article vu sur le site de la mascf
La démocratisation de l’usage de l’avion permet de le rendre accessible à la plupart de la population ; ainsi, les passagers embarqués sont de plus en plus représentatifs de la population générale et peuvent être non seulement en bonne santé mais aussi atteints de maladies graves. On considère qu’actuellement les personnes de plus de 65 ans représentent plus de 13% des voyageurs. Selon une étude menée par le service médical d’Air France sur une période de deux ans, 3 628 rapports écrits d’incidents médicaux ont été rédigés par l’équipage de bord. Ceci correspond à un incident médical pour 20 000 passagers transportés (soit 5 par jour) comprenant un décès sur 3 000 000 passagers (soit 20 décès sur 2 ans). Sur ces 20 décès, 7 passagers étaient des malades en phase terminale dont le décès était à court terme prévisible ; 13 des 20 décès n’étaient quant à eux pas prévisibles, ce qui équivaut à un décès inattendu sur 5 000 000 passagers transportés. Sur ces 2 années d’étude, 38 déroutements pour motif médical ont été effectués. Dans 89,6 % des cas, un médecin était présent à bord de l’aéronef dérouté et était intervenu auprès du passager malade. Les urgences médicales à bord de vols commerciaux sont beaucoup plus fréquentes sur les vols long-courriers (80% des cas).
La plupart des incidents médicaux à bord d’un aéronef sont bénins. Les malaises vagaux (évanouissement, malaise proche de l’évanouissement, vertiges…) sont les événements les plus fréquents. Les incidents cardiologiques, neurologiques, et respiratoires sont plus sérieux et représentent les situations qui entraînent le plus souvent un déroutement de l’aéronef.
Lorsqu’un incident médical survient, le personnel navigant est le premier à intervenir. Il est apte à évaluer la gravité de l’incident et à donner les premiers soins. En fonction de la gravité apparente de la situation, plusieurs possibilités sont envisageables.
Il est possible pour un aéronef en vol d’établir une communication avec des médecins au sol ; ces médecins peuvent travailler pour des urgences publiques ou privées. Ainsi, tout aéronef appartenant à Air France est en rapport 24 h/24 en tout point du globe avec les urgentistes du SAMU parisien. D’autres compagnies aériennes travaillent avec des sociétés privées spécialisées dans ce domaine (principalement International SOS et MedAire). Selon Air France, un déroutement proposé par le SAMU est pertinent dans 85% des cas, contre 50% quand il est proposé par un médecin passager et seulement 14% quand un membre de l’équipage le propose. Au final, la décision de déroutement sera toujours prise par le commandant de bord. Les déroutements pour motif médical ont lieu à 70% sur des vols long-courriers. Les incidents médicaux d’origines cardio-respiratoires représentent sur les vols Air France seulement 10% des incidents médicaux, mais motivent 60,8% des déroutements pour motif médical. Dans les faits, il est enregistré pour Air France un déroutement pour 20 000 vols. L’analyse de ces motifs de déroutements montre que dans 35% des cas il était justifié, alors que dans 38% des cas il était abusif. On notera que même dans ces cas de déroutement médical abusif, aucun médecin n’a été poursuivi (pénalement, civilement ou au plan ordinal). Ceci est toutefois à pondérer car il y a quelques années, une compagnie d’aviation américaine s’est retournée contre un médecin passager qui était intervenu suite à l’appel du commandant de bord. Il a été accusé d’avoir fait détourner abusivement l’avion alors que l’état de santé du passager malade, selon les experts de la compagnie, ne le nécessitait pas ! Selon une étude de 2000 effectuée par la Federal Aviation Administration (FAA), 13% des incidents médicaux aboutissent à un déroutement qui est dû pour ses principales raisons à une pathologie cardiologique dans 46% des cas, neurologique dans 18% et respiratoire dans 6%. Le déroutement a pour toute compagnie un véritable enjeu économique, judiciaire et logistique.
Lorsque le personnel navigant le juge nécessaire, le commandant de bord peut décider de faire appel à un médecin et de poser la fameuse question sous forme d’annonce « Y a-t-il un médecin dans l’avion ? ». Le médecin passager doit alors présenter sa carte professionnelle afin d’attester de ses compétences médicales. Sur certaines compagnies aériennes américaines, le médecin passager qui ne présente pas sa carte professionnelle au personnel navigant peut voir son aide refusée ! Le médecin va donc devoir réagir rapidement, confronté à une problématique qui n’appartient pas à sa spécialité ou avec laquelle il n’est pas familier, dans un espace exigu, bruyant, très éloigné des conditions habituelles dans lesquelles un patient est accueilli et traité par un médecin ; ce dernier était d’ailleurs peut-être fatigué, endormi, sous l’influence d’un hypnotique, avait consommé de l’alcool, supportait mal le décalage horaire… Dès lors, quel(s) moyen(s) thérapeutique(s) le médecin passager peut-il espérer utiliser pour traiter le passager malade ? Les équipements de secours sont adaptés au nombre de sièges passagers de l’appareil.
– Tout d’abord, il existe une trousse de premiers soins, destinée à l’usage de l’équipage et qui contient des médications usuelles réputées pour leur innocuité (antalgiques antipyrétiques, collyres, antiémétisants, décongestionnants nasaux, antispasmodiques, pansements gastriques…).
– Ensuite, il existe une trousse médicale d’urgence. Cette boîte est obligatoire dès que l’avion peut transporter plus de 30 passagers et qu’un point quelconque de la route aérienne prévue est situé à plus de 60 minutes de vol d’un aérodrome où une assistance médicale est disponible en cas de besoin . Pour Air France, le contenu de cette boite est défini en accord avec le SAMU et permet de faire face aux grandes urgences : drogues à visée cardio-vasculaire (Adrénaline, Trinitrine, Nifédipine, Atropine, Cédilanide, diurétiques), corticoïdes, anti-inflammatoires, broncho-dilatateurs, psychotropes, anti-paludéens, sérum glucosé hypertonique, stéthoscope, tensiomètre, canules, clamps, garrots, seringues…. Elle ne peut être utilisée qu’après accord du commandant de bord pour être remise à un médecin qui a fourni une preuve de sa profession, pour préparer un dialogue avec le SAMU ou pour utiliser le tensiomètre ou le stéthoscope pour des raisons médicales.
– Enfin, plusieurs compagnies aériennes embarquent à leur bord un défibrillateur semi-automatique. C’est le cas pour Air France qui, depuis fin 2002, en a équipé l’ensemble de sa flotte et a fait bénéficier ses 14 000 hôtesses et stewards d’une formation spécifique. Cette acquisition permettrait de sauver 1 passager sur 3 victimes d’un arrêt cardio-respiratoire soit, pour Air France, 2 passagers par an.