Société Française des Infirmier(e)s Anesthésistes
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Souffrance des soignants : nouvel appel à briser l’omerta

L’année 2016 aura été marquée par une prise de parole quasiment inédite autour de la souffrance psychique des soignants, leur épuisement et leur vulnérabilité. Certes, le taux de suicides des médecins parmi les plus élevés de toutes les catégories professionnelles a souvent été commenté : on se souvient comment l’Union française pour une médecine libre avait déjà mis en scène il y a quelques années la proportion importante d’autolyse parmi les libéraux. L’inexistant suivi des médecins et au-delà de l’ensemble des professionnels de santé, qui souvent "échappent" à toute médecine du travail a également été fréquemment noté.

Cependant, jamais autant qu’en 2016, les appels à une libération de la parole n’ont été aussi nombreux et aussi larges. Ils ne concernent en effet plus seulement une catégorie de professionnels ou un unique secteur mais l’ensemble du monde de la santé. Par ailleurs, on ne se focalise plus tant sur les défauts de dépistage et de prise en charge ou sur les risques de l’auto-traitement mais plus certainement sur les causes de ce mal être grandissant.

La rupture de confiance entre les différentes autorités (gouvernementales, administratives, institutionnelles) et de nombreux soignants ont favorisé le déliement des langues. Ainsi que plusieurs drames et notamment le suicide en décembre 2015 du professeur Jean-Louis Megnien.

Témoigner et dénoncer

La réunion organisée hier par l’Union française pour une médecine libre (UFML Synergie) à l’Hôtel Dieu de Paris s’inscrivait dans cette dimension ayant pour objectif de démontrer comment tant le secteur hospitalier que libéral étaient également touchés par le désarroi, la souffrance et une forme de maltraitance institutionnelle. Plusieurs médecins, infirmiers, kinésithérapeutes, souvent issus de formations syndicales, ont été invités à témoigner de leur propre expérience. Si les discussions ont pu paraître un peu désordonnées (et ont été perturbées par le courroux manifesté par le directeur de l’Hôtel Dieu goûtant peu d’accueillir une telle réunion en son sein), l’objectif premier est apparu clairement : dénoncer et appeler un grand nombre de professionnels à faire de même. « Ce type de conférence est fait pour alerter, pour mettre au courant sur la réalité » a ainsi martelé Jérôme Marty, patron de l’UFML.

Des obligations administratives ubuesques

Au-delà de la diversité des situations, les discours permettent de repérer un symptôme commun : le sentiment d’une perte de sens. « On constate tous une perte de sens, les soignants sont confinés à un rôle d’ouvriers spécialisés, avec des administrateurs qui prennent des décisions à notre place », confie ainsi au Quotidien du Médecin le Dr Gérald Kierzek, urgentiste parisien. Cette sensation s’installe notamment à la faveur de la polyvalence imposée dans de nombreux établissements : elle empêche d’inscrire son travail dans la durée et elle expose à des situations inconnues qui favorisent la crainte de l’erreur et l’angoisse. A cette polyvalence s’ajoute la multiplication de diktats tant à l’hôpital qu’en ville, l’obligation de se plier à des impératifs administratifs qui parfois frisent l’absurde.

Mais lorsqu’il s’agit pour les soignants de se préserver, les directions se montrent alors bien moins tatillonnes sur le respect de certaines règles. « La semaine dernière, j’ai rempli une feuille d’incident car nous n’étions pas en nombre suffisant pour nous occuper des patients : on m’a dit que ça ne servait à rien. Alors que c’est dangereux ! » relatait dans la presse locale récemment une infirmière du CHU de Tours qui a observé une grève pour protester contre la désorganisation constante du travail.

2017 en ligne de mire

Face à cette situation, les professionnels de santé sont appelés à reprendre le pouvoir. Jérôme Marty défend l’idée d’un système de santé qui donne aux soignants un véritable rôle dans l’organisation des soins à tous les niveaux : qu’il s’agisse des Agences régionales de santé ou des hôpitaux. Au cœur de la campagne électorale, cette invitation doit également résonner d’une manière particulière en choisissant avec soin la nouvelle équipe de dirigeants.

Aurélie Haroche jim.fr


Un étudiant en médecine sur deux est victime de burn-out avant l’internat

Publié le 28/11/2018

Les études concernant la santé psychologique des étudiants en médecine se suivent et, malheureusement, se ressemblent. La dernière en date parue dans la revue European Psychiatry datée de janvier 2019 est l’œuvre d’une équipe franco-canadienne qui a procédé à une méta-analyse de 24 publications scientifiques réalisées dans 16 pays entre 2010 et 2017, soit une cohorte totale de plus de 17 000 étudiants n’ayant pas encore intégré l’internat. Après avoir noté que la prévalence du burn-out chez cette population variait significativement d’une étude à l’autre, les cinq auteurs, chercheurs et psychiatres, ont donc eu pour objectif de dégager une prévalence de ce syndrome au niveau mondial.

S’ils s’attendaient à trouver une prévalence significativement élevée, les auteurs ont tout de même admis avoir été surpris par l’ampleur du phénomène. Ils ont en effet dû estimer que plus de 44 % de carabins inclus dans l’analyse avaient souffert d’épuisement professionnel durant leurs années d’études précédant l’internat. Ils ont également exploré les trois dimensions du burn-out et ont découvert des prévalences de 40,8 % pour l’épuisement émotionnel, de 35,1 % pour la dépersonnalisation et de 27,4 % pour l’amoindrissement de l’accomplissement personnel. Aucune différence significative n’a été notée entre les hommes et les femmes, alors qu’apparaissent certaines inégalités géographiques matérialisées par une prévalence plus importante du syndrome dans les cohortes étudiées en Océanie et au Moyen-Orient.

Déjà au siècle dernier…

Après avoir rappelé en introduction de leur publication qu’en 1903, un éditorial du Journal of the American Medical Association (JAMA) alertait déjà sur le taux de suicide des médecins aux États-Unis qui dépassait de beaucoup la prévalence au sein de la population générale, les auteurs concluent que destigmatisation de la détresse psychologique, promotion de la prévention et reconnaissance des symptômes sont des « facteurs cruciaux pour encourager les étudiants à trouver de l’aide ». Selon eux, la mise en place « de procédés de repérage et d’intervention auprès de ces étudiants en souffrance devrait être considérée comme un moyen de prévenir le développement de futurs troubles psychiatriques ». Par ailleurs, ils estiment qu’ « améliorer le bien-être des étudiants en médecine représente également une nécessité pour pouvoir dispenser de meilleurs soins aux patients ».

Benoît Thelliez

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Violences et burn-out : les soignants face à tous les dangers

Publié le 21/11/2022

Deux sondages menées par le collectif Santé en danger démontrent l’ampleur des souffrances endurées par les soignants.

Créé en juillet 2020 par le Dr Arnaud Chiche pour dénoncer les insuffisances des accords de Ségur pris à la sortie du premier confinement, le collectif Santé en danger, qui regroupe professionnels de santé mais également syndicalistes, présidents d’associations et hommes politiques, met en avant depuis deux ans les grandes difficultés du personnel soignant. A travers deux enquêtes menées début septembre auprès de ses membres et dont les résultats viennent d’être publiés, le collectif souligne encore un peu plus la situation de détresse que connaitraient de nombreux professionnels de santé.

Le premier sondage concerne la souffrance au travail et l’épuisement professionnel (ou burn-out) et les résultats sont édifiants : 98,4 % des répondants affirment rencontrer des difficultés sources de souffrance. Surtout, 77,9 % des professionnels de santé interrogés disent avoir été diagnostiqués comme souffrant d’un burn-out, dont 34 % ont dû bénéficier d’un arrêt de travail et 12,8 % ont finalement changer de voie professionnelle. Des chiffres qui s’aggravent par rapport à un sondage identique réalisé par le même collectif en janvier 2021. Ils sont ainsi 71,3 % à envisager une reconversion professionnelle, contre 67,1 % en 2021.

98 % des soignants victime de « violences » !

24 % des professionnels de santé ayant répondu à l’enquête disent être suivi par un médecin pour gérer leur stress et leur anxiété professionnel et 16,6 % prennent un traitement, 8,8 % ressentent des idées suicidaires. La santé mentale des soignants ne semble pas en voie d’amélioration, puisque 98,2 % des répondants estiment que leur souffrance au travail a augmenté ces deux dernières années et ce malgré la fin de la crise sanitaire.

L’autre enquête menée par le collectif Soignants en danger révèle des résultats encore plus inquiétants, puisqu’il en découle que 97,6 % ont été victimes de violences. Certes, la définition de violences retenue par les auteurs du sondage est très large, puisqu’elle comprend les simples provocations. Mais même en s’en tenant à une conception plus stricte, les données sont éloquentes : 59,5 % des soignants indiquent avoir été insultés par des patients et 16,1 % menacés de mort.

La violence peut également venir de l’intérieur même de l’hôpital, puisque 4,4 % des répondants ont été victimes de violences physiques de la part d’un collègue. Fort heureusement, les faits graves sont rares : seulement 0,8 % des personnes interrogées ont subi une violence avec arme et 0,7 % une agression sexuelle.

Emmanuel Macron reconnait les lacunes du Ségur

Notons tout de même que ces deux enquêtes présentent quelques biais qui conduisent à prendre ces résultats avec précaution. Tout d’abord, les répondants ne sont pas parfaitement représentatifs du personnel soignant, puisque plus de 90 % sont des femmes et plus de 50 % des infirmières. De plus, on peut supposer que les soignants victimes de violence ou de burn-out sont plus enclins d’adhérer au collectif et donc de répondre à ces sondages. Il n’empêche que ces enquêtes montrent à tout le moins que les soignants sont sujets à de nombreuses causes de stress et d’anxiété.

Dans le sillage de ces deux enquêtes, le collectif Santé en danger a adressé une lettre ouverte à Emmanuel Macron, Elisabeth Borne et François Braun pour leur demander de leur « redonner confiance et envie de continuer notre métier » et de « transformer toute l’offre de soins ». Plusieurs pistes y sont évoquées pour améliorer les conditions de travail des soignants, tels que l’intégration des primes dans le salaire de base, la réforme de la gouvernance des hôpitaux ou encore la revalorisation des consultations pour les médecins de ville.

Lors d’une interview télévisée le 26 octobre dernier, le Président de la République avait d’ailleurs reconnu que « les conditions de travail à l’hôpital n’avaient pas assez changé malgré le Ségur ». Tout le monde semble donc d’accord sur le constat d’une crise systémique de l’hôpital public et de conditions de travail éprouvantes.

Reste à se mettre d’accord sur les solutions.

Grégoire Griffard
jim.fr