gérard Leclerc.
Un avis partagé par le Père Burgun : "Au fil du conclave et des votes, certains favoris apparaissent, ceux qu’on appelle les papabili. Ces cardinaux-là sont certainement plus stressés que les autres, moi j’aurais bien du mal à trouver le sommeil à leur place !" Arrivé en deuxième position derrière Benoït XVI en 2005, Jorge Mario Bergoglio aurait d'ailleurs fondu en larmes avant le dernier tour de scrutin et supplié ses pairs de ne pas l'élire...
Ce n’est donc pas tant d’un médecin mais d’un soutien psychologique dont auraient besoin les cardinaux pendant le conclave, comme le suggère Nanni Moretti dans son film Habemus Papam. Cette tension trouve sa place dans l’histoire. La pièce où le Pape nouvellement élu revêt la soutane blanche, dans la Sacristie de la chapelle Sixtine, s’appelle la chambre des larmes. On raconte qu’elle porte ce nom car au moment où le nouveau Pape s’y rend, il prend conscience de la charge qu’on vient de lui confier. Un moment si fort que l’on présume qu’il éclate en sanglots.
"Benoît XVI lui-même a parlé de la guillotine qui lui était tombée sur le cou quand il a été élu Pape", raconte Gérard Leclerc. "Et dans le film de Nanni Moretti il y a ce mot de vérité, quand Michel Piccoli dit qu’être élu Pape, c’est ce qu’on peut souhaiter à ses meilleurs ennemis !"
§§§
Du cholestérol chez des momies vieilles de 4000 ans
Des chercheurs se sont aperçus en analysant les artères d'une centaine de momies qu'elles aussi étaient sujettes au cholestérol, ce qui laisse penser que les maladies cardio-vasculaires ne sont pas si inhérentes à l’hygiène de vie et à l’alimentation moderne. Ils ont publié leurs résultats dans le journal scientifique The Lancet.
Les scientifiques ont passé au scanner 137 momies pour certaines vieilles de 4000 ans, dont 76 égyptiennes, 51 incas, dix indiennes d'Amérique ou des îles aléoutiennes en Alaska, couvrant une période de 40 siècles.
Dépôt de graisse
Ils se sont aperçus que la plupart présentaient des signes "certains ou probables" d'arthérosclérose, autrement dit de cholestérol, avec des artères obstruées par un dépôt de graisse. Un tiers des hommes en étaient atteints. Les momies les plus âgées étaient aussi celles qui étaient le plus atteintes par cette pathologie, principalement responsable des crises cardiaques et des accidents vasculaires cérébraux.
"Il est surprenant de voir que l'athérosclérose est aussi fréquente dans ces anciennes cultures à travers le globe sur une période de temps aussi étendue, parmi des personnes très différentes génétiquement et avec des régimes alimentaires aussi variés", s'est étonné le Dr Randall Thompson, de l'Institut du coeur de Kansas City (Missouri), principal auteur de l'étude , qui a été présentée à la conférence annuelle de l'American College of Cardiology réunie à San Francisco (Californie, ouest) et a été publiée dans la revue britannique The Lancet.
Vieillissement
Le mode de vie moderne et occidental - tabagisme, alimentation, sédentarité - ne serait donc pas si coupable que cela de l'apparition du cholestérol. "Nous exagérons peut-être la possibilité de prévenir ou d'inverser les maladies cardiovasculaires avec seulement un régime alimentaire", a souligne le Dr Thompson."Cette maladie, attribuée au mode de vie et au régime alimentaire de la vie moderne, serait en fait liée au vieillissement".
"Il ne s'agit pas uniquement d'une maladie liée au mode de vie mais une caractéristique du vieillissement dans toutes les populations humaines", juge également le Dr Caleb Finch, professeur de gérontologie à l'Université de Californie du Sud à Los Angeles, un des co-auteurs de cette recherche. Même l'homme de Otzi, mort il y a 5 000 ans et retrouvé bien préservé dans un glacier des Alpes italiennes en 1991, avait les carotides calcifiées.
Une recherche précédente menée par le Dr Thompson, publiée en 2011, avait révélé que de nombreuses momies égyptiennes souffraient d'athérosclérose. Les chercheurs s'étaient alors demandés si cela n'était pas lié au fait que l'élite dans l'Egypte ancienne avait une alimentation riche en graisse.
Cultivateurs de maïs
Pour étayer cette thèse, ils ont décidé d'étendre leur recherche à d'autres cultures et d’autres époques. Outre des momies égyptiennes de 4 000 ans, ils ont examiné des corps momifiés de cultivateurs de maïs du Pérou, dont l'âge varie de 2 600 à 600 ans, ainsi que d'agriculteurs amérindiens du plateau du Colorado et des chasseurs unangan des îles Aléoutienne, qui ont vécu entre 1750 et 1900.
Ces scientifiques ont découvert des signes d'athérosclérose chez 39% des momies égyptiennes, 26% des péruviennes, 40% des Amérindiens du Colorado et 60% des Unangans. "Il est évident que cette pathologie était fréquente chez les peuples anciens", conclut le Dr Thompson.
L'âge moyen au moment du décès des momies examinées dans l'étude était de 36 ans. Mais celles qui souffraient d'athérosclérose étaient plus âgées au moment de leur mort, avec un âge moyen de 43 ans.
30% de mortalité mondiale
L'espérance de vie moyenne dans les temps anciens était d'environ 40 ans, ce qui conforte l'hypothèse selon laquelle l'athérosclérose serait bien inhérente au vieillissement, fait valoir le Dr Thompson. Ce qui n'empêche pas, insiste-t-il, d'agir sur les facteurs contrôlables comme l'alimentation, le sport, le tabagisme, le cholestérol et la tension artérielle.
En France, on estime que près d'un adulte sur 3 souffre d'une hypercholestérolémie, plus fréquemment présente dans le Nord Est que dans le Sud Ouest. Les hommes ont en moyenne plus de cholestérol que les femmes, et le taux moyen de cholestérol dans la population française est de 2,3g/l.
L'athérosclérose est à l'origine de la majorité des maladies cardio-vasculaires, qui sont la première cause de mortalité et de morbidité grave dans les pays développés. Avec au moins 15 millions de décès annuels, elles sont responsables de 30% de mortalité mondiale. Elles tuent chaque année 960 000 personnes aux Etats-Unis et plus de 170 000 en France.