L’Entropie
Moniteur de la fonction cérébrale en anesthésie : BIS, EEG, entropie, potentiels évoqués
i conférence
power point
L’entropie : un moyen d’apprécier le défaut d’analgésie ?
E. Dierckensa, M. Fleyfela, E. Robina, A. Legranda, M. Borela, L. Gambierb, B. Valleta and G. Lebuffea, Corresponding Author Contact Information, E-mail The Corresponding Author
Clinique d’anesthésie–réanimation, hôpital Huriez, CHRU de Lille, rue Michel-Polonowski, 59037 Lille cedex, France
Service de chirurgie digestive et transplantation, hôpital Huriez, CHRU de Lille, rue Michel-Polonovski, 59037 Lille cedex, France
Reçu le 20 mars 2006 ;
Résumé
Objectifs
Comparer le BIS (Index Bispectral) avec l’entropie chez des patients opérés de leur maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI) par laparotomie pour le monitorage de la profondeur d’anesthésie et étudier les variations de RE et SE au cours des stimulations nociceptives peropératoires.
Type d’étude
Étude clinique observationnelle, prospective.
Patients et méthode
Quatorze patients porteurs de MICI et opérés d’une laparotomie ont été inclus. L’analgésie était réalisée par des bolus de sufentanil administrés pour des variations de plus de 20 % de la pression artérielle systolique (PAS) et/ou de la fréquence cardiaque chez un patient dont le BIS était maintenu entre 40 et 60 par de l’isoflurane associé à du protoxyde d’azote. Les valeurs du BIS, RE et SE étaient relevées à chaque stimulation nociceptive. Les variations au cours du temps du BIS et de l’entropie ont été analysées par une Anova (p < 0,05 comme valeur significative). La relation entre BIS et entropie a été étudiée par un test de corrélation de Pearson (p < 0,01 comme valeur significative). Les performances de SE et RE pour prédire l’hypnose et le défaut d’analgésie ont été évaluées par le calcul de l’aire sous les courbes ROC (AUC).
Résultats
L’évolution des paramètres BIS et entropie a été identique au cours de l’intervention. Lors des stimulations nociceptives, PAS augmentait significativement alors qu’aucune variation de RE n’était observée. RE et SE étaient étroitement corrélés au BIS. La prédiction de la profondeur d’anesthésie pour un BIS entre 40 et 60 était bonne avec une AUC de 0,932 ± 0,26 pour RE et de 0,926 ± 0,27 pour SE. En revanche, RE n’était pas différent de SE pour prédire le défaut d’analgésie (AUC : 0,709 ± 0,46 pour RE vs 0,688 ± 0,47 pour SE).
Conclusion
Chez les patients curarisés, la composante RE de l’entropie, parce qu’elle inclut les fréquences musculaires, ne permet pas d’évaluer le défaut d’analgésie.
NDLR (AB)
Le SE (State entropy ou entropie basale) analyse l’EEG dans la même bande de fréquence que le BIS
Le RE (response entropy ou entropie réactionnelle analyse en plus les fréquences rapides supposées refléter l’analgésie. Pas encore confirmé totalement sur le plan clinique.
Le BIS (index bispectral) est une méthode de monitorage de la profondeur de l’anesthésie basée sur l’analyse du signal électro encéphalographique (EEG)
En recueillant les signaux électriques du cerveau, on peut distinguer le sommeil léger du sommeil profond. Le BIS varie de 100 (sujet normal éveillé) à 0 (sommeil extrêmement profond)
Le monitorage par le BIS permet :
d’éviter le surdosage et les effets indésirables des hypnotiques
d’éviter le risque de sous-dosage et les risques de mémorisation pendant l’intervention
UTILISATION CLINIQUE DE L’INDEX BISPECTRAL DE L’ELECTRO-ENCEPHALOGRAMME (BIS) EN ANESTHESIE
Dr V. BILLARD
Institut Gustave Roussy, Villejuif
Qu’est-ce que le BIS ?
Il s’agit d’un paramètre complexe calculé à partir de l’électroencéphalogramme (EEG) spontané des patients sous anesthésie générale. Sa valeur donne une estimation du niveau de sédation ou d’anesthésie et permet de guider l’administration des agents anesthésiques pour maintenir ce niveau stable et en adéquation avec l’intensité de la stimulation chirurgicale.
A quels besoins le BIS répond-il ?
L’anesthésie générale comporte plusieurs effets qu’on peut regrouper en 2 composantes principales :
- une composante "sommeil" qui correspond à la perte de la conscience, de la réponse aux ordres et de la mémorisation,
- une composante analgésique qui regroupe l’abolition de la réactivité (motrice, hémodynamique, etc...) aux stimulations douloureuses.
Ces composantes sont souvent obtenues par des agents différents, hypnotique d’une part, morphinique d’autre part, constituant une anesthésie balancée. Celle-ci doit être en permanence adaptée au niveau de stimulation chirurgicale c’est-à-dire éviter à la fois sous-dosage et surdosage.
Le sous-dosage se manifeste, pour la première composante, par le maintien de la conscience et par un souvenir de la période chirurgicale qui traumatise les patients qui l’ont expérimenté.
Pour la deuxième composante, il se manifeste par une réaction à chaque stimulation douloureuse (mouvement, poussée hypertensive, bronchospasme, etc...). Cliniquement, le sous-dosage est de constatation rétrospective, c’est-à-dire qu’il faut d’abord appliquer la stimulation douloureuse pour pouvoir évaluer si le niveau d’anesthésie était suffisant ou non. Il survient surtout chez les patients chez qui une mauvaise tolérance hémodynamique oblige à diminuer considérablement les doses (polytraumatisé, obstétrique, etc...) ou chez les patients curarisés où la réactivité et le maintien de la conscience ne peuvent pas s’exprimer par un mouvement.
Le surdosage en agents anesthésiques se traduit parfois par des effets secondaires (hypotension, bradycardie). En l’absence d’effet secondaire, un surdosage en agents anesthésiques peut très bien passer inaperçu car l’absence de réactivité et la perte de conscience sont identiques, que la dose administrée soit adéquate ou excessive. Dans ce cas, les seules conséquences du surdosage sont une augmentation inutile de la consommation d’agents, un retard de réveil et l’allongement de la durée de séjour en SSPI. Il survient surtout lorsque les besoins en agents anesthésiques sont diminués (sujet âgé, diminution de la stimulation chirurgicale sans ajustement de l’anesthésie, perfusion prolongée à vitesse constante, etc...).
Parce que l’évaluation clinique du niveau d’anesthésie est manifestement insuffisante, et que la tolérance et les besoins des patients sont parfois difficiles à prévoir, tout anesthésiste a, un jour ou l’autre, éprouvé le besoin de "mesurer’" le niveau d’anesthésie par un paramètre physiologique objectif.
Ce paramètre doit idéalement être :
- Quantitatif : s’il est en tout ou rien comme la réponse clinique, il ne permettra pas d’ajuster les doses
- Sensible pour une large gamme d’utilisation de l’anesthésie générale profonde à la sédation légère
- Disponible en temps réel, sans nécessiter des heures de traitement du signal et de calcul
- Reproductible c’est-à-dire que le même niveau clinique d’anesthésie correspondra à la même valeur de BIS lorsqu’il est atteint avec des classes d’agent anesthésique différents
- Prédictif, c’est-à-dire permettant de vérifier avant la stimulation si le patient va réagir
- Résistant aux perturbations électromagnétiques du bloc opératoire
- Simple d’apprentissage et de mise en place pour des non spécialistes
Le paramètre qui se rapproche le plus de ce cahier des charges est l’index bispectral de l’EEG ou BIS
Comment le BIS est il établi ?
L’index bispectral ou BIS est basé sur le degré de synchronisation du tracé EEG, et pour une moindre part sur la présence de fréquence rapides et le % de tracé plat (burst suppression), calculés par analyse automatique en temps réel de l’EEG spontané (i.e. sans stimulation, à l’inverse des potentiels évoqués). Son utilisation en anesthésie est basée sur le fait que la synchronisation augmente lorsque le niveau d’anesthésie s’approfondit. Il a ensuite été affiné grâce à l’analyse d’une base de données multicentrique américaine de patients et de volontaires ayant reçu des protocoles d’anesthésie différents. Le BIS peut prendre une valeur de 100 (sujet éveillé) à 0 (sommeil très profond) et n’a pas d’unité Rosow1998.
Utilisation clinique du BIS
Description et mise en place
L’EEG est recueilli à partir d’électrodes autocollantes à usage unique disposées sur les zones glabres du scalp (front, tempes, voire vertex en cas de calvitie) après dégraissage de la peau. Ces électrodes sont reliées à un convertisseur amplificateur, lui-même relié à un moniteur spécifique (fabriqué par Aspect Medical System, Natick, MA, USA et distribué en Europe par SpaceLabs Medical) par un câble numérique de 6 m, ce qui permet de positionner le moniteur à distance du patient. Le seul moniteur actuellement disponible sur le marché français (A1000) pèse 9,1 kg et ses dimensions sont : 30 cm x 18 cm x 30 cm (L x H x P). L’ensemble est marqué CE pour un usage de routine. Le temps de mise en route (placement des électrodes + mise en route de l’appareil et auto check-list) est de l’ordre de 3 mn.
Résultats
Chez le sujet éveillé, le BIS est supérieur à 90.
Au cours de l’induction de l’anesthésie et en l’absence d’une stimulation douloureuse violente, le BIS décroît simultanément avec la perte de conscience ou l’apparition de la sédation. On peut considérer qu’au moins 95 % des sujets cessent de mémoriser les événements per - opératoires pour uneBIS < 75 et ne répondent plus aux ordres simples pour un BIS inférieur à 50 Glass1997. Lorsqu’on continue à approfondir l’anesthésie, le BIS continue à décroître parallèlement à la concentration d’hypnotiques. Il est licite d’alléger l’anesthésie pour un BIS < 40. Ainsi, le BIS permet en premier lieu d’ajuster l’administration d’hypnotique pour éviter le sous-dosage et le réveil per-opératoire (BIS > 60), mais aussi le surdosage même en l’absence d’effets secondaires.
* Lorsqu’une stimulation douloureuse survient ou augmente, celle-ci provoque une réaction clinique (motrice ou neurovégétative) si la composante analgésique est insuffisante.
Le BIS avant la stimulation, permet mal de prédire si cette réaction va avoir lieu car il reflète surtout la composante hypnotique, et peu la composante analgésique.
En revanche, lorsque l’analgésie est insuffisante, le BIS augmente en réponse à la stimulation douloureuse de façon précoce et inversement proportionnel à la concentration d’analgésique. Il permet ainsi de juger que l’analgésie est insuffisante même chez les patients curarisés qui ne peuvent pas avoir de réaction motrice, et chez les patients dont la réaction hémodynamique est perturbée (traitement bêta bloquant pré - opératoire, état de choc,…).
Ainsi, le BIS avant incision constitue une aide pour ajuster la composante sommeil, et la variation du BIS en réponse aux stimulations douloureuses permet d’ajuster la composante analgésique. Ces caractéristiques semblent être retrouvées quel que soit le type de chirurgie et les agents employés.
Au cours de l’entretien de l’anesthésie générale, l’ajustement des fractions délivrées d’halogéné aux valeurs de BIS a permis de diminuer la consommation d’halogénés de 30 à 40% et de réduire d’autant les délais de réveil Song1997
Indications
Le BIS peut être utilisé pour ajuster l’anesthésie dans de multiples situations allant de la sédation pour coloscopie Mavoungou1996 à la chirurgie cardiaque (Longrois JEPU 1998).
Le BIS trouve une indication médicale de choix chez tous les patients à haut risque de surdosage ou de sous-dosage, c’est-à-dire les patients âgés, hypovolémiques ou en état de choc, ou à l’inverse les patients nécessitant des doses d’agents anesthésiques largement au-dessus de la moyenne.
Il ne remplace pas le monitoring hémodynamique mais le complète utilement et permet de distinguer les perturbations hémodynamiques en rapport avec le niveau d’anesthésie (donc à traiter par l’ajustement des doses) des perturbations d’autres origines qui doivent plutôt bénéficier d’un traitement symptomatique.
La prévention systématique du surdosage constitue la seconde indication du BIS et a surtout un impact économique. Aux Etats-Unis, le BIS a commencé à s’implanter largement et a permis, semble-t-il, de diminuer les délais de réveil et de réduire les coûts de fonctionnement de bloc opératoire et de SSPI.
La place du BIS dans le monitoring de la sédation et du coma en réanimation reste à étudier.
Limites du BIS
Le BIS répond à l’essentiel du cahier des charges défini ci-dessus, puisqu’il est :
quantitatif, sensible de l’anesthésie profonde à la sédation légère, disponible en temps réel moyennant un temps d’échantillonage + calcul de l’ordre de 1 minute, et reproductible entre différentes classes d’agents Glass1997. Son apprentissage et son maniement sont simples.
Toutefois, le calcul du BIS est interrompu pendant l’utilisation du bistouri électrique, et peut être perturbé si le chirurgien travaille très près des électrodes (neurochirurgie). Il peut également être perturbé par des artefacts physiologiques comme la contraction musculaire ou les mouvements de paupières. Enfin, il n’est prédicitf que de la perte de conscience mais pas de la réaction aux stimuli douloureux.
A noter que le BIS est vendu comme un moniteur de la profondeur d’anesthésie et non comme un détecteur d’accidents vasculaires ou de souffrance cérébrale focalisés ou généralisés.
Perspectives d’avenir
Le BIS est un moniteur du sommeil anesthésique disponible sur le marché et adapté à une utilisation en anesthésie. Il a donc sa place dans le matériel d’un service d’anesthésie, pour la surveillance de routine du patient tout venant et surtout du patient à risque ainsi que pour l’enseignement des anesthésistes en formation. On peut prévoir que la technique va encore évoluer vers encore plus de simplifications (une seule dérivation, moniteur plus petit, voire module intégré à un moniteur multifonctions).
Dans une utilisation de recherche clinique le BIS va voir se multiplier ses indications dans la recherche en pharmacologie clinique (relation dose-effet des nouveaux agents, influence des états physiopathologiques, interactions médicamenteuses, ...) et dans le développement des nouvelles techniques d’anesthésie asservies à l’effet (perfusion en boucle fermée).
Le sedline fournit un paramètre : le patient state index ou PSI, basé sur la balance entre l’EEG frontal et central sur les deux hémisphères.
Le NeuroSense fournit un paramètre pour chaque hémisphère, basée sur une analyse par vague (WAV), il capte aussi les fréquences rapides (gamma) qui sont supposées être corrélées à la sédation légère.
Evaluation of the SEDline to improve the safety and efficiency of conscious sedation
Clinical Evidence - SedLine® Brain Function Monitoring
Il n’y a aucun conflit d’intérêt dans la présentation du matériel.
Un petit retour sur les fondamentaux
BIS pour la détection précoce de la mort cérébrale lors de l’arrêt cardiaque réfractaire
En dépit de l’utilisation croissante de la réanimation cardio-pulmonaire extra-corporelle au cours des arrêts cardiaques (AC) réfractaires, leur pronostic demeure « sombrissime » conduisant à la mort cérébrale, laquelle est difficilement affirmable chez ces patients sous sédation, curarisés et maintenus en hypothermie thérapeutique modérée (HTM).
Comme il n’existe pas de marqueur biologique pathognomonique de la mort cérébrale, qu’un angio-scanner n’est guère de pratique aisée pendant les manœuvres de réanimation et non validé en l’absence de retour d’une circulation spontanée, et qu’en France l’EEG n’est pas valide à une température de moins de 35°C, force est de constater que les moyens d’évaluer la fonction cérébrale au cours des premières heures suivant l’AC, font défaut en pratique clinique. Autant de temps et de ressources perdus en service de réanimation, de délai d’information des familles et de délai de mise en œuvre d’un prélèvement d’organes…
L’index bispectral (BIS) est un monitorage dérivé de l’EEG qui permet de quantifier la profondeur de la sédation pendant l’anesthésie générale et en réanimation. Plusieurs études ont démontré son intérêt prédictif dans la mort cérébrale chez les patients comateux et au décours de l’AC sous hypothermie thérapeutique modérée.
Qu’en est-il de sa fiabilité prédictive chez les patients à la fois sous hypothermie thérapeutique modérée et sous réanimation cardio-pulmonaire extra-corporelle ?
Afin de répondre à ce vide cérébral, une étude prospective a été menée de novembre 2011 à mars 2014 en service de réanimation d’un hôpital universitaire français (Hôpital Necker) auprès de 46 patients [Age moyen 52 ± 13 ans, IGS II 89 ± 10, no flow 3 ± 4 minutes, low flow 88 ± 30, valeur du BIS sous hypothermie 17 ± 23, valeur du BIS après réchauffement 24 ± 31, mortalité globale à J28 : 40 (87 %)]. L’arrêt cardiaque réfractaire a été défini comme un arrêt cardiaque persistant après 30 minutes de réanimation et nécessitant une réanimation cardio-pulmonaire extra-corporelle. Les causes présumées de l’AC étaient : syndrome coronarien aigu 27 (59 %) ; embolie pulmonaire 2 (4 %) ; intoxication médicamenteuse 2 (4 %) ; noyade 2 (4 %), sepsis 1 (2 %), cardiomyopathies hypertrophique / obstructive 3 (6 %) ; cause indéterminée 8 (19 %).
Les patients étaient équipés en permanence d’un monitorage cérébral par BIS afin de détecter précocement la mort cérébrale sous hypothermie thérapeutique modérée (32°C - 34°C) et sous réanimation cardio-pulmonaire extra-corporelle. La mort cérébrale clinique a finalement été confirmée par EEG et/ou par angio-scanner cérébral.
- Une bonne prédiction de la mort cérébrale
Vingt-neuf patients ont évolué vers la mort cérébrale et ont présenté des valeurs moyennes de BIS inférieures aux valeurs attendues sous l’HTM et après réchauffement (température ≥ 35 °C) de 4 (0–47) et 0 (0–82), respectivement. Parmi eux, 11 (38 %) ont été inclus dans un programme de prélèvement d’organes.
Parmi les 17 patients qui n’étaient pas en mort cérébrale, les valeurs moyennes du BIS initial et après réchauffement ont été de 39 (0–65) et 59 (22–82), respectivement. Deux patients avaient à l’admission des valeurs initiales de BIS égales à 0 et ont eu un mauvais pronostic (Cerebral Performance Category 4 = coma ou état végétatif) avec décès par limitation thérapeutique.
Les valeurs du BIS ont différé significativement entre les patients qui ont évolué vers la mort cérébrale et les autres. Dans les deux groupes, il n’y a pas eu de différence entre les courbes ROC des valeurs du BIS sous hypothermie thérapeutique modérée et après réchauffement (respectivement 0,86 vs 0,83, NS).
- Bis repetita placent
En dépit de certaines limitations (étude monocentrique, faibles effectifs, début de la réanimation cardio-pulmonaire extra-corporelle 30 minutes après l’AC cardiaque afin de respecter la législation française, défaut de standardisation des périodes no flow et low flow– alors qu’elles sont une élément majeur du pronostic des AC -, manque de comparaison avec une cohorte prospective avec intervention), ces données concordent avec les résultats d’études antérieures qui démontrent que les valeurs BIS basses après AC sont associées à un mauvais pronostic neurologique et qu’une valeur BIS égale à zéro est un bon outil de prédiction et de détection précoce de la mort cérébrale chez les patients en AC réfractaire traités par hypothermie thérapeutique modérée et réanimation cardio-pulmonaire extra-corporelle. Technique de surveillance non invasive, facile à interpréter après une formation limitée, le BIS pourrait donc s’avérer utile à peu de fais pour réduire le temps de prélèvement d’organes et le gaspillage des ressources de temps et de moyens en réanimation.
Dr Bernard-Alex Gaüzère
RÉFÉRENCE
Jouffroy R et coll. : Early detection of brain death using the Bispectral Index (BIS) in patients treated by extracorporeal cardiopulmonary resuscitation (E-CPR) for refractory cardiac arrest Resuscitation 120 (2017) 8–13
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Index bispectral
source :precisdanesthesiecardiaque.ch
L’index bispectral (BIS™) analyse 4 variables d’un tracé EEG bipolaire (amplitude, fréquence, composition et cohérence de phase). Un algorithme (propriété du brevet et non explicité) les transforme en un nombre compris entre 0 et 100 qui décrit la puissance relative dans un espace à 4 phases des bandes de fréquences les plus élevées de l’EEG/EMG [213] ; ce chiffre représente la profondeur de l’anesthésie. Une valeur de 100 correspond à l’éveil, 0 au coma et 50 à une haute probabilité de sommeil. Le point critique entre amnésie et souvenir se trouve vers 65 ; l’échelle n’est toutefois par linéaire, le chiffre 40 ne signifiant pas un sommeil deux fois plus profond que 80 [250]. La zone de sommeil clinique probable correspond aux valeurs situées entre 40 et 60. Il existe d’autres appareils fondés sur un principe analogue : Entropy Module™, Narcotrend Monitor™.
Le BIS™ est un moniteur global et non focal de l’activité cérébrale, qui convient mal à la situation où le risque est une embolie ou une ischémie localisée. Dans une étude portant sur 52 patients opérés de carotides en ALR, le BIS™ a affiché une valeur moyenne de 96 (± 2.9) [54]. Cinq patients ont présenté des épisodes d’ischémie cérébrale d’après leur status neurologique ; le BIS a affiché une valeur moyenne de 96.7 pendant ces épisodes. Cette absence de corrélation entre la valeur du BIS™ et l’état neurologique le rend donc inadapté à la surveillance du clampage carotidien. Il pourrait toutefois offrir un mode de surveillance des fonctions cérébrales pendant des états hémodynamiques instables, car il baisse dans les états de bas débit ou d’hypotension sévère [67]. Quelques rapports ont indiqué un effondrement du BIS™ (valeur 10-15) lors d’épisodes de souffrance cérébrale ou d’infarcissement [311].
Le BIS™ est une technique d’apparence séduisante pour se protéger des éveils sous anesthésie. Ceux-ci surviennent dans 0.1-0.2% des anesthésies générales ; dans les situations à haut risque comme la chirurgie cardiaque, la curarisation ou la CEC, l’incidence augmente jusqu’à 1% [251]. La réponse dépend toutefois du type d’anesthésie. Sous anesthésie intraveineuse avec propofol (TIVA), la valeur du BIS prédit adéquatement la réponse au stimulus chirurgical, mais les opiacés ne montrent aucune relation dose-effet et les halogénés une corrélation modeste [65a,252].
Cependant, le chiffre construit par le BIS™ n’est que le marqueur d’un mode d’interprétation de l’EEG. Bien qu’il soit très répandu, l’efficacité du BIS™ et sa pertinence physiologique ont souvent été mis en doute. Les recommandations de l’ASA spécifient que l’évidence clinique est insuffisante pour recommander l’utilisation de routine de ce type de moniteur dont l’efficacité est incertaine en chirurgie cardiaque [2,108b]. Deux grandes études randomisées, portant l’une sur 2’000 cas dont 540 de chirurgie cardiaque [6] et l’autre sur 6’041 patients dont 2’041 de chirurgie cardiaque [5], démontrent que les protocoles basés sur le BIS ne sont pas supérieurs à ceux basés sur la concentration expiratoire d’halogéné pour prévenir l’éveil peropératoire.
Comparant le taux d’éveil et de mémorisation sous anesthésie générale entre un groupe monitoré avec le BIS™ et l’autre avec la concentration expirée de l’halogéné, ces études ne trouvent aucune différence entre ces groupes, ni dans le nombre d’éveils (2 cas dans chaque groupe dans la première, 19 cas dans le groupe BIS et 8 dans le groupe contrôle dans la deuxième) ni dans la MAC d’halogéné (0.81 vs 0.82) nécessaire à maintenir le sommeil. D’autre part, la valeur du BIS™ était largement > 60 dans les 16 cas de mémorisation d’évènements peropératoires [5,6].
L’intérêt du BIS™ est d’éviter l’utilisation excessive d’halogénés ou de propofol pour maîtriser une poussée hypertensive qui n’est pas liée à un réveil. Si la profondeur de l’anesthésie est adéquate, il est préférable d’avoir recours à un agent hypotenseur [70a]. Cependant, aucune des grandes études n’a démontré qu’une valeur de BIS™ maintenue entre 40 et 60 conduise à des économies d’agents, ni à une amélioration du réveil, ni à une diminution des nausées et vomissements [65a]. Le maintien de la concentration d’halogéné entre 0.7 et 1.3 MAC est tout aussi performant. La valeur affichée par le BIS doit être corroborée par les autres signes cliniques de la profondeur de l’anesthésie. Régler les agents assurant le sommeil pour maintenir le seul chiffre d’un moniteur en dessous d’un certain seuil peut conduire à une profondeur excessive du point de vue ventilatoire ou hémodynamique, et devenir de ce fait contre-productif. Il n’y a aucune évidence pour l’utilisation du BIS™ comme système de neuro-surveillance.
Monitorage neurologique : BIS™
Le BIS™ n’offre pas de garantie sur la profondeur de l’anesthésie ; son efficacité est incertaine en chirurgie cardiaque. Il n’est pas un système de neuro-surveillance.
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Arnaud BASSEZ
IADE/enseignant CESU
Administrateur