Société Française des Infirmier(e)s Anesthésistes
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ALRIV (Anesthésie Locale intraVeineuse)
Article mis en ligne le 19 avril 2011
dernière modification le 19 avril 2013

par Arnaud Bassez

Depuis l’avènement de l’échographie pour les blocs plexiques, l’anesthésie loco-régionale a bien évolué, passant du neurostimulateur à une vision du nerf, annihilant tout mouvement algique.

Pourtant, il reste une technique simple, fiable peu onéreuse et aisément reproductible, qui est l’anesthésie locale intra-venieuse (ALRIV).

L’ALRIV est indiquée dans la chirurgie de la main et de l’avant-bras dont la durée prévisible est inférieure à 60 minutes. Elle bénéficie particulièrement aux patients allergiques, insuffisants respiratoires ou à « estomac plein ». L’anesthésie ambulatoire et humanitaire où les moyens sont limités, représente un large champ pour l’application de cette technique.

Les contre-indications absolues

  • l’impossibilité d’occlusion artérielle efficace chez le grand obèse,
  • la chirurgie carcinologique
  • l’ischémie aiguë
  • la présence d’une fistule artérioveineuse.
  • drépanocytose

Les contre-indications relatives

  • l’artérite,
  • les blocs auriculoventriculaires de deuxième ou troisième degré non appareillés.

La cellulite infectieuse et le panaris ne sont pas de bonnes indications en raison d’une efficacité inconstante de la technique dans ces situations.

La comitialité n’est pas une contre-indication. Un shunt artérioveineux est réalisable sous ALRIV.

Le matériel

Matériel standard utilisé lors de toute anesthésie, (scope, oxymètrie, brassard pneumatique, O2, prévoir de quoi ventiler et intuber au cas où...) et drogues de réanimation et d’anesthésie générale.

ALRIV (document site Frank Paillard)

Mécanisme d’action

Le mécanisme d’action de l’ALRIV n’est pas complètement élucidé.
L’ischémie induite par le garrot joue un rôle certain. L’extravasation de l’anesthésique local en dehors des veines est la première étape avant sa fixation préférentielle au niveau des nerfs. Quel que soit le site d’injection, l’anesthésique local se concentre au niveau du coude, en aval du garrot. Lors d’une injection au niveau du coude, la distribution d’aval est gênée par les valvules, ce qui expliquerait certains échecs après injection proximale, et l’augmentation très importante de la pression veineuse entraînant un passage de l’anesthésique local sous le garrot, même suffisamment gonflé.

L’anesthésie débute par les doigts pour remonter vers la partie proximale du membre. La face dorsale de l’avant-bras et le coude sont bloqués en dernier.

Injectée par voie intraveineuse, la solution anesthésique quitte rapidement la veine pour diffuser dans les artères situées à leur contact. À partir de là, elle gagne par voie vasculaire, les troncs nerveux, atteignant la région centrale du nerf avant sa périphérie.
Ainsi, l’anesthésie est plus intense et plus rapide au niveau de la région antérieure de l’avant-bras plus vascularisée que des régions latérale et postérieure. Pour les mêmes raisons, les nerfs médian et ulnaire sont bloqués avant le nerf radial.

La technique.

On perfuse le patient au bras opposé à l’intervention.

Puis on met en place un cathéter avec valve anti retour, sur le membre à opérer, l’aiguille dirigée vers la zone d’intervention ; vers la main ou vers l’avant-bras en piquant sur la veine bicipitale, ou vers le pied. (On pique donc le cathéter dirigé vers les extrémités (“on pique à l’envers”). Sa bonne position intraveineuse est vérifiée par l’injection de 2ml de sérum physiologique.

On vide le membre du sang qu’il contient grâce à l’application d’une bande Velpeau centripète et en maintenant le membre en l’air, et ceci jusqu’au double garrot qui est alors gonflé. La bande de caoutchouc (bande d’Esmarch ) n’est plus indiquée car potentiellement responsable de lésions de compression.

Le garrot proximal (le plus proche de l’épaule) est alors gonflé. La pression de gonflage doit être supérieure de 100 mmHg à la pression artérielle systolique mesurée au niveau du membre à anesthésier.

Après avoir vérifié la fiabilité du garrot et la disparition du pouls radial, la solution anesthésique est injectée lentement pour éviter une hyperpression veineuse.
C’est le secret de la qualité et de la fiabilité de l’ALRIV.

Le passage de l’anesthésique local dans la circulation générale est possible même en l’absence de lâchage du garrot et même s’il est efficacement gonflé, soit par l’intermédiaire des veines intraosseuses, soit quand la pression veineuse lors de l’injection devient supérieure à la pression d’occlusion. Ceci est possible au cours des injections rapides au niveau du coude. L’injection doit être d’autant plus lente qu’elle est proche du coude, où la compliance du système veineux est très faible. Enfin, une exsanguination d’excellente qualité diminue le pic de pression secondaire à l’injection de l’anesthésique local.

Le cathéter est retiré quelques minutes après l’injection, et une compression digitale est assurée pendant 1 à 2 minutes afin de limiter la fuite d’anesthésique local. La désinfection cutanée est réalisée pendant que s’installe l’anesthésie, et 10 à 15 minutes après l’injection, l’incision est possible.

Quand le garrot proximal devient sensible, le garrot distal est gonflé.
Le garrot proximal n’est dégonflé qu’après avoir vérifié la fiabilité du garrot distal. L’heure de gonflage du premier garrot est notée sur la feuille d’anesthésie.
Il faut exiger un double garrot moderne, muni d’alarme de pression et de durée, et d’un système de fixation limitant le risque de lâchage.

Durant l’intervention, il faut surveiller la pression de gonflage du garrot, car plus qu’un lâchage brutal, il faut craindre un dégonflage progressif. Dès que la pression de gonflage du garrot devient inférieure à la pression artérielle du patient, l’anesthésique local peut passer dans la circulation générale.

Produits et doses

La lidocaïne est le seul anesthésique local indiqué. La dose recommandée n’est pas une dose standard de 40 ml, mais une posologie de 0,5 ml/kg de lidocaïne à 0,5 %, soit une dose de 2,5 mg/kg. Les solutions plus concentrées ou les doses totales plus importantes exposent à des accidents toxiques à la levée du garrot.

Avec les doses recommandées, l’anesthésie s’installe rapidement. Le bloc sensitif s’installe entre la 5e et la 15e minute en fonction des territoires. Le bloc moteur est effectif à la 10e minute et la sensation de toucher disparaît en dernier, entre la 10e et la 15e minute. Après dégonflage du garrot, les sensations douloureuses et la force musculaire réapparaissent en 5 à 10 minutes, alors que la sensation de toucher redevient normale entre la 10e et la 15e minute.

La bupivacaïne est strictement interdite dans cette indication. La mépivacaïne est responsable d’une acidose importante avec libération locale de potassium. La ropivacaïne à 0,2 % a été proposée pour l’ALRIV.
Elle entraînerait moins de modifications de l’électrocardiogramme que la lidocaïne lors de la levée du garrot et procurerait une hypoalgésie postopératoire de 1 à 2 heures.
Cependant, le nombre de patients ainsi traités est très faible, et la ropivacaïne n’est pas à ce jour recommandée dans cette indication.

  • La péthidine, morphinomimétique doté d’un effet anesthésique local, peut être utilisée à la dose de 0,3 mg/kg. Elle prolonge sensiblement l’analgésie postopératoire, mais il existe un risque d’histaminolibération avec cette drogue.
  • La clonidine, à la posologie de 1 μg/kg améliore la tolérance au garrot et procure une analgésie postopératoire de longue durée.
  • Les curares qui améliorent le relâchement musculaire et prolongeraient l’analgésie postopératoire, la kétamine, le bicarbonate de sodium et les morphiniques autres que la péthidine n’ont pas d’intérêt clinique et ne doivent pas être utilisés en ALRIV.

Dégonflage du garrot

Le risque lors du dégonflage du garrot est la mise brutale en circulation de toxiques induits par l’ischémie, et d’anesthésique local. Les signes retrouvés sont évocateurs d’une intoxication aiguë aux anesthésiques locaux (céphalée, engourdissement labial, angoisse, hallucinations visuelles ou auditives, goût métallique, somnolence, fasciculations labiales ou linguales, myoclonies, convulsions). Cependant, les taux sanguins mesurés après le dégonflage du garrot sont habituellement bas, et même significativement plus faibles qu’après un bloc plexique. Plus que la concentration maximale (Cmax), c’est le temps d’apparition de cette concentration maximale (Tmax) qui est le facteur de toxicité.

La gravité de ces accidents est fonction de la quantité d’anesthésique local remise en circulation à la levée du garrot. C’est pourquoi il est conseillé de ne pas le dégonfler avant la 30e minute, quelle que soit la durée de la chirurgie, de façon à permettre une fixation maximale de l’anesthésique local. Cependant, des lâchages précoces du garrot sans accident toxique, ainsi que des prélèvements effectués à la 10e minute au niveau du membre opéré, sont en faveur d’une fixation très rapide de l’anesthésique local.

La technique de dégonflage du garrot est clairement définie. Si aucune technique de dégonflage du garrot ne permet de réduire la Cmax, celles qui comportent plusieurs cycles de dégonflageregonflage prolongent le Tmax, limitant ainsi les risques toxiques.

En pratique, on peut proposer le schéma suivant : dégonflage progressif du garrot, suivi d’un regonflage après 10 à 15 secondes, et maintenu 1 minute ; cette manoeuvre peut être répétée une seconde fois ; après dégonflage définitif, surveillance du patient pendant 10 minutes ; maintien de l’immobilité du membre, pendant 30 minutes, pour diminuer le relargage de l’anesthésique local, l’exercice musculaire accélérant la libération de l’anesthésique local fixé dans les tissus.

Incidents

Si le garrot devient douloureux, il est possible dans un premier temps d’inverser momentanément les garrots (regonfler le garrot supérieur et dégonfler l’inférieur), ce qui permet parfois de gagner quelques minutes. En cas d’inefficacité ou si l’intervention doit se prolonger, le recours à l’anesthésie générale devient nécessaire et souhaitable pour éviter l’escalade d’une sédation profonde.

Pour contourner le problème de la durée limitée de l’anesthésie, certaines équipes après 90 ou 120 minutes, dégonflent le garrot pendant 10 minutes, puis réalisent une nouvelle ALRIV en injectant 50 % de la dose initiale de lidocaïne. Ce modèle « expérimental d’ischémie-reperfusion itérative » doit être abandonné.

L’absence d’analgésie résiduelle à la levée du garrot, constitue le principal défaut de l’ALRIV. L’analgésie postopératoire doit donc être anticipée dès le début de l’intervention.
Le risque majeur est le lâchage du garrot, complication rare mais potentiellement grave. Il est responsable d’un bolus intraveineux d’anesthésique local dont la gravité va des simples acouphènes passagers à l’arrêt cardiaque en passant par la crise convulsive généralisée. L’usage des garrots modernes permet de minorer ce risque sans l’abolir.

Dans les conditions habituelles, garrot inférieur placé au-dessus du coude, une réduction des doses (ou des volumes) peut être responsable d’un échec. Cependant, il est possible de diminuer les doses ou les volumes injectés avec la même efficacité en plaçant le garrot au niveau de l’avant-bras et en n’injectant que 1,5 mg/kg (soit 0,3 ml/kg) de lidocaïne à 0,5 %. Dans ces conditions, en dehors d’un bloc moteur incomplet, l’anesthésie est de bonne qualité et les taux sanguins de lidocaïne mesurés à la levée du garrot, très loin des taux toxiques.

source urgencetaysir

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Anesthésie locale, loco-régionale et générale