Société Française des Infirmier(e)s Anesthésistes
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Anesthésie pour chirurgie cardiaque
Article mis en ligne le 7 juin 2008
dernière modification le 11 janvier 2020

par Arnaud Bassez

Actualisation des liens : 6 avril 2019

Historique de l’anesthésie cardiaque

Chirurgie cardiaque, Les interventions

Anesthésie pour chirurgie cardiaque sous CEC
Ce document est un protocole de l’hôpital européen Georges Pompidou, disponible sur le site de l’hôpital.
Anesthésie en chirurgie cardiaque (cours DESAR)
Anesthésie en chirurgie cardiaque (Dr Van Dyck-UCL St Luc)
Anesthésie en chirurgie cardiaque, principes. (Pr Dan Longrois)
Anesthesie en chirurgie cardiaque-Dr Sophie Provenchere - 2005
Anesthesie et analgesie pour chirurgie cardiaque avec cec (Dr Philippe Sarrabay- Pr Alexandre Ouattara)
Anesthésie-réanimation en chirurgie cardiaque (M. Cannesson-O. Desebbe-J.J Lehot) EMC (Elsevier Masson SAS, Paris) Anesthésie-réanimation, 36-585-A-10, 2008
Chirurgie cardiaque, protocole Hôpital Foch

Document qui n’est pas spécifique à la chirurgie cardiaque, mais dont les patients sont porteurs d’une pathologie y afférant.

Rétrécissement aortique, anesthésie pour chirurgie non cardiaque (Dr Dan Longrois-Dr Jean Pol Depoix)

La tendance actuelle est d’augmenter les doses afin d’obtenir des concentrations tissulaires largement supérieures aux CMI durant le geste opératoire. En effet, l’hémodilution liée à la circulation extracorporelle doit être prise en compte dans la détermination de la dose à administrer.

En cas d’allergie, on propose la vancomycine à la dose unique de 15 mg kg en perfusion préopératoire.

La circulation extracorporelle

L’idée d’une perfusion artificielle revient au physiologiste français Jean-Jacques Le Gallois qui avait perfusé la tête de lapins décapités pour prouver que la circulation du sang maintenait la fonction de l’organe. Le prototype de machine coeur-poumon avec contrôle de la température a été imaginé en 1884 par von Frey et Gruber, mais c’est Hooker, en 1915, qui a construit le précurseur des oxygénateurs à film : il s’agissait d’un disque de caoutchouc sur lequel le sang se répandait en un film oxygéné par contact direct avec un flux d’O2. Ces montages avaient peu de succès, car le sang coagulait très rapidement. En effet, il a fallu attendre la découverte de l’héparine en 1916 et celle de la protamine 20 ans plus tard pour que ce problème soit résolu. Ce n’est qu’en 1937 que John Gibbon créa la première machine de circulation extracorporelle (CEC) complète qui permette la survie d’animaux en laboratoire ; l’oxygénateur était un écran à disques rotatifs.

Lire la suite dans le document suivant

Un regard sur l’histoire et l’épistémologie (Pierre-Guy Chassot)

L’hématocrite (Ht) recherché pour la CEC est 20-25%, selon la température prévue. Cette baisse, nécessaire pour diminuer la viscosité sanguine en hypothermie, diminue aussi le transport d’O2. L’hématocrite recherché en cours de CEC (HtCEC) se calcule de la manière suivante :

HtCEC = Ht · VC / (VC + vol CEC)

où :

  • VC = volume circulant (7% du poids corporel du patient)
  • vol CEC = volume d’amorçage
  • Ht = hématocrite actuel du patient

En savoir d’avantage sur la circulation extra-corporelle

Le métier de perfusionniste.

A lire aussi

Anesthésie-réanimation en chirurgie cardiaque du nouveau-né et du nourrisson

Résumé

Les cardiopathies congénitales sont caractérisées par une grande variété de lésions anatomiques qui nécessitent une chirurgie correctrice réalisée chez des enfants de plus en plus jeunes. L’utilisation de produits anesthésiques en toute sécurité chez le nouveau-né et le nourrisson repose sur la maîtrise de la pharmacocinétique en fonction de l’âge et la connaissance de la physiopathologie de la cardiopathie.

Dans les shunts gauche-droite, l’anesthésie doit être profonde et il faut éviter d’aggraver l’hypertension artérielle pulmonaire par l’hypoxie et par l’hypercapnie. Une suroxygénation peut être inopportune si elle abaisse trop les résistances pulmonaires et augmente le shunt gauche-droite. Il faut par ailleurs éviter un remplissage trop important. Dans les shunts droite-gauche une baisse marquée des résistances systémiques par l’anesthésie générale peut aggraver le shunt et la cyanose. Habituellement, il y a peu de risque au remplissage. L’existence d’un shunt droite-gauche intracardiaque expose au risque d’embolie gazeuse et le risque d’endocardite infectieuse est particulièrement élevé.

Aucun des agents utilisés en anesthésie n’est absolument dénué d’effets délétères. Il n’y a pas d’indications ou de contre-indications absolues à l’emploi de l’un ou l’autre anesthésique couramment utilisés en anesthésie pédiatrique, mais l’administration contrôlée d’anesthésiques, basée sur une bonne connaissance de leurs effets, une surveillance peropératoire appropriée et la connaissance des différents temps opératoires sont nécessaires au bon déroulement de l’intervention.

Anesthésie-réanimation en chirurgie cardiaque du nouveau né et du nourrisson (Taysir assistance)

Oxygénation extracorporelle par oxygénateur à membrane en cas d’insuffisance respiratoire sévère chez le nouveau-né

 Contexte

L’oxygénation extracorporelle par oxygénateur à membrane (ECMO : extracorporeal membrane oxygenation) est une procédure complexe de maintien des fonctions vitales en cas d’insuffisance respiratoire sévère mais potentiellement réversible, utilisée notamment chez les nouveau-nés matures. Malgré le faible nombre de bébés nécessitant une ECMO, et en dépit de la nature invasive de cette intervention et de son coût potentiellement élevé, ses effets bénéfiques pourraient être importants.
Objectifs

Déterminer si l’ECMO utilisée chez les nouveau-nés présentant une insuffisance respiratoire sévère est cliniquement efficace et a un bon rapport coût-efficacité par rapport à une politique d’assistance ventilatoire conventionnelle.

 Stratégie de recherche

La recherche a porté sur le Cochrane Neonatal Group Specialised Register, le Cochrane Controlled Trials Register et MEDLINE de 1974 à 2001.

 Critères de sélection

Tous les essais randomisés comparant l’ECMO néonatale à une assistance ventilatoire conventionnelle.
Collecte et analyse des données

Les auteurs ont évalué si les essais remplissaient les critères de qualité méthodologique et les conditions d’inclusion dans la présente analyse (indépendamment de leurs résultats) et extrait les données indépendamment.

 Principaux résultats

Les trois essais menés aux États-Unis et celui mené au Royaume-Uni ont recruté des groupes de bébés similaires sur le plan clinique. Les nouveau-nés présentant une hernie diaphragmatique congénitale ont été exclus dans deux essais. Dans deux essais, le transfert vers une unité pratiquant l’ECMO impliquait le transport du nouveau-né sur une distance considérable. Une évaluation économique a été réalisée dans une étude. Deux essais comprenaient des données de suivi à long terme. À l’exception de l’essai mené au Royaume-Uni, tous portaient sur un nombre très faible de patients. Une randomisation conventionnelle avec un risque de biais faible a été utilisée dans deux essais. Les deux autres étaient de conception plus inhabituelle, ce qui a entraîné des difficultés lors de leur interprétation. Les quatre essais ont mis en évidence un effet bénéfique important de l’ECMO en termes de mortalité (RR = 0,44 [IC95 : 0,31-0,61]), surtout chez les bébés ne présentant pas de hernie diaphragmatique congénitale (RR = 0,33 [IC95 : 0,21-0,53]).

Seul l’essai mené au Royaume-Uni a fourni des informations sur le décès ou les anomalies à un et quatre ans, et a montré un effet bénéfique de l’ECMO à un an (RR = 0,56 [IC95 : 0,40-0,78]) et à quatre ans (RR = 0,62 [IC95 : 0,45-0,86]). Dans l’ensemble, près de la moitié des enfants étaient décédés ou présentaient une anomalie sévère à l’âge de quatre ans, ce qui reflète la sévérité de leur état de santé sous-jacent. D’après l’analyse économique réalisée dans le cadre de l’essai mené au Royaume-Uni, la politique de traitement par ECMO a un rapport coût-efficacité similaire aux autres techniques utilisées couramment en soins intensifs.

 Conclusions des auteurs

Une politique d’utilisation de l’ECMO chez les nouveau-nés matures présentant une insuffisance respiratoire sévère mais potentiellement réversible entraînerait une amélioration significative du taux de survie, sans augmentation du risque d’anomalie sévère chez les survivants. Chez les bébés présentant une hernie diaphragmatique, l’ECMO offre des effets bénéfiques à court terme, mais l’effet global de l’utilisation de cette intervention dans ce groupe reste incertain. De plus amples études sont nécessaires afin d’optimiser les techniques d’ECMO, d’évaluer le moment optimal d’introduction de l’ECMO, d’identifier les nouveau-nés chez lesquels elle aura le plus de chances d’avoir des effets bénéfiques, et d’analyser les implications à plus long terme de l’ECMO néonatale au cours de l’enfance et de la vie d’adulte.

Elbourne D, Field D, Mugford M

Extracorporeal membrane oxygenation for severe respiratory failure in newborn infants. Base de Données des Analyses Documentaires Systématiques Cochrane 2007, 4ème Édition. Art. No. : CD001340. DOI : 10.1002/14651858.CD001340

Chirurgie cardiovasculaire et les témoins de Jéhovah

source : ordre des médecins de Belgique (ordomedic.be)

Le rapport américain concernant la chirurgie cardio‑vasculaire chez des Témoins de Jéhovah.

RAPPORT SUR 542 OPERATIONS SANS TRANSFUSION DE SANG

David A. Ott, Denton A. Cooley, Docteurs en médecine.

 Les témoins de Jéhovah dont l’état nécessite une opération posent un problème particulier aux médecins à cause de leur refus de recevoir toute transfusion de sang. Nous rapportons notre expérience de 20 ans avec une série de 542 témoins de Jéhovah dont l’âge varie entre 1 jour et 89 ans, et qui ont subi une opération. La mortalité précoce (dans les 30 jours de l’opération) a été de 9,4%. Chez 362 patients ayant nécessité une circulation extra-corporelle, cette mortalité a été de 10,7 %. Chez 126 malades qui ont subi un remplacement valvulaire simple ou double, la mortalité a été de 13,5 %. Dans les cas de remplacement valvulaire aortique ou de fermeture d’une communication inter‑ventriculaire, les seuls décès sont attribuables à des complications pré‑existantes à l’opération. Une anémie pré‑ ou post‑opératoire a été un facteur précipitant dans 12 décès, et une perte de sang a été la cause directe de 3 décès. Les opérations cardio‑vasculaires peuvent être pratiquées en toute sécurité sans transfusion sanguine.
(JAMA 238 : 1256‑1258, 1977)

Dans le passé, les patients qui refusaient des transfusions sanguines pour des motifs religieux étaient souvent privés du bénéfice d’un traitement chirurgical. En 1964, nous avons rapporté la première opération à coeur ouvert chez un témoin de Jéhovah. Alors que d’autres chirurgiens avaient pratiqué des interventions chez ces patients, peu de cas ont été rapportés dans la littérature médicale (*). C’est pourquoi nous estimons qu’un rapport de notre expérience est justifié. Une analyse rétrospective a été faite, de 542 patients qui, depuis 1957, ont subi des interventions cardio-vasculaires sans transfusion de sang, au Texas Heart Institute.

CONSIDÉRATIONS TECHNIQUES

Chez chaque patient, on a appliqué la technique chirurgicale la plus simple, avec une hémostase soignée. L’opération chez des patients devant subir une circulation extra‑corporelle a été pratiquée dans des conditions d’hypothermie systématique modérée, ou normothermique. On a utilisé des oxygénateurs à bulles qui ont tous été amorcés avec un volume de 20 à 30 ml/kg de lactate de Ringer. Le débit délivré par la pompe atteignait en moyenne 40 à 100 ml/min/kg. Avant le retrait de la canule aortique, tout le sang restant dans le circuit extra‑corporel a été rendu au patient. On n’a pas ajouté de sang, ni avant, ni pendant, ni après l’opération ; aucun dérivé du sang, à savoir plasma, plaquettes, fibrinogène, albumine ou cryoprécipité n’ont été administrés. On n’a utilisé des solutions crystalloïdiennes que pour remplacer le volume manquant. On n’a pas utilisé de dextran à cause des effets néfastes que l’on connaît sur l’hémostase, mais on a généralement administré du dextran + fer (Imferon) en injection avantl’intervention afin de stimuler l’érythropoièse.

DONNÉES CLINIQUES ET RÉSULTATS

De 1957 à 1977, 542 patients, dont l’âge variait de 1 jour à 89 ans, ont subi des interventions importantes sans transfusion sanguine. La mortalité précoce globale (dans les 30 jours suivant l’opération) a été de 9,4 % (51 décès). 362 patients ont subi une circulation extra‑corporelle et la mortalité précoce a été de 39 décès, c’est‑à‑dire 10,7 %. Une intervention cardiaque sans circulation extra‑corporelle a été pratiquée chez 75 patients, avec 7 décès précoces (9,3 %). Une intervention non cardiaque a été pratiquée chez 105 patients, avec 5 décès précoces (4,8 %).

Parmi les 67 patients ayant subi un remplacement valvulaire aortique, la mortalité globale a été de 14,9 % (10 patients). Des facteurs anatomiques ou physiologiques importants ont influencé le résultat final dans ces 10 décès. Trois de ces patients ont nécessité une circulation extra‑corporelle pour la seconde fois ; chez un des trois patients, on a réalisé un shunt aorto‑coronnarien simultané. Un des trois patients avait arrêté de prendre des anti-coagulants et présentait un oedème pulmonaire aigu et de l’hypotension. Elle a subi une ré‑intervention d’urgence pour une thrombose valvulaire aiguë. Deux patients presque moribonds souffraient d’endocardite bactérienne aiguë, nécessitant une intervention d’urgence. Avant l’opération, un de ces patients était en anurie et l’autre présentait un taux d’hémoglobine de 6,5 gr/dl. Deux des patients ayant subi une résection simultanée d’un anévrisme de l’aorte ascendante sont décédés ; chez 3 patients, on réalisa la fermeture d’une communication inter‑ventriculaire au moment du remplacement de la valve aortique. Il n’y eut pas de décès chez les patients qui ont subi un remplacement de la valve aortique pour un défaut de celle‑ci, sans complications.

Chez 43 patients qui ont subi le remplacement de valves mitrales, la mortalité a été de 11,6 % (5 patients). Un décès a été causé par une embolie cérébrale et un autre par un infarctus myocardique post‑opératoire. Un patient fit brusquement un arrêt cardiaque, le 8ème jour après l’opération, et un autre mourut de complications d’hypertension pulmonaire. Une hémolyse importante s’est développée chez la 5ème patiente, suite à une annuloplastie mitrale nécessitant le remplacement d’une valve mitrale d’urgence. Elle décéda finalement d’une insuffisance rénale.

Seize patients ont subi dans le même temps le remplacement de valves mitrale et aortique simultané, avec une mortalité précoce de 12,5 % (2 patients).

Le shunt aorto‑coronnarien, accompagné ou non de la résection d’un anévrisme ventriculaire gauche, a été réalisé chez 123 patients, avec une mortalité de 6,5 %. Des 8 patients qui sont morts, trois d’entre eux avaient subi une résection simultanée d’un anévrisme ventriculaire gauche. Un arrêt cardiaque s’est produit chez une patiente au cours du cathétérime cardiaque, et elle fut transférée en salle d’opération alors qu’elle était soumise à une réanimation cardio‑pulmonaire. Elle est morte après shunt aorto‑coronnarien. Deux patients sont morts après infarctus du myocarde. Deux autres sont morts en salle d’opération : I’un de fibrillation ventriculaire rebelle et l’autre d’un choc cardiogénique.

La mortalité chez 25 patients ayant subi une commissuretomie mitrale ouverte a été de 8 % (2 patients). L’un est mort à la suite d’une défaillance cardiaque congestive aiguë, et chez l’autre se développa une diathèse hémorragique d’étiologie inconnue. Il n’y eut aucun décès chez les 25 patients qui avaient subi une fermeture d’une communication inter‑ventriculaire non compliquée. Deux patients sur 15 moururent après une correction complète de la tétralogie de Fallot. Une pneumonie de déglutition causa la mort d’un patient. Chez l’autre, âgé de 24 ans, on pratiqua la fermeture simultanée d’un shunt aorte ascendante‑artère pulmonaire droite. L’artère pulmonaire était friable et le patient succomba à une perte de sang.

Sept décès se produisirent parmi les 75 patients qui subirent diverses interventions cardiaques ne nécessitant pas une circulation extra‑corporelle cardio‑pulmonaire. La mortalité opératoire a été de 9,3 %. 105 patients subirent une série d’interventions non cardiaque, avec une mortalité de 4,8 %.

COMMENTAIRE

En 1881, un tailleur de Pennsylvannie, Charles Russel, fonda le « Watchtower Bible and Tract Society », une extension du groupe local d’étude de la Bible. Grâce au travail d’évangélisation de ses successeurs et à un volume prodigieux de publications, ce mouvement religieux a connu une croissance phénoménale. Plus de 2 millions de personnes dans 210 pays pratiquent cette religion. En 1951, les membres se donnèrent le nom de Témoins de Jéhovah, se basant sur le passage de la Bible suivant : « Vous êtes mes témoins, dit Jéhovah » (Isaïe, 43:10).

La secte est de nature « fondamentaliste » : nombre de ses règles se basant sur une interprétation littérale des Ecritures. Leur doctrine à propos des transfusions sanguines est précisée dans une publication « Sang, Médecine et Loi de Dieu », qui se réfère à des passages bibliques tels que celui‑ci :

La vie de toute chair, c’est son sang, et j’ai dit aux enfants d’lsraël : « Vous ne mangerez du sang d’aucune chair car la vie de toute chair, c’est son sang, et quiconque en mangera sera supprimé. » (Lévitiques 17:14)

D’après leurs croyances, recevoir du sang ou un dérivé du sang prive l’individu de la résurrection et du salut éternel. Les témoins de Jéhovah sont sincères et inébranlables dans leur refus de recevoir du sang. Les implications médico‑légales et éthiques d’une telle philosophie ont été largement discutées. (2)

Le chirurgien qui accepte de soigner un témoin de Jéhovah devrait respecter ses convictions religieuses ou bien l’envoyer chez un confrère.

Notre expérience nous a montré que ces patients étaient coopérateurs aussi longtemps que leurs normes en matière de chirurgie étaient respectées. Malgré le caractère litigieux de notre société, aucune plainte n’a été introduite, à notre connaissance, contre un médecin pour ne pas avoir donné du sang à un témoin de Jéhovah. Nous estimons que le patient devrait avoir le droit de décider lui‑même et que le médecin a le devoir moral de respecter les désirs de son patient. Nous n’avons jamais violé l’accord fait avant l’opération, selon lequel il n’y aura pas de transfusion sanguine, quelles que soient les circonstances ou les besoins.

Quand il s’agit d’enfants, la question doit être envisagée de manière plus attentive. Si l’on prévoit une perte de sang massive, il est déconseillé d’opérer. Si l’intervention est simple, comme la fermeture d’un canal artériel, d’une communication inter‑auriculaire, d’une communication inter‑ventriculaire, on ne rencontre généralement pas de difficultés. Mais chez les enfants présentant de plus graves anomalies, comme la transposition des grands vaisseaux ou la tétralogie de Fallot, la décision opératoire est plus difficile à prendre.

Dans ce groupe de patients, 3 des 51 décès ont été directement causés par une perte de sang. L’anémie post‑opératoire a été un facteur précipitant dans 12 autres décès. Notre expérience confirme que les patients qui refusent une transfusion sanguine pour des motifs religieux peuvent néanmoins subir des interventions cardio‑vasculaires importantes avec un risque relativement peu élevé.

***

(1)
(*) Sandiford F.M., Chiariello L., Hallman G.L., et al. : Aortocoronary bypass in Jehovah’s Witnesses : Report of 36 patients. J. Thorac Cardiovasc. Surg. 68:1‑7, 1974.
(*) Zaorski J.R., Hallman G.L., Cooley D.A. : Open heart surgery for acquired heart disease in Jehovah’s Witnesses : A report of 42 operations. Am J. Cardiol 29 : 186‑189, 1972.
(*) Simmons C.W. Jr, Messmer B.J., Hallman G.L., et al. : Vascular surgery in Jehovah’s Witnesses. JAMA 213:1032‑1034, 1970.
(*) Cooley D.A., Bloodwell R.D., Beall A.C. Jr, et al. : Cardiac valve replacement without blood transfusion. Am J. Surg. 112:743‑751, 1966.

(2)
(*) Schechter D.C. : Problems relevant to major surgical operations in Jehovah’s Witnesses. Am J. Surg. 116:73‑80, 1968.
(*) Gardner B., Bivona J., Alfonso A., et al. : Major surgery in Jehovah’s Witnesses. NY State J. Med. 76:765‑767, 1976.
(*) Winters R.G., Dornette W.H. : Jehovah’s Witnesses and consent. J. Legal. Med. 2:9, 1974.
(*) Fitts W.T., Orloff M.J. : Blood transfusion and Jehovah’s Witnesses. Surg. Gynecol Obstet 108:502‑512, 1959.

Conduite à tenir sur un témoin de Jehovah devant être transfusé

Sur le même sujet Le défi médical et moral des Témoins de Jéhovah, sur le site des témoins de Jéhovah.


Cœur artificiel "total" : caractéristiques et premiers résultats du prototype CARMAT

Par Jean-Philippe RIVIERE -07 Novembre 2014

Le cœur artificiel a pour but de représenter une alternative fiable à la greffe cardiaque, lorsque cette dernière est impossible. La mise au point d’un cœur artificiel "total", autonome, pourrait permettre, à terme, de remplacer le cœur biologique tout en maintenant l’autonomie du patient (pas de dispositif externe fixe et lourd, empêchant la mobilité).

Depuis 2008, la société CARMAT, créée par l’équipe du Pr Alain Carpentier et Matra Défense, travaille sur un tel système, miniaturisé, biocompatible et auto-régulé.

Deux cœurs CARMAT ont été pour le moment implantés : le premier patient est décédé, mais le deuxième , implanté début août 2014, semble pour le moment très bien le tolérer, alors "qu’il était mourant", selon le Pr Carpentier interrogé par Les Echos.

Retour sur cette recherche, encore très préliminaire mais prometteuse pour les patients souffrant d’insuffisance cardiaque très sévère, terminale.

Le coeur artificiel développé par le Pr Carpentier et son équipe est implanté sur les oreillettes (© Carmat SA)

Une recherche qui dure depuis la fin des années 60
Des scientifiques du monde entier tentent de mettre au point un cœur artificiel depuis la fin des années 60, en complément de la transplantation d’un cœur issu d’un donneur, initiée en 1967 par le Pr Christiaan Barnard, transplantation qui nécessite un greffon disponible et présente des contre-indications (elle n’est pas proposée après 65 ans par exemple).

Les premiers prototypes de ventricules artificiels ont été greffés sur des veaux. En 1982, un cœur artificiel provisoire, le Jarvik 7, mis au point par le Dr Robert Jarvik, a été pour la première fois posé sur un humain, Barney Clark. Il s’agissait d’une machine en plastique et aluminium, dont les "ventricules" était remplis et vidés par de l’air comprimé, propulsé par un compresseur externe de plusieurs dizaines de kilos. Plus de 350 patients ont été équipés de ce système d’assistance ventriculaire, pour une durée de vie moyenne de 10 mois, comme l’a précisé le Dr Jarvik.

En 2001, un premier prototype de cœur "total" en plastique et titane, l’AbioCor, est implanté à un patient américain, Robert Tools. Si l’AbioCor présente de nombreux avantages (batteries incluses évitant un câble externe et les risques d’infection, pas de compresseur externe), il est relativement encombrant (dans le thorax), expose à des risques hémorragiques et a une durée de fonctionnement limitée à 18 mois, 2 ans. Un Abiocor II, plus léger et prévu pour durer 5 ans, est en cours de développement.

Depuis 2008, le même type de cœur artificiel que l’AbioCor, mais moins encombrant et, en théorie, biocompatible et donc moins risqué, est développé par le Pr Carpentier et ses équipes.

Un cœur artificiel biocompatible, mimant l’organisation et le fonctionnement du cœur humain

Selon le site de Carmat, le Professeur Carpentier a demandé, en 1993, aux ingénieurs spécialisés dans l’aéronautique et le spatial du Groupe Matra de développer, avec lui, une solution physiologique, efficace et durable, pour les patients condamnés à très court terme par le manque de greffons cardiaques disponibles ou par une contre-indication à la transplantation.

Leurs efforts ont abouti à la mise au point du "cœur Carmat" , destiné à fonctionner pendant au moins 5 ans, soit 320 millions de "battements" :

 Cette prothèse implantable pèse 900 grammes (cœur humain : 250 à 300 g), comporte deux ventricules artificiels et des valves implantées (valve d’origine bovine traitée chimiquement pour éviter tout rejet). Les parties en contact avec le sang (intérieur des ventricules) sont recouvertes de "biomembranes" hémocompatibles (péricarde animal traité chimiquement). La prothèse comporte aussi un système électronique embarqué comprenant un micro-processeur, une prise d’alimentation électrique et 7 capteurs. Ces derniers vont permettre une adaptation physiologique à la vie quotidienne en mesurant la tension artérielle, en détectant la position du corps, la vitesse (lorsque le patient court, le cœur artificiel va accélérer pour augmenter le débit sanguin), le sommeil (ralentissement de la fréquence), etc.

 La prothèse est implantée dans la cage thoracique et raccordée aux oreillettes naturelles grâce à un dispositif d’interface, également biocompatible. Elle est moins "encombrante" que l’AbioCor et peut donc être posée, en théorie, chez 86 % des hommes (mais seulement 14 % des femmes). Pour assurer la fonction cardiaque, deux motopompes aspirent et injectent, alternativement, de l’huile de silicone dans les cavités ventriculaires déplaçant les membranes de pulsion. Lorsque le compartiment hydraulique se vide, le retrait de la membrane aspire le sang dans le ventricule : c’est la diastole. Lorsqu’il se remplit, la membrane pulse le sang dans les artères : c’est la systole.

 Le système externe d’alimentation, de contrôle et de suivi comporte un dispositif de surveillance porté à la taille par une ceinture, permettant d’informer le patient et de suivre en permanence, à distance, le fonctionnement de la prothèse. Il comporte également deux batteries rechargeables qui vont alimenter la prothèse en énergie via deux fils externes qui se rejoignent derrière l’oreille gauche, où une "prise" est implantée. L’énergie est transmise à la prothèse par un fil sous-cutané.

Pour visualiser ces éléments et leur fonctionnement, voici une animation réalisée par Carmat :

Le deuxième patient équipé du Cœur Carmat "trouve son cœur parfait"

Un premier patient en insuffisance cardiaque terminale, Claude Dany, a été opéré par Pr Daniel Duveau le 18 décembre 2013 à l’hôpital européen Georges-Pompidou. Après 75 jours, il est brutalement décédé, suite un arrêt de son cœur artificiel. Selon le Pr Carpentier, interrogé le 4 novembre par Les Echos, il n’aurait pas fallu tenter de restaurer une fonction cardiaque normale immédiatement : "je fais assez souvent le parallèle avec ces pauvres gens qui revenaient de camps de concentration, auxquels on voulait donner du jour au lendemain des rations trop nourrissantes. Maintenant, on sait qu’il ne faut pas commencer par faire en sorte que le cœur artificiel donne au malade le débit théorique auquel il a droit, cela doit se faire progressivement".

Un deuxième patient en insuffisance cardiaque terminale et ne pouvant bénéficier d’une greffe a été opéré au CHU de Nantes le 5 août, à nouveau par le Pr Daniel Duveau. Selon le Pr Carpentier, qui a échangé à son sujet avec le Pr Duveau, "avant l’intervention, ce patient qui a une soixantaine d’années était mourant, je pèse mes mots, à quelques semaines près (…) Après une douzaine de jours en réanimation, le malade a récupéré un état général très satisfaisant et a retrouvé son autonomie. Il assure lui-même son hygiène corporelle, se déplace seul dans sa chambre, où il fait régulièrement du vélo d’appartement. A l’épreuve d’effort, il a atteint le niveau maximal sans anomalie respiratoire, ce qui est un critère d’efficacité du cœur, pour nous, les cliniciens".

Ce patient mourant a donc vu sa vie transformée, même si cela ne fait que 3 mois qu’il a été implanté et que l’expérience précédente incite à la prudence : "notre malade trouve son nouveau cœur parfait. Il ne le sent pas. Ce cœur lui a changé la vie, dit-il lui-même".

Ces résultats prometteurs devraient permettre à la société Carmat de prolonger ces expérimentations avec d’autres patients, en France et probablement en Pologne, toujours selon le Pr Carpentier.

Abiocor faq

Sources : Carmat, Les Echos, vidal


Anesthésiques volatils ou en IV en chirurgie cardiaque ?

Publié le 03/04/2019

Les agents anesthésiques volatils (inhalés) ont la réputation d’avoir des effets cardioprotecteurs qui pourraient améliorer les résultats cliniques chez les patients subissant un pontage aorto-coronarien coronarien (PAC). Qu’en est-il vraiment ?

Pour en avoir le cœur tout à fait net, un essai pragmatique, multicentrique, à simple insu et contrôlé a été mené dans 36 centres de 13 pays. Les patients devant subir un PAC ont été répartis de façon aléatoire pour recevoir, soit une AG volatile (desflurane, isoflurane ou sévoflurane), soit une AG complète par voie IV, avec pour objectif principal, la comparaison des taux de mortalité, quelle qu’en soit la cause, à 30 jours et à un an.

Au total, 5 400 patients ont été inclus : 2 709 sous AG volatiles et 2 691 sous AG complètes par voie IV. Un PAC sous pompe a été effectué chez 64 % des patients, avec une durée moyenne de CEC de 79 minutes. Les deux groupes étaient semblables au plan des données démographiques et cliniques, de durée de la CEC et du nombre de greffons. Lors de la deuxième analyse intermédiaire, les données ont été suffisantes pour faire arrêter l’étude avant son terme prévu.

Pas moins de décès ou d’IDM sous AG volatile

Il n’y a eu aucune différence significative de mortalité à un an, entre les groupes en ce qui concerne les décès, quelle qu’en soit la cause, (2,8 % dans le groupe AG volatile et 3,0 % dans le groupe AG par voie IV ; risque relatif, 0,94 ; intervalle de confiance à 95 % IC à 95 %, 0,69 à 1,29 ; p = 0,71), avec des données disponibles pour 5 353 patients (99,1 %). De même les taux de mortalité à 30 jours ont été similaires (1,4 % et 1,3 %, respectivement ; risque relatif, 1,11 ; IC à 95 %, 0,70 à 1,76), avec des données disponibles pour 5 398 patients (99,9 %). Il n’y eu aucune différence pour ce qui des objectifs secondaires et des indésirables pré-spécifiés y compris l’infarctus du myocarde.

Plusieurs limitations

Parlons des quelques limitations de cette étude. Tout d’abord, l’absence de protocole strict pour l’administration des anesthésiques volatils et la prise en charge des médicaments anesthésiques concomitants, l’essai se voulant pragmatique visant à reproduire un environnement réel. Toujours pour les mêmes raisons de pragmatisme, l’anesthésie IV complète n’a pas été comparée à l’anesthésie par inhalation totale parce que cette dernière stratégie est rarement utilisée en chirurgie adulte, et que les essais antérieurs avaient également permis l’administration d’anesthésiques IV dans le groupe anesthésiques volatils. Plus gênant est le fait que la mise en œuvre des trois stratégies d’administration d’anesthésiques volatils recommandées pour améliorer la cardioprotection n’a été utilisée que chez relativement peu de patients, bien qu’au moins une des stratégies recommandées ait été mise en œuvre chez plus de 95 % des patients du groupe anesthésiques volatils. Le dosage postopératoire de la troponine n’étant pas obligatoire, le diagnostic d’infarctus du myocarde postopératoire présentait une sensibilité limitée.

Enfin, cette étude s’étant concentrée sur les patients subissant un PAC isolé, ne peut se prononcer sur la question de la chirurgie complexe.

Rien n’est plus volatile que des paroles stériles, suivies d’actes futiles (Serge Zeller, Agent Logistique, Les Belles Lettres, France, 1958)

Moyennant quoi, contrairement aux idées reçues, l’AG par agents volatils ne réduit pas la mortalité à 30 jours et à un an, chez les patients subissant un PAC électif isolé, par rapport à l’anesthésie complète par voie IV.

Dr Bernard-Alex Gaüzère
Référence
Landoni G, Lomivorotov VV, Nigro Neto C et coll. MYRIAD Study Group. : Volatile Anesthetics versus Total Intravenous Anesthesia for Cardiac Surgery. N Engl J Med., 2019 ; 380 : 1214-1225. doi : 10.1056/NEJMoa1816476.

Source : jim.fr

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Arnaud BASSEZ

IADE/Formateur AFGSU

Administrateur