Société Française des Infirmier(e)s Anesthésistes
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Le MAR m’a tuer
Article mis en ligne le 31 octobre 2006
dernière modification le 6 avril 2022

par Arnaud Bassez

Le 48e congrès de la SFAR vient de s’achever, et cette société savante nous fait la grâce et la bonté d’organiser des journées pour les IADE.

Fort louable au demeurant, cette partie détachée du programme de la SFAR, serait idéalement placée pour valoriser la place du IADE et de son partenariat.
D’ailleurs une commission IADE présidée par un chef de service au CHU de Nancy, le Professeur Meistelman assure la tenue de cette valorisation.

Enfin en principe.

Car à la lecture de l’article sur la responsabilité professionnelle du IADE, écrit par un trio magique, on peut y déceler quelques prémices de peur et de mauvaise foi, qui méritent que l’on s’y attarde, et que l’on propose un traitement.
Donc : livre sur les journées des IADE, 48e congrès national d’anesthésie et réanimation, page 113 et suivantes.

Cela commence fort mal. Voila nos éminents médecins anesthésistes-réanimateurs (MAR) pris en flagrant délit de non "up datage" de leurs données.

En effet, ils en sont encore restés au Décret no 2002-194 du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier, alors que depuis, le Décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux parties IV et V (dispositions réglementaires) du code de la santé publique et modifiant certaines dispositions de ce code, parut dans le J.O n° 183 du 8 août 2004 page 14150 texte n° 5, dit dans son Article 5
A. - Sont abrogés au titre de la partie IV :

[…]

76° Le décret n° 2002-194 du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier.

Tant pis. On ne peut pas toujours avoir raison.

Donc pour information à l’égard de nos têtes pensantes, précisons que dorénavant, c’est le Décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux parties IV et V (dispositions réglementaires) du code de la santé publique, publié au J.O n° 183 du 8 août 2004 page 14150 texte n° 5 du Journal Officiel, et page 37087 du Code de Santé Publique, texte n° 37086, qui régit la profession infirmière et concernant les IADE, l’article R.4311-12.

Le Journal Officiel de ce jour est disponible en bas de l’article.

Pardon pour ce pensum juridique, mais ce n’est pas moi qui aie commencé. Cette phrase digne des meilleures récréations du primaire, s’inscrit pour faire écho au niveau où notre MAR responsable, place la corporation IADE.

Continuons donc notre voyage, brutalement arrêté dès le début de notre lecture, pour déjà buter sur la fameuse pierre d’achoppement qui paralyse nos MAR de France, mais qui laissent insensibles ceux des USA, plus ouverts à la compétence d’autrui manifestement (encore que...) : Les ALR.

Nous touchons là, à une forme de summum de la mauvaise foi et du propos orienté qui mérite décryptage et réaction.

Car nos MAR sont assez frileux et se retranchent derrière des textes que nuls chez les IADE n’avaient contestés…mais quand même :
En cas d’ALR entraînant une complication, « les magistrats seraient d’une sévérité extrême

(Tremblez petits IADE, c’est fait pour ! Mais ce n’est pas une raison pour parler à la place des magistrats pour autant, et ce sans en avoir la qualification...)

à l’égard du IADE et ce, d’autant plus que ce dernier devrait justifier de sa formation spécifique à ces techniques. »

Je ne sais pas vous, mais moi j’ai été formé à ces techniques par des MAR…
Continuons notre navigation entre l’ire et l’ivresse.

« …de plus se pose le problème de l’information du patient lors de sa consultation d’anesthésie et de la loi de 2002 relative aux droits des patients, ces derniers ayant droit à une information claire leur permettant de prendre une décision en toute connaissance de cause, on imagine mal un MAR expliquer au patient que l’anesthésie locorégionale sera réalisée par une autre personne que lui-même, et que cette personne ne serait pas médecin de surcroît. »

En revanche, qu’un interne pique une péridurale pour la première fois, ou qu’un externe fasse une rachi anesthésie pour la première fois, ne semble pas poser le moindre problème de conscience à notre trio.

Quant à dire à notre patient, qu’une autre personne, même pas médecin de surcroît, pourra être en charge de l’intégralité de son anesthésie générale, il semble que le propos se perde dans les limbes d’un oubli bienvenu.

Continuons la démonstration de mauvaise foi.

« Concernant les gestes techniques dont nous avons abordés la problématique, leur réalisation suppose leur apprentissage, leur parfaite maîtrise et leur caractère non occasionnel afin de ne faire courir aucun risque au patient…l’annexe II de l’arrêté du 17 janvier 2002 relatif à la formation conduisant au DE de IADE fournit la liste des gestes présentés lors des enseignements dirigés et pratiques. Il faut bien garder à l’esprit que ce qui est enseigné à l’école d’IADE dans le domaine de l’ALR ou des voies veineuses centrales correspond aux principes de mise en place, de surveillance et de gestion des complications, plutôt que la réalisation pratique de ses différentes techniques. »

Soit, mais comme pour les internes, la pratique ne s’apprend que sur le terrain. Ils reçoivent une formation théorique, qui aura son corollaire en pratique, auprès du patient.
Celui-ci pas toujours au courant selon l’éthique médicale évoquée, devra supporter d’être piqué par un interne pas formé à la pratique d’un cathéter central, puisqu’il faut bien débuter un jour. Mais il faut dire, que l’anesthésie générale, aide à obtenir le consentement « éclairé » très facilement.

Poursuivons.

« …La gestion d’une intubation difficile par fibroscopie ou la mise en place d’une voie veineuse centrale seraient très probablement considérées comme hors du champ de compétence (du IADE) ne serait-ce que parce qu’elle nécessite de solides connaissances en anatomie que ne possède pas l’IADE ».

Les livres d’anatomie doivent-ils nous rester étrangers ? Ne sommes nous pas capables de discerner un muscle d’un vaisseau ? Les voies de Boulanger ou de Daily sont-elles inaccessibles à toutes formes de compréhension de la galaxie IADE ?

De plus, la filière pharyngée que nous pratiquons au quotidien, entre intubation nasale, masque laryngé, intubation traditionnelle, guedel, copa, et ventilation manuelle, disparaît devant une évidente incompétence de connaissances. Adieu donc Cormack-Lehane, Mallampati.
Prière de demander aux autorités compétentes en la matière. Nous sommes certainement des machines à intuber, à n’en plus douter.

Nous noterons toutefois le conditionnel préalable. seraient très probablement considérées Si on n’a pas plus de certitude, il vaut mieux s’abstenir. Et encore une fois ne pas s’autoriser à parler à la place du législateur ou de l’homme de Loi.

Nous glisserons sur le passage évoquant le stagiaire infirmier anesthésiste. Car en se retranchant derrière le périmé article 10 du Décret 2002-194, les auteurs travestissent quelque peu la vérité en déclarant « que l’élève doit être obligatoirement en présence d’un IADE ou d’un MAR, pour participer aux activités d’anesthésie réanimation. »
Alors que le décret dit « L’infirmier en cours de formation préparant à ce diplôme peut participer à ces activités en présence d’un infirmier anesthésiste diplômé d’État. »

Il n’est pas fait mention du MAR, ce qui officialise la responsabilité et le rôle incontournable du IADE dans l’encadrement des stagiaires, où le MAR n’a pas une place prévue par le législateur, ce que confirme d’ailleurs l’Article R. 4311-13 du Décret qui nous régit actuellement.

 Donc oui messieurs, les IADE sont vos collaborateurs exclusifs. (Le Décret l’atteste)
 Oui ils ne sont pas médecins. (L’a-t-on déjà nié ?)
 Oui nous n’avons pas le droit de prescrire (qui s’en plaint ?)

Mais oui aussi, nous avons une formation qui nous assure une qualité dont vous vous réjouissez très souvent de pouvoir vous reposer dessus, afin de vaquer à d’autres occupations, certainement scientifiques, en dehors des lieux où votre présence est pourtant requise, comme l’exigent les textes législatifs.

Oui nous avons le pouvoir, et le devoir de nous informer, de nous former à toute évolution dans notre pratique professionnelle.
Mais, si ceux qui nous forment, veulent, par peur d’être un jour remis en cause par la baisse inéluctable d’une démographie médicale, mettre un frein ridicule à la connaissance qui participe à la qualité des soins et de la prise en charge des patients, ceux là devront en rendre compte quand les prestations globales seront à la baisse.


ps : Les décrets du 11/02/2002 et du 16/02/1993 ont été codifié par le décret 2004-820 du 29 juillet 2004 aux articles R .4311-1 à R.4311-15 et R.4312-1 à R.4312-49 au code de la santé publique.

Le décret du 5/12/1994 a été également codifié par le décret 2005- 840 du 20 juillet 2005 aux articles D.6124-91 à D.6124-103 du code de la santé publique.

Merci à Pierre Lemaire pour cette précision utile.
Vous pouvez consulter son mémoire de DIU droit médical ici

  • Pour les soupçonneux de l’accord du titre, je les renvoie ici

Arnaud BASSEZ

IADE

Administrateur

Formateur AFGSU


NB : la "guerre" que semble vouloir se livrer les médecins anesthésistes et les infirmier(e)s anesthésistes américains, atteint son apogée lors de cette "étude" publiée sur anesthesiology, bible auto proclamée par les MAR des USA, et publiée en juillet 2000.

Menée par l’université de Pennsylvanie, cette étude a comparé les cas où l’anesthésie est menée par un médecin, versus un(e) infirmier(e) anesthésiste.

Il y aurait 25 décès "excessifs" pour 10 000 cas, quand un médecin anesthésiste n’est pas là, ou directement impliqué dans la prise en charge du patient, et que le IADE américain agit sous la responsabilité d’un "non anesthésiste".

Une étude, publiée dans le journal des IADE américains (AANA), montrait qu’il y avait 38 décès pour 10 000 cas, que l’acte d’anesthésie soit délivré par un MAR ou un IADE.

Mais le chiffre monte à 45 pour 10 000 quand l’acte d’anesthésie est délivré par le IADE supervisé par un médecin non anesthésiste.

Cette étude est disponible dans le document PDF ci-joint.


Documents
Glissement de tâches en anesthésie définitions et limites 84 kio / PDF

JO du 8 août 2004 2.7 Mio / PDF

nurse anesthetist scope (en anglais) 258.1 kio / PDF