Société Française des Infirmier(e)s Anesthésistes
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Les différents territoires de l’infarctus
Article mis en ligne le 5 novembre 2006
dernière modification le 8 avril 2016

par Arnaud Bassez
les territoires de l’ idm

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Troponines cardiaques élevées sans IDM : quelle signification pronostique ?

Publié le 04/04/2016

En peu de temps, les troponines cardiaques sont devenues le biomarqueur de prédilection dans la détection de la nécrose myocardique et le diagnostic positif de l’infarctus du myocarde (IDM). L’extrême sensibilité des méthodes de dosage actuelles est en grande partie à l’origine de cette notoriété, mais de nombreuses études cliniques ont été nécessaires pour définir les intervalles de normalité qui varient selon la technique, d’une part, les seuils de positivité, d’autre part. Il faut cependant souligner que les méthodes couramment utilisées ne sont pas spécifiques de la nécrose d’origine ischémique. De ce fait, l’élévation des taux plasmatiques de troponines cardiaques ne permet pas de conclure formellement à un IDM, d’autres arguments cliniques, ECG et biologiques devant intervenir pour l’étayer.

A elle seule, cette anomalie biologique signe seulement l’existence de lésions myocardiques pouvant aboutir in fine à la mort des cardiomyocytes, mais, en l’absence d’ischémie évidente ou prouvée, le diagnostic étiologique n’est pas pour autant assuré. Dans ce cas de figure qui n’est pas exceptionnel, d’autres circonstances cliniques favorisantes ou causales doivent être impérativement recherchées, car le pronostic cardiaque a tout lieu d’être engagé, comme le suggèrent les résultats d’une étude de cohorte prospective, réalisée en 2010 et 2011, dans laquelle ont été inclus 3 762 patients. Dans tous les cas, un dosage de l’isoforme I de troponine cardiaque (TnIc) a été systématiquement pratiqué face à une situation clinique d’urgence qui a débouché sur une hospitalisation.

L’IDM aigu était diagnostiqué face à des taux de TnIc > 30 ng/l, dans un contexte d’ischémie myocardique évolutive. En l’absence de manifestations ischémiques aiguës orientant vers l’IDM, le diagnostic retenu face aux mêmes valeurs de la TnIc était celui de lésions myocardiques non spécifiques, rencontrées dans diverses situations pathologiques, qu’il s’agisse, à titre d’exemples, d’une embolie pulmonaire, d’un état de choc, des suites d’un arrêt circulatoire ou d’un traumatisme thoracique, cette liste étant loin d’être exhaustive. En cas de pic plasmatique de TnIc ≤ 30 ng/l, l’élévation du biomarqueur était jugée non significative, ce qui a permis de constituer un groupe témoin. Le suivi a été de trois années, le seul critère d’évaluation étant la mortalité globale.

Mortalité plus élevée en cas de lésions myocardiques

Un IDM aigu a été ainsi diagnostiqué chez 488 participants (13 %), versus 1 089 (29 %) pour ce qui est des lésions myocardiques, le groupe témoin étant majoritaire (n = 2185 ; 58 %). Les patients atteints de lésions myocardiques d’origine non ischémique étaient plus souvent dyspnéiques et plus âgés, en outre plus exposés aux comorbidités, si on les compare à ceux des deux autres groupes. Au terme du suivi d’une durée médiane de 3,2 années, 1 342 participants sont décédés. La comparaison intergroupe a révélé que la mortalité était significativement plus élevée (test du log-rank, p<0,0001) en cas de lésions myocardiques (59 %), versus 39 % dans le groupe IDM et 23 % chez les témoins. La mortalité s’est avérée similaire en cas d’IDM de type 2 (nécrose myocardique due à un déséquilibre en oxygène entre les apports et les demandes résultant d’une condition autre qu’une maladie coronaire sous-jacente : dysfonction endothéliale, spasme, embolie coronaire, anémie, tachycardie, bradycardie, arythmie, insuffisance respiratoire, hypotension, et hypertension avec ou sans hypertrophie ventriculaire gauche…) et de lésions myocardiques (63 % vs 59 %, NS).

L’absence d’IDM, en cas d’élévation significative des taux de TnCi est loin d’être exceptionnelle, puisque, dans cette cohorte, elle concerne près d’un patient sur trois. Cette éventualité qui correspond à des lésions myocardiques non spécifiques s’observe chez des sujets plus âgés et atteints de comorbidité qui vont influer sur le pronostic, bien plus péjoratif qu’en l’absence d’élévation des taux de TnCi. La pathologie sous-jacente qui n’est pas toujours facile à identifier semble hypothéquer gravement la survie. Ainsi, la mortalité globale à long terme, dans ce cas de figure, rejoint celle des patients atteints d’un IDM de type 2.

Dr Philippe Tellier

RÉFÉRENCE
Sarkisian L et coll. Clinical Characteristics and Outcomes of Patients with Myocardial Infarction, Myocardial Injury, and Non elevated Troponins. Am J Med 2016 ; 129 : 446.e5-446.e21.

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L’infarctus du myocarde, une complication pas si rare des sepsis

Publié le 24/03/2016

Le sepsis favorise-t-il la survenue d’un infarctus du myocarde (IDM) ? Cette question n’est pas sans intérêt dans la mesure où l’incidence, le traitement, et l’évolution d’un IDM dans ce contexte n’a pas été étudié.

C’est pour tenter d’y répondre que Smilowitz et coll. ont analysé les données issues d’une base nationale (National Inpatient Sample) portant sur des patients ayant présenté un sepsis entre 2002 et 2011 et évalué l’incidence de l’IDM dans cette population. Le critère principal est la mortalité hospitalière de toute cause.

Un peu plus de 4 % de patients concernés

L’étude a ainsi porté sur un total de 2 602 854 patients avec sepsis. Un IDM a été reconnu chez 118 183 d’entre eux (4,5 %) ; il s’agissait surtout (71,4 %) d’IDM sans sus-décalage du segment ST.

La mortalité hospitalière était plus élevée chez les patients qui avaient un sepsis et un IDM que chez ceux qui avaient seulement un sepsis (35,8 % vs 16,8 % ; p < 0,0001 ; odds ratio [OR] ajusté 1,24 ; intervalle de confiance [IC] 95 % [1,22 à 1,26]).

Parmi les patients qui avaient fait un IDM, 11 899 (10,1 %) ont bénéficié d’une stratégie invasive de traitement ; un peu plus d’un tiers (4 668 soit 39,2 %) ont eu une revascularisation. Une procédure interventionnelle coronaire percutanée (PCI) a été réalisée chez 3 413 patients (73,1 %), un pontage aorto-coronaire (PAC) chez 1 165 (25,0 %), et l’association d’une PCI et d’un PAC chez 90 patients (1,9 %).

Mortalité plus faible en cas de prise en charge « agressive »

Après appariement, les patients dont l’IDM avait été traité de façon invasive avaient une mortalité hospitalière significativement plus faible que ceux dont l’IDM avait été traité par une stratégie conservatrice (19,0 % vs 33,4 % ; p < 0,001 ; OR 0,47 ; IC 95 % [0,44 à 0,50]) et cela s’est retrouvé dans tous les sous-groupes de patients étudiés.

En conclusion, l’infarctus du myocarde n’est pas une complication si rare des états de sepsis ; il augmente significativement la mortalité hospitalière et sa prise en charge invasive s’accompagne d’une moindre mortalité qu’une prise en charge conservatrice.

Dr Robert Haïat

RÉFÉRENCE

Smilowitz NR et coll. : Comparison of Outcomes of Patients With Sepsis With Versus Without Acute Myocardial Infarction and Comparison of Invasive Versus Noninvasive Management of the Patients With Infarction. Am J Cardiol., 2016 ; 117 : 1065-1071.

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