Texte issu du site snarf (syndicat national des anesthésistes réanimateurs de France) sur lequel vous pouvez le consulter.
NB : Le texte date du 02 janvier 2005. Il n’a pas fait l’objet d’une actualisation des textes qui légifèrent les IADE, à savoir le Décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004 J.O n° 183 du 8 août 2004 page 37087 texte n° 37086
L’article spécifique pour les IADE : article R.4311-12.
1 anesthésiste 2 salles, vous avez dit pas de texte ?
Le point de vue d’un avocat
Très souvent, nous sommes interrogés pour savoir dans quelle mesure un médecin anesthésiste réanimateur peut prendre la responsabilité de deux anesthésies dans deux salles différentes (rarement plus fort heureusement) sans engager sa responsabilité en cas
Par Maître Philip COHEN - Avocat à la Cour
Il convient immédiatement d’indiquer qu’un médecin anesthésiste réanimateur ne peut seul prendre en charge l’anesthésie dans deux salles différentes sans mettre en danger la sécurité qu’il doit au patient et sans s’exposer en conséquence à voir sa responsabilité mise en cause.
Rappelons en effet :
1. que l’article 32 du code de déontologie médicale, institué par décret, précise :
"Dès lors qu’il a accepté de répondre à une demanda le médecin s’engage à assurer
personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents. "
et que l’article 47 alinéa 1 prévoit par ailleurs que " quelles que soient les circonstances, la
continuité des soins aux malades doit être assurée. "
2. Que l’article D712-40 du Code de la santé publique (issu du décret du 5 décembre 1994) dispose :
"Pour tout patient dont l’état nécessite une anesthésie générale ou locorégionale, les
établissements de santé, y compris les structures de soins alternatives à l’hospitalisation, doivent assurer les garanties suivantes :
1/ une consultation pré anesthésique lorsqu’il s’agit d’une intervention programmée :
2/ les moyens nécessaires à la réalisation de cette anesthésie ;
3/ une surveillance continue après l’intervention ;
4/ une organisation permettant de faire face à tout moment à une complication liée à l’intervention ou à l’anesthésie effectuées. "
3. Que l’article D712-43 du Code de la santé publique (décret précité) prévoit en son deuxième alinéa :
" Les moyens prévus au 2° de l’article D712-40 doivent permettre de faire bénéficier le patient :
I/ d’une surveillance clinique continue ;
2/d’un matériel d’anesthésie et de suppléance adapté au protocole anesthésique retenu. "
4. Que l’article D712-45 du Code de la santé publique (décret précité) précise :
" La surveillance continue post-interventionnelle mentionnée au 3° de l’article D712-40 a pour objet de contrôler les effets résiduels des médicaments anesthésiques et leur élimination et de faire face, en tenant compte de l’état de santé du patient, aux complications éventuelles liées à l’intervention ou à l’anesthésie.
Cette surveillance commence en salle dès la fin de l’intervention et de l ’anesthésie.
Elle ne s’interrompt pas pendant le transfert du patient.
Elle se poursuit jusqu’au retour et au maintien de l’autonomie respiratoire du patient, de son
équilibre circulatoire et de sa récupération neurologique ".
5. Qu’en toute logique des dispositions précitées, l’article D712.42 du Code de la santé publique (décret précité) dispose :
"Le tableau fixant la programmation des interventions est établi conjointement par les médecins réalisant ces interventions, les médecins anesthésistes réanimateurs concernés et le responsable de l’organisation du secteur opératoire en tenant compte notamment des impératifs d’hygiène de sécurité et d’organisation du fonctionnement du secteur opératoire ainsi que des possibilités d’accueil en surveillance post-interventionnelle ".
De même que l’article D712-48 précise que les horaires d’ouverture de la salle de surveillance
post- interventionnelle "doivent tenir compte du tableau fixant la programmation des
interventions mentionné à l’article D7J2-42 et de l’activité de l’établissement au titre de l accueil et du traitement des urgences ".
6. Que l’article 1.0 du décret du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier dispose que :
"l’infirmier Anesthésiste Diplômé d’Etat est seul habilité, à condition qu’un médecin
anesthésiste réanimateur puisse intervenir à tout moment, et après qu’un médecin anesthésiste réanimateur a examiné le patient et établi le protocole, à appliquer les techniques... " d’anesthésie générale ou locorégionale et de réanimation per opératoire et " qu’il accomplit les soins et peut, à l’initiative exclusive des médecins anesthésistes réanimateurs, réaliser les gestes techniques qui concourent à l’application du protocole ".
7. Que les recommandations de la SFAR concernant la période pré anesthésique précise que :
"le médecin anesthésiste étant coresponsable de la sécurité de l’opéré, ne doit pas accepter,
urgences mises à part, un programme opératoire compromettant cette sécurité. Par conséquent, celui-ci est élaboré conjointement par l’opérateur et l’anesthésiste ".
8. Que les recommandations de la SFAR concernant la surveillance des patients en cours
d’ anesthésie précise que :
"Si le médecin anesthésiste réanimateur est amené à quitter la salle d’opération, il confie la
poursuite de l ’anesthésie à un autre médecin anesthésiste réanimateur qualifié. S’il la confie à un médecin anesthésiste réanimateur en formation ou à un infirmier anesthésiste, il reste responsable de l’acte en cours et peut intervenir sans délai. Les médecins en cours de spécialisation en anesthésie - réanimation ne remplissant pas encore les conditions pour effectuer des remplacements, ainsi que les infirmiers anesthésistes ne sont pas habilités à réaliser une anesthésie en l’absence d’un médecin anesthésiste réanimateur qualifié. Ils ont essentiellement une fonction d’assistance et de surveillance, "
9. Que les recommandations de la SFAR concernant l’anesthésie du patient ambulatoire prévoit en leur article 3-2 que :
" les conditions de la surveillance de l’anesthésie, qu’elle soit générale, locorégionale ou qu’il s’agisse d’une sédition intraveineuse sont celles indiquées dans les " recommandations " de la SFAR concernant la surveillance du patient anesthésié. "
10. Que les recommandations de la SFAR concernant le rôle de 1-IADE précise enfin :
"Article 2.1. L ’IADE sur site d’anesthésie
La composition de l’équipe d’anesthésie, son importance numérique, la répartition des rôles, la plus ou moins grande autonomie de l’IADE dans le déroulement de l’acte, sont déterminés par le niveau de complexité et d’intervention projetée, le degré de gravité de la pathologie et l’état antérieur du patient. Toutes ces données sont évaluées par le médecin anesthésiste réanimateur au cours de la consultation d’anesthésie et mentionnées par lui dans te dossier d’anesthésie.
2.1.1. Activités de soins
L’IADE travaille en équipe avec le médecin anesthésiste réanimateur. La nature de ce travail tient à la fois de l’exécution de prescription médicales et de la réalisation de tâches clairement précisées, qui lui sont confiées en fonction de sa compétence propre. L’intervention de l’un ou de l’autre varie selon l’importance des actes d’anesthésie et de chirurgie. L IADE peut, en présence du médecin anesthésiste réanimateur, procéder à l’induction d’une anesthésie générale suivant la prescription du médecin ou le protocole établi. Le médecin anesthésiste réanimateur peut lui confier la surveillance du patient en cours d’anesthésie à la condition expresse de rester a proximité immédiate et de pouvoir intervenir sans délai. Le médecin anesthésiste réanimateur doit être obligatoirement et immédiatement informé de la survenance de toute anomalie.
L’IADE participe à la réalisation des anesthésies locorégionales. Il est habilité à pratiquer des
réinjections par la voie du dispositif mis en place par le médecin anesthésiste réanimateur suivant les prescriptions écrites de ce dernier.
La participation de l ’IADE à l’anesthésie du patient ambulatoire obéit aux mêmes règles.
Face à une urgence extrême et vitale, l ’IADE est tenu de mettre en œuvre, sans attendra les gestes d’urgence et de survie relevant de sa compétence. Il est souhaitable que des protocoles couvrant ces situations soient établis dans chaque service ou équipe d’anesthésie réanimation. L’IADE doit, dans de telles situations, rédiger un compte rendu destiné au responsable concerné du service d’anesthésie et de réanimation. "
En résumé, il résulte de l’ensemble des textes précités qu’un médecin anesthésiste réanimateur ne peut prendre la responsabilité de l’anesthésie dans deux salles d’opération différentes qu’à la condition que l’induction anesthésique soit réalisée soit par lui-même, soit en sa présence par un IADE, que la surveillance per opératoire puisse être réalisée soit par lui-même, soit par un IADE.
En cas de complications sur l’un des deux sites d’anesthésie dont la surveillance per opératoire est assurée par un IADE, ce dernier peut immédiatement faire appel au médecin anesthésiste réanimateur se trouvant dans l’autre salle de bloc opératoire nécessairement à proximité, et par l’inversion immédiate des prises en charge de la complication per opératoire dans une salle et de la surveillance per opératoire dans l’autre salle, assurer effectivement la continuité des soins et la sécurité des patients.
La méconnaissance de ces : conditions de sécurité anesthésique dans l’établissement de la programmation opératoire et dans le fonctionnement d’ensemble des activités en plateau technique constituant nécessairement une situation potentielle de mise en. danger des patients, entraînera nécessairement en cas d’accident non seulement la responsabilité du médecin anesthésiste réanimateur et / ou de l’IADE, mais également du chirurgien et de l’établissement qui ne pouvaient méconnaître les obligations réglementaires précitées et ont participé à la création d’une telle situation dangereuse, manquant à leurs propres obligations contractuelles envers les patients.
1e rappel des textes précités rend inutile, vous l’avez compris de longs développements supplémentaires sur l’hypothèse d’un médecin anesthésiste et de plus de deux salles d’opération, quand bien même il y aurait un IADE dans chaque salle d’opération car en cas d’incidents simultanés, toujours possibles, 1 ’anesthésiste n’a toujours pas le don d’ubiquité..
Contrairement à l’idée encore trop souvent reçue, si les anesthésistes doivent effectivement répondre à la demande d’activité de leur établissement, ils ne peuvent le faire et l’établissement ne peut le leur demander au mépris des règles de sécurité anesthésique dont le caractère le plus souvent réglementaire les rend opposable à tous.
Philip COHEN - Avocat à la Cour
Un MAR sur deux salles, c’est un IADE par salle ! Condamnation d’un anesthésiste-réanimateur pour blessures involontaires par défaut de surveillance
source : snphare.fr
Actualités du Mardi le 09 avril, 2019
Condamnation d’un anesthésiste-réanimateur pour blessures involontaires par défaut de surveillance
Par un arrêt du 15 janvier 2019, la cour de cassation a confirmé la condamnation à six mois d’emprisonnement avec sursis d’une anesthésiste-réanimatrice, pour blessures involontaires liées à un défaut de surveillance d’une patiente placée sous anesthésie générale. En effet, celle-ci a dû laisser sans surveillance par un personnel qualifié en anesthésie une patiente de 23 ans sous anesthésie générale pour aller s’occuper d’une urgence vitale dans l’autre salle de bloc dont elle avait la charge. Durant son absence est survenu chez la patiente un arrêt cardiaque hypoxique par déconnexion inexpliquée de la patiente au respirateur, entraînant une incapacité permanente partielle de 99 %. Cet arrêt est commenté sur le site de la MASCF.
L’arrêt souligne qu’une anesthésie doit être conduite par un médecin anesthésiste-réanimateur, et que s’il doit s’absenter de la salle, il doit confier la surveillance de l’anesthésie à un autre médecin anesthésiste-réanimateur ou à un infirmier anesthésiste. Cette surveillance ne peut être confiée à une infirmière de bloc opératoire, qui n’est pas qualifiée pour cela.
La prise en charge de plusieurs salles d’intervention est une pratique répandue, y compris dans les hôpitaux publics. Le SNPHARE rappelle que personne ne peut contraindre un médecin anesthésiste-réanimateur à entreprendre plusieurs anesthésies simultanément, s’il estime que les ressources en personnel qualifié ou l’état des patients ne le permettent pas. Pour le SNPHARE le niveau requis de sécurité correspond à :
- Exercice sur une seule salle : éventuellement sans IADE, mais c’est le niveau minimum de sécurité. Le médecin doit pouvoir se faire assister d’un IADE lors des étapes critiques s’il le juge nécessaire.
- Exercice sur deux salles : un IADE doit être présent en permanence dans chaque salle, pendant toute la durée de l’intervention jusqu’à l’arrivée du patient en salle de réveil.
- L’exercice sur plus de deux salles est à proscrire. Les assureurs recommandent d’ailleurs de ne pas dépasser cette limite.
Un médecin qui délègue la surveillance d’une anesthésie à un IADE ou à un interne même séniorisé reste pleinement responsable de l’intervention lorsqu’il quitte la salle. Il doit être joignable et disponible pour pouvoir intervenir à tout moment.
Les plateaux techniques doivent être organisés de manière à garantir ces conditions de sécurité non négociable. En cas de plainte au pénal, une organisation de service défaillante ne protégera pas un anesthésiste mis en cause pour un manquement à ses obligations de sécurité. Nous recommandons à nos mandants de rester intransigeants sur les questions de sécurité, dans l’intérêt des patients. Une charte de bloc sans ambiguïté à ce sujet peut aider à résister aux éventuelles pressions.
– Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 15 janvier 2019, 17-86.461
– MACSF : Condamnation pénale d’une anesthésiste pour avoir laissé une patiente sous la surveillance d’une IBODE au bloc
Stéphanie Tamburini, Juriste 12/03/2019
Lorsqu’un anesthésiste s’absente du bloc opératoire, il ne peut confier la surveillance de son patient qu’à un autre anesthésiste ou un IADE.
Une anesthésiste a été condamnée pénalement par la Cour de cassation, par un arrêt du 15 janvier 2019, pour avoir confié cette surveillance à une IBODE, le temps d’intervenir au chevet d’une autre patiente en détresse vitale.
Un respirateur qui se débranche… avec de graves conséquences
Une patiente de 23 ans subit en clinique une intervention en deux temps, consistant en une biopsie utérine par curetage suivie d’une cœlioscopie, pour poser un diagnostic sur des douleurs pelviennes.
Elle est victime d’une anoxie prolongée après déconnexion de la sonde endotrachéale. Cette déconnexion s’est produite alors que l’anesthésiste s’était absentée du bloc pour se rendre au chevet d’une autre patiente, en détresse vitale. Seule une IBODE était présente, l’opérateur s’étant absenté pour se stériliser les mains en donnant pour instruction de préparer la patiente pour la cœlioscopie. Quant à l’aide-soignante, elle était allée chercher du matériel.
L’IBODE étant occupée à préparer les instruments nécessaires à la cœlioscopie, elle n’a pas pris en compte l’alarme qui s’est déclenchée lorsque, pour une raison indéterminée, le tube du respirateur artificiel s’est débranché.
L’anoxie prolongée est à l’origine de séquelles neurologiques extrêmement graves, l’incapacité permanente partielle étant évaluée à 99 %. La patiente est en coma végétatif.
La famille engage des poursuites pénales à l’encontre de l’anesthésiste, qui est relaxée en première instance. En appel, elle est condamnée pour blessures involontaires. Elle forme un pourvoi à l’encontre de l’arrêt d’appel. La Cour de cassation, par un arrêt du 15 janvier 2019, confirme la condamnation à six mois d’emprisonnement avec sursis.
Une absence de consignes claires de la part de l’anesthésiste, à un moment délicat de l’intervention
La Cour de cassation rappelle que l’anesthésie générale est, par nature, un acte exigeant une surveillance continue et qualifiée.
En quittant la salle, l’anesthésiste s’est bornée à demander au personnel de surveiller la patiente, sans donner de consignes précises. A ce moment, le personnel présent en salle était pourtant réduit, puisque le gynécologue en charge de l’opération s’était absenté momentanément pour se stériliser les mains, et l’IBODE avait reçu pour instruction de préparer la patiente pour la seconde intervention. Cela impliquait la préparation du matériel ainsi qu’une participation au passage de la position gynécologique à la position couchée. C’est d’ailleurs parce qu’elle préparait le matériel que l’IBODE n’a pas immédiatement réagi lors du déclenchement de l’alarme du respirateur.
Il est donc fautif de la part de l’anesthésiste de n’avoir laissé aucune consigne précise de surveillance à ce moment critique qu’est, par nature, le changement d’intervention, avec des mouvements de personnel et un changement de matériel induisant une baisse de vigilance.
Une surveillance qui n’est pas conforme aux recommandations de la SFAR
En appel, les juges avaient souligné que la présence de l’anesthésiste ou d’un IADE est obligatoire tout au long de l’anesthésie, jusqu’au transfert en salle de réveil, conformément aux recommandations de la SFAR1. Si l’anesthésiste est amené à quitter la salle, il doit confier la surveillance de l’anesthésie à un autre médecin anesthésiste ou à un IADE.
En laissant sa patiente, toujours placée sous anesthésie générale, sans surveillance par un personnel habilité au moment où elle a quitté la salle, l’anesthésiste a commis une faute caractérisée qui a exposé la patiente à un risque d’une particulière gravité, inhérent à toute anesthésie générale, que tout médecin anesthésiste ne peut ignorer de par sa formation.
1Recommandations de la SFAR concernant la surveillance des patients en cours d’anesthésie (2ème édition - Juin 1989-Janvier 1994) : « Toute anesthésie générale, locorégionale, ou sédation susceptible de modifier les fonctions vitales doit être effectuée et surveillée par ou en présence d’un médecin anesthésiste-réanimateur qualifié. (...)
Si le médecin anesthésiste-réanimateur est amené à quitter la salle d’opération, il confie la poursuite de l’anesthésie à un autre médecin anesthésiste-réanimateur qualifié. S’il la confie à un médecin anesthésiste-réanimateur en formation ou à un(e) infirmier(e) anesthésiste, il reste responsable de l’acte en cours et peut intervenir sans délai. »
La mauvaise organisation du service n’exonère pas l’anesthésiste de sa responsabilité
Pour sa défense, l’anesthésiste invoquait une mauvaise organisation du service puisqu’elle avait été contrainte de suivre plusieurs anesthésies en même temps, dans plusieurs salles. C’est ce qui l’avait amenée à quitter le bloc en cours d’anesthésie pour se rendre au chevet d’une autre patiente en détresse vitale.
Les juges reconnaissent que l’organisation du service était imparfaite, mais cela ne peut être regardé comme la cause exclusive du dommage. Par son comportement, la prévenue a contribué de façon certaine à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage, et a donc engagé sa responsabilité pénale, sur le fondement de l’article 121-3 du code pénal.
– SFAR RFE 1994 : Recommandations concernant la surveillance des patients en cours d’anesthésie
Toute anesthésie générale, locorégionale, ou sédation susceptible de modifier les fonctions vitales doit être effectuée et surveillée par ou en présence d’un médecin anesthésiste-¬‐réanimateur qualifié. (...) Le médecin a une obligation de compétence adaptée à l’acte qu’il pratique. Le médecin anesthésiste-¬‐réanimateur doit pouvoir être assisté, s’il le juge nécessaire, par un autre médecin et/ou un(e) infirmier(e) anesthésiste, en particulier en début et en fin d’anesthésie. Si le médecin anesthésiste-¬‐réanimateur est amené à quitter la salle d’opération, il confie la poursuite de l’anesthésie à un autre médecin anesthésiste-¬‐réanimateur qualifié. S’il la confie à un médecin anesthésiste réanimateur en formation ou à un(e) infirmier(e) anesthésiste, il reste responsable de l’acte en cours et peut intervenir sans délai. Les médecins en cours de spécialisation en anesthésie-¬‐réanimation ne remplissant pas encore les conditions pour effectuer des remplacements, ainsi que les infirmier(e)s anesthésistes, ne sont pas habilité(e)s à réaliser une anesthésie en l’absence d’un médecin anesthésiste-¬‐réanimateur qualifié. Ils (elles) ont essentiellement une fonction d’assistance et de surveillance.
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Pour avoir un sonde cloche un peu différent, voici le point de vue de Maîtres Philip COHEN et Laure SOULIER, sur le site du snarf. On constate que le syndicat pro-hospitalier snapher-e préconise un(e) IADE par salle et un MAR supervisant deux salles, là où le snarf préconise un(e) IADE et un MAR chacun dans une salle, sachant qu’en cas de problème, la gestion est plus aisée à quatre mains. et la probabilité que deux salles conjointement posent problème est rare. Si toutefois, les patients devaient être à haut risque anesthésique, il semblerait judicieux pour le MAR de faire une induction dans la première salle, et d’aller jusqu’à installation complète du patient, voire attendre l’incision, pour ensuite passer à la seconde induction dans l’autre salle placée sous sa responsabilité.
A moins également de programmer un seul patient à haut risque sur la même plage horaire. Mais entre ce qui est bien et ce qui se fait, le trou béant de la réalité a vite fait de nous rattraper et de s’ouvrir sous nos pieds. (AB)
Cour de Cassation, surveillance anesthésique, savoir de quoi on parle
publié le 10-04-2019
Un arrêt rendu le 15 janvier 2019 a remis à la Une de l’actualité anesthésique les questions relatives à la surveillance continue de l’anesthésie, à la présence du médecin anesthésiste en salle d’opération et ses possibilités de déléguer celle-ci à un IADE et à personne d’autre.
I. RETOUR SUR LES CIRCONSTANCES PARTICULIÈRES DE L’AFFAIRE
Mlle D, dans un contexte de douleurs pelviennes, devait bénéficier de deux interventions par un chirurgien gynécologique, réalisées en deux temps, consistant d’abord en un curetage biopsique de l’utérus puis en une coelioscopie exploratrice.
À l’occasion de la première intervention, le médecin anesthésiste réanimateur, le Dr X, a procédé à l’intubation de la patiente et à l’anesthésie générale. La biopsie étant terminée, et alors qu’aucun acte invasif opératoire n’était en cours, le Dr X a dû s’absenter quelques minutes pour répondre à un appel d’urgence en SPPI, située à proximité immédiate, pour une patiente post-césarienne.
Le Dr Y, chirurgien gynécologique, se trouvait quant à lui dans une salle attenante à la salle d’intervention où il procédait à un changement de tenue en vue du second temps chirurgical.
Le Dr X a laissé temporairement sous la surveillance d’une IBODE (faisant fonction en l’occurrence d’aide opératoire), assistée d’une aide-soignante, personnels expérimentés, en indiquant « surveillez-la ».
Durant ce laps de temps, l’IBODE et l’aide-soignante, en l’absence de tout médecin et de consignes données à ce propos, ont pris l’initiative de changer la patiente de position opératoire. Suite à ce changement de position, l’aide-soignante a quitté la salle, de 7m² de superficie laissant seule l’IBODE…
C’est alors qu’est survenue une déconnexion entre le circuit du ventilateur et la sonde d’intubation par un mécanisme de traction sur les tuyaux lors du changement de position.
C’est l’aide-soignante à son retour qui, entendant les alarmes, s’est aperçue de la situation et a appelé le Dr X qui s’est immédiatement rendu en salle d’opération. Elle a alors constaté des signes de bradycardie et a prodigué à Mlle D les soins de réanimation adaptés sollicitant l’aide d’un IADE et de confrères et organisant son transfert vers le Centre hospitalier (CH).
A son arrivée au CH, il était constaté que la patiente se trouvait dans un état neuro-végétatif et il est apparu, au regard des dommages neurologiques présentés par la patiente, que l’appel au médecin anesthésiste réanimateur n’avait pas dû être immédiat mais tardif.
II. RETOUR SUR LA PROCÉDURE PÉNALE
Le Dr X, médecin anesthésiste réanimateur, avait donné à la famille, comme première explication de la déconnexion de la sonde d’intubation, la survenue d’un bronchospasme, pensant à ce moment-là avoir été immédiatement appelé par le personnel paramédical, ce qu’allaient forcément infirmer les conséquences neurologiques constatées par la suite.
Des lettres anonymes adressées à la famille indiquant notamment que l’anesthésiste n’était pas en salle au moment de l’accident conduisirent celle-ci à engager une procédure pénale.
Le Dr X a tenté, tout au long de la procédure, de faire valoir les circonstances particulières dans lesquelles il s’était trouvé et notamment qu’il convenait d’assimiler ici sa situation à celle d’une délégation donnée à un personnel infirmier qualifié, comme pour une surveillance en SSPI qui ne requérait pas forcément la présence d’un IADE.
De même, il était mis en évidence le fait que le personnel paramédical avait pris seul l’initiative d’un changement de position qui a été la cause déterminante de la déconnexion de la sonde d’intubation et qu’il y avait eu un retard inexplicable à l’alerte du médecin anesthésiste réanimateur dans une petite salle d’opération avec un appareil performant muni d’alarmes, qui ne pouvaient pas ne pas être entendues…
Un Expert, ancien président de la SFAR, avait validé cette délégation dans ces circonstances.
Un autre Expert avait, pour sa part, considéré qu’il fallait faire application stricte des recommandations de la SFAR s’agissant d’une patiente sous anesthésie générale en cours, même s’il n’y avait pas d’acte chirurgical invasif à ce moment-là.
Plusieurs personnalités éminentes de la spécialité ont souligné le fait que la cause déterminante de la déconnexion de la sonde d’intubation était en l’espèce le changement de position, opéré contre toutes les règles en l’absence de tout médecin, y compris le médecin anesthésiste réanimateur.
Par jugement en date du 13 juin 2016, le Tribunal correctionnel a relaxé le Dr X, estimant que dans les circonstances de l’espèce, il pouvait déléguer la surveillance au personnel qualifié présent, qu’il ne pouvait anticiper le risque de déconnexion de la sonde à l’occasion d’une mobilisation du patient hors présence de tout médecin, combiné à l’absence d’alerte dans un délai suffisant.
Le Tribunal en déduisait qu’il ne pouvait retenir dans ces circonstances une faute caractérisée avec un risque que le Dr X ne pouvait ignorer.
Par arrêt en date du 25 septembre 2017, la Cour d’appel de Douai en a décidé autrement avec la motivation essentielle suivante :
« En laissant sa patiente, toujours placée sous anesthésie générale, sans surveillance par un personnel habilité au moment critique qu’est par nature le changement d’intervention, avec des mouvements de personnel, un changement de matériel induisant une baisse de vigilance, et une éventuelle mobilisation, le Dr X a commis une faute caractérisée. Cette faute a exposé Mlle D à un risque d’une particulière gravité, inhérent à toute anesthésie générale, que tout médecin anesthésiste réanimateur ne peut ignorer de par sa formation ».
Le Dr X a été condamné à 6 mois d’emprisonnement assorti du sursis et il y a eu également condamnations civiles pour des préjudices extrêmement importants compte tenu de l’état neuro-végétatif de la patiente.
Le Dr X a évidemment formé un pourvoi en cassation.
Par arrêt en date du 15 janvier 2019, la Cour de cassation, qui ne peut revenir sur les faits tels qu’ils étaient établis par l’arrêt de la Cour d’appel, a rejeté le pourvoi du Dr X, en laissant d’ailleurs le soin à ce dernier de rechercher un partage de responsabilité au plan civil avec le chirurgien gynécologique et la Clinique, puisqu’un rapport d’expertise dans le cadre d’une procédure CCI avait conclu à un tel partage (défaut d’indication, défaut d’organisation, faute du personnel salarié).
III. CE QU’IL FAUT RETENIR DE CETTE AFFAIRE
Un patient sous anesthésie, qu’elle soit générale ou loco-régionale, doit bénéficier d’une surveillance continue en salle d’opération par un professionnel de l’anesthésie qui ne peut être qu’un médecin anesthésiste réanimateur ou un IADE, et ce, jusqu’à son transfert en SSPI.
Le fait que l’on soit entre deux interventions, à partir du moment où le protocole anesthésique est en cours, ne peut être une circonstance dérogatoire.
Un changement de position opératoire ne peut avoir lieu qu’en présence d’au moins un médecin et les protocoles doivent être extrêmement clairs dans l’établissement à ce propos.
En dehors donc des circonstances particulières de cette affaire, il n’y a rien de nouveau sous le soleil anesthésique.
Ce que ne dit certainement pas l’arrêt de la Cour de cassation, c’est qu’il faudrait nécessairement un IADE dans chaque salle d’opération lorsque le médecin anesthésiste réanimateur a la responsabilité d’au maximum de deux salles d’opération.
Si la présence d’un IADE dans chaque salle constitue à l’évidence un confort et une sécurité pour le médecin anesthésiste réanimateur, il reste toujours admis aujourd’hui qu’il peut y avoir un médecin anesthésiste réanimateur dans une salle, un IADE dans une autre salle sous la responsabilité du même médecin anesthésiste réanimateur et qu’en cas d’incident dans l’une des salles, l’IADE appelle immédiatement le médecin anesthésiste réanimateur et prend la place de ce dernier dans la salle dont il s’occupait.
Si les recommandations de la SFAR prévoient dans certains cas particuliers, en fonction des risques prévisibles, que le médecin anesthésiste réanimateur doit être assisté d’un IADE, notamment au moment de l’induction anesthésique et de l’intubation, cela ne veut évidemment pas dire que la présence d’un IADE aux côtés du médecin anesthésiste réanimateur est requise de manière générale.
Il en est de même pour la possibilité de faire appel à un renfort anesthésique en cas d’incident grave.
Tout cela reste dans le quotidien des anesthésistes réanimateurs.
Un médecin anesthésiste réanimateur dans une salle, un IADE dans l’autre sous sa responsabilité, restent toujours la norme lors des visites de certifications des établissements, l’HAS ayant d’ailleurs repris comme référence l’article des avocats du SNARF intitulé « un médecin anesthésiste réanimateur, deux salles : vous avez dit pas de textes ? »
Il sera rappelé que l’impossibilité pour un médecin anesthésiste réanimateur de prendre plus de deux salles repose sur le fait qu’au-delà, il se met dans une situation à risque car il doit être toujours en mesure d’intervenir immédiatement à l’appel de l’IADE, s’il y en a un, cela peut se concevoir, s’il y en a plusieurs, cela devient mission impossible…
La vraie protection du médecin anesthésiste réanimateur réside donc plus que jamais dans le respect des règles de sécurité anesthésique, des recommandations de la SFAR qui contribuent à la définition des règles de l’art et dans l’élaboration et la traçabilité des protocoles et des consignes de surveillance, ce qui a une importance également dans les suites pour la surveillance en SSPI à propos de laquelle nous reviendrons dans un prochain article.
Philip COHEN et Laure SOULIER
Avocats à la Cour
Cabinet Auber