Société Française des Infirmier(e)s Anesthésistes
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Responsabilité professionnelle
Article mis en ligne le 10 septembre 2007
dernière modification le 29 août 2021

par Arnaud Bassez

Responsabilité civile : l’établissement employeur est responsable des actes commis par ses employés, vis-à-vis des tiers, par le principe dit de subordination.

Pour les établissements publics : l’article 11 du statut de la fonction publique gère ce problème.

Pour les établissements privés : l’article 1384 alinéa 5 du Code civil gère ce problème.

Responsabilité pénale : la responsabilité est toujours personnelle et l’employeur ne répondra pas d’une faute pénalement punissable, car elle dépasse le cadre strictement professionnelle. Mais il peut être condamné si l’infraction est le fait de l’employeur par carence ou défaut laissé à l’appréciation du juriste.


A lire :

 Responsable, pas coupable

 Un case report sur un dysfonctionnement en salle opératoire d’un CHU.

Case report 15 juin 2011 Dysfonctionnement en salle d’opération en CHU

Erreur médicamenteuse et responsabilité juridique

« J’ai récemment injecté un médicament à une mauvaise posologie. J’ai respecté la prescription, qui était fausse, ce que le médecin a admis. Il n’y a eu aucune conséquence pour le patient, mais je me pose la question de ma responsabilité dans ce cas ? »

L’infirmier doit appliquer les prescriptions du médecin, conformément à l’article R. 4311-7 du code de la santé publique (CSP). Mais il ne doit pas le faire aveuglément. En effet, l’article R. 4312-29 CSP prévoit que « l’infirmier ou l’infirmière applique et respecte la prescription médicale écrite, datée et signée par le médecin prescripteur (…). Il doit demander au médecin prescripteur un complément d’information chaque fois qu’il le juge utile, notamment s’il estime être insuffisamment éclairé.(…) ».Si l’infirmier n’est pas tenu d’exercer un contrôle technique sur la prescription médicale, il a toutefois le devoir de vérifier qu’elle ne présente pas un danger pour le patient. En cas de doute, il doit interroger le médecin afin d’obtenir une confirmation soit de la prescription, soit de la modification et la porter au dossier.

En établissement de soins, l’arrêté du 6 avril 2011 relatif au management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse et aux médicaments dans les établissements de santé rappelle l’obligation pour l’infirmier de procéder à plusieurs vérifications au moment de la préparation des médicaments et, si la prescription lui parait inadaptée voire dangereuse, de prendre attache avec le médecin prescripteur.
En cas de complications pour un patient, la responsabilité civile et pénale du prescripteur serait à coup sûr engagée. Celle de l’infirmier pourrait également être retenue s’il s’avère qu’il était en mesure de détecter l’erreur de posologie.

-*Stéphane Tamburini

  • Juriste MACSF
  • Article paru dans Actusoins magazine

Erreur d’injection : un an avec sursis pour l’infirmière

18 juin 2015

Mise en examen pour l’homicide involontaire d’un patient à qui elle avait administré par erreur une dose létale de morphine, une infirmière de l’hôpital de Montauban, a été condamnée, hier, à un an de prison avec sursis.

C’est en larme que l’accusée, une jeune infirmière de 27 ans salariée depuis 2010 au centre hospitalier de Montauban, s’est avancée, hier, à la barre du tribunal correctionnel, relate le quotidien La Dêpêche.

Le patient qui avait un cancer pulmonaire avait été réhospitalisé dans la soirée du 17 juin 2012.

"Il souffrait de douleurs rachidiennes et vous avez appelé, à 3 heures du matin, le médecin de garde chez lui. Ce dernier vous a donné sa prescription par téléphone : 5 mg de morphine en sous-cutanée à renouveler une demi-heure plus tard si nécessaire. Malheureusement, vous vous êtes trompés en lui administrant non pas 5, mais une ampoule de 100 mg de morphine. Une dose létale", indique la présidente du tribunal, Nicole Bergougnan.

"Je me suis trompée, je n’ai pensé qu’à la douleur du patient. J’ai essayé de le soulager avec du paracétamol, mais rien n’y faisait", explique l’infirmière, âgée de 24 ans au moment des faits, qui a présenté ses excuses à la famille.

Un accident après trois nuits d’affilée

Et de poursuivre en rappelant le contexte : "c’était ma troisième nuit d’affilée, j’ai confondu deux médicaments le médecin ayant d’abord parlé d’injecter 100 mg de Topalgic par voie intraveineuse"

L’avocat des parties civiles, Me Laurent Mascaras s’est adressé avec humanité à la jeune infirmière : "sachez que la famille du défunt qui a souhaité cette procédure judiciaire pour connaître la vérité, n’est menée par aucune vengeance à votre encontre...", indique La Depêche.

Ce dernier vise plutôt l’institution hospitalière que l’accusée : "en raison des restrictions budgétaires qui touchent les hôpitaux publics, le médecin de garde reste à la maison et c’est la jeune infirmière qui dans la nuit doit administrer la prescription que l’on lui donne par téléphone."

En cause : l’absence d’un médecin

"Depuis cette affaire, les prescriptions du médecin de garde sont délivrées au médecin des urgences qui doit se rendre au chevet du malade pour l’examiner et lui faire administrer l’ordonnance", ajoute l’avocat de l’infirmière, Me Jean-Michel Rey.

"Une prescription ne peut être délivrée par écrit que par un médecin, une fois qu’il a examiné, le patient. C’est la loi et l’ARS l’a relevée", précise-t-il.

Le tribunal a condamné la jeune femme à 1 an de prison avec sursis, non assorti d’une interdiction d’exercer. Une sentence nettement plus légère que celle demandée par le Procureur de la République. L’affaire devrait désormais se porter sur le tribunal administratif où Me Mascaras entend poursuivre l’hôpital de Montauban.

Cyrienne Clerc, avec La Depêche


La responsabilité civile des professionnels de santé et des établissements de santé privés à la lumière de la loi du 4 mars 2002

(par Mme Domitille Duval-Arnould, conseiller référendaire à la Cour de cassation)

Source : cour de cassation

Depuis les arrêts Mercier du 20 mai 1936 (D. 1936 p. 88) et Clinique Sainte Croix du 6 mars 1945 (D.1945 p.217), la responsabilité des médecins et des établissements de santé privés a un fondement contractuel ; les soins donnés, en exécution des contrats conclus avec le patient, devant être attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science. La Cour de cassation a progressivement précisé les obligations mises à la charge du médecin et de l’établissement de santé privé ainsi que celles incombant au chirurgien dentiste et à la sage-femme. Leurs obligations respectives ont été aussi énoncées par différents décrets et en particulier par les codes de déontologie. La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de soins a posé les principes généraux de la responsabilité des professionnels et des établissements de santé. Elle a soumis à des exigences communes ces professionnels définis comme étant les médecins, chirurgiens dentistes et sage-femmes, les pharmaciens et préparateurs en pharmacie, les infirmiers, les masseurs kinésithérapeutes et pédicures podologues, les ergothérapeutes et psychomotriciens, les orthophonistes et orthoptistes, les manipulateurs d’électro-radiologie médicale, les audioprothésistes et opticiens lunetiers et les diététiciens. Elle concerne, outre les établissements de santé, les services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins.

L’article L. 1142-28 du Code de la santé publique, issu de la loi du 4 mars 2002, prévoit dorénavant que les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé à l’occasion d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage.

Il y a lieu de distinguer la responsabilité des professionnels de santé (I) et celle des établissements de santé privés (II).

I. La responsabilité des professionnels de santé

Les professionnels de santé sont, en principe, seulement tenus d’une obligation de moyens, en raison de la part de risque liée aux actes de prévention, de diagnostic ou de soins dont la réussite ne peut être assurée. La loi du 4 mars 2002 a repris ce principe en affirmant qu’ils ne sont responsables des conséquences dommageables de ces actes qu’en cas de faute. Elle a, en outre, soumis les professionnels exerçant à titre libéral à l’obligation de souscrire une assurance en responsabilité civile.

Comme toute responsabilité contractuelle, la responsabilité des professionnels de santé est subordonnée, à l’existence d’une faute (A) d’un préjudice et d’un lien de causalité (C). Mais, dans quelques cas, elle peut être engagée alors qu’ils n’ont pas nécessairement commis de faute (B).

La réparation des conséquences d’un aléa thérapeutique, défini par la Cour de cassation comme étant "la réalisation, en dehors de toute faute du praticien, d’un risque accidentel inhérent à l’acte médical et qui ne pouvait être maîtrisé" n’entre donc pas dans le champ des obligations dont un médecin est contractuellement tenu à l’égard de son patient (Civ.1ère, 8 novembre 2000 Bull. n° 287). La loi du 4 mars 2002 a d’ailleurs créé un dispositif de règlement amiable et d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux, d’affections iatrogènes et d’infections nosocomiales ; l’indemnisation étant assurée par les commissions régionales de conciliation et d’indemnisation et par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

A. Une responsabilité fondée sur la faute

Toute faute, quelle que soit sa gravité, peut engager la responsabilité du professionnel de santé sous réserve que le patient en établisse l’existence. Elle constitue soit un manquement aux devoirs généraux, soit une faute technique commise lors de la mise en oeuvre des soins. Elle est, le plus souvent, reprochée au médecin en raison de la mission qui lui est impartie et parfois au chirurgien dentiste et à la sage-femme ; les autres professionnels de santé ne faisant qu’exceptionnellement l’objet d’une action en responsabilité.

Le patient peut invoquer "à l’appui de son action en dommages-intérêts à l’encontre du médecin une méconnaissance des dispositions du Code de déontologie médicale" (Civ. 1ère, 13 mars 1997, Bull. n° 99 rapport annuel p.273). La Cour de cassation a admis, à titre d’exemple, qu’un gynécologue obstétricien ayant procédé, malgré des contre-indications tenant à l’âge et aux antécédents de sa patiente, à une induction ovarienne, puis au déclenchement prématuré de l’accouchement, sans justification thérapeutique et dans des conditions obstétricales peu favorables, avait manqué à son obligation déontologique "de ne pas faire courir au patient un risque injustifié et de refuser ses demandes qui l’exposeraient, sans justification thérapeutique, à un danger" (Civ. 1ère, 27 mai 1998, Bull. n° 187).

1. Les manquements aux devoirs généraux

Ils sont notamment caractérisés par le non recueil du consentement hors des cas d’urgence ou d’impossibilité ou par une absence de diligence suffisante. Le professionnel de santé doit, en raison du contrat "intuitu personae" conclu avec son patient, assurer lui-même les soins et le suivi de ce dernier. Ainsi, lorsqu’il décide de faire appel à un confrère, il garde une responsabilité personnelle à l’égard de son patient. Le fait que plusieurs médecins soient amenés à intervenir auprès d’un même patient confère à chacun d’eux "une obligation de prudence et de diligence quant au domaine de compétence du praticien avec lequel il a concouru à une intervention" (Civ. 1ère, 27 mai 1998, Bull. n° 187) ainsi qu’"un droit de contrôle quant à la prescription de son confrère" (Civ. 1ère, 29 mai 1984, Bull. n° 178 et 24 janvier 1990, Bull. n° 25). De même, le médecin peut engager sa responsabilité lorsqu’il a fait le choix d’un remplaçant ayant fait preuve de son inexpérience lors de soins (Civ. 1ère, 25 mai 1987 Bull. n° 170). Inversement, il peut lui être reproché par le patient d’avoir donné ces soins alors qu’il n’avait pas les compétences requises.

Mais les manquements, essentiellement invoqués à l’encontre du médecin, tiennent surtout à l’absence ou l’insuffisance d’information.

L’obligation d’information du médecin, notamment énoncée dans le Code de déontologie médicale, a été progressivement définie par la jurisprudence avant d’être affirmée par la loi du 4 mars 2002 et étendue à tous les professionnels de santé.

Elle a "pour objet de permettre au patient de donner un consentement ou un refus éclairé aux investigations et soins qui lui sont proposés" (Civ. 1ère, 14 octobre 1997, Bull. n° 278 et 20 juin 2000, Bull. n° 193). Mais le médecin n’est pas pour autant "tenu de réussir à convaincre son patient du danger de l’acte médical qu’il demande" (Civ. 1ère, 18 janvier 2000, Bull. n° 13). Selon la Cour de cassation, "cette obligation trouve son fondement dans l’exigence du respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine. Dès lors, la responsabilité consécutive à la transgression de cette obligation peut être recherchée aussi bien par la mère que par son enfant, alors même qu’à l’époque des faits la jurisprudence admettait qu’un médecin ne commettait pas de faute s’il ne révélait pas à son patient des risques exceptionnels ; l’interprétation d’une même norme ne pouvant être différente selon l’époque des faits considérés et nul ne pouvant se prévaloir d’un droit acquis à une jurisprudence figée" (Civ. 1ère, 9 octobre 2001, Bull. n° 249 Rapport annuel 2001 p.421).

La Cour de cassation a délimité l’étendue de l’information en affirmant, qu’"hormis les cas d’urgence, d’impossibilité ou de refus du patient d’être informé, un médecin est tenu de lui donner une information loyale, claire et appropriée sur les risques graves afférents aux investigations et soins proposés et n’est pas dispensé de cette obligation par le seul fait qu’un tel risque grave ne se réalise qu’exceptionnellement" (Civ. 1ère, 7 octobre 1998, Bull. n° 287 et 291, 15 juillet 1999, Bull. n° 250 et 9 octobre 2001, n° 1511P) ou que "l’intervention serait médicalement nécessaire" (Civ. 1ère, 18 juillet 2000, Bull. n° 227). Elle a estimé qu’une cour d’appel avait caractérisé une impossibilité d’informer le patient du risque grave réalisé en relevant que la nécessité de l’acte médical, source du risque non révélé, "s’était imposée au cours d’une intervention" et que "le chirurgien ne pouvait informer son patient des risques inhérents à cet acte complémentaire sans l’exposer au risque d’une nouvelle intervention sous anesthésie" (Civ. 1ère, 22 mai 2002,Bull. n° 142). Elle a précisé qu’ "un risque grave peut être de nature esthétique" (Civ. 1ère, 9 octobre 2001, n° 1523P) tout en retenant qu’"en matière de chirurgie esthétique l’obligation d’information du médecin est renforcée et doit porter non seulement sur les risques graves de l’intervention mais aussi sur tous les inconvénients pouvant en résulter"(Civ. 1ère, 17 février 1998, Bull. n° 67). Enfin dans le cas où le patient utilise ou porte un appareil remis par le praticien, tel qu’un appareil dentaire, cette obligation est étendue aux dangers présentés par cet appareil (Civ. 1ère, 22 novembre 1994, Bull. n° 340). Mais l’information ne porte bien sûr que sur les risques connus en l’état des données acquises de la science à la date de l’acte médical auquel ils sont inhérents (Civ. 1ère, 2 octobre 2002, n° 1426 D).

L’article L. 1111-2 du Code de la santé publique, issu de la loi du 4 mars 2002, énonce désormais que "l’information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables et porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences possibles en cas de refus". Il précise que seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent dispenser le professionnel de cette information. Le fait pour le législateur d’avoir visé les risques fréquents ou graves normalement prévisibles au lieu des risques exceptionnels, même s’il résulte des travaux préparatoires que ce texte vise à reprendre les exigences posées par la Cour de cassation, risque de prêter à des interprétations différentes. L’article L. 6322-2 du Code de la santé publique précise, en matière de chirurgie esthétique, que la personne concernée doit "être informée par le praticien responsable des conditions de l’intervention, des risques et des éventuels conséquences et complications et que cette information est accompagnée de la remise d’un devis détaillé". Enfin la loi du 4 mars 2002 prévoit que l’information est étendue, le cas échéant, aux risques nouveaux identifiés par l’exécution des actes médicaux, aux circonstances et causes d’un accident dont un patient s’estimerait victime ainsi qu’aux frais occasionnés par ces actes médicaux.

Cependant, cette obligation d’information n’exclut pas que le médecin puisse exceptionnellement, en application du Code de déontologie médicale, "limiter l’information de son patient sur un diagnostic ou pronostic grave" si cette limitation est "fondée sur des raisons légitimes et dans l’intérêt du patient, lequel doit être apprécié en fonction de la nature de la pathologie, de son évolution prévisible et de la personnalité du malade" (Civ. 1ère, 23 mai 2000, Bull. n° 159 rapport annuel 2000 p.377).

L’obligation d’information du médecin n’implique pas celle de rédiger un écrit mais il appartient au médecin, en cas de contestation, "d’apporter la preuve par tous moyens de son exécution, notamment par des présomptions au sens de l’article 1353 du Code civil"(Civ. 1ère, 14 octobre 1997, Bull. n° 278). Cette exigence a été reprise par l’article L. 1111-2 du Code de la santé publique qui dispose qu’"en cas de litige, il appartient au professionnel de santé ou à l’établissement de santé d’apporter la preuve que l’information a été délivrée dans les conditions prévues" et que "cette preuve peut être apportée par tout moyen".

Cette obligation "incombe personnellement au praticien" (Civ. 1ère, 13 novembre 2002, n°1581P) qui doit donc, le cas échéant, s’assurer qu’elle a été donnée par son confrère, lorsque plusieurs médecins prennent en charge le patient. "Elle pèse aussi bien sur le médecin prescripteur que sur celui qui réalise la prescription" (Civ. 1ère, 14 octobre 1997, Bull. n° 278). L’article L. 1111-2 précise que "cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables" et qu’"elle est délivrée au cours d’un entretien individuel".

Lorsque plusieurs médecins sont amenés à intervenir, il existe aussi un devoir d’information à l’égard des autres membres de l’équipe. La Cour de cassation a ainsi relevé que "pour décider d’un partage de responsabilité entre un chirurgien et un médecin anesthésiste, une cour d’appel avait pu retenir que les obligations du chirurgien ne pouvaient se limiter aux seuls gestes chirurgicaux dès lors que, suivant depuis plusieurs années son patient, celui-ci se devait d’aviser le médecin anesthésiste des risques que comportait une anesthésie locale"(Civ. 1ère, 28 octobre 1997, Bull. n° 298).

2. Les fautes techniques

Les professionnels de santé et plus particulièrement les médecins sont tenus de donner à leur patient "des soins conformes aux données acquises de la science" (Civ. 1ère, 6 juin 2000, Bull. n° 176). L’article L. 1110-5 du Code de la santé publique, issu de la loi du 4 mars 2002, précise que "toute personne a, compte tenu de son état et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées" et que "les actes de prévention, d’investigation ou de soins, ne doivent pas en l’état des connaissances médicales, lui faire courir des risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté".

"Des considérations liées aux possibilités financières du patient ne peuvent donc autoriser le chirurgien dentiste", comme tout autre professionnel de santé, "à dispenser des soins non conformes aux données acquises de la science" (Civ. 1ère, 19 décembre 2000, Bull. n° 331). Elles ne devraient pas non plus pouvoir le conduire à refuser de prodiguer des soins.

Les fautes techniques résultent d’une méconnaissance des règles de l’art et s’apprécient par comparaison entre ce qui a été fait et ce qui aurait dû être fait. Elles tiennent essentiellement à une inattention, une imprudence ou encore une négligence lors du traitement, de sa mise en oeuvre ou de la surveillance du patient. L’erreur de diagnostic ne constitue pas à elle seule une faute mais elle peut être reprochée au professionnel de santé qui n’a pas mis en oeuvre les moyens nécessaires ni fait preuve d’une diligence suffisante. A titre d’exemples, la Cour de cassation a retenu qu’ "une cour d’appel ayant relevé qu’un patient s’était présenté à la clinique alors qu’une partie de son dommage était déjà réalisé, avait pu en déduire que les médecins étaient responsables, en raison de leur persistance dans un diagnostic erroné, d’une perte de chance pour le patient de subir des séquelles moindres "(Civ. 1ère, 8 juillet 1997, Bull. n° 238) et qu’ "une cour d’appel ayant relevé l’existence d’une erreur de diagnostic, l’absence, contraire aux données acquises de la science, d’une antibiothérapie, enfin, l’indication tardive de l’intervention nécessaire avait caractérisé les fautes commises par des praticiens dans le traitement d’une infection contractée par leur patiente lors d’un accouchement"(Civ. 1ère, 16 juin 1998, Bull. n° 210). Elle a estimé aussi qu’"une cour d’appel avait caractérisé la faute d’une infirmière libérale, en retenant que celle-ci, chargée de réaliser une injection intramusculaire douloureuse sur une enfant de sept ans, difficile à soigner, n’avait pas pris les précautions de nature à éviter tout mouvement de l’enfant pendant l’injection et n’était pas parvenue à maîtriser complètement la trajectoire de son aiguille (Civ. 1ère, 6 juin 2000, Bull. n° 175). Elle a cependant précisé que "le médecin accoucheur n’est pas tenu de suivre l’état d’une parturiente dès son entrée en clinique, lorsque celle-ci est sous la surveillance d’une sage-femme, ce qui relève de la compétence professionnelle de cette dernière" "et qu’aucun élément ne permet de suspecter un accouchement dystocique" (Civ. 1ère, 20 juin 2000, Bull. n° 192).

La Cour de cassation met à la charge du praticien "une obligation de précision du geste chirurgical ou de chirurgie dentaire" (P. Sargos Médecine et Droit 2000 n° 43 p.10-11) ou encore "une obligation déterminée de sécurité évidente"(Y. Lambert-Faivre Droit du dommage corporel Dalloz 2000 p.691). Il a en effet l’obligation de limiter les atteintes qu’il porte à son patient à celles qui sont nécessaires pour réaliser l’intervention. Dès lors "toute maladresse engage sa responsabilité et est par là même exclusive de la notion de risque inhérent à un risque médical"(Civ. Ière, 30 septembre 1997, Bull. n° 259). La Cour de cassation a notamment retenu qu’"engageait sa responsabilité le chirurgien qui, au cours d’une intervention chirurgicale portant sur une côte, blessait par maladresse une artère (Civ. Ière, 7 janvier 1997, Bull. n° 6) et que "lorsque la réalisation d’une intervention médicale n’impliquait pas l’atteinte à la personne du patient qui s’était produite au cours de celle-ci, la faute du praticien ne pouvait être écartée que s’il existait une anomalie rendant l’atteinte inévitable pour réaliser l’intervention" (Civ. 1ère, 23 mai 2000, Bull. n° 153). Elle a énoncé qu’"une cour d’appel avait pu estimer que la cause du préjudice d’une patiente, ayant subi une déchirure de la trachée du fait de l’intubation nécessitée par l’anesthésie générale, était le geste maladroit d’un anesthésiste, constitutif d’une faute" (Civ. 1ère, 9 avril 200,2 Bull. n° 114) et que commettait une faute dans l’exécution du contrat le liant à son patient, "le chirurgien-dentiste qui, à l’occasion de l’extraction de dents, avait provoqué chez ce patient des atteintes labiales et neurologiques qui n’étaient pas impliquées par la réalisation des extractions" (Civ. 1ère, 9 octobre 2001, Bull. n° 248) ou "qui au cours d’une intervention sur une dent, avait provoqué, par son fait, une fracture du maxillaire" (Civ. 1ère, 3 février 1998, Bull. n° 46).

Le professionnel de santé a aussi l’obligation de recourir aux mesures d’aseptie permettant d’éviter la survenue d’infections nosocomiales. Après avoir retenu que le médecin n’était responsable qu’en cas de faute, la Cour de cassation a posé le principe que le médecin, au même titre que l’établissement de santé, était tenu en matière d’infection nosocomiale, "d’une obligation de sécurité de résultat dont il ne peut se libérer qu’en rapportant la preuve d’une cause étrangère" (Civ. 1ère, 29 juin 1999, Bull. n° 222), sous réserve que "le patient démontre le caractère nosocomial de l’infection dont il était atteint" (Civ. 1ère, 27 mars 2001, Bull. n° 87). Mais la loi du 4 mars 2002 exige désormais, s’agissant du professionnel de santé, que le patient établisse l’existence d’une faute commise par ce dernier. Il lui appartiendra ainsi de prouver que les mesures de prophylaxie étaient insuffisantes ou inadaptées au regard des actes médicaux pratiqués.

Le médecin, étant seul maître du traitement, est enfin tenu de prendre les mesures nécessaires pour que son patient ne compromette pas sa sécurité. La Cour de cassation a relevé qu’"une cour d’appel qui avait notamment constaté qu’un patient était atteint d’une pathologie dépressive récidivante associée à une pathologie anxieuse au long cours, avait pu retenir que le médecin avait commis une faute en ne réétudiant pas avec son patient qui s’était suicidé lors d’une sortie de la clinique, et sa famille, les conditions dans lesquelles il pouvait être autorisé à quitter provisoirement le lieu des soins" (Civ. 1ère, 10 juin 1997, Bull. n° 198).

B. Les cas particuliers

Ils sont liés à l’utilisation d’un matériel ou d’un produit ou à la réalisation d’actes médicaux au sein d’une équipe médicale.

1. La responsabilité liée à l’utilisation d’un matériel ou d’un produit

La Cour de cassation a affirmé que "le contrat formé entre le patient et son médecin met à la charge de ce dernier une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne les matériels qu’il utilise pour l’exécution d’un acte médical d’investigation ou de soins" tout en précisant que le patient a la charge de prouver que ce sont bien ces matériels qui sont à l’origine de son dommage (Civ. 1ère, 9 novembre 1999, Bull. n° 300). Elle a énoncé aussi que "le chirurgien-dentiste orthodontiste qui fournit un appareil, est tenu à une obligation de résultat concernant la sécurité tenant tant à la conception de l’appareil qu’à ses conditions d’utilisation"(Civ. 1ère, 22 novembre 1994, Bull. n° 340). Elle a ainsi dispensé la victime d’établir l’existence d’une faute du professionnel de santé. Par contre, elle a retenu que le médecin comme le chirurgien dentiste, lorsqu’ils accomplissent un examen radiographique ou procèdent à la pose d’un matériel sur le patient, ne sont tenus que d’une obligation de moyens dans la mesure où ils effectuent alors un acte médical (Civ. 1ère, 9 novembre 1999, précité, 25 février 1997, Bull. n° 71 et 4 février 2003 n° 157P). Mais la question d’un maintien de cette obligation de sécurité à l’issue de la loi du 4 mars 2002 se pose, dans la mesure ou, sauf exception, la responsabilité du professionnel de santé n’est engagée qu’en raison de la faute commise. Il apparaît, dans l’hypothèse d’un matériel défectueux et en l’absence de faute du professionnel, que la victime aurait la faculté de saisir l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Le professionnel de santé qui fournit un produit à son patient peut voir sa responsabilité engagée de plein droit en cas de dommage résultant de l’emploi de ce produit en application de l’article 1386-7 du Code civil, issu de la loi du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux. Mais il bénéficie alors d’un recours en garantie contre le producteur sous réserve d’agir dans l’année suivant la date à laquelle il a été assigné. Il appartient à la victime de prouver, outre le dommage subi, le défaut du produit et son lien de causalité avec le dommage ; un produit sans défaut étant un produit présentant la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre.

Le professionnel de santé qui utilise un médicament n’ayant pas reçu d’autorisation de mise sur le marché, ou encore un matériel non homologué ou destiné à un autre usage (Civ. 1ère, 14 mars 2000, n° 553 D) engage sa responsabilité au titre de la faute commise. Il en est, de même, si le dommage subi par un patient résulte de la prescription ou de l’administration d’une surdose médicamenteuse (Civ. 1ère, 7 décembre 1999, Bull. n° 337).

2. La responsabilité au sein de l’équipe médicale

Chaque professionnel de santé peut être amené à répondre des fautes qu’il a personnellement commises. Mais la responsabilité du médecin, ou encore celle du chirurgien dentiste, est parfois engagée à propos d’actes qu’il n’a pas accompli lui-même, lorsqu’il est considéré comme le chef d’une équipe médicale. Sa responsabilité est liée au fait que le patient n’a pas contracté avec chacun des membres de l’équipe mais seulement avec lui et qu’"il doit répondre des personnes qu’il se substitue en dehors du consentement de son patient pour l’accomplissement d’une partie inséparable de son obligation"(Civ. 1ère, 9 octobre 1984, Bull. n° 251).

Cependant même dans le cas où le patient a contracté avec d’autres médecins de l’équipe et où il n’existe pas de lien de subordination au sein de celle-ci, le médecin peut engager sa responsabilité en l’absence de prudence et de diligence quant au domaine de compétence du praticien avec lequel il a concouru à une intervention (Civ. 1ère, 27 mai 1998, Bull. n° 187) dans la mesure où il a ainsi manqué à ses devoirs généraux.

Le médecin, comme le chirurgien dentiste, peuvent être tenus des fautes commises par des membres du personnel de l’établissement de santé. La Cour de cassation a retenu qu’"en vertu de l’indépendance professionnelle dont le médecin bénéficie dans l’exercice de son art, il répond des fautes commises au préjudice des patients par les personnes qui l’assistent lors d’un acte médical d’investigation ou de soins, alors même que ces personnes seraient les préposées de l’établissement de santé où il exerce" (Civ. 1ère, 13 mars 2001, Bull. n° 72). Ces dernières agissent en effet dans ce cas sous son contrôle direct et non plus sous le contrôle de l’établissement qui les emploie.

C. Le préjudice et le lien de causalité

En principe, pour engager la responsabilité du professionnel de santé, le patient doit avoir subi un préjudice et établir l’existence d’un lien de causalité avec la faute commise.

Mais, dans de nombreux cas, "on est en présence d’une situation particulière où il y a bien faute mais où l’incertitude sur le lien de causalité direct et certain entre cette faute et le dommage du patient se double d’une certitude sur le fait que si la faute n’avait pas été commise, ce dommage aurait pu être évité ou limité" (M. Sargos : L’évolution de la responsabilité civile des médecins et des établissements de santé privés dans la jurisprudence de la Cour de cassation ENM 2002). La Cour de cassation a admis, dans ces situations, le recours à la notion de perte de chance. La perte de chance constitue un préjudice distinct de celui qui résulte des atteintes corporelles subies mais elle est appréciée aussi en fonction de l’état de santé du patient. Le lien de causalité qui doit toujours exister, se situe dans ce cas entre la faute et la perte de chance.

La Cour de cassation indemnise aussi spécifiquement sur le fondement de la perte de chance le préjudice lié au défaut d’information par le médecin ; le préjudice résultant alors de la probabilité qu’aurait eu le patient d’éviter le dommage ou de voir son état s’améliorer.

1. Les principes

Le préjudice subi par le patient peut être de différents ordres : physique, moral ou économique et est évalué conformément aux règles relatives à la réparation des dommages corporels. Le préjudice peut être aussi subi par les tiers, c’est à dire les membres de l’entourage, victimes par ricochet du dommage subi par le patient. Ces derniers "sont fondés à invoquer l’exécution défectueuse du contrat lorsqu’elle leur a causé un dommage", sans avoir à rapporter d’autre preuve (Civ. 1ère, 18 juillet 2000, Bull. n° 221) et même un manquement à une obligation de sécurité de résultat (Civ. 1ère, 13 février 2001, Bull. n° 35).

La naissance d’un enfant peut constituer dans certains cas un préjudice réparable. Si une naissance à la suite de l’échec d’une interruption volontaire de grossesse, n’est pas considérée, à elle seule, comme constituant pour la mère un préjudice juridiquement réparable en l’absence d’un dommage particulier ajouté aux charges normales de la maternité (Civ. 1ère, 25 juin 1991, Bull. n° 213), la naissance d’un enfant handicapé faisant suite à une erreur de pronostic ou de diagnostic peut ouvrir un droit à réparation. La Cour de cassation a retenu que "lorsque la faute commise par le médecin dans l’exécution du contrat formé avec sa patiente a empêché cette dernière d’exercer son choix d’interrompre sa grossesse pour motif thérapeutique et qu’il n’est pas contesté que les conditions médicales d’une telle interruption étaient réunies, les parents de l’enfant né handicapé peuvent demander la réparation du préjudice matériel résultant pour eux du handicap en relation de causalité directe avec la faute retenue" (Plén. 28 novembre 2001, Bull. n° 15). Elle a aussi estimé que l’enfant subissait un préjudice personnel et a affirmé que "dès lors que les fautes commises par un médecin et un laboratoire dans l’exécution des contrats formé avec une femme enceinte avaient empêché celle-ci d’exercer son choix d’interrompre sa grossesse afin d’éviter la naissance d’un enfant atteint d’un handicap, ce dernier peut demander la réparation du préjudice résultant de son handicap et causé par les fautes retenues" (Plén,. 17 novembre 2000, Bull. n° 9) sous réserve que le handicap soit en relation directe avec les fautes commises et qu’il soit établi, le cas échéant, que les conditions médicales d’une interruption volontaire de grossesse pour motif thérapeutique étaient réunies (Plén., 13 juillet 2001, Bull. n° 10). Elle a précisé que "le préjudice de l’enfant né handicapé dont la mère n’a pu recourir à une interruption médicale de grossesse faute de communication par son médecin des résultats alarmants d’examens prénataux n’est pas constitué par une perte de chance mais par le handicap et doit être intégralement réparé" (Plén., 28 novembre 2001, Bull. n°15).

La loi du 4 mars 2002 a cependant exclu la réparation du préjudice personnel de l’enfant et limité la réparation du préjudice des parents en énonçant que "nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance", que "lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice, "que ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap", que la compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale" et que "ces dispositions sont applicables aux instances en cours, à l’exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l’indemnisation". Le Conseil d’Etat a relevé que "ce nouveau régime, décidé par le législateur pour des motifs d’intérêt général, tenant à des raisons d’ordre éthique, à la bonne organisation du système de santé et au traitement équitable de l’ensemble des personnes handicapées n’est incompatible ni avec les stipulations du 1 de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ni avec celles des articles 5, 8, 13 et 14 de cette convention, ni avec celles de l’article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, ni enfin avec celles des articles 14 et 26 du pacte sur les droits civils et politiques" et que ces motifs d’intérêt général "justifient qu’il ait été décidé d’appliquer les dispositions nouvelles aux situations apparues antérieurement et aux instances en cours, tout en réservant les décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée" (C.E. Avis n° 250167 du 6 décembre 2002).

Pour que l’auteur d’une faute puisse être condamné à réparation, il est nécessaire que la faute commise ait "contribué de façon directe à la production du dommage dont la réparation est demandée" (Civ. 1ère, 30 septembre 1997, Bull. n° 259 et 4 février 2003 n° 157P). La Cour de cassation a admis qu’une demande de garantie puisse être formée par un centre de transfusion sanguine contre l’auteur de l’accident à la suite duquel ont été effectuées les transfusions qui ont contaminé la victime du fait que ces transfusions avaient été rendues nécessaires par l’accident (Civ. 1ère, 4 décembre 2001, Bull. n° 310 rapport annuel p.431). L’existence d’une faute en relation avec l’état de victime permet de condamner le professionnel de santé à réparer l’intégralité du préjudice subi même si des fautes ont été aussi commises par d’autres intervenants. Mais ce dernier a alors la faculté de les mettre en cause, ce qui aboutit bien souvent à une condamnation in solidum et un partage de responsabilité dans ses rapports avec les autres responsables.

Le patient peut, avant l’acte médical, présenter un état de santé défectueux, sans lien avec l’affection que l’on a entrepris de traiter. Il est alors nécessaire, en cas de faute commise, d’évaluer objectivement le préjudice résultant uniquement de cette faute. La Cour de cassation a énoncé qu’"en relevant que la surdose médicamenteuse administrée à un patient avait précipité et révélé une maladie préexistante mais latente, une cour d’appel avait caractérisé le lien de causalité entre la faute commise et la survenance du dommage"(Civ. 1ère, 7 décembre 1999, Bull. n° 337). Il appartient alors aux juges du fond d’apprécier le préjudice lié à l’apparition plus rapide de la maladie.

2. Le recours à la perte de chance

La perte de chance signifie que le professionnel de santé par sa faute a fait perdre au patient une chance d’améliorer son état ou même de guérir, de survivre ou d’échapper à une infirmité. Elle permet d’indemniser la victime lorsqu’il existe un doute sur la cause du préjudice, celui-ci pouvant être lié à la faute commise où à l’évolution naturelle de la maladie, ou même résulter pour partie de la part d’aléa que comporte tout acte médical. La victime n’a plus, dans cette hypothèse, à prouver que la faute est la cause directe et certaine du dommage mais seulement qu’elle l’a privée d’une chance d’éviter ce dommage. La Cour de cassation a admis, à titre d’exemple, que "c’est par une appréciation souveraine du préjudice consécutif à la faute du praticien qu’une cour d’appel ayant relevé que les experts qui n’avaient pu déterminer si la pratique d’une césarienne faite de manière précoce aurait permis d’éviter, à coup sûr, les lésions dont souffre aujourd’hui l’enfant, a néanmoins conclu que l’erreur de diagnostic et l’abstention thérapeutique qui en était résulté avaient été à l’origine d’une perte de chance, pour l’enfant de naître indemne de toutes lésions, et notamment d’éviter les conséquences de l’hypoxie foetale qu’il a présentée avant sa naissance, limite la réparation due à l’enfant et à ses parents à la moitié de leurs préjudices réels"(Civ. 1ère, 10 juillet 2002, n° 1250 P). Il est toutefois nécessaire de prouver qu’au moment où la faute a été commise, la santé du patient n’était pas déjà définitivement compromise.

Le dommage résultant de la perte de chance est "fonction de la gravité de l’état réel de la victime et de toutes les conséquences en découlant" (Civ. 1ère, 8 juillet 1997, Bull. n° 239) Sa réparation "doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée" (Civ. 1ère, 16 juillet 1998, Bull. n° 160). "L’indemnité de réparation de la perte de chance d’obtenir une amélioration de son état ou d’échapper à une infirmité, ne saurait présenter un caractère forfaitaire, mais correspond à une fraction des différents chefs de préjudice supportés par cette victime" (Civ. 1ère, 18 juillet 2000, Bull. n° 224). Il incombe donc à la victime de préciser à quel montant elle évalue la totalité des préjudices afférents à son état puis aux juges du fond d’apprécier le bien fondé des demandes et d’évaluer les différents chefs de préjudices en distinguant ceux qui sont afférents à l’atteinte à l’intégrité physique du patient et soumis à recours des tiers payeurs et ceux qui ont un caractère personnel. Ils déterminent ensuite, par une appréciation souveraine, la fraction de ces préjudices correspondant à la perte de chance de les éviter si le professionnel de santé n’avait pas commis une faute et fixent la part correspondant au préjudice personnel de la victime et sur laquelle le recours des tiers payeurs ne peut s’exercer ; les tiers payeurs disposant en effet, à l’exclusion de la part réparant le préjudice personnel de la victime, d’un recours à la mesure des prestations qu’ils ont versées à celle-ci et qui sont en relation directe avec le fait dommageable (Civ 1ère, 18 juillet 2000, Bull. n° 224 rapport annuel p.392, 29 juin 1999, Bull. n° 220 et 8 juillet 1997, Bull. n° 238 et 239).

3. Le préjudice résultant du défaut d’information

La Cour de cassation a retenu qu’en manquant à son obligation d’information, un praticien prive son patient "d’une chance d’échapper par une décision peut être plus judicieuse, au risque qui s’est finalement réalisé" et que cette perte "constitue un préjudice distinct des atteintes corporelles résultant de l’intervention médicale" (Civ. 1ère, 7 février 1990, Bull. n° 39). Mais le défaut d’information n’autorise une réparation que s’il en est résulté un préjudice pour le patient ainsi privé de la possibilité de donner un consentement ou un refus éclairé à cet acte. Il est aussi nécessaire qu’il existe un lien de causalité entre le manquement reproché et le dommage éprouvé ; tel n’est pas le cas lorsque la cause du dommage est inconnue ou relève d’un aléa thérapeutique.

La Cour de cassation a affirmé que l’existence d’un préjudice est appréciée souverainement par les juges du fond (Civ. 1ère, 13 novembre 2002, n° 1579P et 1581P et 20 juin 2000, Bull. n° 193). Pour apprécier ce préjudice, les juges du fond ont la faculté, et non plus l’obligation, de rechercher les effets qu’aurait pu avoir une information exhaustive quant au consentement ou au refus du patient. Ainsi aucune réparation n’est due par le médecin lorsque les juges du fond constatent que le patient "ne caractérise aucune perte de chance d’échapper au risque réalisé dans la mesure où celui-ci était inhérent à l’acte médical dont la nécessité était admise par les experts" (Civ. 1ère, 4 février 2003, n° 157P), que le patient "n’a souffert d’aucune perte de chance consécutivement au manquement invoqué du praticien à son obligation d’information" (Civ. 1ère, 13 novembre 2002, n° 1581P)ou encore qu’"il n’est pas démontré qu’informé du risque exceptionnel survenu, le patient aurait refusé l’acte chirurgical dont la nécessité était admise et que l’absence d’information lui ait causé un préjudice indemnisable"(Civ. 1ère, 13 novembre 2002, n° 1579P). Lorsque les juges du fond retiennent au contraire qu’il existe une probabilité que le patient aurait refusé l’intervention, les préjudices sont réparés à proportion de cette probabilité qu’ils évaluent souverainement (not. Civ. 1ère, 10 décembre 2002, n°1769 D).

La Cour de cassation a cependant estimé qu’un patient qui n’avait pas été informé d’un risque afférent à l’intervention chirurgicale subie, qui s’était réalisé, ne justifiait pas "d’un préjudice résultant de la perte de la faculté qu’il aurait eue, s’il avait été informé, de refuser l’opération, dès lors que celle-ci, eu égard à l’échec de tous les traitements antérieurs, était indispensable, seule de nature à améliorer son état" et "avait abouti à l’amélioration escomptée" et qu’"il ne souffrait du fait du risque réalisé que de troubles moindres que ceux découlant de la non-réalisation de l’intervention"( Civ. 1ère, 7 octobre 1998, Bull. n° 287).

II. La responsabilité des établissements de santé privés

Elle est fondée sur le contrat d’hospitalisation et de soins conclu avec le patient accueilli (A) ; ce contrat étant distinct de celui qui peut lier le patient au professionnel de santé. Dans certains cas, elle résulte des actes accomplis par les professionnels de santé (B).

A. La responsabilité liée au contrat d’hospitalisation et de soins

L’établissement de santé a certaines obligations à l’égard des patients. En premier lieu, le contrat d’hospitalisation et de soins met à sa charge "l’obligation de leur donner des soins attentifs et consciencieux"(Civ. 1ère 18 juillet 2000, Bull. n°220). Il s’agit des soins courants nécessités par l’état des malades qui ne relèvent pas de la compétence exclusive du médecin et que le personnel peut faire sans être sous son contrôle. Ces soins incluent la surveillance de l’état de santé du patient y compris le cas échéant celle de son comportement, l’établissement devant prendre "les mesures nécessaires pour veiller à sa sécurité, les exigences afférentes à cette obligation étant fonction de l’état du patient" (Civ. 1ère, 18 juillet 2000, Bull. n° 221). Le respect de ces exigences implique que l’établissement de santé dispose de locaux adaptés, d’un personnel suffisant, correspondant aux normes fixées par la réglementation et ayant notamment "reçu une formation suffisante pour lui permettre d’utiliser l’équipement" mis à la disposition des patients (Civ. 1ère, 7 juillet 1998, Bull. n° 239). L’établissement de santé doit aussi mettre à leur service "des médecins qualifiés pouvant intervenir dans les délais imposés par leur état" (Civ. 1ère, 15 décembre 1999, Bull. n° 351 Rapport annuel p. 396) et est tenu à leur égard "d’une obligation de renseignements concernant les prestations qu’il est en mesure d’assurer" (Civ. Ière, 14 octobre 1997, Bull. n° 276). Il a en outre l’obligation d’utiliser un équipement technique et des méthodes d’aseptie conformes aux données acquises de la science et fournir des produits de santé sans défaut. Enfin, l’établissement contracte "une obligation de prudence et de surveillance qui s’étend aux effets du patient, tels que des bijoux conservés pendant la durée d’une anesthésie totale"(Civ. 1ère, 19 mai 1992, Bull. n° 146). La loi du 4 mars 2002 a prévu une responsabilité de plein droit des établissements de santé en cas de vol, perte ou détériorations des objets déposés par le patient.

L’établissement est, en principe, seulement tenu d’une obligation de moyens et sa responsabilité ne peut être engagée qu’en cas de faute. La loi du 4 mars 2002 a affirmé aussi, comme pour les professionnels de santé, que "les établissements de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute". Mais, dans certains cas, leur responsabilité peut être engagée sur le fondement d’une obligation de sécurité et de résultat.

1. La responsabilité pour faute

Lorsque le patient ou les tiers au contrat contestent l’organisation des soins, la compétence du personnel, le matériel utilisé ou plus généralement la qualité des soins reçus, il leur appartient d’établir l’existence d’une faute de l’établissement et d’un dommage ainsi que celle d’un lien de causalité entre eux, selon les règles précédemment énoncées à propos des professionnels de santé. La Cour de cassation a ainsi retenu, à titre d’exemples, que manquait "à l’obligation de donner à ses patients des soins attentifs et consciencieux, la clinique dont une patiente, hospitalisée dans ses locaux à la suite d’une intervention chirurgicale impliquant ensuite la mise en traction d’un membre, s’était plainte de douleurs au cours de la nuit et dont le personnel s’était borné à lui administrer des calmants sans procéder à aucune vérification et sans appeler le médecin qui l’avait opérée" (Civ. 1ère, 18 juillet 2000, Bull. n° 220) et que "justifiait légalement sa décision, la cour d’appel qui, ayant constaté que le retard du médecin anesthésiste, imputable au défaut d’organisation de la clinique, avait entraîné un manque d’oxygène pour le nouveau-né provoquant la souffrance cérébrale et ses séquelles, en avait déduit que la faute de l’établissement était en relation avec l’entier préjudice de la victime"(Civ. 1ère, 15 décembre 1999, Bull. n° 351).

Les établissements de santé ayant recours à des produits sanguins fournis par des centres de transfusion sont tenus à "une simple obligation de prudence et de diligence", en l’absence de possibilité de contrôle de la qualité du sang transfusé (Civ. 1ère, 12 avril 1995, Bull. n° 180). C’est donc les centres de transfusion qui "sont responsables, même en l’absence de faute, des conséquences dommageables de la mauvaise qualité des produits fournis" (T. Conflits, 14 février 2000, Bull. n° 2). La Cour de cassation a affirmé que "lorsqu’une personne démontre, d’une part, que la contamination virale dont elle est atteinte est survenue à la suite de transfusions sanguines, d’autre part, qu’elle ne présente aucun mode de contamination qui lui soit propre, il appartient au centre de transfusion sanguine dont la responsabilité est recherchée de prouver que les produits sanguins qu’il a fournis étaient exempts de tout vice" (Civ. 1ère, 9 mai 2001, Bull. n° 130 et 17 juillet 2001 Bull. n° 1519P). L’article 102 de la loi du 4 mars 2002 a prévu, à propos des contaminations survenues antérieurement à la date de son entrée en vigueur, une présomption d’imputabilité d’une contamination par le virus de l’hépatite C à une transfusion sanguine ou une injection de produits dérivés du sang tout en précisant que cette disposition était applicable aux instances en cours n’ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. La Cour de cassation, faisant application de cette nouvelle disposition, a annulé un arrêt qui, pour débouter une personne porteuse du virus de l’hépatite C de sa demande d’indemnisation, avait énoncé qu’il lui appartenait de rapporter la preuve de lien existant entre la transfusion subie et la contamination, que le fait que l’un des deux donneurs n’ait pu être testé ne permettait pas de retenir que la transfusion était à l’origine de la transmission du virus, que les probalitités de transmission en présence de seulement deux donneurs étaient insuffisantes et qu’il existait d’autres sources possibles de contamination dont certaines étaient encore ignorées (Civ. 1ère, 4 mars 2002, n° 327 P).

Lorsque le patient présente des troubles psychiatriques, la responsabilité de l’établissement dépend des informations qui ont été portées à sa connaissance ; les établissements psychiatriques n’étant eux mêmes tenus que "d’une obligation de surveillance de moyens en fonction de la pathologie du malade et de sa situation administrative" (Civ. 1ère, 13 octobre 1999, Bull. n° 274). Ces informations doivent lui permettre de prendre des mesures adaptées à l’état du patient et aux risques liés à sa prise en charge et justifient, si elles n’ont pas été mises en oeuvre, qu’une faute de surveillance soit retenue à son encontre. Ainsi la Cour de cassation a considéré que devait être retenue la responsabilité d’une clinique psychiatrique, dont "la patiente ligotée sur son lit en raison de la gravité de son état, avait été laissée sans surveillance, aucun membre du personnel de la clinique psychiatrique ne se trouvant à l’étage où se situait sa chambre, et seul l’appel d’un autre malade ayant permis de se rendre compte que la patiente avait mis le feu à son lit pour se suicider" (Civ. 1ère, 18 juillet 2000, Bull. n° 221). Elle a retenu, au contraire, qu’une cour d’appel "ayant constaté qu’un patient avait été hospitalisé dans une chambre d’un service de cardiologie d’une clinique en raison de ses antécédents, sur décision de ses médecins, dont son psychiatre, que rien n’établissait que le personnel de la clinique ait été informé des traitements antérieurs de ce patient pour dépression et de la nécessité d’une surveillance particulière, que la chambre où celui-ci se trouvait était située dans le seul service adapté à son état et qu’au moment des faits un médecin et une aide soignante étaient sur place, avait pu déduire de cet ensemble de circonstances que la clinique, à laquelle était imputée la responsabilité de la tentative de suicide du patient, qui s’était jeté dans le vide par la fenêtre non munie d’un dispositif en condamnant l’ouverture, n’avait commis aucune faute dans l’accomplissement du contrat d’hospitalisation et de soins la liant à son patient" (Civ. 1ère, 3 mars 1998, Bull. n° 90). Elle a énoncé aussi que "la notion de surveillance constante, au sens de l’article L. 333 du Code de la santé publique relatif à l’hospitalisation à la demande d’un tiers de personnes atteintes de troubles mentaux, signifie qu’une équipe soignante, engagée dans un projet thérapeutique, doit pouvoir intervenir à tout moment auprès du patient, en cas de besoin et que la circonstance qu’une personne toxicomane, hospitalisée à la demande d’un tiers, ait quitté l’établissement contre l’avis médical, profitant d’une période de détente prévue au projet de réinsertion mis en place dans l’établissement et auquel la malade avait donné son accord, n’est pas de nature à engager la responsabilité dudit établissement pour manquement à son obligation spécifique de surveillance" (Civ. 1ère, 13 octobre 1999, Bull. n° 274).

2. Les obligations de sécurité de résultat

Elles ont été prévues dans les cas d’infections nosocomiales et de fournitures de produits de santé à l’exception des produits sanguins.

La Cour de cassation a affirmé que "le contrat d’hospitalisation et de soins conclu entre un patient et un établissement de santé met à la charge de ce dernier, en matière d’infection nosocomiale, une obligation de sécurité de résultat dont il ne peut se libérer qu’en rapportant la preuve d’une cause étrangère"(Civ. 1ère, 29 juin 1999, Bull. n° 220). Mais "il appartient au patient de démontrer que l’infection dont il est atteint présente un caractère nosocomial, auquel cas le médecin est tenu d’une obligation de sécurité de résultat"(Civ. 1ère, 27 mars 2001, Bull. n° 87). L’article L. 1142-1 du Code de la santé publique, issu de la loi du 4 mars 2002, disposant que "les établissements, services et organismes sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère" maintient cette obligation de sécurité de résultat. Il n’affecte pas la jurisprudence selon laquelle la preuve du caractère nosocomial de l’infection demeure à la charge du patient. La loi du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité civile médicale a cependant atténué la rigueur de l’obligation mise à la charge des établissements de santé en prévoyant que les dommages résultant d’infections nosocomiales correspondant à un taux d’incapacité permanente supérieur à 25 % dans le barème spécifique prévu pour les accidents médicaux et les décès provoqués par les infections nosocomiales ouvraient droit à réparation au titre de la solidarité nationale. Elle précise que l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ne peut exercer d’action récursoire contre l’assuré responsable de l’infection qu’en cas de faute établie à l’origine du dommage, notamment de manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales, et que l’Office est appelé en la cause lorsque le juge estime que les dommages seraient indemnisables en application de ces dispositions.

La Cour de cassation a énoncé que "le contrat d’hospitalisation et de soins liant un patient à un établissement de santé privé met à la charge de ce dernier, sans préjudice de son recours en garantie, une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne les produits, tels les médicaments, qu’il fournit" et que "dès lors justifie légalement sa décision la cour d’appel qui, pour retenir la responsabilité d’une clinique, relève que celle-ci a fourni les produits désinfectants appliqués pour les besoins de la préparation d’une intervention chirurgicale et que ces produits ont été à l’origine des brûlures subies par la patiente" (Civ. 1ère, 7 novembre 2000, Bull. n° 279). Comme le professionnel de santé, l’établissement de santé bénéficie, en application de la loi du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, d’un recours en garantie contre le producteur sous réserve d’agir dans l’année suivant la date à laquelle il a été assigné.

B. La responsabilité liée aux actes des professionnels de santé

Les professionnels de santé sont liés à l’établissement de santé par des contrats d’exercice libéral ou salarié, rédigés en principe par écrit et communiqués dans le cas des médecins, chirurgiens dentistes et sages-femmes aux conseils départementaux de leur Ordre. La responsabilité de l’établissement de santé dépend des conditions dans lesquels ces professionnels exercent leur activité et des fonctions qu’ils occupent.

Mais dans tous les cas, l’établissement de santé ne dispose pas de possibilité d’intervention dans la réalisation des actes médicaux. Ainsi la Cour de cassation a retenu qu’"eu égard au principe général de l’indépendance du médecin, il n’appartient pas à une clinique d’interférer dans le choix de l’anesthésiste par les chirurgiens"(Civ. 1ère, 26 juin 2001, Bull. n° 192).

1. Les actes accomplis dans le cadre d’un contrat d’exercice libéral

Le contrat d’exercice libéral est caractérisé par une absence de lien de subordination et de rémunération du praticien par l’établissement de santé. La responsabilité est assumée par le professionnel de santé dans la mesure où les fautes éventuellement commises relèvent du contrat qu’il a lui-même conclu avec le patient.

La responsabilité s’étend même, s’agissant du médecin, "en vertu de l’indépendance professionnelle dont il bénéficie dans l’exercice de son art, aux fautes commises au préjudice des patients par les personnes qui l’assistent lors d’un acte médical d’investigation ou de soins, alors même que ces personnes seraient les préposées de l’établissement de santé où il exerce", à l’exception cependant du cas où la victime est le praticien lui-même (Civ. 1ère, 13 mars 2001, Bull. n° 72). Cette responsabilité peut être opposée aussi au chirurgien dentiste ou même à la sage-femme dans la mesure où ils disposent également d’une indépendance dans leurs fonctions.

La responsabilité de l’établissement de soins peut cependant être retenue dans l’hypothèse de fautes conjointes, ce qui aboutit alors à une condamnation in solidum. La Cour de cassation a ainsi énoncé qu’"une cour d’appel ayant retenu qu’un médecin était entièrement responsable des conséquences dommageables d’un accouchement mais que l’hôpital privé devait répondre d’une perte de chance souverainement évaluée au tiers du dommage, avait justement décidé de condamner in solidum les héritiers du médecin et l’hôpital privé à concurrence de ce tiers, qui représentait la partie du préjudice total des victimes à la réalisation duquel le médecin et l’hôpital avaient l’un et l’autre contribué" (Civ. 1ère, 10 juin 1997, Bull. n° 196). De même, elle a estimé que "justifiait légalement sa décision d’opérer un partage de responsabilité, une cour d’appel qui avait opéré un partage de responsabilité en fonction de la gravité des fautes respectives d’un médecin s’étant abstenu de prendre toutes dispositions pour permettre à une patiente d’accoucher dans les meilleures conditions et d’une clinique ayant mis à la disposition des patientes un personnel n’ayant pas reçu la formation suffisante pour lui permettre d’utiliser cet équipement"(Civ. 1ère, 7 juillet 1998, Bull. n° 239).

Lorsque le dommage subi par un patient est la conséquence de fautes commises à la fois par l’établissement de santé et par le médecin ou la sage-femme et qu’un partage de responsabilité a été opéré en fonction de la gravité des fautes respectives, "ce partage exclut nécessairement un recours en garantie de l’un contre l’autre pour la part mise à sa charge en raison de ses fautes personnelles"(Civ. 1ère, 7 juillet 1998 précité).

Les professionnels de santé et les établissements avec lesquels ils ont contracté sont tenus de respecter leurs engagements respectifs ainsi que, le cas échéant, les règles déontologiques auxquels ils sont soumis en raison de leur profession. La Cour de cassation a estimé, à titre d’exemples, qu’"une cour d’appel ayant retenu dans l’exercice dans l’exercice de son pouvoir souverain, qu’un contrat imposait au médecin de ne pratiquer tous les actes relevant de l’exercice de sa profession qu’à l’intérieur de la clinique et que l’intéressé avait passé outre une mise en demeure de respecter cette clause, et qu’en de nombreuses circonstances il avait gravement manqué à ses obligations de médecin anesthésiste, y compris en compromettant la santé des patients, avait pu déduire que ces violations graves et renouvelées des obligations contractuelles permettaient à la clinique de résilier le contrat du médecin (Civ. 1ère, 13 octobre 1998, Bull. n° 300) et qu’"une cour d’appel avait pu juger qu’un médecin anesthésiste avait commis une faute en s’abstenant de respecter l’obligation pesant sur lui en application de son contrat, de répondre en un minimum de temps aux appels d’urgence" (Civ. 1ère, 19 mai 1998, Bull. n° 180). Inversement, elle a considéré qu’"une cour d’appel ayant constaté qu’une clinique avait délibérément privé un médecin anesthésiste de l’assistance du personnel infirmier pour le contraindre à exercer son activité professionnelle sur les bases qu’elle entendait lui imposer, avait pu juger que cette clinique avait commis une faute grave justifiant la résolution du contrat à ses torts"(Civ. Ière, 18 juillet 1995, Bull. n° 322).

2. Les actes accomplis dans le cadre d’un contrat d’exercice salarié

La Cour de cassation a affirmé qu"en vertu du contrat d’hospitalisation et de soins le liant à son patient, l’établissement de santé privé est responsable des fautes commises tant par lui-même que par des substitués ou ses préposés qui ont causé un préjudice à ce patient" et a précisé à propos des médecins que "dès lors si, nonobstant l’indépendance professionnelle inaliénable dont le médecin bénéficie dans l’exercice de son art, un établissement de santé peut, sans préjudice de son action récursoire, être déclaré responsable des fautes commises par un praticien à l’occasion d’actes médicaux d’investigations ou de soins pratiqués sur un patient, c’est à la condition que ce médecin soit son salarié"(Civ. 1ère, 26 mai 1999, Bull. n° 175). La responsabilité de l’établissement de santé est liée au fait que le patient qui consulte un médecin salarié par un établissement privé "conclut un contrat de soins avec cet établissement et non avec le médecin qui le reçoit" (Civ. 1ère, 4 juin 1991, Bull. n° 185). De même en est-il lorsqu’il consulte un autre professionnel de santé de l’établissement.

Les professionnels de santé, agissant en tant que préposés de l’établissement et sans excéder les limites de la mission qui leur est impartie, n’engagent pas leur responsabilité à l’égard des tiers.

Par contre, les médecins, chirurgiens dentistes et sages-femmes gardent une responsabilité personnelle qui les différencie aussi des professionnels des établissements de santé publics. Elle est justifiée par l’indépendance professionnelle inaliénable dont ils disposent ; "l’indépendance professionnelle dont bénéficie le médecin dans l’exercice de son art" étant même, selon le tribunal des conflits, "au nombre des principes généraux du droit" (T. Conflits, 14 février 2000, Bull. n° 2).

Cette indépendance professionnelle permet au patient d’engager la responsabilité des médecins, chirurgiens dentistes et sages-femmes sur le fondement des articles 1382 et suivants du Code civil. Le tribunal des Conflits a énoncé qu’eu égard à cette indépendance professionnelle, "il est loisible au patient, indépendamment de l’action qu’il est en droit d’exercer sur un fondement contractuel à l’encontre d’un établissement de santé de rechercher, sur le terrain délictuel, la responsabilité du praticien lorsque dans la réalisation d’actes médicaux, celui-ci a commis une faute" (T. Conflits, 14 février 2000 précité). La Cour de cassation a relevé aussi que " l’indépendance professionnelle dont jouit la sage-femme dans l’exercice de son art, conformément au code de déontologie des sages-femmes, n’est pas incompatible avec le lien de subordination résultant de l’existence d’un contrat de travail avec une clinique" et qu’"il s’ensuit que l’existence d’un tel contrat ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité professionnelle de la sage-femme soit recherchée à raison des fautes personnelles qu’elle a commises" (Civ. 1ère, 30 octobre 1995, Bull. n° 383) ; le partage de responsabilité effectué par les juges du fond excluant, de même, le recours en garantie de l’une des personnes contre l’autre pour la part mise à sa charge en raison de ses fautes personnelles.

Elle permet aussi à l’établissement d’exercer une action récursoire à l’encontre du médecin (Civ. 1ère, 26 mai 1999, Bull. n° 175) ou encore du chirurgien dentiste ou la sage-femme. La Cour de cassation a donc admis "en même temps que la responsabilité contractuelle d’un établissement de santé, la responsabilité délictuelle du fait personnel de son médecin salarié, sur le fondement de la faute médicale qu’il avait commise" (Civ. 1ère, 9 avril 2002, Bull. n° 114). Elle a précisé que "si l’établissement de santé peut être déclaré responsable des fautes commises par un praticien salarié à l’occasion d’actes médicaux d’investigation et de soins pratiqués sur un patient, ce principe ne fait pas obstacle au recours de l’établissement de santé et de son assureur, en raison de l’indépendance professionnelle intangible dont bénéficie le médecin, même salarié, dans l’exercice de son art" (Civ. 1ère, 13 novembre 2002, n° 1577P). Mais l’action récursoire des établissements de santé à l’encontre de leurs salariés n’est pas très fréquente dans la mesure où les condamnations prononcées à leur encontre sont prises en charge par les compagnies d’assurances et où ces dernières lorsqu’elles sont subrogées dans les droits et actions de leur assuré contre le tiers ayant causé le dommage n’ont, en l’absence de malveillance, aucun recours contre les préposés en application de l’article L. 121-12 du Code des assurances ; les médecins salariés pouvant, dans cette hypothèse, être assimilés à des préposés. De plus, l’article L. 1142-2 du Code de la santé publique, issu de la loi du 4 mars 2002, soumet les établissements de santé à l’obligation de souscrire une assurance en responsabilité civile couvrant les salariés agissant dans la limite de la mission qui leur a été impartie, même si ceux-ci disposent d’une indépendance dans l’exercice de l’art médical.

Les obligations mises à la charge des professionnels de santé et des établissements de santé ont progressivement permis au patient de bénéficier d’une protection accrue. Mais des limites ont été posées par la jurisprudence et le législateur quant à leur responsabilité, en raison de la part de risque inhérente à l’acte médical. La mise en place d’un dispositif de règlement amiable et d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux, d’affections iatrogènes et d’infections nosocomiales doit notamment permettre, tout en protégeant le patient, de dissocier ces situations des cas dans lesquels des fautes ont été commises, de recentrer ainsi la responsabilité sur la faute et de limiter le recours à des procédures juridictionnelles.

AB


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