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On l’appelle parfois "choc chaud", car le patient est rouge sur la face et le thorax (le fameux érythème pudique de la jeune fille).
L’allergie n’est pas dose dépendante. On peut être allergique à tous les produits. Les principaux étant les curares (dépolarisant et non dépolarisants), les anti inflammatoires, les antibiotiques... Rappelons que l’allergie à l’iode n’existe pas et que "l’allergie à la morphine" qui fait vomir s’appelle un effet indésirable.
Le choc anaphylactique, est une réponse immunitaire dont les déclencheurs sont des E spécifiques. Cette réponse, est liée à la dégranulation des polynucléaires basophiles et des mastocytes libérant de l’histamine (principal médiateur), des leucotriènes, des prostaglandines, du thromboxane A2 et du facteur d’activation plaquettaire. Les signes cliniques reposent sur la classification de Ring et Messmer et varie selon la gravité de la réaction.
- Grade I : Érythème, prurit, urticaire, œdème face, œdème des muqueuses.
- Grade II : Érythème, prurit, urticaire, œdème face, œdème des muqueuses atteinte multiviscérale modérée avec au moins 2 fonctions vitales atteintes : hypotension et tachycardie inhabituelles, tachycardie>30%, chute de PAS>30% hyperréactivité bronchique avec toux voire difficultés ventilatoires, nausées.
- Grade III : Érythème, prurit, urticaire, œdème face, œdème des muqueuses et atteinte multiviscérale sévère menaçant la vie et imposant un traitement spécifique : collapsus, tachycardie ou bradycardie, troubles du rythme cardiaque, bronchospasme, vomissements, diarrhées.
Attention, les signes peuvent être absents à la phase toute initiale ou n’apparaîtrent qu’après la remontée de la pression artérielle.
- Grade IV : arrêt circulatoire et/ou respiratoire.
Traitement
- Grade I -> pas d’adrénaline. Cela peut être aussi une réaction anaphylactoïde de type histamino libération non spécifique, dépendante de la vitesse d’administration du produit et de l’aptitude du patient à libérer l’histamine, urticaire.
– Il convient de prendre une pression artérielle, de la surveiller si une artère sanglante est éventuellement en place.
– On surveillera la fréquence cardiaque, les pressions d’insufflation. Une auscultation pulmonaire peut être utile afin de vérifier toute absence de wheezing.
– Si une artère sanglante est prévue, il est préférable de la poser avant l’éventuelle réinjection du produit suspecté. La surveillance en sera aisée, la pose également.
- Grade II -> bolus de 10 à 20µg d’adrénaline. Un Trendelenburg peut être utile.
- Grade III -> bolus de 100 à 200µg d’adrénaline. Un Trendelenburg peut être utile.
- Grade IV -> prise en charge d’un arrêt circulatoire (MCE et adrénaline 1 mg IVD toutes les 3 à 5 minutes puis 5 mg à partir de la 3e injection) avec relais IVSE de 0,05 à 0,1 µg/kg/min.
– Le défibrillateur peut être amené seulement en cas de fibrillation ventriculaire. L’arrêt cardiaque risquant plutôt d’être asystolique par désamorçage de la pompe cardiaque, dû à la vasoplégie intense.
– Remplissage vasculaire concomitant par cristalloïdes isotoniques (30mL/kg) puis amidons (30mL/kg) les hydroxyethylamidons (HEA) ne sont plus utilisables depuis une note de la HAS du 3 octobre 2022. Les dextrans ne sont pas mieux en terme d’allergie. L’albumine est une alternative coûteuse qui peut toutefois avoir son utilité en fonction du terrain.
– Corticoïdes non allergisants type HSHC 200mg IVD ou Solumédrol 1mg/kg IVD. Les corticoïdes ayant un effet retardés. Il est cependant important d’y penser et de les injecter.
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Bilan biologique
– En général on dispose au bloc opératoire de kit de prélèvements en cas d’anaphylaxie. Ces kits sont contenus dans un sac en plastique et contiennent les tubes de prélèvements ainsi que les papiers à remplir pour le laboratoire indiqué. Il est important de reconstituer le kit une fois utilisé, pour l’avoir à disposition immédiate en cas d’un nouveau cas. La loi des probabilités ne s’appliquant pas à certains collègues désignés "chat noir".
Les prélèvements étant échelonnés entre < 30 min - 1 à 2h puis > 24 h en règle générale.
– Prélèvements immédiats :
- Histamine
- Tryptase
- IgE anti-AQ
– Des tests cutanés à distance -> 4 à 6 semaines après la réaction sont à prévoir.
– Une déclaration au centre régional de pharmacovigilance, si un médicament est en cause.
Un staff médical sera nécessaire si le patient n’a pas bénéficié de l’acte chirurgical envisagé, suite à son choc anaphylactique. nanti des résultats allergologiques, le choix des médicaments sera écrit et validé. Il sera indispensable que l’équipe IADE soit prévenue et informée. L’adrénaline à 500µg par ml peut être préparée ainsi qu’une seringue de "baby noradrénaline" (dilution entre 10 et 20 µg/ml) pour le décours de l’intervention.
En lire plus sur l’hypersensibilité médicamenteuse
A lire :
- l’article sur l’allergie (latex, curares et autre)
- L’adrénaline en spray (sur le forum)
Vous trouverez d’autres documents (pas forcément en lien avec le sujet présent), en consultant les "best of" de la SOFIA ainsi que les différents congrès publiés ici.
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Curares et choc anaphylactique : 4 % de mortalité en France
25.09.14
Les réactions anaphylactiques aux curares sont associées à un taux de mortalité de plus de 4% en France, selon une étude présentée le 18 septembre 2014 au congrès de la Société française d’anesthésie et de réanimation (Sfar) à Paris.
Réactions anaphylactiques aux curares : 4% de mortalité en France
A partir de la base de données du système national de pharmacovigilance, Marie Reitter du CHU de Nancy et ses collègues ont sélectionné les cas de réactions anaphylactiques aux curares, survenus entre janvier 2000 et décembre 2011, et déterminé le taux de mortalité associé et les facteurs de risque de décès.
L’analyse a porté sur 2 022 cas de réaction d’hypersensibilité à un curare, dont 84 se sont avérés mortels. Le taux de mortalité moyen s’élevait à 4,1%. Parmi les cas examinés, 1 247 cas de réaction sévère (grade 3 et 4) ont été retenus afin d’identifier les facteurs de risque de décès.
Aucun curare en particulier n’était identifié comme facteur de risque de surmortalité, même si le curare le plus souvent incriminé était le suxamethonium (65,4%), suivi de l’atracurium (14,5%), puis du rocuronium (8,4%), du cisatracurium (7,5%) et du vecuronium (Norcuron*, MSD) (1,8%).
Le sexe féminin était protecteur contre le risque de décès, avec une probabilité de décès significativement réduite de 60%. Le contexte d’urgence augmentait significativement la probabilité de décès d’un facteur 2,6, l’obésité d’un facteur 2,4, un antécédent d’hypertension artérielle (HTA) d’un facteur 2,5, un antécédent de maladie cardiovasculaire autre d’un facteur 4,4 et l’utilisation d’un bêta-bloquant au long cours d’un facteur 4,2.
Le délai moyen de survenue du premier symptôme d’anaphylaxie était de 2,1 minutes et le délai moyen d’injection du premier bolus d’adrénaline de 3,4 min, avec une dose totale injectée de 15 mg en bolus. Il n’y avait aucune différence significative de prise en charge entre les décès "précoces" (survenus immédiatement ou après mise en place d’une assistance cardiocirculatoire) et "tardifs" (liés à une défaillance multiviscérale secondaire à l’arrêt cardiovasculaire récupéré).
La prise en charge des cas mortels était conforme aux recommandations internationales, avec un délai court pour la mise en oeuvre des thérapeutiques spécifiques, soulignent les auteurs. On peut donc supposer qu’il existe une résistance à l’adrénaline. Il est donc nécessaire de développer de nouvelles approches thérapeutiques, concluent-ils.
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source : http://www.chu-rouen.fr/
LE PATIENT ALLERGIQUE A LA CONSULTATION ANESTHÉSIQUE
Jean-Marc Malinovsky
Département d’Anesthésie-Réanimation
Hôtel-Dieu, 44093, Nantes
La notion d’antécédents allergiques, de quelque nature qu’ils soient, est retrouvée chez 15 à 20 % des patients interrogés avant une anesthésie. Connaissant le risque allergique propre et le potentiel histaminolibérateur des médicaments anesthésiques et des autres agents utilisés pendant l’anesthésie, on peut se demander si un patient qui se dit allergique n’a pas plus de risque de faire une réaction « allergique » d’origine immunologique (= anaphylaxie) ou non (= histaminolibération non spécifique) pendant l’anesthésie.
En fait, l’incidence des réactions anaphylactoïdes peranesthésiques est très faible : 1 réaction anaphylactoïde pour 3.500 anesthésies (anaphylaxie + histaminolibération non spécifique), 1 réaction anaphylactique vraie pour 13.000 anesthésies. Ceci est sans commune mesure avec l’incidence élevée de l’allergie dans la population française en général, où l’atopie est présente chez 20 à 25 % des gens, l’allergie médicamenteuse chez 15 %, l’allergie alimentaire chez 10 %, la sensibilisation au latex chez 3 à 40 % suivant les catégories de patients. Le lien entre les antécédents allergiques et le risque anesthésique n’est pas évident à établir sur ces données.
Par ailleurs, chez les patients qui ont fait une réaction anaphylactoïde peranesthésique, on ne retrouve pas toujours une incidence plus élevée d’antécédents allergiques que dans la population normale, à l’exception de certains groupes de patients chez qui une stratégie de prévention doit être instituée dès la consultation d’anesthésie.
1 Quels sont les patients allergiques à risque de réaction anaphylactoïde peranesthésique ?
1.1. Patients allergiques à risque d’anaphylaxie peranesthésique :
1.1.1. Patient réputé allergique à un des médicaments de l’anesthésie (curares avant tout) ou produits susceptibles d’être administrés pour l’anesthésie ou l’analgésie postopératoire (antibiotique, substitut du plasma, latex, chlorhexidine, aprotinine, paracétamol…..), le diagnostic ayant été déjà établi par un bilan allergologique.
1.1.2. Patient ayant manifesté une réaction « allergique » lors d’une anesthésie antérieure (érythème, urticaire, bronchospasme, collapsus) et n’ayant pas fait l’objet d’un bilan allergologique diagnostique.
1.1.3. Patient présentant des signes d’intolérance au contact du latex (urticaire, œdème, rhinite, conjonctivite, asthme) ou étant allergique à certains fruits (banane, kiwi, avocat, châtaigne….)
1.1.4. Enfants multiopérés et notamment pour spina bifida, myéloméningocèle en raison de la fréquence importante de la sensibilisation au latex et de l’incidence élevée des chocs anaphylactiques au latex.
1.2. Patients allergiques ou supposés tels, dont le risque d’anaphylaxie peranesthésique n’a pas été prouvé :
· atopie (asthme, rhinite, dermatite, conjonctivite),
· allergie à un médicament et/ou un produit qui ne sera pas utilisé au cours de l’anesthésie,
· intolérance à l’aspirine et aux AINS, conservateurs (métabisulfites, parabens), antibiotiques, analgésiques….., désinfectants, colorants, produits ménagers, produits capillaires,
· allergie de type retardé (24 à 72 h) aux médicaments (antiseptiques, antibiotiques, héparine….), métaux, caoutchouc, pommades diverses,
· réaction anaphylactoïde aux produits de contraste iodés,
· mastocytose,
· œdème angioneurotique héréditaire ou acquis,
· allergie ou intolérance alimentaire à l’arachide, soja, crustacés, légumes, poissons, alcool…..
Il n’y a actuellement aucun argument scientifiquement prouvé et publié pour considérer que ces catégories de patients sont sensibilisés aux agents de l’anesthésie et pourraient faire un choc anaphylactique peranesthésique. En revanche, certaines précautions dans les gestes anesthésiques sont à prendre chez les patients ayant un asthme (risque d’aggraver l’hyperréactivité bronchique), une mastocytose et un œdème angioneurotique héréditaire.
2 Indications du bilan allergologique préanesthésique
2.1. Une consultation allergologique est à réaliser, en période préanesthésique uniquement chez les patients allergiques définis dans le paragraphe 1 : « patients allergiques à risque d’anaphylaxie peranesthésique » (1-1).
Les investigations allergologiques pratiquées auront pour but de vérifier si les symptômes allégués sont liés à une sensibilisation et de détecter le produit responsable afin de l’éliminer du protocole anesthésique ultérieur. L’allergologue testera les produits que le patient avait reçu, ce qui oblige l’anesthésiste à fournir le protocole de l’époque. Il s’agit d’un bilan diagnostique d’une réaction antérieure. En aucune façon, ce bilan ne doit être étendu aux anesthésiques prévus pour l’anesthésie future à la recherche d’une sensibilisation latente ignorée du sujet (= bilan prédictif). On ne connaît en effet pas la valeur prédictive positive et négative des tests cutanés et/ou biologiques dans la population générale. La pratique du bilan prédictif représente une fausse sécurité.
2.2. Il n’y a pas lieu de pratiquer un bilan allergologique préanesthésique chez les patients dont les antécédents allergiques ou supposés tels, ne constituent pas un risque d’anaphylaxie peranesthésique (paragraphe 1-2). Ce bilan correspondrait à un bilan prédictif dont la pratique est à bannir dans l’ignorance actuelle des valeurs prédictive positive et négative dans la population allergique. Tout comme une valeur faussement négative, une valeur faussement positive peut avoir des conséquences néfastes en matière d’anesthésie en induisant un changement de technique non nécessairement adapté. De ce fait, le rapport bénéfice/risque d’une telle pratique est inconnu.
3 Conduite du bilan allergologique préopératoire et choix de la technique anesthésique
31 = Chez les patients connus allergiques à un des médicaments de l’anesthésie ou produits susceptibles d’être administrés pour l’anesthésie ou l’analgésie postopératoire (paragraphe 1.1.1.), les conclusions du bilan allergologique antérieur sont à garder. S’il s’agit d’une allergie à un curare, on peut actualiser le bilan en testant les curares nouvellement commercialisés.
32 = Chez les autres patients allergiques à risque d’anaphylaxie peranesthésique (paragraphe 1.1.2.) :
En situation réglée, l’anesthésiste doit rechercher le protocole anesthésique suspect d’être à l’origine de la réaction pour le transmettre à l’allergologue qui réalisera les tests.
· Si le protocole est inconnu, il ne faut tester que les curares et le latex (par tests cutanés ± IgE spécifiques) ;
· Si le protocole est identifié, il faut tester tous les médicaments du protocole ancien et le latex (tests cutanés ± IgE spécifiques) ;
· S’il s’agit d’anesthésiques locaux : l’allergologue pratiquera un test de réintroduction en milieu hospitalier, après s’être assuré que les tests cutanés avec cet anesthésique local étaient négatifs.
Chez la femme enceinte suspecte d’intolérance aux anesthésiques locaux et candidate à une analgésie péridurale pour le travail, les anesthésiques locaux sont testés par l’allergologue en IDR. En cas de négativité, le test de réintroduction peut être pratiqué par l’anesthésiste en salle de naissance (0,5 à 1 ml de solution d’adrénaline non diluée et non adrénalinée par voie sous-cutanée). Le test est négatif si aucune réaction de type allergique n’est survenue pendant les 30 min suivant l’injection.
En situation d’urgence : le principe de précaution fait exclure le latex de l’environnement du patient, utiliser une anesthésie locorégionale ou une anesthésie générale en évitant les curares et les médicaments histaminolibérateurs.
33 = Chez les patients suspects d’être sensibilisés au latex (paragraphes 1.1.3. et 1.1.4.), l’allergologue pratiquera des prick-tests au latex ± des IgE spécifiques du latex. Il n’y a pas de raison de rechercher une sensibilisation aux anesthésiques et aux curares.
4 Prévention et prémédication du patient allergique
41 Prévention
La seule prévention efficace de l’anaphylaxie consiste en l’identification de l’allergène responsable et en son éviction définitive afin d’éviter les accidents allergiques à répétition. En cas d’allergie aux curares et aux antibiotiques, l’éviction concernera aussi les molécules qui partagent le même épitope (= allergie croisée).
Pour détecter les patients sensibilisés aux médicaments anesthésiques et/ou les produits qui seront administrés pendant l’anesthésie, le principe de la dose-test par voie intraveineuse est à proscrire dans la mesure où une très faible dose d’allergène peut déclencher une anaphylaxie chez le sujet allergique à ce produit.
Pour les patients allergiques au latex, un environnement opératoire exempt de latex est à instituer, dans les salles d’intervention, les SSPI, les secteurs d’hospitalisation. Une check-liste de prise en charge du patient est conseillée, à commencer dès la consultation d’anesthésie. Elle suivra le patient allergique jusqu’à sa sortie de l’hôpital.
Le principe de la check-liste peut aussi être appliquée aux patients allergiques ou intolérants aux médicaments administrés en période périopératoire (antibiotique, aspirine, AINS, antalgiques, désinfectants…..).
42 Prémédication
Il n’existe aucune médication antiallergique qui s’opposera au déclenchement d’un choc anaphylactique, que ce soit les anti-H1 seuls ou associés aux anti-H2 et/ou les corticoïdes. Il s’agit donc d’une fausse sécurité chez les patients allergiques à risque d’anaphylaxie peranesthésique (groupe 1-1).
En revanche, une prescription par un anti-H1 seul ou associé à un anti-H2 semble prévenir le bronchospasme et les variations hémodynamiques secondaires à une histaminolibération non spécifique. On pourrait ainsi la réserver aux patients atopiques et asthmatiques, à ceux qui font de l’urticaire ou érythème après absorption d’aliments ou médicaments réputés histaminolibérateurs.
Références :
1 Prévention du risque allergique peranesthésique. Recommandations pour la Pratique Clinique, SFAR-ANAES 2001.
Texte court : www.sfar.org ; Textes longs : Ann Fr Anesth Réanim 2002 ;21 (suppl 1) : 1-180.
2 Réanimation des arrêts cardiocirculatoires de l’adulte. Conférence d’experts, SFAR 1995 (www.sfar.org).
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QUEL TYPE D’ANESTHÉSIE GÉNÉRALE EN URGENCE CHEZ LE PATIENT ALLERGIQUE ?
Claude Meistelman
Service d’Anesthésie-réanimation, Hôpital de Brabois, rue du Morvan, 54511 Vandœuvre
Peu de sujets ont entraîné autant d’avis divergents que la prise en charge anesthésique du patient allergique. Les prises de position nombreuses mais ne reposant pas toujours sur des preuves scientifiques ont pu faire croire à certains anesthésistes que le risque allergique serait majeur en oubliant que les complications d’une intubation difficile ou d’une inhalation lors de l’induction font courir au patient un risque au moins aussi important. La Société Française d’Anesthésie et de réanimation a organisé et présenté en 2001 des recommandations pour la pratique clinique sur la « Prévention du risque allergique peranesthésique » (1). Ces recommandations ont pour principal but de standardiser le diagnostic et la prise en charge en cas de réaction allergique peranesthésique. D’autre part, la conférence de consensus de juillet 1999 a fait le point sur les effets et les indications de la curarisation en anesthésie. Elle recommande sans aucune ambiguïté l’utilisation des techniques de « crash induction » avec la succinylcholine en cas d’anesthésie générale chez le patient à l’estomac plein. La difficulté majeure reste le cas du patient allergique ou présumé allergique, présentant un estomac plein et devant être opéré en urgence. Après avoir présenté les différents types de réactions allergiques et les agents incriminés, nous envisagerons plusieurs cas de figure en fonction des médicaments en cause et du terrain.
1. Mécanismes
Les réactions anaphylactiques observées avec les agents anesthésiques sont liés à la présence d’IgE spécifiques qui vont venir se fixer sur les récepteurs spécifiques membranaires des mastocytes et des basophiles circulants ainsi que sur les plaquettes en cas d’exposition à l’agent concerné. Les réactions cliniques observée en anesthésie ont une traduction clinique nette en raison de l’administration intraveineuse des agents anesthésiques ce qui entraîne une libération majeure de médiateurs tels l’histamine, la tryptase, les prostaglandines et les leucotriènes. Le choc anaphylactique est la forme la plus grave de l’anaphylaxie.
De nombreux produits utilisés en anesthésie sont capables de produire des anticorps IgE. Il peut s’agir des curares 62 %) quels qu’ils soient, des agents anesthésiques intraveineux voire des benzodiazépines ou des morphinomimétiques (2 ;3). En dehors des agents anesthésiques proprement dits, on peut citer les gélatines, l’aprotinine, la protamine et les antibiotiques. Ces derniers sont impliqués de plus en plus souvent et ce quel que soit le pays concerné, la fréquence variant de 8 % (3) à 24 % (4). Une explication serait le développement de l’antibioprophylaxie dans de nombreux types de chirurgie, l’antibiotique étant administré en intraveineux dans les minutes précédant ou suivant l’induction de l’anesthésie. Enfin la responsabilité du latex est régulièrement retrouvée avec un fréquence comprise entre 12 et 16%. L’existence de réactions croisées entre curares, y compris de familles chimiques différentes, ou entre antibiotiques s’explique par l’existence d’une partie allergénique commune entre différentes substances (2). Plus récemment c’est la chlorhexidine qui a été reconnue responsable de plusieurs accidents anaphylactiques peranesthésiques (5). Elle serait même la première cause d’accident allergique peropératoire au Danemark (6).
A l’opposé, l’histaminolibération non spécifique n’est qu’une exagération de l’effet pharmacologique du produit utilisé. Cette réaction non liée aux anticorps peut avoir lieu en dehors de toute exposition préalable à l’agent. Bien que discuté, il semblerait que l’histaminolibération puisse être plus marquée en cas de terrain atopique. En revanche, la vitesse d’administration ou la dose utilisée influencent l’importance de l’histaminolibération (1). L’histaminolibération pharmacologique entraîne des signes cliniques moindres que ceux rencontrés lors d’un accident allergique vrai. Les signes peuvent aller d’une simple rougeur ou d’une éruption urticarienne le long de la veine à une éruption généralisée, un collapsus cardiovasculaire ou un bronchospasme. Les agents le plus souvent en cause sont les curares de la famille des benzylisoquinolines (atracurium, mivacurium), le thiopental, le propofol, la morphine et les gélatines. Il faut garder à l’esprit qu’un agent responsable d’histaminolibération non spécifique peut être à l’origine d’un accident allergique lié aux IgE.
L’activation du complément n’est que rarement en cause lors des accidents anesthésiques. Elle peut se rencontrer avec les dextrans, la protamine ou les produits iodés de contraste.
2. Epidémiologie
En France, les curares restent à l’origine de la majorité des accidents allergiques liés aux IgE mais il faut cependant noter que leur part est passée de 81% dans les années 1984-1989 à 69 % lors de la dernière enquête nationale réalisée entre 1997 et 1998. La deuxième cause d’accidents allergiques per anesthésiques est liée au latex avec un pourcentage de 12 % lors de cette même enquête. Les antibiotiques apparaissent en troisième position, ils sont impliqués dans 8 % des accidents alors qu’ils ne représentaient que 2 % des cas dans les années 1984-1989. Le développement de l’antibioprophylaxie et les conférences de consensus sur ce sujet expliquent en partie au moins l’augmentation de fréquence des accidents liés aux antibiotiques. Les hypnotiques arrivent ensuite avec 3,7 % des cas. Il est également intéressant de noter que 467 accidents allergiques ont été colligés en 24 mois de janvier 1997 à décembre 1998 alors que 1030 accidents avaient été enregistrés en 30 mois entre 1992 et 94 et 734 de juillet 1994 à décembre 1996 (2 ;7). Ces chiffres sont à rapprocher de ceux observés en Australie ou les curares occupent la première place avec 56% des cas suivis par les antibiotiques (23,6%) puis les agents anesthésiques intraveineux (8%) et les produits de remplissage (7%) (4).
L’enquête épidémiologique « 3 jours d’anesthésie » a montré que 2,4 millions de patients anesthésiés étaient curarisés par an (8) alors qu’environ 180 cas d’allergie aux curares sont observés par an. En utilisant ces résultats, la fréquence des cas d’allergie aux curares est d’approximativement 1 cas pour 13 300 patients curarisés. Il n’existe actuellement aucun argument scientifique pour attribuer une fréquence plus importante aux accidents allergiques liés aux curares. Il est à noter qu’une telle fréquence est proche de celle des hyperthermies malignes après administration d’agents halogénés dont personne ne remet en cause l’utilisation anesthésique !
Un des principaux problèmes reste de savoir si un patient présentant des antécédents allergiques est plus exposé à un accident allergique peranesthésique. Bien qu’il n’y ait pas de réponse définitive à ce problème, la fréquence des antécédents allergiques ne semble pas plus importante chez des patients ayant présenté un accident allergique peranesthésique que dans une population témoin. Ainsi 17% des patients ayant présenté un cas d’allergie aux curares avaient des antécédents allergiques alors que dans la population contrôle 15% des patients présentaient des antécédents allergiques. En revanche 27% des patients ayant développé un accident allergique peranesthésique lié aux antibiotiques avaient des antécédents allergiques. En dehors des accidents liés au latex ou un terrain atopique (asthme, rhume des foins) est retrouvé dans 55% des cas, l’atopie ne semble pas être un facteur favorisant la survenue d’une accident allergique à un curare ou à un antibiotique (2) (1). En résumé, un patient allergique à un médicament et/ou un produit qui ne sera pas utilisé au cours de l’anesthésie ne sera pas considéré à risque d’anaphylaxie peranesthésique (1)
Deux point méritent enfin d’être soulignés la fréquence des allergies croisées que l’on peut rencontrer avec les antibiotiques ou les curares, la fréquence atteignant 70% sans que l’on puisse préciser à l’avance les autres curares responsables d’allergie chez un patient donné. L’existence d’accidents allergiques aux curares chez des patients n’ayant jamais été anesthésiés (17 à 30 % des cas) pourrait s’expliquer par une sensibilisation préalable aux ammoniums quaternaires par contacts répétés avec de produits comme certains cosmétiques ou les produits de nettoyage tels les lessives.
3. Conduite de l’anesthésie
Plusieurs situations très différentes peuvent se rencontrer lors de l’anesthésie en urgence d’un patient présentant un estomac plein. On peut schématiquement séparer le patient ayant présenté un accident allergique peranesthésique à un agent qui a été identifié, le patient allergique vrai à des agents étrangers à l’anesthésie et enfin le patient suspect d’allergie.
3.1 allergie à un agent anesthésique
La première situation est celle d’un patient présentant une allergie vraie aux curares avec une carte précisant les agents en cause. Il s’agit donc d’un patient qui a été testé. A partir du moment ou la succinylcholine n’apparaît pas dans les agents responsables d’allergie, celle ci peut être employée dans le cadre d’une « crash induction » typique telle qu’elle est recommandée dans la conférence de consensus sur la curarisation. En cas de doute on peut envisager en raison du terrain allergique une anesthésie loco-régionale si elle est possible techniquement et acceptée par le patient. Cette technique n’est pas une parade absolue en raison du risque d’hypotension et/ou de malaise vagal à l’origine de vomissements. La sédation intraveineuse sera proscrite.
En cas d’allergie à la succinylcholine, l’alternative recommandée est l’association propofol-alfentanil ou propofol-rémifentanil tout en sachant qu’il faut une dose minimale de respectivement 30 µg/kg d’alfentanil ou 2 µg/kg de rémifentanil pour obtenir des conditions d’intubation à 1 minute proches de celles procurées par la succinylcholine (9). Il faut savoir que le recours à cette technique va entraîner une baisse d’au moins 20% de la pression artérielle et un certain degré d’incompétence des voies aériennes supérieures pouvant durer plus d’une heure (10). Cette technique qui n’a jamais été évaluée dans le cadre de l’estomac plein n’est pas exempte de risques vu l’effet émétisant de l’alfentanil ou du rémifentanil. Si le patient est en mauvais état général (ASA 3 ou 4) une intubation première sous contrôle fibroscopique peut être envisagée tout en sachant qu’il n’est pas toujours facile de disposer du matériel dans le cadre de l’urgence et que cette technique nécessite une pratique régulière. Certains ont proposé l’utilisation de rocuronium qui permet d’obtenir de bonnes conditions d’intubation dans un délai proche de celui observé avec la succinylcholine (60 à 90 secondes). Il faut garder en mémoire que le risque majeur est celui d’une intubation difficile imprévue sur un estomac plein. Cette technique est à réserver, à priori, aux patients ayant déjà eu des anesthésies générales sans problèmes. Heier a récemment attiré l’attention sur le risque de bronchospasme lié à la précipitation du thiopental par l’administration simultanée de rocuronium (11). Cette technique ne doit être retenue que de façon exceptionnelle, il est impératif de bien rincer la ligne d’administration après le thiopental et avant l’injection de rocuronium. Dans la dernière série française, le rocuronium serait plus souvent en cause dans la survenue d’accidents allergiques que les autres curares (3), ce qui n’est pas été confirmé par les séries australiennes (12) et danoises (6)
Une situation plus difficile est celle d’un patient informant qu’il a présenté un accident allergique lors d’une précédente anesthésie et ne se souvenant pas de l’agent en cause. Si le patient ne se souvient pas de l’agent précis en cause mais évoque une allergie au curare, il est licite d’éviter la succinylcholine à l’induction en raison du risque d’allergies croisées. Plusieurs solutions peuvent être envisagées. Si une technique d’anesthésie loco-régionale est possible elle sera proposée et recommandée au patient tout en se méfiant des vomissements possibles après anesthésie rachidienne d’où l’abstention d’une sédation complémentaire. Quand une anesthésie générale est rendue nécessaire par le geste chirurgical ou le terrain du patient (anesthésie rachidienne et prise d’anticoagulants), on utilisera l’association propofol-alfentanil, propofol-rémifentanil voire une intubation première sous contrôle fibroscopique. Si les tests cutanés étaient négatifs aux curares, le risque allergique est faible et la succinylcholine peut être employée (13). Dans tous les en urgence, quand il n’existe pas d’agent causal clairement identifié il est plus prudent de travailler dans un environnement sans latex (1), voire d’éviter toute utilisation d’agents histaminolibérateurs et de chlorhexidine.
3.2 notion d’allergie à un médicament non impliqué en anesthésie
En revanche les antécédents allergiques, en dehors des agents employés en anesthésie, ne sont pas une contre indication à l’utilisation de succinylcholine car le pourcentage d’allergie aux curares n’est pas plus élevé dans une population d’allergiques que dans une population témoin. Comme le souligne les recommandations pour la pratique clinique, un patient atopique et/ou allergique à un produit qui ne sera pas utilisé pendant l’anesthésie ne doit pas être considéré comme à risque d’anaphylaxie peranesthésique. Il est cependant recommandé d’aborder le problème au cas par cas. Le patient allergique à une seule substance ou un seul médicament pourra bénéficier d’une « crash induction » conventionnelle. En revanche en cas de terrain polyallergique, avec mise en cause de plusieurs familles médicamenteuses, il est recommandé de considérer le sujet comme à risque et d’éviter si possible la succinylcholine en recourant aux techniques alternatives précédemment discutées. L’attention peut être attirée par une notion d’eczéma de contact ou d’éruption cutanée au contact d’agents cosmétiques, de produits d’entretien ménagers ou de lessive. De tels antécédents peuvent faire évoquer une allergie aux ammoniums quaternaires et une éventuelle allergie aux curares
En cas de patient ne se souvenant pas avec précision s’il est allergique, combien de patients parlent d’allergie, en cas de simple intolérance à un médicament, il peut être recommandé après un interrogatoire soigneux de se rapporter à la conduite recommandée au paragraphe précédent.
Au total, ce qui est demandé à l’anesthésiste dans ce type de situation c’est d’apprécier le rapport bénéfice-risque de chaque technique anesthésique. Ainsi on ne blâmera jamais un anesthésique qui a décidé chez un patient allergique à des agents non anesthésiques d’avoir employé de la succinylcholine. En effet le risque allergique aux curares de 1/13000 est probablement inférieur à celui du risque de survenue d’une inhalation ou de vomissements favorisés par une stimulation répétée des structures pharyngo-laryngées sans même évoquer le risque de lésions dentaires. De nombres études ont d’ailleurs clairement démontré que le risque d’inhalation pouvait atteindre 15% en cas d’intubation par une technique autre que la « crash induction » chez le patient à l’estomac plein (14). En revanche chez un patient polyallergique la prudence s’impose et toutes les alternatives à la « crash induction » devront être envisagées en terme de rapport bénéfice-risque. Il est également recommandé à l’anesthésiste de justifier dans la feuille pré anesthésique les éléments l’ayant amené à retenir une technique donnée par rapport à une autre.
RÉFÉRENCES :
(1) Prévention du risque allergique peranesthésique. Ann Fr Anesth Reanim 2002 ; 20:fi 56-fi 69.
(2) Laxenaire MC. Epidémiologie des réactions anaphylactoides peranesthésiques. Quatrième enquète multicentrique (juillet 1994-décembre 1996). Ann Fr Anesth Reanim 1999 ; 18:796-809.
(3) Laxenaire MC, Mertes PM. Anaphylaxis during anaesthesia. Results of a two-year survey in France. Br J Anaesth 2001 ; 87:549-558.
(4) Fisher MM, Baldo BA. Mast cell tryptase in anaesthetic anaphylactoid reactions [see comments]. Br J Anaesth 1998 ; 80:26-29.
(5) Stephens R, Mythen M, Kallis P, Davies DW, Egner W, Rickards A. Two episodes of life-threatening anaphylaxis in the same patient to a chlorhexidine-sulphadiazine-coated central venous catheter. Br J Anaesth 2001 ; 87:306-308.
(6) Garvey LH, Roed-Petersen J, Menne T, Husum B. Danish Anaesthesia Allergy Centre - preliminary results. Acta Anaesthesiol Scand 2001 ; 45:1204-1209.
(7) Laxenaire MC. Substances responsables des chocs anaphylactiques peranesthésiques. Troisième enquète multicentrique française (1992-94). Ann Fr Anesth Reanim 1996 ; 15:1211-1218.
(8) Clergue F, Auroy Y, Pequignot F, Jougla E, Lienhart A, Laxenaire MC. French survey of anesthesia in 1996. Anesthesiology 1999 ; 91:1509-1520.
(9) Scheller MS, Zornow MH, Saidman LJ. Tracheal intubation without the use of muscle relaxants : a technique using propofol and varying doses of alfentanil. Anesth Analg 1994 ; 75:788-793.
(10) Sundman E, Witt H, Sandin R, Kuylenstierna R, Boden K, Ekberg O et al. Pharyngeal function and airway protection during subhypnotic concentrations of propofol, isoflurane, and sevoflurane : volunteers examined by pharyngeal videoradiography and simultaneous manometry. Anesthesiology 2001 ; 95:1125-1132.
(11) Heier T, Guttormsen AB. Anaphylactic reactions during induction of anaesthesia using rocuronium for muscle relaxation : a report including 3 cases [In Process Citation]. Acta Anaesthesiol Scand 2000 Aug ;44 :775 -81 44:775-781.
(12) Rose M, Fisher M. Rocuronium : high risk for anaphylaxis ? Br J Anaesth 2001 ; 86(5):678-682.
(13) Thacker MA, Davis FM. Subsequent general anaesthesia in patients with a history of previous anaphylactoid/anaphylactic reaction to muscle relaxant. Anaesth Intensive Care 1999 ; 27:190-193.
(14) Li J, Murphy-Lavoie H, Bugas C, Martinez J, Preston C. Complications of emergency intubation with and without paralysis. Am J Emerg Med 1999 ; 17:141-143.
Pas assez longue, l’aiguille du stylo d’adrénaline ?
Le traitement de l’anaphylaxie repose sur l’administration d’adrénaline. La voie intramusculaire permet d’atteindre une concentration plasmatique plus élevée et plus rapidement que la voie sous-cutanée.
Les recommandations européennes préconisent l’injection dans le muscle vastus lateralis (vaste externe) dans la partie antéro-latérale de la cuisse.
L’obésité du patient peut cependant empêcher l’injection intramusculaire, comme le montre une étude menée au Royaume-Uni sur un échantillon de 28 patients à qui un stylo d’adrénaline avait été prescrit.
La profondeur du muscle par rapport à la peau (STMD) a été mesurée par échographie au niveau de la partie antérolatérale et antérieure de la cuisse.
Trois mesures ont été prises par un seul radiologue à chaque site et la moyenne a été calculée.
Les patients (23 femmes et 5 hommes) étaient âgés de 18 à 75 ans et avaient un indice de masse corporelle (IMC) de 18 à 44 kg/m2.
La STMD au niveau de la cuisse antéro-latérale était de 6,6 mm à 33,5 mm.
Chez 19 patients (68 %), la profondeur jusqu’au muscle s’est avérée plus grande que la longueur de l’aiguille du stylo d’adrénaline (15,02 mm).
Ce nombre était réduit de moitié lorsque on évaluait la SMTD dans la zone antérieure de la cuisse.
Une association a été constatée entre le sexe féminin et une augmentation de la STMD avec 87 % des femmes ayant une profondeur du muscle supérieure à la longueur de l’aiguille au niveau de la partie antéro-latérale de la cuisse comparativement à 0 % des hommes (P = 0,0003).
Les femmes avaient un IMC plus élevé que les hommes mais même à IMC équivalent, les femmes avaient une STMD plus importante que les hommes.
Un IMC élevé était associé avec une augmentation de la STMD avec seulement une personne sur 16 ayant un IMC supérieur à 30 et une STMD inférieure à la longueur de l’aiguille du stylo d’adrénaline dans la partie antéro-latérale de la cuisse (P = 0,04).
Les femmes sont donc particulièrement à risque, même avec un IMC normal ainsi que les patients ayant un IMC supérieur à 30.
Il s’avère que la plus grande profondeur du muscle par rapport à la peau se trouve au niveau du site recommandé dans la partie antéro-latérale de la cuisse.
Ce travail porte sur un petit nombre de patients et une grande majorité de femmes. Il devrait être confirmé sur une population plus grande. Une attention toute particulière est cependant de mise chez les patients obèses et chez les femmes.
Dr Geneviève Démonet (jim.fr)
Référence : Johnstone J et coll. : Excess subcutaneous tissue may preclude intramuscular delivery when using adrenaline autoinjectors in patients with anaphylaxis. Allergy 2015 ; 70 : 703–706
Quelle dose d’adrénaline dans l’anaphylaxie ? Mythes et étude randomisée
Publié le 22/08/2023
Depuis des décennies, il est admis que l’injection d’adrénaline par voie intramusculaire (IM) est le traitement de première intention de l’anaphylaxie. En raison de préoccupations concernant les auto-injecteurs, l’Agence européenne des médicaments (EMA) a demandé aux entreprises d’entreprendre des études pharmacocinétiques et pharmacodynamiques pour préciser les performances de leurs dispositifs auto-injecteurs d’adrénaline.
Ce n’est pas la taille qui compte
Pour la première fois, nous disposons de certaines données sur l’efficacité des dispositifs actuels, données qui ont remis en cause l’un des mythes concernant l’importance de la longueur de l’aiguille. Anapen© comporte une aiguille relativement courte (11 mm) et les appareils plus récents ont des aiguilles plus longues, en particulier l’Emerade© dont l’aiguille mesure 23 mm.
On craignait, en particulier chez les personnes en surpoids, que les aiguilles courtes délivrent une injection sous-cutanée et non IM, ce qui diminuerait le passage rapide de l’adrénaline dans la circulation. Les études pharmacocinétiques démontrent cependant que l’EpiPen© (aiguille de 16 mm) délivre des concentrations d’adrénaline plus élevées que l’Emerade©. En conséquence, le fait que l’adrénaline ait été délivrée par voie sous-cutanée ou intramusculaire ne semble pas être un facteur majeur pour expliquer la rapidité d’apparition de l’adrénaline dans la circulation.
Une étude randomisée à la recherche de la dose optimale
En fait, nous ignorons quelle concentration d’adrénaline est nécessaire pour traiter avec succès un épisode d’anaphylaxie et des informations pharmacodynamiques sont indispensables pour savoir quelle dose est susceptible d’apporter le résultat clinique souhaité. Alors que les directives recommandent l’injection intramusculaire de 500 μg d’adrénaline (épinéphrine) en cas d’anaphylaxie chez les adolescents et les adultes, la plupart des auto-injecteurs délivrent une dose maximale de 300 μg.
Dans un numéro récent d’Allergy, Patel et coll. ont évalué les taux plasmatiques d’adrénaline et les paramètres cardiovasculaires (y compris le débit cardiaque) après une auto-injection de 300 μg ou 500 μg d’adrénaline chez des adolescents présentant un risque d’anaphylaxie. Douze participants (hommes 58 %, âge médian 15,4 ans) ont participé et tous ont reçus les 3 injections IM (Emerade© 500, Emerade© 300, Epipen© 0,3 mg) lors de 2 visites distinctes réparties selon un plan en blocs randomisés.
Les recommandations semblent être confirmées
L’injection de 500 μg a entraîné une concentration maximale plus élevée et plus prolongée (p = 0,01) et une plus grande surface sous la courbe pour l’adrénaline plasmatique (p < 0,05) par rapport à une dose de 300 μg, sans différence dans les événements indésirables.
Dans l’anaphylaxie, l’importante vasodilatation entraine une chute de la pression artérielle moyenne et, par conséquent, de la perfusion tissulaire.
En réponse, l’adrénaline endogène, en augmentant à la fois le volume d’éjection systolique et la fréquence cardiaque, accroit le débit cardiaque. L’injection d’adrénaline a provoqué une augmentation significative de la fréquence cardiaque indépendamment de la dose et de l’appareil. De manière inattendue, 300 μg d’adrénaline ont entraîné une augmentation significative du volume d’éjection systolique lorsqu’ils sont administrés avec Emerade©, mais un effet inotrope négatif avec Epipen© (p < 0,05), ce qui méritera d’autres travaux de pharmacodynamie pour comprendre ces différences.
Quelle est la dose idéale d’adrénaline administrée par auto-injecteur pour traiter l’anaphylaxie ? Ces données soutiennent une dose de 500 μg d’adrénaline pour traiter l’anaphylaxie chez les sujets de plus de 40 kg dans la communauté. Malgré tout, la réponse dépend d’un très grand nombre de facteurs parmi lesquels figurent l’âge, la cause de l’anaphylaxie, la quantité d’allergène injectée (piqûre d’insecte) ou consommée (allergie alimentaire), l’état clinique du patient, la présence d’un asthme associé et de comorbidités, les efforts physiques, la prise de médicaments comme l’aspirine, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, et bien d’autres. Enfin chaque situation est individuelle et l’on recommande, chez les individus à risque d’anaphylaxie, d’avoir sur eux une trousse contenant au moins deux stylo auto-injecteurs !
Pr Guy Dutau
Références
Roberts G, Alviani C, Angier E. Exploding more myths about adrenaline. Allergy. 2023 Jul ;78(7):1740-1741. doi : 10.1111/all.15767.
Patel N, Isaacs E, Duca B, et al. Optimal dose of adrenaline auto-injector for children and young people at risk of anaphylaxis : A phase IV randomized controlled crossover study. Allergy. 2023 Jul ;78(7):1997-2006. doi : 10.1111/all.15675.
source jim.fr
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Arnaud BASSEZ
IADE/ Enseignant CESU-formateur AFGSU
Administrateur