On appelle torsades de pointes un type particulier de tachycardie ventriculaire, potentiellement mortelle, correspondant à un tracé électrocardiographique caractéristique, et associée à un allongement de l’intervalle QT de l’électrocardiogramme.
Les torsades de pointes sont souvent fugaces, mais elles peuvent persister suffisamment longtemps pour entraîner une lipothymie ou une syncope. Elles évoluent parfois vers une fibrillation ventriculaire mortelle.
Les torsades de pointes surviennent dans le contexte d’un allongement de l’intervalle QT, qui peut être congénital ou acquis. Les médicaments sont une cause fréquente d’allongement acquis de l’intervalle QT.
Certains troubles électrolytiques, en particulier l’hypokaliémie (quelle qu’en soit l’origine), et la bradycardie (quelle qu’en soit la cause) sont des facteurs de survenue.
Médicaments qui allongent l’intervalle QT
Les médicaments qui allongent l’intervalle QT et exposent aux torsades de pointes sont principalement :
- des antiarythmiques de diverses classes ; classe I : la cibenzoline, le disopyramide, le flécaïnide, l’hydroquinidine, la quinidine ; classe III : l’amiodarone, la dronédarone, le dofétilide, l’ibutilide, le sotalol ; le bépridil ; et aussi : l’adénosine ;
- un antiangoreux : la ranolazine ;
- des vasodilatateurs : le cilostazol, la kétansérine ;
- les neuroleptiques y compris la dompéridone, le cisapride, le dropéridol, le sertindole ;
- des fluoroquinolones, particulièrement la moxifloxacine ;
- des macrolides y compris la spiramycine, notamment par voie intraveineuse ;
- l’association antibiotique dalfopristine + quinupristine, la clindamycine peut-être ;
- des inhibiteurs de la protéase du HIV : l’atazanavir, le darunavir, le saquinavir, le lopinavir ;
- des antihistaminiques H1, notamment la mizolastine et l’ébastine, et peut-être la rupatadine ;
- des antipaludiques : l’halofantrine, la méfloquine, la quinine, l’artéméther + luméfantrine ;
- des antiparasitaires : la pentamidine, le triclabendazole ;
- des antifongiques : le fluconazole, le posaconazole, le voriconazole ;
- des atropiniques utilisés : dans l’incontinence urinaire tels le trospium, la toltérodine, la solifénacine ; ou dans les bradycardies des nourrissons : le diphémanil ;
- des médicaments des troubles de l’érection : le sildénafil, le tadalafil, le vardénafil ;
- un chélateur du phosphore : le lanthane ;
- des opioïdes, en particulier la méthadone ;
- un antiépileptique : le rufinamide ;
- des antidépresseurs : la venlafaxine, le citalopram, des antidépresseurs imipraminiques ;
- un stabilisateur de l’humeur : le lithium ;
- un inhibiteur de la recapture de la noradrénaline utilisé dans les hyperactivités avec déficit de l’attention : l’atomoxétine ;
- les bêta-2 stimulants : qu’ils soient de courte durée d’action tels le salbutamol et la terbutaline, ou d’action prolongée tels le salmétérol, le formotérol, l’indacatérol ; ainsi que le bambutérol et la ritodrine ;
- un antitussif d’action centrale : la pentoxyvérine ;
- des antiémétiques : l’ondansétron, le dolasétron, le granisétron, le palonosétron, le tropisétron ;
- des anticancéreux : le sunitinib, le sorafénib, le dasatinib, le nilotinib, le lapatinib, le pazopanib, le trioxyde d’arsenic, la vinflunine, le torémifène ;
- un stimulant respiratoire utilisé chez le nouveau-né : le doxapram ;
- des produits de contraste pour l’imagerie par résonance magnétique tels le gadobutrol ;
- un agoniste des récepteurs de la sérotonine 5-HT4 autorisé dans la constipation : le prucalopride ;
- etc.
Médicaments hypokaliémiants
L’hypokaliémie expose aux troubles du rythme ventriculaire, dont les torsades de pointes.
Les médicaments hypokaliémiants sont principalement :
– des médicaments qui augmentent les pertes urinaires de potassium :
les diurétiques hypokaliémiants tels les diurétiques de l’anse, les thiazidiques, l’acétazolamide ;
l’amphotéricine B intraveineuse ;
certains antibiotiques tels les aminosides ;
– des médicaments qui augmentent les pertes digestives de potassium :
les laxatifs, notamment les laxatifs stimulants ;
les cytotoxiques émétisants ;
– des médicaments qui font entrer le potassium dans les cellules :
- des immunodépresseurs : le sirolimus, le temsirolimus, le léflunomide ;
- les corticoïdes, le tétracosactide ;
- les bêta-2 stimulants qu’ils soient de courte durée d’action, tels le salbutamol et la terbutaline, ou d’action prolongée, tels le salmétérol, le formotérol, l’indacatérol, ainsi que le bambutérol et la ritodrine ;
- un bronchodilatateur : la théophylline ;
- la caféine ;
- l’insuline ;
- etc.
La réglisse aussi est hypokaliémiante.
Médicaments bradycardisants
Une bradycardie est un facteur d’allongement de l’intervalle QT, qui expose aux torsades de pointes.
Les médicaments bradycardisants sont principalement :
- des antiarythmiques de diverses classes ; classe I : la cibenzoline, le disopyramide, le flécaïnide, la lidocaïne, la mexilétine, la propafénone, l’hydroquinidine, la quinidine ; classe III : l’amiodarone, la dronédarone, le dofétilide, l’ibutilide, le sotalol ; et aussi l’adénosine ;
- un antiagrégant plaquettaire : le ticagrélor ;
- la digoxine ;
- les bêtabloquants ;
- des antiangoreux : l’ivabradine, la ranolazine ;
- des inhibiteurs calciques bradycardisants : le diltiazem, le vérapamil, le bépridil ;
- des antihypertenseurs : la clonidine, la moxonidine, la méthyldopa, la guanfacine, la rilménidine, la réserpine ;
- un antiglaucomateux : la brimonidine, un alpha-2 stimulant proche de la clonidine ;
- un antipaludique : la méfloquine ;
- un stabilisateur de l’humeur : le lithium ;
- des opioïdes : la méthadone, le fentanyl ;
- les anticholinestérasiques utilisés dans la maladie d’Alzheimer tels le donépézil, la galantamine, la rivastigmine, ou utilisés dans la myasthénie tels l’ambénonium, la néostigmine, la pyridostigmine ;
- des cholinergiques : l’acétylcholine, la pilocarpine ;
- un antiépileptique : la fosphénytoïne ;
- un dérivé de l’ergot de seigle : la dihydroergotoxine ;
- des médicaments utilisés en cancérologie : le thalidomide, l’aprépitant ;
- un immunodépresseur : le fingolimod ;
- etc.
MESURE À PRENDRE
Avant de prescrire un médicament qui expose à un risque d’allongement de l’intervalle QT, il vaut mieux rechercher les facteurs de risque de torsades de pointes déjà présents : rechercher par l’interrogatoire les causes d’hypokaliémie, rechercher si le patient prend déjà un médicament qui expose à un risque de torsades de pointes, mesurer la fréquence cardiaque à la recherche d’une bradycardie, réaliser un électrocardiogramme pour mesurer la longueur de l’intervalle QT, éventuellement mesurer la kaliémie.
La surveillance du rythme cardiaque, de l’intervalle QT et de la kaliémie est justifiée, même si le rythme optimal n’en est pas établi.
Le patient informé de ce risque peut éviter d’ajouter d’autres facteurs de risques, notamment en évitant certains médicaments largement accessibles, par exemple les laxatifs stimulants, et en prévenant les autres prescripteurs et son pharmacien.
Tiré de : Rev Prescrire 2011 ; 31 (338 suppl. interactions médicamenteuses) : 454-455.
Les images sont tirées du site e-cardiogram.com
Un autre site traite du sujet présent et de bien d’autres sur la rythmologie.