
Communiqué sur la Proposition de Loi n°654

« Tant que les lapins n’auront pas d’historiens, l’histoire sera racontée par les chasseurs »
(Zinn cité par Nadot, La discipline infirmière, 2020, P.5).
En préambule, la SOFIA tient à remercier Madame la Députée Dubré-Chirat pour ce temps d’échange offert à l’occasion de l’audition pour l’examen de la proposition de loi sur la profession d’infirmier (n° 654), tenue à l’Assemblée nationale, en date du 26 février 2025.
Nous tenons également à souligner la qualité des interactions établies par l’ensemble des représentants des Infirmiers Anesthésistes Diplômés d’État (IADE) présents, inscrits dans une synergie commune, dans l’intention de veiller à porter les valeurs, les besoins et les intentions de notre profession.
L’exercice de la SOFIA s’attache à transmettre et expliciter chaque intervention pour laquelle elle est sollicitée, afin de développer et d’adjoindre les argumentaires en lien.
L’intention portée par ce projet de loi, tel qu’explicitée par Mme la Députée, rapporteuse de la commission des Affaires Sociales de l’Assemblée nationale, semble vouloir inscrire l’exercice de certains IADE, formés à « la pratique avancée » au-delà de leur cursus spécifique de spécialité, dans une évolution et une reconnaissance idoine.
Si nous soulignons l’attention évoquée, nous nous devons de faire remarquer que ce cas de figure ne concerne qu’un seul IADE répertorié en France, pour un parcours singulier au-delà des exercices attendus, qui, s’il peut susciter un intérêt certain pour des développements identifiés, peut difficilement être acté comme le modèle d’évolutivité de référence souhaité par la profession.
Cette intention démontre malgré tout l’intérêt effectif pour les déterminants des sept compétences de la pratique avancée, qu’il convient de rappeler.
Que ce soit au niveau national ou à l’international, sept compétences sont identifiées :
● Les soins cliniques directs adossés à un raisonnement propre aux sciences infirmières et une approche biomédicale
● La prise de décisions éthiques
● La collaboration en lien avec reconnaissance d’une autonomie
● La recherche
● Le leadership
● L’expertise/conseil
● La consultation également en lien avec des activités de prescription.
L’application de ces compétences est bien évidemment propre à l’exercice mixte clinicien et praticien, développé dans le modèle de pratique avancée français.
Les représentants présents se sont donc attachés à clarifier l’effectivité de ces compétences, pour permettre de mettre en lumière notre savoir-faire aux prises de décisions complexes, dans une approche holistique au travers de nos référentiels de formation et de compétences, ou dans l’exercice « officieux » relevé et souligné dans le rapport IGAS « Concertation sur la pratique avancée infirmière », dans le cadre la mission d’évaluation effectuée par MM. Debeaupuis et Blemont, publié en janvier 2023.
Ces ajustements de reconnaissance ont été proposés dans les conclusions de ce rapport, mais demeurent sans suite à ce jour.
Il semble pourtant difficile de ne pas reconnaître l’expertise ou l’impartialité des personnes nommées.
La SOFIA, ainsi que l’ensemble des représentants présents ont donc reconduit, à l’occasion de ces échanges, la nécessité d’appliquer les recommandations définies dans ce rapport.
En regard de notre analyse conjointe, il fut nécessaire d’appréhender le positionnement médical de spécialité et le lobbying effectif de leurs représentants, dans un contexte de besoins de santé identifiés mais non satisfaits par ces seuls acteurs.
Ces éléments ont également bénéficié d’une évaluation dans le cadre de la mission de concertation et demeurent consultables.
La SOFIA ne peut qu’inviter la profession à faire valoir cette reconnaissance.
Elle s’est attachée à rappeler que l’exercice IADE était invisibilisé et retranscrit sous la seule perspective d’un exercice médical.
La Sofia a mis en exergue l’absence de mention de l’exercice effectif de notre profession dans les comptes rendus opératoires et l’absence de cotations spécifiques propres aux IADE.
« Exister » c’est assimiler et faire reconnaître notre exercice pour le valoriser.
Cela ne fait que retranscrire la notion de leadership, sur laquelle il nous faut veiller.
Au-delà de ces déterminants, si les parcours d’un exercice en pratique avancée dans les domaines de l’anesthésie, de la réanimation, des soins d’urgence et de l’algologie ne sont pas identifiés et reconnus, tout exercice de pratique avancée dans ces domaines ne peut être proposé et il devient impossible d’envisager quelque passerelle que ce soit.
En conséquence, ce projet de loi semble devenir inapplicable en l’état.
Pour poursuivre cette démarche et afin de tenter de clarifier les points d’achoppement, il faut nécessairement établir la distinction entre l’exercice EN pratique avancée (IPA) et celui De pratique avancée, promulgué par notre profession IADE.
C’est en fait le principal écueil relevé.
Il consiste simplement dans la définition législative de l’exercice De pratique avancée attendu par les IADE, versus l’exercice EN pratique avancée IPA.
Bien que martelé, il ne semble pas audible alors qu’il est la clef de voûte.
Pour ce faire, nul besoin d’opposer les deux professions IADE et IPA et d’attiser les frustrations. Chacun à sa place dans notre système de santé et la complémentarité est de mise. Le premier chapitre démontre d’ailleurs la similarité de compétences développées, le socle commun infirmier et l’exercice en lien au travers des sciences infirmières, conjoint à une approche biomédicale au-delà de l’exercice socle.
Les domaines de compétences créent simplement cette subdivision.
Malgré tout, chacun s’accorde à exprimer que la porte d’entrée législative n’a pas été pensée pour instruire d’autre schéma, que le modèle IPA promulgué et identifié alors comme seul référencement possible.
Si ce modèle clarifie les compétences nécessaires, les modalités de cursus et les domaines de compétences se voient ainsi imposés, alors qu’ils ne permettent pas de maintenir les spécificités de notre exercice, de notre formation reconnue pour sa rigueur et son efficience, ni même la préservation de notre polyvalence tant mis en valeur lors de la crise covid et reconduit dans les propos de Mme la Députée.
Pour autant, il ne faut pas être dupe de certains raisonnements que nous pourrions qualifier de partisans ou corporatistes, qui tendent à mettre en avant l’absence de compétences en matière de prescription ou de consultation, voire même que l’autonomie des IADE ne serait que prétention alors que la démonstration est là encore, établie et relevée par nos tutelles, dans ce même rapport IGAS.
L’analogie avec cette expression « la poule fait l’œuf ou l’œuf fait la poule » ne peut que produire une certaine résonance !
Pourquoi occulter le fait que le Répertoire National des Certifications Professionnelles classe le DEIA au niveau 7 de qualifications (Code NSF 331t : Diagnostic, prescription, application des soins) ?
D’un côté, on oppose aux IADE de ne pas disposer de ces compétences et de l’autre on leur refuse d’intégrer officiellement ce niveau de prérogatives pour l’adosser à leurs référentiels, alors que l’ensemble de ces notions a été clarifié, par la mission d’évaluation diligentée par nos tutelles, à MM. Debeaupuis et Blémont.
Nous ne pouvons que relever cette dichotomie.
Pour autre rappel et éclaircissement, la SOFIA avait dessiné les ajustements possibles pour ne pas dire nécessaires, aux développements généraux de la pratique avancée, à savoir les limites des protocoles de coopérations, le développement de la dimension praticienne au travers de la primo-prescription et du premier recours en y adossant le principe de subsidiarité.
La SOFIA a également proposé un document d’analyse des différentes auditions menées, afin d’établir diverses hypothèses de parcours complexes possibles, dans une approche holistique, dans les quatre domaines de compétences propres aux IADE, pour l’adresser aux tutelles requérantes.
S’il appartient à notre profession d’identifier les parcours et les développements en lien avec la reconnaissance de notre exercice DE pratique avancée en invitant chaque IADE à s’exprimer ou à partager son exercice singulier, il convient nécessairement que nos élus apportent cette reconnaissance législative, en appliquant les recommandations issues des évaluations établies de manière indépendante, dans le rapport IGAS publié en 2023.
Bien évidemment, cette démarche nécessite le courage politique utile et nécessaire et il appartient désormais à nos décideurs, d’en faire ou non la démonstration attendue.
À notre profession d’en évaluer le bien-fondé et à notre représentation nationale d’en apprécier la pertinence et l’efficience.

Le bureau de la SOFIA