Société Française des Infirmier(e)s Anesthésistes
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De la contradiction dans les chiffres
ou la crise démographique de la profession
Article mis en ligne le 19 janvier 2007
dernière modification le 17 avril 2016

par Arnaud Bassez

Actualisé en avril 2016

Lu sur le JIM

Une récente étude du Commissariat général à la stratégie et à la prospective ( ex Centre d’analyse stratégique) et de la Direction de la recherche du ministère du Travail (DARES) dévoile que parmi les « cinq secteurs fortement créateurs d’emploi d’ici 2015 », figure notamment celui de la santé et de l’action sociale.

rapport métier 2015

Une analyse plus détaillée, métier par métier, révèle que les professions d’aides soignants, d’infirmiers et de sages femmes compteront parmi les plus fortes créatrices d’emplois d’ici 2015.

mouvement du personnel hospitalier

Ainsi, quelque 149 000 aides-soignants supplémentaires sont attendus sur le marché du travail dans les huit prochaines années, soit une progression de 32 % par rapport à 2005. Concernant les infirmiers et les sages-femmes, cette augmentation devrait atteindre 17 % (soit 78 0100 emplois supplémentaires).

Les auteurs du rapport notent par ailleurs qu’une majorité des métiers qui connaîtront la plus forte progression au cours des prochaines années est marquée par une grande féminisation. Ils indiquent ainsi à titre d’exemples, que 91 % des aides soignants et 87 % des infirmières et des sages-femmes sont aujourd’hui des femmes.

Ces prévisions représentent une nouvelle opportunité d’évoquer les futurs problèmes de démographie médicale. Parmi ces différentes observations, le CAS souligne ainsi que si « l’emploi sera en forte hausse chez les aides soignants et les infirmiers, il sera en baisse chez les médecins ». Cette situation s’explique par l’augmentation des départs à la retraite des praticiens qui ne pourra être compensée par l’arrivée des nouveaux carabins. Pour répondre à cette situation, le CAS plaide en faveurs d’une « redéfinition du partage des tâches entre médecins et infirmières ». S’il reconnaît que certaines expérimentations existent déjà, le centre d’analyse semble déplorer le fait qu’elles soient plus souvent destinées à répondre à « des problèmes de coût qu’à une volonté d’améliorer la polyvalence et la coordination des soins ». Cette « division du travail » inspirée par des logiques économiques ne semble pas favorable à une réelle « reconnaissance » de ces professions et le CAS ne cache pas que « Les conditions de travail et les perspectives de carrière risquent d’accroître le phénomène de fuite de ces métiers ».

Et en parallèle, dans le dernier oxymag, n° 91 l’article sur le renouvellement des effectifs par Catherine Triboulet, présidente du CEEIADE,(comité d’entente des écoles de IADE) semble plus alarmiste.

Population IADE vieillissante avec aussi des stagiaires sensiblement plus âgés décidant de faire la formation.

Départ à la retraite : 3147 d’ici 2015 soit 49% de l’effectif actuel, avec un pic en 2015.

Un déficit national de 500 IADE.

Moins de stagiaires se décidant à la carrière,

moins 29,87% entre 2004 et 2006.

moins 26,48% à l’admissibilité entre 2004 et 2006

moins 23,52% à l’admission entre 2004 et 2006.

moins 7,78% des entrants en formation entre 2004 et 2006.

moins 30,54% sur la liste complémentaire entre 2004 et 2006. (prendre en compte les reports de scolarité.)

Les causes :

 87,5% des rejets sont dus à un non financement par les organismes entre 2004 et 2006. Ce qui pourra à ce petit jeu avoir les mêmes effets qu’un numerus clausus. Appellera t-on ça le numerus fricus ?

 26,20% de renoncements volontaires entre entre 2003 et 2006.

Donc il y a moins de d’IDE qui accèdent à la formation IADE.
Quel avenir cela peut-il donner ?

Reprenons les questions de l’auteur de l’article :

- la difficulté de la formation n’est-elle pas en cause ?

A aucun moment le contenu de la formation doit être encore revu à la baisse, ce qui a été le cas en janvier 2002. L’anesthésie ne souffre pas l’à peu-près, et brader la formation pour "faire du chiffre" c’est s’exposer à une baisse de la qualité des IADE.

- Une baisse des revenus du fait de la suppression des gardes peut-elle être évoquée ?

On ne peut prétendre à gagner plus en étant en formation. En revanche il est important que cette formation, ultra qualifiante, longue, difficile et procurant un haut degré de responsabilité doit être reconnue financièrement dès le début de la carrière, et s’étendre sur l’ensemble de son exercice professionnel.

- Les horaires de travail sont-ils moins attrayants ?

Il est sûr que le passage aux 35 heures à rendu le planning des IADE moins attractif. La perte des 24 heures, voire plus, donne un sentiment de "passer ses jours à l’hôpital".
Il est regrettable d’avoir à lire les propos de Lionel Jospin, déclarant que l’hôpital n’était pas prêt pour les 35 heures...
Gouverner c’est prévoir, disait Émile de Girardin.

Toutefois, les postes en horaires de nuit n’attirent pas nécessairement les IADE, qui ont des enfants.

- Dans le contexte sociologique actuel, l’IADE est-il prêt à engager sa responsabilité autant que ses ainés ? crainte du procès, peur de la prise de risque, moindre engagement professionnel ?

Sans doute, l’engagement peut apparaitre moindre. Les grandes "batailles" semblent appartenir au glorieux passé, et la dernière en date date de 2001. Mais il ne faut pas sous-estimer pour autant la profession IADE, qui quand elle se soulève, est beaucoup plus solidaire et unie que les IDE.

La responsabilité et les procès :
Les chiffres des assurances professionnels sont clairs à ce sujet : les IADE sont très peu responsables directs de fautes. C’est-à-dire de gestes volontaires ou non ayant entrainés un préjudice au patient.

De plus, craindre le procès ne permet pas d’exercer sereinement son "art" au quotidien. Les IADE ne semblent pas paralysés par cette idée. Ils en sont conscients. Est-on paralysé à l’idée de prendre sa voiture quand on sait qu’il y a 4700 morts sur la route ?

Il est fort à parier, que si la reconnaissance statutaire, financière et professionnelle passe par une augmentation raisonnée et raisonnable des assurances professionnelles, les IADE dans leur ensemble, accepteraient ce paramètre comme une marche incontournable vers un vrai + professionnel.

- Certains IADE n’ont-ils pas le sentiment d’une moindre reconnaissance de leur spécialité par les MAR ?

La dérive actuelle des tâches des IADE peut s’apparenter à de l’exécution, plus qu’à un rôle propre, rôle dont les IADE sont d’ailleurs dépourvus.
Les nombreux éléments de contrôle nous obligent à sortir des nos compétences de base, pour aller s’occuper de tâches à priori prévues pour la fonction de cadre :
 gestion,
 maintenance,
 traçabilité,
 matériovigilance,
 hémovigilance,
 pharmacovigilance,
 planning...

La question de la T2A, ne fera que redispatcher les IADE dans des structures plus grandes, si les moyennes ou petites ferment. La fonction ne sera pas amputée par cette "manipulation".

- Il y a t-il un écart entre pré-acquis et pré-requis des candidats ?

Le niveau de formation ne doit pas évoluer à la baisse. Ce serait perdre la spécificité des IADE actuels, et irait à l’encontre de la recherche de la qualité des soins dont on nous rabat les oreilles à longueur de temps, par des personnes qui n’en connaissent pas ou plus la signification.

Baisse entre pré-acquis et pré-requis : Je crois sincèrement que oui.
Ayant suffisamment d’expérience et de recul, ayant vu passer nombre de stagiaires depuis mon DEIA (janvier 1992), il me semble que le niveau global est à la baisse.
En connaissance physio-pathologique, en pharmacie, en capacité d’analyse, en maitrise des dilutions.

Mais encore une fois, le CEEIADE ne doit pas brader la formation comme récemment, en supprimant une partie du programme, à l’instigation des MAR qui ont vu là, la possibilité de "castrer" la petite profession qui monte qui monte...

De plus l’intérêt du TIP (travail d’intérêt professionnel) ressemble à s’y méprendre à une démarche de soins. Quel besoin irrépressible ont ces personnes à vouloir intellectualiser un soin ?

N’y aurait-il pas mieux à faire en recherche personnelle que de faire ce travail, qui commence sérieusement à tourner en rond (pléonasme) avec les sujets répétés à l’envi.

Pour les médecins anesthésistes réanimateur, ce n’est guère mieux.

La démographie des médecins anesthésistes réanimateurs (Sylvia Pontone, Nicolas Brouard)
L’avenir démographique des anesthésistes réanimateurs est-il encore compromis

Et que dire des chirurgiens ?

La chirurgie française en 2003. Les raisons de la crise et les propositions.
La crise de recrutement des chirurgiens français, entre mythes et réalités

Raréfaction des anesthésistes-réanimateurs : projections et défis

Publié le mercredi 23 mars 2016

11,5 millions d’anesthésies sont réalisées chaque année en France. Compte-tenu de l’augmentation importante du nombre d’anesthésies et des contraintes démographiques, Silvia Pontone, anesthésiste réanimateur à l’Hôpital universitaire Robert-Debré (AP-HP), chargée de mission à la Direction de l’Organisation Médicale et des relations avec les Universités (Domu, AP-HP) et chercheure associée à l’Institut National d’Études Démographiques (Ined) fait le point sur les défis rencontrés et l’évolution de cette discipline.

« La réforme de l’internat qualifiant de 1984 qui a aboli la voie parallèle de formation des CES (Certificat d’Etudes Spéciales), s’est ajoutée aux effets de la réduction drastique du numerus clausus qui a été maintenu en dessous de 4 000 durant 15 ans, passant de 8531 en 1971 à 3500 au plus bas en 1992. Ceci est à l’origine de la problématique démographique médicale », explique Silvia Pontone. «  Concernant l’Anesthésie Réanimation, en 1988, cinq anesthésistes ont étés formés en France, 31 en 1989 et 82 en 1990, contre 440 anesthésistes formés chaque année durant la décennie 80 », illustre-t-elle. «  Le modèle de projection démographique réalisé à l’Ined en 1990 pour l’anesthésie réanimation a permis de montrer qu’en maintenant un niveau de 100 internes/an dans cette discipline, on réduirait de 50 % le nombre d’anesthésistes réanimateurs à l’horizon 2020, et de 30 % à l’horizon 2010, avec pour corollaire une augmentation considérable de l’âge moyen. »

Ces travaux scientifiques ont permis d’éclairer les mesures correctrices, mais il faudra attendre l’année 2000 pour obtenir une augmentation du numerus clausus et 2009 pour que s’instaure une régulation nationale et régionale concernant l’ensemble des disciplines médicales (décret du 9 mars 2009, n°2009-272). Suite à ce décret, ce n’est qu’en 2012-2013 que les flux de formation en anesthésie réanimation vont augmenter de façon notable, d’un facteur 2 en France (260 postes d’internes en 2008 à 487 en 2015) et de 3 en Île-de-France (35 postes en 2008 à 101 en 2015). « Un certain temps sera nécessaire avant d’avoir l’efficacité de ces mesures, impliquant un très probable maintien des tensions démographiques jusqu’en 2020  », déduit-elle.

« Finalement l’anesthésie-réanimation a été sauvée de ses projections les plus défavorables, du fait de l’augmentation des flux de formation à l’internat puis à l’examen classant national, et des flux migratoires de médecins à diplôme étranger qui constituent aujourd’hui 40 % des premières inscriptions au Tableau de l’Ordre des Médecins  », reprend-elle. Toutefois, le vieillissement professionnel et les inégalités géographiques restent extrêmement importants.

« Aujourd’hui, la régulation de la démographie médicale est mise à mal et un grand nombre d’incertitudes demeurent quant à l’adéquation entre l’offre et la demande, puisque l’accroissement de la population générale est de l’ordre de 3 % et que celui des besoins du fait du vieillissement est de l’ordre de 15%. Aussi, l’augmentation des indications chirurgicales et du nombre de chirurgiens depuis 1990 laisserait présager d’un besoin encore accru en Anesthésie », conclut-elle.

Yasmine ZIAT (lessentiel-anesthesie-reanimation.fr)

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Arnaud BASSEZ

IADE/ Enseignant CESU

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