Société Française des Infirmier(e)s Anesthésistes
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Le damage control
SAFE-BAC-MARCHE-RYAN-Critères de Vittel
Article mis en ligne le 20 novembre 2016
dernière modification le 19 mars 2022

par Arnaud Bassez

Ce concept fait référence à la technique de la Marine Américaine au cours de la seconde guerre mondiale pour désigner « la capacité d’un navire à contrôler des dommages subis et à poursuivre sa mission pour rentrer au port  » (Masquelet, 2013[1]).

USS Cole after al-Qaeda suicide attack. US Navy Photo

(USS Cole after al-Qaeda suicide attack. US Navy Photo)

Appliqué au milieu médical, ce concept désigne la capacité à mettre en œuvre des actions pour assurer la survie d’un patient en maîtrisant les hémorragies et le risque infectieux. Le concept de Damage control donne lieu à l’implication des citoyens pour venir en soutien des sauveteurs avant leur arrivée mais aussi pendant, quand il n’y a pas un sauveteur pour chaque victime en début d’intervention.

C’est la raison pour laquelle l’enseignement des gestes qui sauvent représente un gain de survie supplémentaire pour les victimes d’attentats.

[1] Masquelet AC (2013), Historique et démembrement de la notion de Damage Control, e-mémoires de l’Académie Nationale de Chirurgie, 12 (1) : 060-062.

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Le concept de damage control recouvre une stratégie de prise en charge du choc hémorragique centrée sur une chirurgie de sauvetage minimaliste associée à une réanimation périopératoire.

Le concept initialement chirurgical de damage control surgery, basé sur le principe d’une laparotomie écourtée et reprise après une phase de réanimation, vient désormais s’inscrire dans un concept plus global de damage control resuscitation, qui insiste sur la prise en compte précoce de la triade létale

  • coagulopathie
  • hypothermie
  • acidose

La prévention de la coagulopathie est devenue l’enjeu prioritaire de la prise en charge. Les modalités de la réanimation initiale, lors de la phase dite damage control ground zero, ont été redéfinies : lutte contre l’hypothermie, techniques de contrôle du saignement, équilibre entre le concept d’hypotension permissive et l’emploi précoce de vasopresseurs.

La stratégie transfusionnelle a elle aussi évolué : apport précoce de plaquettes et de facteurs de la coagulation, emploi d’agents hémostatiques comme le facteur VII activé, voire transfusion de sang total, définissent désormais le damage control hémostatique. De plus les progrès des techniques chirurgicales et le développement de l’embolisation ont mené à une extension des indications de cette stratégie de prise en charge.

source :www.em-consulte.com/

Cette stratégie se base sur trois concepts définis pour caractériser la prise en charge pré-hospitalière des victimes de traumatismes pénétrants (arme à feu ou arme blanche).

 Concept de « Golden Hour »  : Ce concept implique qu’il est nécessaire d’optimiser le temps de prise en charge du patient pour l’orienter le plus rapidement possible vers une structure adaptée sans perdre du temps à réaliser des actes en phase pré-hospitalière qui ne seront pas efficaces. Dans certains cas, il est difficile de contrôler la situation hémorragique du patient en phase pré-hospitalière. Il faut donc l’orienter le plus rapidement possible vers une structure hospitalière qui disposera des équipements adaptés à sa prise en charge.

 Concept de « small-volume ressuscitation » : Ce concept a pour objectif de réduire les problèmes de coagulation par l’injection de produits hypertoniques en phase pré-hospitalière. Ces soins permettent de réduire les effets liés à la pathologie traumatique.

 Concept de « Damage control  » : « appliqué à l’homme, il signifie mettre en œuvre toute une série de techniques qui vont permettre de maintenir en vie un patient ayant une ou plusieurs lésions létales ». Ce concept se décline en 4 phases qui vont de la prise en charge du patient sur le théâtre des opérations jusqu’aux actes de chirurgie réparatrice au sein d’une structure hospitalière. La phase pré-hospitalière du « Damage control » consiste à déterminer le plus rapidement possible la gravité des lésions du patient, à mettre en œuvre des soins d’urgence pour limiter leurs effets (ex : garrot tourniquet ou pansement hémorragique pour stopper le saignement) et d’orienter le patient vers une structure médicale adaptée à ses besoins.

source : medscape.com

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Devant toute situation à fort risque, il faut appliquer les principes de précaution et de protection suivants :

d’après une formation au damage control en mars 2019 (AB)

SAFE

  1. Sécuriser la zone doit être sécurisée. On ne peut intervenir sous le feu de l’assaillant au risque d’être soi-même victime.
  2. Alerter 15-18-112
  3. Fuir si possible (revient au concept numéro 1)
  4. Evaluation en équipe. Tri.

TRI

 C’est un tri "secouriste" fait en équipe.

  • valide = pas grave
  • invalide = grave
     Tri médical pour les graves (on ne s’occupe pas initialement des valides).
  • ACR = DCD (plusieurs victimes) on ne s’y attarde pas.
  • UA (urgence absolue) soins immédiats
  • UR (urgence relative) Les UA et UR sont souvent invalides.
  • impliqué (A vu mais n’est pas blessé physiquement, sont souvent valides)
  • UD (urgence différée, ex urgence dépassée) On s’en occupe plus tard, parce que est au delà de l’EU mais est classée U1 car moins pressée que EU.

NB : Dans la classification UA, il y a deux sous-catégories

  • EU (extrême urgence)
  • E1 (urgence de 1ere importance)
    Si on hésite, noter UA.

NB S’il y a un ACR (arrêt cardio respiratoire) traumatique, il faut penser à un pneumothorax compressif et l’exsuffler par thoraco bilatérale et entreprendre les compressions sternales après. Les repères pour une ponction antérieure sont au 2e espace intercostal, sur la ligne mamelonnaire, sur le bord supérieur de la côte inférieure.

On peut aussi piquer à la base de l’aisselle au 5 eme espace intercostal en zone axillaire.et mettre les drains latéralement.

Le leader de l’équipe, va noter sur un registre ou un carnet, le nombre de victimes ; ceci permet d’avoir une vision globale de la situation et du nombre de victimes ainsi que des moyens nécessaires à engager.
On note sur le front de la victime le numéro de son tri (1,2,3,4,...), puis on note UA ou UR toujours sur le front.

BAC

Pour chaque UA on fait un BAC

  • Bleeding (saignement) garrot à la racine du membre
  • Airway libération des voies aériennes (LVA)
  • Conscience PLS si inconscient

Le registre établi par le leader permet d’établir

  1. le point de situation
  2. la répartition des tâches
  3. un bilan d’ambiance

BILAN AU 15

On commence par le plus grave. On applique le principe de priorisation des victimes :

MARCHE

Massive bleeding (hémorragie massive)
Airway
Respiration
Choc (a un pouls périphérique ?)
Hypothermie -Head-Rachis
Evacuation

Massive bleeding. Inspecter, découper les vêtements. Observer devant et derrière. (Plaie pénétrante et point de sortie). Garrot, compression, (pansement, ceinture pelvienne). Si pas comprimable, chirurgie.
Airway. LVA Cricotomie ou coniotomie
Respiration. Pneumothorax compressif ? Exsuffler, si plaie soufflante, faire un pansement 3 côtés ou poser une valve d‘Asherman. NE PAS COUVRIR
Choc. Pouls radial ≥ 80 mmHg. Pas grave. Si n’existe pas de pouls radial (≤ 70 mmHg, on considère que c’est un choc grave, on pose une voie veineuse périphérique ou une intra osseuse et on administre 250 ml de sérum hypertonique et 1 g d’acide tranéxamique (Exacyl®)
Hypothermie. -Head-Rachis. On lutte contre l’hypothermie en emballant les victimes. il faut les isoler du sol qui est froid pour lutter contre la triade létale. (Hypothermie, coagulopathie, acidose). Head : Si traumatisme crânien anisocorie on perfuse du sérum salé hypertonique. Si traumatisme du rachis : collier cervical.
Evacuation. Identification, extraction, évacuation.
Remplir les feuilles médicales de l’avant et poser le bracelet SINUS (Système d’Information Numérique. Standardisé). Evacuation à pied ? Brancard ?

 On règle chaque problème avant de passer à la lettre suivante. Un saignement massif devra être garroté avant de passer à l’airway et ainsi de suite.

Enfin une fois toutes les victimes évaluées et traitées on applique le dernier principe :

RYAN

Réévaluer
Yeux-ORL
Analgésie
Nettoyer, Antibiothérapie

 

Traumatisés graves

Critères de Vittel

 Variables Physiologiques

  • Score de Glasgow < 13.
  • Pression artérielle systolique < 90 mmHg.
  • Saturation en O2 < 90%.

 Éléments de cinétique

  • Éjection d’un véhicule.
  • Autre passager décédé dans le même véhicule.
  • Chute > 6 mètres.
  • Victime projetée ou écrasée.
  • Appréciation globale (déformation du véhicule, vitesse estimée, absence de casque, absence de ceinture de sécurité).
  • Blast.

 Lésions anatomiques

  • Trauma pénétrant de la tête, du cou, du thorax, de l’abdomen, du bassin, du bras ou de la cuisse.
  • Volet thoracique.
  • Brûlure sévère, inhalation de fumées associée.
  • Fracas du bassin.
  • Suspicion d’atteinte médullaire.
  • Amputation au niveau du poignet, de la cheville, ou au dessus.
  • Ischémie aiguë de membre.

 Réanimation préhospitalière

  • Ventilation assistée.
  • Remplissage > 1000 ml de colloïdes.
  • Catécholamines.
  • Pantalon antichoc gonflé.

 Terrain (à évaluer)

  • Âge > 65 ans.
  • Insuffisance cardiaque ou coronarienne.
  • Insuffisance respiratoire.
  • Grossesse (2e et 3e trimestres).
  • Trouble de la crase sanguine.

 Interprétation :
Les critères de Vittel sont des critères de gravité pour le triage des patients traumatisés. La présence d’un seul critère suffit à caractériser la gravité du traumatisme, sauf pour le terrain où il s’agit d’une évaluation au cas par cas. Par ailleurs, des critères de gravité extrême étaient définis car associés à une mortalité très élevée : pression artérielle systolique < 65 mmHg (mortalité : 65%), score de Glasgow à 3 (mortalité = 62%), et saturation en O2 < 80% ou imprenable (mortalité 76%).

Références :
Riou B, Thicoïpé M, Atain-Kouadio P, et al. Comment évaluer la gravité ? In : Samu de France, éditeur. Actualités en réanimation préhospitalière : le traumatisé grave. Paris : SFEM Éditions ; 2002. p. 115-28.

 Golden hour et minutes de platines (les 10 premières minutes)
 Triade létale (Hémorragie qui entraîne : Acidose-Hypothermie-Coagulopathie)

  • S’adapter
  • Prioriser
  • Apprendre à ne pas faire
  • Décider
  • Diriger

Les décès au "ground zéro" pré hospitalier sont dus à

  • Hémorragie, pneumothorax suffocant, hypo PA permissive, hypothermie
    Evacuer +++

Les décès interviennent quand

  • Traumatisé grave instable
  • Traumatisme pénétrant
  • Situation d’exception
  • Plusieurs victimes-> afflux. Tri-prioriser
    L’objectif est d’éviter les morts indues par choc hémorragiques et pneumothorax suffocants

Pour l’équipe primo intervenante

  • Sécurité
  • Zonage
  • Organisation
  • Tri
  • Bilan
  • Soins ? Minutes de platine
Damage control pédiatrie (CHU Necker) et adulte ( CESU 75 APHP)

« Damage Control » ou comment les urgentistes civils appliquent les techniques de guerre

Dr Isabelle Catala. Medscape. 31 mai 2016.

« Entre les guerres du 20ème siècle et celles d’aujourd’hui, la mortalité au combat a diminué de 44 % », explique le Dr Alain Puidupin, Colonel du service de santé des armées françaises à l’occasion de la Soirée Européenne de Catastrophe [1]. Cette amélioration a été possible grâce à une analyse détaillée des causes de décès et à une gestion protocolisée des différentes phases de la prise en charge : sur le terrain, au sein des postes médicaux, lors du transport à l’hôpital.

« Et les principes mis en place sur les terrains d’opération peuvent être désormais appliqués à la médecine de catastrophe civile, en particulier dans le contexte actuel de terrorisme », ajoute le Pr Benoît Vivien (SAMU de Paris).

A quel moment et de quoi décèdent les militaires au front ?

Sur les théâtres d’opération, les 87,3 % des décès surviennent avant même que le blessé ait atteint les postes médicaux sur site : 42 % immédiatement, 22 % en moins de 5 minutes, 12 % en moins de 30 minutes.

Sur le terrain, ce sont les hémorragies qui sont le plus souvent en cause (91 % au total, avec une atteinte prédominante des membres pour deux tiers des patients), bien avant les obstructions des voies respiratoires (7,9 %) et les pneumothorax compressifs (1,1 %).

« Aujourd’hui, les militaires reçoivent un enseignement de sauvetage au combat au cours duquel ils apprennent les gestes d’urgences qu’ils peuvent réaliser grâce à du matériel simple. Sous le feu, ils utilisent des garrots. A l’abri ou au point de rassemblement des blessés, tout acteur de santé présent doit : prévenir de l’hypothermie, utiliser des garrots, des compressions, des produits hémostatiques, favoriser la stabilisation pelvienne, maintenir l’ouverture des voies aériennes, exsuffler si nécessaire un pneumothorax suffocant, débuter un remplissage éventuellement associé à une titration d’adrénaline », continue le Dr Puidupin.

Prise en charge au point de rassemblement des blessés et dans les postes médicaux

Dès que les blessés sont évacués et mis à l’abri, un triage rigoureux doit être effectué afin de pratiquer les gestes essentiels au sauvetage chez un maximum de blessés (technique dite du « Damage Control) ». Pour le Dr Puidupin « c’est ce qui permet de sauver des vies, d’éviter les décès évitables ».

Le « Damage Control » appliqué en médecine de guerre repose sur quatre grands principes :

  • Avant tout l’hémostase en urgence, localement (garrots, pansements hémostatiques, compression…) et éventuellement par voie générale en utilisant de l’acide tranexamique. En cas de lésions abdominales, une laparoscopie en urgence peut être réalisée pour traiter les lésions hémorragiques et prévenir la contamination bactérienne (chirurgie d’hémostase sans geste complexes en laissant la paroi abdominale non suturée pour faciliter une seconde intervention).
  • Il faut y associer l’hypotension permissive, ou remplissage à petit volume, qui permet de récupérer un pouls radial sans créer localement une pression qui pourrait ré-ouvrir les plaies vasculaires. Le recours aux amines vasopressives peut aussi être proposé.
  • Le réchauffement est essentiel car si la température baisse de 1°C, les fonctions d’hémostase du plasma s’abaissent de 10 %.
  • Enfin, la prévention des coagulopathies est impérative car si le cercle vicieux « coagulopathie-acidose-hypothermie » s’installe, il est difficile dans les conditions de guerre de sauver le patient. Pour cela, les militaires ont recours à des transfusions massives (avec un ratio culots globulaires/plasma frais congelé ou lyophilisé de 1/1), éventuellement à des transfusion de sang total », explique le Dr Andy Burgess (Londres, Grande-Bretagne).

 Application des principes du Damage Control en médecine civile

« Même si en médecine civile – à l’exception des récents attentats – le nombre des blessés est souvent plus limité et que les ressources sont généralement suffisantes, les principes de Damage Control peuvent être utilisés dans des circonstances de catastrophe », analyse le Pr Benoit Vivien (SAMU de Paris).

Le Damage Control doit être mis en place dès les lieux de la catastrophe et poursuivi pendant le transfert et à l’hôpital (idéalement moins de 30 minutes de prise en charge au total). Il repose sur :

 La lutte contre l’hypothermie : utilisation de couvertures de survie, choix de lieux chauffés pour les postes médicaux avancés, moyens de chauffage dans la logistique, réchauffement des solutés avant de les injecter…

 Le contrôle des hémorragies : compression manuelle ou mécanique, sutures, clamps, immobilisation des fractures, garrot (encore appelés Tourniquets dans l’armée), hémostatiques locaux pour les plaies non accessibles aux garrots (poudres, granules, billes, tissus imprégnés). L’acide tranexamique doit être utilisé avant la troisième heure (1 g en intraveineux puis 1 g toutes les 8 h).

 La réalisation d’une hypotension permissive avec une pression artérielle moyenne (PAM) de 40 mmHg par le biais d’un accès vasculaire périphérique, intra-osseux ou central (à l’hôpital) en utilisant du sérum salé voire des produits dérivés du sang. Des catécholamines peuvent être associées (épinephrine, norépinephrine) ;

 Le drainage des pneumothorax compressifs ;

 L’intubation si nécessaire ;

 L’adaptation de l’analgésie et de la sédation à l’état de choc en diminuant les doses d’hypnotiques et d’opioïdes ;

 La transfusion – préférentiellement à l’hôpital – avec des objectifs d’hémoglobine > à 10g/L, de plaquettes > 50 000G /L et un TP > 66 % ;

 La lutte contre l’hypocalcémie (1 ampoule de CaCl2 pour 1 000 ml de remplissage).

-REFERENCE :

Soirée européenne de médecine de catastrophe, organisée dans le cadre de l’enseignement de médecine de catastrophe de l’Université de Paris Descartes Update on medical management of terrorists attacks. From the army to the civilian theater. Burgess A. British military concept, Puidevin A French military concept, Vivien. Civilian B application.

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Drainage pleural en traumatologie. Quoi, Quand, Comment
Drainage-thoracique-aux-urgences
Exsufflation et drainage thoracique. Où quand comment (Alain Meyer)

La nécessité d’intégrer des compétences militaires médicales développées sur des théâtres d’opérations extérieures : Réflexions à propos de la chirurgie pédiatrique de guerre pratiquée par le Service de santé des armées français en opérations extérieures

 Auteurs

  1. O. Barbier 1 *
  2. L. Mathieu 2
  3. A. Bertani 3
  4. F. Pons 4
  5. D. Ollat 5
  • 1 14e antenne chirurgicale parachutiste
  • 2 Service de chirurgie orthopédique et traumatologie, HIA Percy 92100 Clamart
  • 3 Service de chirurgie orthopédique et traumatologie, HIA Desgenettes 69000 Lyon
  • 4 École du Val-de-Grâce, 1, place A. Laveran, 75005 Paris, France
  • 5 Service de chirurgie orthopédique et traumatologie, HIA Begin, 69, avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé

* Correspondance

  • DOI : 10.1684/mst.2015.0481
  • Page(s) : 122-4
  • Année de parution : 2015

Volume 25, numéro 2, Avril-Mai-Juin 2015 http://www.jle.com/fr

Dans le cadre de la commission de la défense nationale et des forces armées (compte-rendu n°29 du 16/12/2015), le général Boutinaud a évoqué la prise en charge des enfants blessés et ses particularités. Il répondait à un membre de la commission évoquant le « targeting d’écoles » à Damas (Syrie) qui l’interrogeait sur les modalités de prise en charge médicale si un tel scénario se passait sur le territoire national. Le général Boutinaud a insisté sur la nature des soins que nécessitent les enfants blessés et leur orientation vers des structures pédiatriques adaptées. En référence à ces propos, l’article proposé traite de l’activité du service de santé des armées dans la prise en charge des enfants blessés sur les théâtres d’opérations extérieures.

Dans le cadre de conflits dits asymétriques, le SSA a acquis une certaine expérience dans la prise en charge de civils, victimes collatérales des conflits avec parmi elles, un certain nombre d’enfants. Afin de mieux soigner ces victimes qui ont besoin de soins très spécifiques, le SSA s’est doté de matériels pour la réalisation d’actes de chirurgie pédiatrique de guerre. Si ces actions concernent principalement les structures médicales déployées sur les théâtres d’opérations, il n’en reste pas moins que ce savoir-faire et ces compétences acquises en OPEX peuvent être mobilisées sur le territoire national en cas d’attentats terroristes.

A lire ci-dessous

De nos jours, la chirurgie de guerre ne se résume pas à la seule prise en charge des militaires blessés en opérations extérieures (Opex), même si c’est la raison d’être du Service de santé des armées (SSA). L’évolution de la géopolitique vers des conflits asymétriques, comme en Irak, en Afghanistan ou au Mali, entraîne de nombreuses victimes civiles, dont des enfants. Ces enfants sont régulièrement pris en charge dans les structures chirurgicales de l’avant du SSA comme le rapportent Mathieu [2] et Bertani [3].

En effet, comme l’histoire nous le rappelle, le SSA français a toujours apporté son secours aux populations des pays dans lesquels il a été déployé. Depuis toujours, les médecins militaires ont eu le souci de soigner les populations civiles [1]. Cette activité représentait même jusqu’à 17 % de l’activité des chirurgiens orthopédistes au rôle 3 du Kabul International Airport (KaIA) [4]. Fort de cette expérience en traumatologie pédiatrique de guerre, nous avons été amenés à nous poser certaines questions. Notre réflexion dans cette tribune se limitera à la problématique posée par la chirurgie pédiatrique de guerre au sein des structures chirurgicales militaires de l’avant du SSA français, en excluant les soins pratiqués lors de l’aide médicale à la population dans le cadre humanitaire. Notre problématique est de discuter de la capacité de nos structures de l’avant à réaliser cette chirurgie pédiatrique de guerre et de la cohérence de cette activité.

Premièrement, pour bien situer la problématique, il est nécessaire de connaître les différentes conditions de déploiement des structures chirurgicales de l’avant du SSA. Actuellement, la chaîne santé de prise en charge des blessés de guerre repose sur une organisation temporelle et spatiale, avec deux types de structures déployées à l’avant (zone de combat et proximités). Tout d’abord, des rôles 2 qui correspondent à des antennes chirurgicales. Ce sont des structures réduites à douze personnels armant un seul bloc opératoire pourvu par un médecin anesthésiste-réanimateur, un chirurgien viscéraliste et un chirurgien orthopédiste. Ils travaillent sous tente, avec une autonomie réduite à dix interventions chirurgicales entre chaque ravitaillement, et une capacité d’hospitalisation très limitée (environ huit lits pour une durée de 48 h).

Cette antenne chirurgicale peut être déployée de façon autonome en quelques heures. Ensuite, les patients sont évacués vers le rôle 3 qui correspond aux groupements médico-chirurgicaux (GMC). C’est une structure beaucoup plus importante, comportant en plus une section d’auxiliaires sanitaires et de conducteurs ambulanciers, une section de ravitaillement sanitaire, responsable de l’approvisionnement en produits de santé à partir de la métropole, un médecin, voire des chirurgiens spécialistes tels qu’un ophtalmologiste ou un neurochirurgien.

Il existe plusieurs blocs opératoires avec un amplificateur de brillance, des moyens d’imagerie plus développés (avec parfois un scanner) et un laboratoire d’analyses biologiques. La capacité d’hospitalisation est plus importante et comporte une réanimation post-chirurgicale. La structure est de type « métallotextile ». Le déploiement d’un GMC nécessite plusieurs jours et un environnement logistique relativement important. La dernière structure française de ce type déployée par le SSA était en Afghanistan de 2009 à 2014.

Deuxièmement, il faut comprendre quels problèmes techniques peuvent être engendrés par la prise en charge d’enfants blessés à la guerre dans nos structures chirurgicales de l’avant. Pour cela, il est nécessaire de connaître la typologie de ces lésions. Dans la littérature, l’activité chirurgicale pédiatrique au niveau des rôles 2 ou 3 a été bien rapportée depuis les conflits en Irak et en Afghanistan [2-12]. Cette activité chirurgicale pédiatrique représente entre 5 et 18 % de l’activité globale.

La majorité des lésions sont secondaires à des explosions ou à des traumatismes pénétrants [4, 7]. Les lésions par explosion concernent soit des enfants jeunes (< 8 ans), blessés par des éclats secondaires à une explosion, soit des enfants plus âgés manipulant des munitions qui n’ont pas explosé ou des mines. Les traumatismes pénétrants concernent généralement des enfants plus âgés, qui participent aux combats ou en sont proches. Concernant la topographie, il s’agit majoritairement de lésions touchant les membres (entre 40 et 70 % des cas) [2, 3, 6], avec des fracas et des amputations traumatiques, puis des lésions de la face et de la tête, et enfin du tronc. De plus, les enfants présentent souvent des associations lésionnelles sévères comme en témoignent les scores ISS rapportés dans ces études. Ces lésions graves sont responsables d’un taux de mortalité important, compris entre 2 et 9 % [11-13], bien supérieur à celui des adultes [12].

Ainsi, nous constatons qu’un enfant blessé de guerre est le plus souvent un blessé grave, qui présente majoritairement des lésions de membres. Les principes de prise en charge chirurgicale de ces enfants ne diffèrent pas radicalement de ceux concernant les blessés adultes, basés sur le concept de damage control surgery[4]. Cependant, au niveau des membres, certaines spécificités pédiatriques doivent être connues [14], comme la présence de cartilages de croissance, qui peuvent être lésés en cas d’atteinte articulaire ou épiphysaire avec un retentissement possible sur la croissance.

Le débridement et le parage suivent les règles habituelles de la chirurgie de guerre, mais il doit être plus économique afin de conserver le potentiel de cicatrisation, qui est plus important. Ainsi, les fragments osseux sont souvent conservables car reliés par le périoste qui, chez l’enfant, est très épais et solide. En cas de perte osseuse de moins de 2 cm, un raccourcissement limité peut être réalisé afin de favoriser la consolidation et la stabilité du montage car la croissance pourra compenser cette inégalité de longueur. La problématique repose alors essentiellement sur les moyens disponibles pour la prise en charge médico-chirurgicale de ces patients.

Des matériels spécifiques de réanimation et de chirurgie sont souvent nécessaires, mais les structures de l’avant sont généralement limitées en matériel pédiatrique, surtout dans les rôles 2. Nous constatons par exemple que les diamètres des fiches de fixateurs sont inadaptés et les sondes d’intubation de taille trop grande, que toutes les drogues anesthésiques et tous les types de gaz ne sont pas disponibles, que les orthèses d’immobilisation pédiatriques n’existent pas, que les produits d’analgésie spécifiques ne sont pas disponibles, etc. En ce qui concerne la stabilisation des membres, le fixateur externe reste le moyen d’ostéosynthèse à privilégier en Opex, et c’est d’ailleurs le seul disponible dans les rôles 2. Il est reconnu comme étant un moyen d’ostéosynthèse fiable et utilisable en traumatologie pédiatrique, par exemple en cas de fracture ouverte du fémur [14]. Les fixateurs actuellement utilisés sont facilement adaptables à l’enfant. Les principes de damage control surgery peuvent être aussi appliqués chez les enfants, permettant une chirurgie en plusieurs temps, notamment au niveau du rôle 3, mieux équipé.

On voit donc qu’il est nécessaire de posséder quelques matériels et médicaments spécifiques supplémentaires pour pratiquer la chirurgie pédiatrique de guerre dans de bonnes conditions dans les structures déjà existantes. Actuellement, les structures n’en sont pas dotées, et ce de façon logique, car elles sont dédiées, avant tout, à la prise en charge des militaires engagés au combat. Nous pensons qu’une dotation spécifique, tel qu’un lot complémentaire, disponible à la demande, en fonction des spécificités du théâtre d’opérations pour les rôles 2 et 3, répondrait parfaitement à la problématique matérielle.

En dehors des problématiques matérielles, il nous semble également intéressant de discuter du problème de la formation des chirurgiens orthopédistes militaires à la traumatologie pédiatrique. Ceux-là, comme tous les chirurgiens orthopédistes, réalisent au cours de leur cursus universitaire un semestre de chirurgie orthopédiatrique. Cependant, après cette formation initiale, ces chirurgiens n’ont plus l’occasion de pratiquer la chirurgie pédiatrique dans les hôpitaux militaires de métropole, qui reçoivent uniquement des adultes. En Opex, des systèmes de télémédecine ont certes été mis en place pour pouvoir bénéficier en urgence de conseils à distance [4, 6, 8, 10, 16], mais cela reste une aide ponctuelle.

De plus, les rôles 2 sont parfois isolés, sans réels moyens de communication, ce qui limite les possibilités de télémédecine. Cependant, pour Creamer [6], l’absence de chirurgien pédiatrique ne semble pas affecter la qualité des soins pédiatriques procurés aux enfants blessés de guerre. L’objectif est le même que pour les adultes : sauver la vie, les membres puis la fonction. Les procédures de sauvetage et de reconstruction des membres présentaient, dans cette étude, un taux important de succès, bien que réalisées par un chirurgien orthopédiste adulte avec une expérience limitée en pédiatrie [6]. En revanche, la présence de lésions cérébrales et de plaies vasculaires représentait un défi pour les chirurgiens orthopédistes déployés.

Actuellement, la formation à la chirurgie de guerre des chirurgiens militaires français repose sur le cours avancé au missions extérieures (Cachirmex), essentiellement orienté vers la prise en charge des adultes [2, 17]. Néanmoins, une formation à la traumatologie pédiatrique de guerre a été mise en place au sein de ce cursus. Nous pensons que, sous réserve d’une remise à niveau régulière de cette formation, les chirurgiens militaires actuels sont tout à fait aptes à prendre en charge les enfants blessés de guerre. En effet, la chirurgie pédiatrique de guerre peut tout à fait être réalisée de façon efficace par des chirurgiens dont ce n’est pas la compétence exclusive, sous réserve d’avoir reçu la formation théorique adéquate [6].

Pour finir, il nous semble utile de discuter les enjeux éthiques que représente la prise en charge des enfants blessés. En effet, après les soins chirurgicaux initiaux de la phase aiguë, ces enfants gravement atteints nécessitent des soins de suite souvent prolongés. Ces soins ne sont généralement pas possibles, sur la durée, dans les structures de rôle 2 et 3. Il est important que l’enfant soigné initialement ne soit pas ensuite délaissé… Il faut donc pouvoir assurer un transfert précoce vers des structures de soin locales, même si leurs compétences en chirurgie pédiatrique restent limitées. L’organisation des soins postopératoires est donc souvent difficile, mais reste primordiale pour préserver l’avenir fonctionnel à moyen et long terme. Une coordination entre les structures militaires déployées et les hôpitaux locaux, mais aussi les organisations humanitaires présentes, semble donc nécessaire pour que cette activité de chirurgie pédiatrique de guerre reste cohérente [15]. Des réseaux de soins doivent selon nous être rapidement mis en place par les chirurgiens déployés à l’avant afin d’assurer une filière de soins indispensable.

En conclusion, nous pouvons dire que la pratique de la chirurgie pédiatrique de guerre au sein des structures de santé des forces armées est une réalité. Le SSA n’y échappe pas, avec un pourcentage significatif d’enfants pris en charge dans les conflits actuels. Les chirurgiens militaires non pédiatres reçoivent déjà, à cet effet, une formation théorique, remise à niveau régulièrement, démontrant la réactivité et l’adaptation du SSA. De la même façon, le matériel spécifique nécessaire pourrait prochainement faire l’objet d’un lot additionnel au sein de la dotation des structures chirurgicales de l’avant.

 références :

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Le sauvetage au combat (ASNOM Bulletin 128)

 Le blessé par attentat terroriste

 Le blessé de guerre, The war wounded
S. Mérat

  • 2014
  • Collection : Hors collection
  • Éditeur : ARNETTE
  • 642 pages
Sommaire le blessé de guerre
  • 2014
  • Collection : Hors collection
  • Éditeur : ARNETTE
  • 642 pages

 Damage Control : concept et déclinaisons Blessés par armes de guerre et par explosions. Principes de chirurgie de guerre applicable à des blessés lors d’attentat. Recommandations de l’École du Val-de-Grâce SÉANCE ANNUELLE COMMUNE AVEC LE SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES

 La Fondation de l’Académie de Médecine a filmé la séance de l’Académie nationale de médecine du 3 mai 2016 relative à la médecine de catastrophe

  • Jean-Pierre Tourtier (Brigade des sapeurs pompiers de Paris) expose l’organisation des équipes lors de catastrophes pour la relève des blessés et la notion de Damage control.
  • Le Pr Benoît Vivien (SAMU de Paris, service d’anesthésie-réanimation, Centre Universitaire de Necker-Enfants malades, Paris) nous expose l’organisation de la filière de soin en cas de catastrophe.
  • Hubert Valard (Retraité de la Police Nationale, Société française de la médecine de catastrophe) nous instruit sur l’armement des terroristes

 Comment poser un garrot ?

Apprendre à faire un garrot tourniquet

Repris de l’article sur la balistique des armes à feu, ce procédé doit être connu et maîtrisé des professionnels de santé. Sinon, une formation à l’afgsu s’impose.

tourniquet for the control of traumatic hemorrhage, a review of the literature

Pose d’un garrot tourniquet en pré-hospitalier : technique et suivi - Medscape - 9 janv 2017. Dr Dominique Savary

Dans les années 2000, le garrot tourniquet a été mis de côté dans les formations grand public, il ne fallait plus poser de garrot, notamment dans la formation PCS1 (prévention secours civique) alors que dans le même temps, la médecine militaire a promus ce dispositif, ce qui lui a permis de combattre un certain nombre de morts évitables sur terrain de combat.

Plus récemment, suite aux attentats de Paris, nous avons vu apparaitre des recommandations pour mettre en place des kits « damage control » qui incluaient ce dispositif.

Pour autant, le garrot a aussi sa place dans la gestion quotidienne de la médecine pré-hospitalière, c’est ce que nous rappelle Michelle Scerbo dans un article de décembre 2016 de Prehospital Emergeny Care [1]

De nombreux bancs d’essai ont été réalisés avec les multiples garrots présents sur le marché, en particulier par l’armée américaine.

Au final, deux types de garrot sont aujourd’hui reconnus : le garrot tourniquet et le garrot pneumatique utilisé au bloc opératoire en chirurgie orthopédique principalement.

Le garrot a pour principe d’interrompre la circulation sanguine en aval de son lieu d’implantation afin de stopper un saignement. Il doit donc exercer une pression suffisante sur la peau pour se transmettre aux structures sous-jacente et occlure la circulation artérielle.

Selon la formule de Graham, la pression artérielle d’occlusion (PAO) d’un membre dépend à la fois du diamètre du membre, de la largeur du garrot utilisé, de la pression artérielle systolique et diastolique. Cette PAO dépend également de la nature des tissus sous-jacents, donc de la présence d’un ou de deux os au niveau du membre concerné.

La pression d’occlusion artérielle (Po) dépend de la circonférence de la cuisse (C), de la largeur du garrot (L), de la pression artérielle systolique (PAS) et diastolique (PAD) : Formule de Graham

Po = (PAS - PAD) x C divisé par L x 3, + PAD = [(PAS - PAD) x 2,5] + PAD

extrait de l’article compil utile

Ces recommandations proposent donc de poser le garrot à la racine des membres mais ce dogme a toutefois fois été discuté, en particulier dans un article du colonel Jean François Kragh, un auteur qui a beaucoup travaillé sur les garrots, et qui présente dans sa publication 428 garrots posés au cours de la guerre en Irak. On voit qu’il y a une efficacité certaine du garrot posé sur l’avant-bras ou sur la jambe.

L’important est donc l’efficacité du garrot et, nous l’avons vu, elle est directement en lien avec la largeur du dispositif. Elle doit être d’au moins 38 mm pour le garrot tourniquet. A noter que 2 garrots simultanés sont moins efficaces qu’un seul garrot de bonne largeur. Il faut le poser directement sur la peau et pas sur les vêtements qui pourraient faire des plis et auraient des conséquences sur les parties molles sous-jacentes.

Enfin, il est également recommandé de mettre en place une protection thermique sur le membre sous le garrot pour éviter une hypothermie qui pourrait être secondairement délétère.

Règles d’or après la pose d’un garrot en préhospitalier

  • Noter l’heure et ne pas la recouvrir.
  • Quand le patient est en sécurité, toujours réévaluer la nécessité de maintenir un garrot posé sur le terrain sauf s’il existe une amputation, un état de choc ou si la pose excède 4 heures. Il sera aussi nécessaire de réaliser une surveillance de l’efficacité du garrot tout au long de la prise en charge.

Conséquences de la pause d’un garrot

Contraintes de cisaillement directement sous le dispositif qui peuvent être évitées par la largeur du garrot.

La survenue d’une douleur importante au bout d’une trentaine de minutes. Jean Pierre Estebe (réanimateur Rennes) qui a beaucoup travaillé sur la place de ce dispositif en chirurgie réglée propose l’adjonction soit de morphine, soit de kétamine ou une anesthésie locorégionale à ces patients.

Enfin les conséquences c’est bien sûr l’ischémie périphérique du membre. On sait que si elle est prise en charge dans les deux heures, elle aura peu de conséquences mais au-delà de 6 heures, il y aura une perte définitive du membre garroté.

Certes, la gestion d’un garrot en situation pré-hospitalière et en situation catastrophique, comme lors d’un attentat, n’est pas la même mais il y a toujours 3 points à retenir :

  • il faut s’équiper de dispositifs efficaces et donc suffisamment larges,
  • il faut toujours vérifier l’efficacité du dispositif, -
  • il faut soigneusement orienter le patient et faire préparer son accueil par les équipes chirurgicales avec l’aide de la régulation médicale pour que la suite de la prise en charge soit la plus efficiente possible.
Fiche-technique-irns-numero-3-garrot-tourniquet improvisé

 Sensibilisation des Français aux gestes et comportements qui sauvent

  • Domaine(s) : Intérieur
  • Ministère(s) déposant(s) : INT - Intérieur
  • Destinataire(s) :M. le préfet de police ; Mesdames et Messieurs les préfets de département ; Monsieur le préfet de police des Bouches-du-Rhône ; Pour information Monsieur le directeur général de la police nationale ; Monsieur le directeur général de la gendarmerie nationale ; Monsieur le directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises
  • Date de signature : 30/12/2015 | Date de mise en ligne : 08/01/2016
NOR INTK1529759J -Sensibilisation des Français aux gestes et comportements qui sauvent
Rapport de la mission de préfiguration sur la généralisation au plus grand nombre de nos concitoyens, de la formation aux gestes d’urgence (Pelloux-Faure 20 avril 2017)

Le concept de résilience sociétale : une adaptation du sauvetage au combat

Le retour d’expérience réalisé par la BSPP a permis une prise de conscience sur la nécessaire « résilience sociétale ». Il s’agit de renforcer les capacités d’action des citoyens exposés à une menace terroriste. La formation aux gestes qui sauvent mise en œuvre par la Brigade de Sapeurs-Pompiers de Paris depuis le mois de janvier 2016 contribue à l’essor de cette résilience au sein de la population en lui donnant les moyens d’agir efficacement. Il s’agit d’apprendre aux citoyens à réagir sous le feu pour se protéger, à extraire une victime rapidement d’une zone exposée au danger (tirs, explosifs), et à faire les premiers gestes qui sauvent (massage cardiaque, compression manuelle pour stopper une hémorragie, garrot, accompagnement) avant l’arrivée des secours.

Dans une circulaire (40397) du 8 janvier 2016, le Ministre de l’Intérieur a souhaité étendre cette mesure à l’ensemble du territoire par l’implication des SDIS et des associations agréées de sécurité civile pour généraliser cette formation. Son objectif est d’augmenter les chances de survie des victimes d’attentats mais aussi de renforcer la résilience de la population en lui donnant les moyens d’agir et donc d’être prête à intervenir et de réagir de manière adaptée à ce type de situation si elle s’y trouve confrontée.

Cette mesure ressemble de très près à une pratique militaire connue sous le nom de "sauvetage au combat" ou encore "secourisme au combat de niveau 1". Cette pratique a été créée à la suite de l’embuscade d’Uzbeen en Afghanistan en 2008 qui provoqua la mort de plusieurs soldats français. Le sauvetage au combat a été mis en place par le Service de Santé des Armées et correspond à la capacité qu’ont les soldats déployés en opération à pouvoir se porter secours mutuellement en cas de traumatismes subis. Les soldats sont équipés d’une dotation leur permettant de se faire eux-mêmes des soins d’urgence ou de les prodiguer à un camarade blessé le temps qu’une équipe médicale puisse le prendre en charge.

Le sauvetage au combat. ASNOM - Association Amicale Santé Navale et d’Outre Mer

La formation aux "gestes qui sauvent" ne va pas aussi loin puisqu’elle ne s’accompagne pas d’une dotation en matériel pour les citoyens. Cette formation leur apprend les bons réflexes pour porter secours rapidement et efficacement à un blessé le temps que les services de secours arrivent sur les lieux. Une phrase d’une citoyenne parisienne témoigne des apports de cette formation « Je préfère m’imaginer en sauveteur potentiel qu’en victime potentielle….  » (Source : Le monde).

Cette phrase en dit long sur les valeurs transmises aux citoyens par une préparation, même minime, à la menace terroriste sur notre territoire. Le fait que les citoyens formés ne se perçoivent pas en victime représente un changement important dans leur comportement. Ce changement tend vers celui d’une résilience sociétale et d’un recentrage sur des valeurs fraternelles à l’image de celle entretenue par les « frères d’armes » déployés en opérations extérieures au service de la nation.

Toutes ces techniques pré-hospitalières contribuent à l’existence d’une qualité de service unique pour les citoyens afin de préserver leur vie dans des conditions optimales. L’expérience acquise par les armées sur les théâtres d’opérations extérieures permet aujourd’hui de fournir des repères communs aux services de secours pour appréhender ce type de situation opérationnelle sur le territoire national.

A. GAUTIER, CERISC, ENSOSP

A consulter :

le site de l’asnom, très instructif.

Le site de l’ENSOSP : Ecole Nationale Supérieure des Officiers de Sapeurs-Pompiers


Damage control : pas du scoop and run

Yann Bellon 28 March 2017

Le Damage control n’est pas assimilable au scoop and run. C’est le message transmis par le professeur Carli et les docteurs Puidupin et Braun dans un article publié dans le Journal Européen des Urgences et de Réanimation.

Dans un article paru le 21 mars dernier dans le Journal Européen des Urgences et de Réanimation, le professeur Pierre Carli, médecin chef du SAMU de Paris, et les docteurs Alain Puidupin, adjoint au centre opérationnel des réceptions et de régulation des urgences sanitaires et sociales, et François Braun, président de Samu Urgences de France, rappellent que la notion de damage control n’est en rien assimilable au Scoop and run. Destiné à la prise en charge de victimes blessées par armes de guerre, le damage control s’est imposé à la suite des attentats de Paris de novembre 2015.

Preuve en est : de nombreux acteurs du secours et des soins d’urgence ont depuis suivi des sessions pour se former à la prise en charge en lien avec cette doctrine bien connue des militaires. Les auteurs de l’article rappellent que le damage control privilégie une hémostase chirurgicale rapide et prévient le cercle vicieux hypotension-hypothermie-acidose ; et qu’il se distingue du scoop and run anglo-saxon des années 1970 par un parcours de soin nécessitant dès la phase pré-hospitalière un triage, une régulation médicale et des soins spécialisés.

source : secoursmag.com


Samu ou paramedics ? Interview d’un urgentiste américain à Paris

Dr Isabelle Catala
Auteurs et déclarations

16 décembre 2015 source medscape.com

Le Dr James E Manning est co-responsable des urgences de l’hôpital universitaire de Caroline du Nord à Chapel Hill (UNC). Il avait prévu de longue date de venir passer une semaine à Paris pour se familiariser avec l’utilisation de l’ECMO (ExtraCorporeal Membrane Oxygenation) en pré-hospitalier dans l’arrêt cardiaque.

Il est arrivé à Paris au matin du 15 novembre et a intégré les équipes d’ECMO du Samu de Paris le lendemain. Il analyse pour l’édition française de Medscape les différences de prises en charge pré-hospitalières, à la lumière de ce qu’il a vu dans le contexte particulier post-attentats.

  • Medscape édition française : Quel a été votre sentiment à votre arrivée à Paris le 15 novembre ?

Dr James Manning : Je savais à mon arrivée à Paris que ce séjour serait particulier puisqu’il avait lieu moins de 36 heures après les attaques.

Le dimanche matin où je suis arrivé, il faisait beau, je m’attendais à ce que personne ne soit dehors. Or, j’ai vu des Parisiens vivre « comme des parisiens », même si un certain calme régnait. Tout cela m’a inspiré, j’ai su que je pouvais trouver ma place au sein des équipes du Samu, même dans ce moment difficile.

J’ai été immédiatement inclus dans les équipes, preuve que les médecins ont continué à travailler, tout comme les Parisiens ont continué à vivre, sans peur et sans trop changer leurs habitudes.

  • Pouvez-vous expliquer les principales différences dans la prise en charge pré-hospitalière entre la France et les Etats-Unis ?

Dr J.M : En France, les décisions médicales sont prises sur site puisque les médecins sont présents dans les ambulances. Aux Etats-Unis, sur quasiment tout le territoire, ce sont des « paramedics » – secouristes intervenant en pré-hospitalier – qui sont envoyés sur les lieux d’intervention.

  • Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est la technique du « scoop and run » utilisée par les paramedics ?

Dr J.M : En présence d’un traumatisme grave, les paramedics ont pour mission, en premier lieu de stabiliser le patient (éventuellement en le perfusant), puis de déterminer vers quelle structure il doit être adressé (Trauma Center majeur ou urgences les plus proches). Ce sont eux qui dirigent le patient le plus rapidement possible. En raison de l’étendue du territoire et de la difficulté des transports terrestres dans des villes embouteillées, le recours aux hélicoptères sanitaires entre l’hôpital et le site de l’accident est fréquent, en particulier en cas de traumatisme graves.

Pour toutes les autres urgences – arrêt cardiaque, AVC, asthme… – le patient est transféré à l’hôpital le plus proche, où s’effectue le triage. C’est au sein de l’hôpital de secteur que le diagnostic est établi. Lorsque les moyens techniques sont insuffisants sur place, un transfert vers un établissement mieux adaptée peut être décidé.

  • Comment sont effectués les transferts secondaires ?

Dr J. M : Une fois l’indication de transfert posée par les urgentistes, le malade est transféré généralement en hélicoptère – mais encore aussi parfois par la route – vers l’établissement de référence. Les hélicoptères ou les ambulances de « critical care » sont déclenchés dans les centres hospitaliers receveurs. Très rarement, des ambulances locales (dans lesquelles sont présents deux paramedics) sont utilisées.

La plupart du temps, ce sont des paramedics qui accompagnent les patients. Ce n’est pas habituel qu’un médecin soit présent dans les transports.

La grande différence que je vois avec la France vient des médecins à bord qui évaluent les patients. Et les transports secondaires avec surveillance par un médecin

  • Qu’est ce qui a été à l’origine de ce choix stratégique ?

Dr J.M : Ce choix stratégique de mise en place d’un maillage du territoire par des paramedics vient en premier lieu de la taille du pays. D’autres facteurs jouent aussi : le manque de médecins urgentistes, les risques médico-judicaires et le coût d’une approche fondée sur la présence de médecins hors de l’hôpital.

Le système pré-hospitalier, jusque dans les années 1960, était très rudimentaire. Les personnes impliquées dans les soins étaient de volontaires qui n’avaient même pas formés.

Le système a ensuite évolué. Un enseignement minimal de quelques dizaines d’heures a d’abord été proposé. Le niveau en ensuite été élevé progressivement (plusieurs centaines d’heures de formation maintenant) et les gestes et médicaments utilisables par les paramedics sont de plus en plus importants : perfusion, défibrillateur, intubation, médicaments de l’asthme, de l’arrêt cardiaque, de l’insuline ou du sérum glucosé. Les responsabilités sur le terrain ont progressivement augmenté. Aujourd’hui, des « Basic medical technicians » et des « Basic trained emergency technicians » travaillent sur le terrain avec une formation spécifique mais ils ne sont pas infirmiers. C’est une différence majeure avec la France.


Publié le 13/07/2018

Quand un professionnel de santé croise la route d’un terroriste…

A l’avant-veille de la fête nationale, endeuillée il y a trois ans, à Nice, par l’un des attentats les plus meurtriers qu’ait connu la France, le patron du SAMU 75, le Pr Pierre Carli a remis hier à Agnès Buzyn un rapport sur la conduite à tenir par les professionnels de santé durant « les agressions collectives par arme de guerre ». Dans ce document, il est notamment question de ce que doit faire un professionnel de santé, qui se retrouverait inopinément sur les lieux d’un attentat…

Agressions collectives par armes de guerre. Conduite à tenir pour les professionnels de santé (Carli-Pons) 2018

 Du triage de fortune…

Ce texte leur recommande, en premier lieu, de suivre la logique opérationnelle « prévenir-alerter-secourir ».

Fiche reflexe 1

Règle des 6 S pour tout professionnel de santé

  • Sécurité Assurer sa propre sécurité ainsi que celle des intervenants qu’il va diriger
  • Signalisation Repérer avec les autres intervenants la zone où il est possible d’intervenir de la menace, le nombre et la gravité des blessés
  • Secours Assurer la direction des premiers volontaires, dénombrer les victimes et repérer les blessés graves à rassembler si possible dans une première zone de sécurité de soins en attendant l’arrivée du Directeur des Secours Médicaux
  • Soins Délivrer les premiers soins d’urgence et conseiller les volontaires sur place sur les premiers gestes vitaux à effectuer
  • Sélection Définir l’ordre de priorité de soins et d’évacuation
  • Surveillance En attendant les différents moyens de secours, maintenir une surveillance de l’évolution de blessés, mais aussi des conditions de sécurité.

Mais le Pr Carli et ses collaborateurs soulignent que « l’engagement spontané d’un professionnel de santé sur le lieu de l’attaque ne peut s’envisager qu’après en avoir reçu l’autorisation des forces de l’ordre sur place ». Il est alors conseillé, avant toute chose, de se rapprocher d’un policier en présentant sa carte professionnelle et en expliquant son souhait de procéder à un premier tri visuel des victimes sur le mode du « repérage secouriste », pour adresser un premier bilan au Centre 15 en suivant les règles établies par la fiche-réflexe 2.

fiche reflexe 2

L’organisation des premiers soins prodigués en attendant l’arrivée des secours doit permettre un regroupement des blessés, dans une zone de sûreté provisoire, idéalement abritée et située à proximité d’axes d’évacuation, afin de les placer en « position d’attente [en veillant à l’isolation thermique du sol] et d’effectuer au plus tôt des gestes d’hémostase externe avec les moyens de fortune disponibles ».

Il sera alors temps de consigner et de communiquer les constantes physiologiques : pouls et fréquence cardiaque, fréquence respiratoire, conscience selon le score APVU. Il est en effet « dans ce contexte de surprise et d’agression » capital « d’aborder la victime en la rassurant de manière à ce qu’elle perçoive que « désormais, elle est en sécurité ».

 …à l’hémostase de fortune

Les gestes d’hémostase externes doivent être tentés dès que possible avec des moyens artisanaux. Le professionnel doit également les expliquer aux témoins et les guider pour qu’ils puissent effectuer à leur tour des gestes salvateurs.

« La compression manuelle est toujours la première mesure à envisager » souligne le rapport.

« La compression directe de la plaie hémorragique se fait avec une pression suffisante pour interrompre l’hémorragie, avec un linge propre et sec. Quand la compression a été efficace durant 3 à 5 minutes, le relais peut être pris par un pansement simple. En cas d’échec, un pansement compressif de fortune peut être constitué avec un linge propre replié sur la plaie, au mieux avec un paquet de compresses, en appuyant fort, un lien large maintenant suffisamment la pression pour stopper le saignement. En tant que de besoin un « garrot de fortune » sera utilisé pour arrêter une hémorragie d’un membre, notamment en cas de nombre important de victimes ou de situation nécessitant de mobiliser le blessé, ou plus simplement pour contrôler rapidement un saignement menaçant au niveau d’un membre. Il peut être réalisé à l’aide d’une cravate, d’un foulard ou d’une ceinture de toile, en faisant un nœud et en y glissant un gros crayon ou un bâton qui sert de levier pour effectuer une rotation poussant le serrage jusqu’à l’arrêt du saignement » (figure 3) peut-on lire.

garrot figure 3

L’heure précise de l’installation de ce garrot devra être inscrite très visiblement (par exemple au feutre sur le front de la victime). Au moment de l’arrivée des secours et des équipes médicales, le professionnel effectue la transmission de toutes les informations qu’il a colligées et présente le dispositif provisoire mis en place.

Le rapport souligne enfin que « dans des circonstances telles qu’une prise d’otages » le professionnel de santé se doit d’évaluer et de pourvoir aux besoins des porteurs de maladies chroniques.

Espérons que tous les professionnels de santé prendront connaissance de ses recommandations…mais qu’elles ne leur serviront point.

Frédéric Haroche jim.fr

Ce qu’il faut retenir

Damage Control : ce qu’il faut retenir

  • Le damage control (DC) est une prise en charge globale, cohérente, multidisciplinaire d’un traumatisé grave depuis le préhospitalier jusqu’au bloc opératoire avec le souci constant de lutter contre les éléments de la triade létale : hypothermie, acidose, troubles de la coagulation. Il comprend le damage control resuscitation et le damage control chirurgical (ou damage control surgery).
  • Le DC chirurgical se décompose en trois temps : une chirurgie rapide, une réanimation et une chirurgie de réparation.
  • Le damage control resuscitation (ou DC réanimation), débute en préhospitalier (arrêt des hémorragies, lutte contre l’hypothermie, évacuation rapide, adaptation du remplissage, lutte précoce contre les troubles de la coagulation) et se poursuit en hospitalier, en périopératoire (lutte contre l’hypothermie, adaptation du remplissage, stratégie transfusionnelle, médicaments hémostatiques…).
  • Le damage control s’appuie, d’une part, sur les acteurs de terrain capables d’effectuer des gestes d’hémostase externe et, d’autre part, sur une organisation basée sur le triage permettant de prioriser les blessés nécessitant une chirurgie urgente.
  • Le damage control doit être envisagé pour tout traumatisé grave avec peu d’inconvénients à être utilisé par excès. Il est particulièrement adapté à la prise en charge d’un afflux de blessés.

Spécificités des armes de guerre et traitement des plaies - Ce qu’il faut retenir

  • La reconstitution du trajet d’une plaie par balle et les hypothèses de lésions en fonction de l’aspect des orifices et de leurs nombres sont très aléatoires.
  • Le bilan lésionnel se fait, au mieux, par un scanner, en particulier pour les polycriblages et les traumatismes par explosion (si le patient est stable ou stabilisé).
  • Toute plaie par projectile est souillée et impose un parage large et une non-fermeture immédiate.
  • La seule exception au parage est le polycriblage qui nécessite un brossage à la Bétadine sans exciser tous les orifices et en ne parant que les plus gros.
  • La réanimation d’un polyblessé par explosion n’a pas de spécificité. L’otoscopie n’a pas de valeur pour le diagnostic du blast.

Prise en charge médico-psychologique des victimes : points essentiels

  • De présentations diverses, avec un vécu particulier à chacun, la rencontre traumatique, définie comme l’instant fugace et violent d’un péril vital ressenti ou observé chez un tiers, est une rupture dans l’existence d’un sujet et demande une prise en charge « sur mesure ».
  • Le soutien médico-psychologique des blessés psychiques ou des impliqués s’articule en respectant trois temps : des soins immédiats ayant pour objectif de soulager la souffrance psychique éprouvée, des soins post-immédiats consistant en un débriefing médico-psychologique débouchant sur un protocole de prise en charge individuel, enfin, une prise en charge à distance débutant par un bilan des répercussions et visant à diminuer la virulence du syndrome de répétition traumatique.
  • Les procédures de réparation, l’accompagnement des conséquences socio- professionnelles et le soutien à l’entourage occupent une place importante dans le parcours de soins des blessés psychiques.
  • L’accent doit être mis sur la sensibilisation de la population exposée à un événement potentiellement traumatique, la formation des professionnels de santé et la systématisation des modalités de repérage chez les blessés psychiques potentiels. Il s’agit également des modalités de prise en charge globale n’excluant pas certaines techniques au profit d’autres.

« Tout professionnel de santé, confronté de manière inopinée à un attentat, qu’il soit en visite à domicile ou en déplacement privé, est avant tout un acteur différencié avec un rôle important pour initier la prise en charge des victimes. »


Plasma pré-hospitalier dans le choc hémorragique en milieu urbain : quel bénéfice sur la survie ?

Publié le 09/08/2018

En dépit des progrès réalisés dans les transports civils et militaires, la survie des blessés atteints d’hémorragie grave n’a guère changé au cours des dernières années. Les principales causes de décès sont l’hémorragie incontrôlée, la coagulopathie par épuisement des facteurs de coagulation, la fibrinolyse incontrôlable… A la suite de l’expérience militaire en Irak (2003-2005), le traitement de la coagulopathie par le recours précoce au plasma est largement utilisé.

Bien que le plasma soit partie intégrante de la réanimation hémostatique après blessure, le moment exact de son administration demeure controversé. Des études rétrospectives randomisées et contrôlées n’ont démontré aucun avantage sur le plan de la survie, mais avec toutefois un biais important chez les survivants, à savoir que les blessés devaient survivre assez longtemps pour recevoir du plasma.

Au pays des balles perdues, enfin pas perdues pour tout le monde !

Anticipant l’approbation du plasma lyophilisé par la Food and Drug Administration des États-Unis, le département de la Défense des États-Unis a financé des essais de réanimation pré-hospitalière par plasma. L’un d’entre eux, l’essai COMBAT, s’est déroulé aux États-Unis dans le contexte d’un transport terrestre (et non héliporté) rapide en une zone urbaine. Il s’agit d’un essai randomisé, monocentrique réalisé par le Denver Health Medical Center. Les blessés en choc hémorragique (tension artérielle systolique ≤ 70 mm Hg ou 71-90 mm Hg + une fréquence cardiaque ≥ 108 /mn) ont été répartis de façon aléatoire en 2 groupes pour recevoir sur les lieux de la blessure soit du plasma, soit du sérum physiologique (groupe témoin). La randomisation a été réalisée en armant toutes les ambulances avec des glacières scellées.

Lorsque les glacières contenaient deux unités de plasma congelé, elles étaient décongelées dans l’ambulance et la perfusion commençait. Lorsqu’elles contenaient une charge factice de sérum physiologique gelée, cela indiquait une affectation dans le groupe témoin et le sérum physiologique était infusé. Le principal critère d’évaluation a été la mortalité à J28 et les analyses ont été effectuées en intention de traiter.

Du 1er avril 2014 au 31 mars 2017, les ambulanciers paramédicaux (et non des médecins) ont réparti de façon aléatoire 144 blessés en deux groupes sur le terrain. L’analyse en intention de traiter a inclus 125 blessés admissibles dont 65 ont reçu du plasma et 60 du sérum physiologique.

L’âge médian était de 33 ans (IQR de 25 à 47) et le New Injury Severity Score médian était de 27 (10-38). 70 blessés (56 %) ont nécessité des transfusions sanguines dans les six heures suivant la blessure. Groupes et temps de transport médians ont été similaires (groupe plasma : 19 min [IQR de 16 à 23] vs témoin : 16 min [IQR de 14 à 22]).

Les taux de mortalité à J28 on été identiques (15 % dans le groupe plasma vs 10 % dans le groupe témoin, p = 0,37). Dans l’analyse en l’intention de traiter, il n’y a eu aucune différence de fréquence des coagulopathies et de complications autres. En raison de l’absence constante de différences, l’étude a été interrompue pour cause d’inutilité après 144 des 150 inclusions prévues.

Pas de bénéfice en terme de survie : certes, mais…

Cet essai contrôlé randomisé, vraisemblablement le premier du genre a être aussi rigoureux et testant le plasma pré-hospitalier (dans les 30 minutes suivant la blessure, en commençant dans l’ambulance), pour contrôler l’état de choc hémorragique n’a démontré aucune amélioration de la survie lorsque le plasma a été administré dans le contexte bien précis et limité d’un transport terrestre rapide vers un centre de traumatologie urbaine de qualité. Pour autant, les produits sanguins pourraient s’avérer bénéfiques lorsque les délais de transport sont plus longs, mais le fardeau financier n’est actuellement pas justifié dans un environnement urbain où les centres de traumatologie sont situés à courte distance des centres de traumatologie, soulignent toutefois les auteurs. Le court délai de contrôle mécanique de l’hémorragie et la disponibilité immédiate de plasma à l’hôpital pourraient expliquer l’absence d’avantages de cette approche. Ainsi, la survie à J28 d’un blessé en choc hémorragique ne dépend pas uniquement de l’administration ou non de plasma précocement lors de la prise en charge pré-hospitalière, c’est aussi ce que sous-entend cette étude qui n’a pas, en milieu urbain, identifié l’absence de transfusion précoce de plasma comme étant une perte de chance pour le blessé… à condition que le super service des Urgences et de traumatologie ne soit pas trop pas distant du lieu de la blessure de plus de 23 minutes !

Dr Bernard-Alex Gaüzère
 Référence
Moore HB et coll. : Plasma-first resuscitation to treat haemorrhagic shock during emergency ground transportation in an urban area : a randomised trial. Lancet 2018. Le 19 juillet 2018.

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Une équipe du Technion crée une colle pour suturer les blessures graves


Pas de drain pour le pneumothorax, c’est gonflé !

Publié le 12/02/2020

En Angleterre, le taux annuel d’hospitalisation pour pneumothorax spontané chez les personnes de 15 ans ou plus est d’environ 140 par million. Un tiers des pneumothorax sont primitifs, c’est-à-dire sans pneumothorax antérieur connu ni maladie pulmonaire sous-jacente cliniquement apparente. Il est certain que pour les patients en détresse et ceux qui souffrent d’un pneumothorax secondaire (c’est-à-dire avec maladie pulmonaire sous-jacente), une approche interventionnelle est justifiée.

Il existe une grande hétérogénéité dans la prise en charge du pneumothorax primitif spontané, mais le traitement le plus courant est le drainage qui débouche parfois sur une intervention chirurgicale. Il est généralement admis que l’air de l’espace pleural doit être retiré.
Pour ce faire, la British Thoracic Society conseille une aspiration à l’aiguille et, en cas d’échec, le drain thoracique ; alors que les directives de l’American College of Chest Physicians dispensent de l’aiguille et recommandent la mise en place d’emblée d’un drain thoracique. Souvenons-nous qu’avant l’ère des drains thoraciques, l’observation était l’approche standard. Or, l’insertion d’un tube thoracique est souvent douloureuse et peut provoquer des lésions d’organes, des hémorragies et des infections et est synonyme d’hospitalisation pendant plusieurs jours.

 La nature a-t-elle vraiment horreur du vide ?

Alors pourquoi sommes-nous si prompts à intervenir ? D’une part, nous nous inquiétons de la fuite d’air continue et de la redoutable complication du pneumothorax sous tension réellement préoccupante chez les patients sous ventilation en pression positive, mais qui est rarement décrite chez les patients en ventilation spontanée. D’autre part, se pose le problème pratique du suivi des patients en ambulatoire. Enfin, il y a la conviction intime que le problème sera géré plus rapidement et que sa récurrence sera moindre avec un gros tuyau, sur le principe bien connu du tout-à-l’égout versus le principe du primum non nocere. Aucun essai randomisé bien conçu ne permet de trancher entre les approches conservatrice et interventionnelle.

 Un premier essai randomisé pour tenter de trancher

Aussi, nous venant des Antipodes, cet essai ouvert, prospectif et multicentrique est-il le bienvenu. Ont été inclus des patients âgés de 14 à 50 ans présentant un premier pneumothorax spontané primitif connu, unilatéral, de taille moyenne à grande (≥ 32 % à la radiographie thoracique, mesuré par l’équation volumétrique de Collins). Les patients ont été affectés au hasard. Le groupe d’observation comprenait une phase d’observation d’au moins 4 heures au service des Urgences, puis, si les radiographies répétées du thorax ne montraient aucune augmentation de volume du pneumothorax et si les patients n’avaient pas besoin d’oxygène et pouvaient marcher sans difficulté, ils étaient renvoyés à domicile avec des instructions écrites et un traitement analgésique à suivre en ambulatoire. Le groupe « prise en charge interventionnelle immédiate » recevait un cathéter thoracique de type Seldinger immergé dans un bocal d’eau pendant une heure ; si le poumon se « ré expandait » et qu’il n’y avait pas de fuite d’air, le cathéter était clampé pendant 4 heures et, si le poumon restait complètement expendu, le cathéter était retiré et le patient regagnait son domicile. Dans les deux groupes, si le pneumothorax s’aggravait, le patient était hospitalisé pour un drainage pleural conventionnel. Il est à noter que l’approche "interventionnelle" était bien moins interventionnelle que celle couramment pratiquée aux États-Unis. Les patients ont été suivis pendant 12 mois. Le critère de jugement principal était la réexpension pulmonaire au bout de 8 semaines.

 De très bons résultats sans aucun drainage

Au total, 316 patients ont été inclus (154 dans le groupe d’intervention et 162 dans le groupe d’observation). Dans le groupe d’observation, 25 patients (15,4 %) ont dû subir des interventions de gestion du pneumothorax et 137 (84,6 %) n’en ont pas subi. Dans une analyse de cas complète où les toutes les données n’étaient pas disponibles pour 23 patients du groupe d’intervention et pour 37 patients du groupe d’observation, une réexpension en 8 semaines s’est produite chez 129 des 131 patients (98,5 %) du groupe intervention et chez 118 des 125 (94,4 %) patients du groupe observation (différence de risque, -4,1 points de pourcentage ; intervalle de confiance à 95 % IC 95 %, -8,6 à 0,5 ; p = 0,02 pour la non-infériorité).

 Et beaucoup moins de complications…liées au drainage

Toutefois, en raison des problèmes de comptabilisation de tous les patients à 8 semaines, les preuves statistiques sont décrites comme "fragiles", mais la gestion conservatrice a permis d’épargner à 85 % des patients une intervention invasive et a entraîné moins de jours d’hospitalisation ou d’arrêt de travail, des taux de chirurgie plus faibles et un risque moins élevé d’événements indésirables graves ou de récidive de pneumothorax que la gestion interventionnelle.Il s’est avéré, sans surprise, que la plupart des complications provenaient des drains thoraciques eux-mêmes.

 Moins de récidive en l’absence de drainage

Et cerise sur le thorax, le groupe observation a connu moins de récidives de pneumothorax au cours des 12 mois suivants que le groupe intervention. Le drainage thoracique aurait-il entravé la guérison en maintenant béante la brèche pulmonaire, alors que le fait de laisser le poumon se réexpendre lentement de lui-même aurait pu permettre à la brèche de se colmater ?

Dr Bernard-Alex Gaüzère

Référence
Brown SGA, Ball EL, Perrin K et coll. : Conservative versus Interventional Treatment for Spontaneous Pneumothorax. N Engl J Med. 2020 ; 382(5):405-415. doi : 10.1056/NEJMoa1910775.

source : jim.fr


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Acide tranexamique et traumatisme, des résultats hétérogènes

Publié le 18/03/2022

L’acide tranexamique est un médicament aisément disponible et à bas coût, destiné à limiter les hémorragies. Il est notamment utilisé dans les ménorragies et les saignements en cas d’hémophilie mais également en chirurgie cardiaque ou orthopédique et dans la prise en charge des traumatismes. Plusieurs travaux évaluant son efficacité ont été publiés qui rapportent des résultats divers.

V Karl et collaborateurs ont mené une revue systématique et une méta-analyse dans le but de préciser son impact sur la mortalité et l’incidence des événements thrombo-emboliques chez des patients victimes de traumatismes. Pour être éligibles, les patients devaient avoir 15 ans au moins, avoir été admis dans un service d’urgences pour traumatisme et/ou traumatisme crânien et avoir été traités, selon différents protocoles, par acide tranexamique IV. Une comparaison a été menée avec des patients témoins, recevant un placebo ou des médicaments non anti fibrinolytiques. Le critère principal du travail était le taux de mortalité à la 24e heure, puis au 28e -30e jour. Les critères secondaires étaient l’incidence des accidents thrombo-emboliques, tant veineux qu’artériels. Les auteurs ont inclus 6 essais cliniques randomisés et 25 études observationnelles, après recherche bibliographique dans PubMed, Embase et Cochrane Library, depuis 1986 jusqu’ au 23 Mars 2021. Seules avaient été retenues des publications de langue anglaise et allemande.

Une baisse de la mortalité de 17 % à un mois en cas d’administration d’acide tranexamique

Au total de 43 473 patients traumatisés ont été inclus dans la revue systématique, 20 248 ayant bénéficié d’un traitement par acide tranexamique et 23 225 non. Du fait d’une hétérogénéité considérable (I2= 85 %, p < 0,001), il a été impossible d’analyser en commun les résultats portant sur la mortalité à la 24e heure : 21 études rapportaient une baisse de la mortalité immédiate et, à l’opposé, 9 autres faisaient état d’une mortalité plus importante sous acide tranexamique. De fait, le rapport de risques (RR) vairait considérablement de 0,11 (intervalle de confiance à 95 % IC : 0,001- 0,80) à 3,38 (IC : 2,41- 4,74). En revanche on retrouve globalement dans la méta-analyse, à un mois, une baisse de 17 % de la mortalité sous traitement, le RR étant calculé à 0,83 (IC : 0,71- 0,97) avec une hétérogénéité plus faible : I2= 35 % (IC : 0,71- 0,97). Toutefois, une analyse de sensibilité avec exclusion des articles à haut risque de biais, ne confirme pas ce bénéfice de l’utilisation d’acide tranexamique, le RR s’établissant alors à 0,73 (IC : 0,53- 1,00) pour une hétérogénéité acceptable (I2=49 % ; PI : 0,34- 1,55). Concernant la mortalité globale, le RR varie, selon les travaux, entre 0,09 (IC : 0,01- 1,60) et 2,94 (IC : 1,81-4,80).

De façon similaire, il n’a pas été possible de faire une analyse commune de l’incidence des accidents thrombo- emboliques veineux et artériels, le RR variant de 0,14 (IC : 0,01- 2,69) à 24,12 (IC : 1,42- 408,8) ; 12 études ont, de fait, mis en évidence une incidence plus élevée des thromboses sous traitement, 8 autres retrouvant une incidence moindre, enfin 3 dernières aucune variation comparativement à un groupe de contrôle. Une analyse de différents sous-groupes ne modifie pas les résultats globaux.

Pas de conclusion possible sur l’incidence des accidents thrombo-emboliques

Cette revue démontre donc que, de façon globale, l’utilisation d ’acide tranexamique en cas de traumatisme est associé à une baisse de 17 % de la mortalité à un mois, en comparaison avec celle d’un groupe témoin. Une analyse de différents sous-groupes suggère que les polytraumatisés tirent un bénéfice plus grand de ce type de traitement que les traumatisés crâniens, notamment en cas de choc hémorragique ; ces résultats devant toutefois être considérés avec prudence. Du fait d’une forte hétérogénéité, il a été impossible de fournir des résultats concernant la mortalité globale précoce à la 24e heure, ni de précisions sur l’incidence des accidents thrombo-emboliques. Sur ce dernier point, il importe cependant de signaler que des analyses de sensibilité, portant sur des études observationnelles uniquement, ont fait apparaitre que l’administration d’acide tranexamique était associée à une hausse de 31 % des complications thrombo-emboliques. La très forte hétérogénéité constatée dans les publications retenues est la conséquence de plusieurs facteurs mais, plus particulièrement des différences considérables entre les divers sous-groupes de traumatisés et des modalités très variables d’administration du traitement, la recommandation habituelle consistant en l’apport d’un gramme d’acide tranexamique en bolus, suivi de l’administration d’un second gramme en perfusion lente. L’hétérogénéité considérable a pu, également, être liée à l’appréciation diverse des accidents thrombo-emboliques, à la différence de temps passé avant admission en service d’urgences ou encore au pays dans lequel l’étude avait été effectuée. Pour cette raison, tous les résultats doivent être pris avec précaution. De plus, les limites de ce travail tiennent à la prise en compte des seuls articles de langue anglaise ou allemande. Il n’a pas été effectué de recherche dans la littérature grise. De nombreuses publications n’ont apporté aucune précision sur l’état de base et la gravité des traumatisés inclus, ni sur les modalités d’administration de l’acide tranexamique ou les délais de suivi.

En conclusion, cette revue systématique et méta-analyse fait apparaitre que l’usage de l’acide tranexamique est associé à une baisse de 17% de la mortalité globale, à un mois, chez des traumatisés, comparativement à une population témoin. On doit regretter qu’en l’absence de données homogènes, aucune conclusion n’a pu être établie sur l’incidence des manifestations thrombo-emboliques liées à son emploi. A ce jour donc, le recours à l’acide tranexamique en cas de traumatisme nécessite de bien mettre en balance ses avantages et ses risques potentiels.

Dr Pierre Margent
Référence
Karl V et coll. : Association of Tranexamic Acid Administration with Mortality and Thromboembolic Events in Patients with Traumatic Injury. JAMA Netw Open. 2022 ; 5 (3) e : 220625. doi : 10.1001/jamanetworkopen.2022.0625.

Source : jim.fr

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Arnaud BASSEZ

IADE

Administrateur

Enseignant CESU-formateur AFGSU