Re: Articles sur la santé
Posté : sam. mars 23, 2024 12:51 pm
Véran s’échappe en médecine esthétique : de quoi est-ce le symptôme ?
Aurélie Haroche | 22 Mars 2024
Jim.fr
Cela aurait sans doute dû être une des informations phares de la semaine et cela l’a d’ailleurs été sur le JIM. Selon une étude publiée par le Lancet Neurology, les pathologies neurologiques sont désormais les premières causes de morbidité, de handicap et de décès prématuré (devant les maladies cardiovasculaires notamment). Le vieillissement de la population et l’absence de traitements efficaces pour les pathologies neurologiques les plus fréquentes ne devraient que conforter cette situation dans les années à venir. Face à ce défi, la France est-elle suffisamment armée pour parler en terme martial présidentiel ? Sans doute pas.
Depuis plusieurs années, les spécialistes se mobilisent. Ainsi, en novembre 2021, les chefs de service de neurologie alertaient dans une tribune publiée dans le Monde : 30 % des lits en Unité neurovasculaire (UNV) étaient fermés faute de personnel suffisant (50 % des postes d’infirmiers étaient vacants). Depuis, un rapport de l’Académie de médecine a renchéri. Ces alertes n’ont cependant pas encore permis une amélioration de la situation, dans les UNV en particulier et en neurologie en général. « Le délai moyen de rendez-vous est de six mois », relève par exemple aujourd’hui Farid Yekhlef, président du Syndicat national des neurologues.
Argumentation de toute beauté !
Face aux enjeux, on comprend que toutes les nouvelles recrues sont sans doute considérées comme les bienvenues. Mais il ne faudra pas compter sur un certain Dr Olivier Véran. Pourtant neurologue au CHU de Grenoble jusqu’en février 2020, le praticien, dont l’activité extra-médicale s’est récemment allégée (à la suite d’une décision jupitérienne) ne rejoindra pas ses confrères neurologues. Il vient de confirmer, notamment au Figaro, qu’il avait choisi de se lancer dans la médecine esthétique. Il semble que l’ancien ministre de la Santé, parfois surnommé « Monsieur Covid », tant il fût incontournable au début de la pandémie, ait considéré qu’une remise à niveau en neurologie soit plus complexe et plus chronophage que de s’initier à la médecine esthétique. Et s’il redoute que sa relation avec ses patients atteints de troubles neurologiques pourrait pâtir de son ancien statut de ministre, il semble préjuger que ce ne sera pas (autant ?) le cas avec ceux pour qui il a l’ambition de « réparer » des ans l’irréparable outrage.
Combien de temps d’attente pour une injection de Botox ?
Bien sûr, cette annonce a entraîné une avalanche de réactions sur les réseaux sociaux publics et privés. Les médecins et les professionnels de santé ou encore les représentants de syndicats ont été très nombreux à jaser de cette reconversion, les critiques et les moqueries étant également partagées. Parmi les nombreuses piques adressées à l’ancien ministre, on pourrait par exemple retenir le message du Dr Jean-Jacques Fraslin, qui commentant l’image de créneaux de rendez-vous en médecine esthétique propose un dialogue imaginaire : « Tweet pour Olivier Véran : Docteur, j’ai réussi à avoir un premier rendez-vous chez le neurologue dans six mois. Vous pouvez faire quelque chose pour moi ? Non mais pour une injection de Botox, vous trouverez un RDV aujourd’hui ».
Que sont nos ministres devenus ?
Au-delà de cette séquence politico-esthétique qui ne manque pas de faire frétiller nos neurones, cette désaffection en beauté est-elle le symptôme d’un mal plus profond ? Certains ont voulu le croire. Urgentiste qui connaît indirectement les arcanes du pouvoir, le Dr Mathias Wargon a ainsi commenté sur X (ex twitter) : « Il a parfaitement le droit de faire ce qu’il veut. Le message envoyé aux praticiens hospitaliers du service public et à nos jeunes collègues est par contre très négatif », diagnostique-t-il. « Olivier Véran démontre à lui tout seul que ni l’hôpital, ni le libéral ne sont attractifs. Quelqu’un va-t-il en tirer des conséquences ? Bien sûr que non », renchérit un spécialiste des questions de démographie médicale. Ce type de réflexion ne s’est cependant pas limité qu’à X. Le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs (SNPHAR-e) a ainsi publié ce jeudi un communiqué sans ambiguïté. « Dis-moi ce que tu fais en quittant ton poste de ministre de la Santé, je te dirai où en est le système de santé en France. (…) Nous ne commenterons pas le choix personnel d’un médecin. En revanche, constatons que, depuis 2017, à notre connaissance, pas un médecin hospitalier, qu’il soit antérieurement hospitalo-universitaire ou hospitalier, n’a repris un poste de praticien titulaire à l’hôpital public après être passé par le ministère de la Santé. Doit-on y voir un constat d’échec ? Une résignation face à un système en ruine ? Une révélation de la part de celles et ceux qui connaissent la machine en profondeur, conscients qu’il n'y a plus d’espoir dans le public », s’interroge le SNPHAR-E.
Tous ? Non. Un messin résiste encore et toujours à la désaffection généralisée
Et si, en dépit des difficultés évidentes des hôpitaux, le cas Véran était plus certainement un symptôme d’une ambition personnelle incompatible avec les exigences du service public hospitalier ? En effet, dans sa précipitation à vouloir faire de Véran un symbole de la désaffection (réelle) dont souffrent les établissements de santé, le SNPHAR-E a confirmé que le diagnostic qui avait été posé au moment de l’éviction du Dr François Braun de l’avenue de Ségur était le bon. Il souffrait d’un déficit de notoriété très clair. En effet, peu semblent se souvenir de lui. Et donc peu ont pu constater, à l’instar de Mediapart qui consacrait récemment (hasard des calendriers) un article à l’urgentiste évoquant en partie sa nouvelle vie, qu’il n’a justement pas changé de vie. En effet, François Braun a retrouvé son poste de médecin régulateur au SAMU de Metz.
De médecin de campagne à la maison de campagne
Néanmoins, les esprits chagrins considéreront que plus que qu’Olivier Véran, c’est François Braun qui doit être considéré comme une exception quant à la fidélité à ses idéaux politiques et médicaux. En tout état de cause, l’ancien neurologue de Grenoble est très loin d’être le seul à être attiré par la médecine esthétique. A une époque où l’on ne compte plus les spécialités dans lesquelles les postes hospitaliers sont vacants et la démographie médicale déclinante, la médecine esthétique, qui pourtant n’est pas une spécialité à proprement parler (pour le Conseil de l’Ordre) recense sans cesse de nouvelles recrues. Ainsi, aujourd’hui, même si l’absence de registre officiel empêche des données précises, l’Ordre des médecins, interrogé par l’Express estime que 9000 médecins pratiquent la médecine esthétique (avec un respect des réglementations variable). Au-delà donc du cas Véran, cette fuite vers la médecine esthétique semble clairement confirmer le défaut d’attractivité auprès des jeunes de la pratique hospitalière, voire libérale « classique ». Elle signale également la tolérance de beaucoup de médecins vis-à-vis d’une forme de capitalisation de la médecine, très bien illustrée par les appétits certains de la clinique des Champs Elysées, qu’Olivier Véran, pas à une contradiction (hypocrisie ?) près a choisi pour « servir les patients ». On y verra la confirmation de l’évolution de l’image d’Epinal du médecin. Encore trop souvent fantasmé comme celui qui demeure jour et nuit au service de ses patients, le praticien s’est parfois mué en carriériste comme les autres, soucieux de conditions de travail confortables et d’une rémunération élevée.
De médecin de campagne à médecin en campagne
Cette constatation ne doit pas faire oublier les dizaines de milliers de médecins qui continuent, en dépit des vexations de l’Assurance maladie, des insuffisances du ministère de la Santé et des aberrations de toutes parts à se faire une certaine idée de la médecine. Aussi, le cas Véran pourrait-il être plutôt, dans une vision poujadiste, le symbole d’une perte du sens moral des personnels politiques. Il signale en tout cas les limites de la volonté, peut-être un peu surfaite, de vouloir faire entrer la société civile dans la vie politique. Sont-elles réellement compatibles ? Non pas seulement en ce qui concerne les aspirations, mais au-delà en termes de temps. « Quand un député poursuit une autre activité, ça veut dire qu’il donnera moins de temps à l’Assemblée ; ça pose donc la question d’un potentiel manque d’implication dans un mandat censé être à plein-temps et connu pour être chronophage », remarque ainsi Ines Bernard, déléguée générale de l’association Anticor dédiée à la lutte contre la corruption, dans les colonnes de 20 minutes. Elle note par ailleurs que la double activité d’un député pose la question de l’indépendance des législateurs : « En réalité, il y a peu de contrôle, car un député doit lui-même se déporter d’un texte quand il juge qu’il peut se trouver en conflit d’intérêts, mais il n’en a pas l’obligation ». Pour les médecins, qui font partie avec les avocats, des professions les plus représentées sur les bancs de l’Assemblée la question est centrale. Soulignons cependant que la Haute autorité pour la transparence de la vie publique a donné hier son feu vert à la reconversion de l’ancien ministre n’y voyant aucun risque de prise illégale d’intérêts, ni problème déontologique.
Liberté, toujours je chérirai ton nom
Cependant, d’aucuns considéreront que la reconversion du Dr Véran n’est finalement un symptôme que pour Olivier Véran. Elle pourrait confirmer la faiblesse de ses convictions politiques (il était élu socialiste) et syndicalistes (comme François Braun il fut président de syndicat) et ses piètres qualités rhétoriques. Son argumentation pour expliquer l’abandon de la neurologie et défendre que la médecine esthétique est un choix parfaitement en lien avec ses convictions médicales altruistes aura en effet été presque aussi redoutable que l’explication de l’inefficacité des masques. Mais, en choisissant la médecine esthétique, Olivier Véran prouve aussi qu’il est libre. « Un ancien ministre ne peut plus être totalement libre de ses choix », a tancé (comme à son habitude) le médecin sénateur socialiste Bernard Jomier à propos de la reconversion de son confrère et collègue*.
Pourtant, la liberté, au contraire, est universelle et concerne très certainement tout autant les anciens ministres que les autres citoyens et beaucoup (avant de critiquer l’ancien neurologue) ont pris soin de le rappeler. Quatre ans après un confinement (décidé en partie avec l’aval d’un certain Olivier Véran) qui a conduit beaucoup d’entre nous à nous interroger sur cette question de la liberté, le symbole n’est peut-être pas qu’anecdotique.
Librement, on relira :
Dr Jean-Jacques Fraslin : https://twitter.com/Fraslin
Dr Mathias Wargon : https://twitter.com/search?q=wargon&src=typed_query
Le communiqué du SNPHAR-e : https://snphare.fr/fr/blog/posts/attrac ... -en-france
Bernard Jomier : https://twitter.com/BernardJomier/statu ... gr%5Etweet
*Et comme Antoine Claude Joseph Boulay de la Meurthe apprenant l’exécution du Duc d’Enghien certains de nos politiciens chevronnés s’écrieront : « C’est pire qu’un crime, c’est une faute ».
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Première greffe d’un rein de porc génétiquement modifié chez un patient vivant
Quentin Haroche | 22 Mars 2024
Une équipe de l’hôpital du Massachussetts a réalisé cette prouesse chez un patient de 62 ans samedi dernier.
Le 23 décembre 1954, une équipe de chirurgiens du Massachussetts General Hospital (MGH) de Boston dirigée par le Pr Joseph Murray, futur Prix Nobel de médecine, réussissait la toute première transplantation rénale. Soixante-dix ans plus tard, l’hôpital de l’université d’Harvard est toujours à la pointe du progrès, puisque des chirurgiens menés par le Pr Leonardo Riella y ont réalisé ce samedi la toute première greffe d’un rein de porc génétiquement modifié chez un patient vivant. Le MGH a fait part de cette première mondiale dans un communiqué publié ce jeudi et indique que le patient se porte bien et devrait bientôt sortir de l’hôpital.
Agé de 62 ans, Richard « Rick » Slayman souffre d’insuffisance rénale liée à son diabète de type 2 et son hypertension depuis de nombreuses années. Il avait déjà bénéficié d’une greffe rénale classique en 2018 mais le greffon a cessé de fonctionner l’an dernier, obligeant le patient à subir des séances de dialyse régulières. « Mon néphrologue m’a expliqué en détail les pour et les contre de cette opération, j’y ai vu un moyen non seulement de m’aider moi, mais également d’apporter de l’espoir aux milliers de personnes qui ont besoin d’une transplantation pour survivre » a témoigné Rick Slayman. Le MGH a également remercié le patient dans son communiqué, le qualifiant de « véritable héros, dont le courage et la volonté de s’embarquer dans cette aventure ont rendu cette opération possible ».
Deux patients greffés d’un cœur de porc mais décédés rapidement
Le rein de porc greffé à Rick Slayman a été fourni par la firme eGenesis, spécialisée dans le génie génétique. Grâce à la technologie de ciseaux moléculaires CRISPR-Cas9, la firme a pu réaliser 69 modifications génétiques sur le greffon, afin d’y supprimer des gènes porcins potentiellement dangereux pour l’humain et d’y insérer des gènes humains. Des rétrovirus porcins présents dans le rein ont également été inactivés. Des reins de porc génétiquement modifiés selon la même procédure avaient déjà été greffés avec succès par l’équipe du MGH chez des macaques crabiers, expérience qui avait fait l’objet d’une publication dans la revue Nature en octobre dernier.
La xénogreffe, c’est-à-dire la greffe d’organes provenant d’autres espèces animales chez l’humain, est étudiée par les scientifiques depuis plusieurs décennies. Si elle avait été abandonnée dans les années 1960 en raison d’échecs répétés, elle a de nouveau été rendue possible ces dernières années grâce au progrès de la génétique. A l’hôpital universitaire de Maryland, deux hommes ont ainsi été greffés d’un cœur de porc génétiquement modifié, l’un en janvier 2022, l’autre en septembre 2023, mais les deux patients sont décédés deux mois après l’opération, l’un deux ayant été semble-t-il terrassé par un virus porcin. Des chirurgiens de l’hôpital NYU Langone de New York étaient par ailleurs parvenus à greffer des reins de porc génétiquement modifiés sur des patients en état de mort cérébrale en 2021.
Le porc est l’avenir de l’Homme
Pour certains spécialistes, la xénogreffe constitue l’avenir de la transplantation et un moyen efficace de pallier l’insuffisance de greffons. Aux Etats-Unis, ce sont en effet 110 000 Américains qui sont en attente d’une transplantation, la plupart du temps d’un rein et 6 000 personnes décèdent chaque année en attente d’un organe. A la fois proche génétiquement et morphologiquement de l’homme et disponible en grand nombre, le porc constitue l’animal idéal pour fournir des organes aux humains qui en ont besoin.
« Le succès de cette transplantation rénale révolutionnaire représente une étape fondamentale dans l’histoire de la transplantation, c’est également une avancée importante pour tenter de résoudre l’un des problèmes majeurs que nous rencontrons, à savoir les inégalités d’accès à des greffons » a commenté le MGH dans son communiqué.
En France, les chirurgiens commencent timidement à s’intéresser au sujet de la xénogreffe. La société francophone de transplantation organisera ainsi une conférence sur le sujet jeudi et vendredi prochain. « Il faut nécessairement rester prudent puisque nous n’avons que cinq jours de recul à ce stade » commente le Pr Christian Combe, président de la Fondation du rein, qui ne peut s’empêcher cependant de qualifier l’opération réussie par ses confrères américains « d’extraordinaire et spectaculaire ».
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Gabriel Attal relance le projet de fusion de la carte Vitale et de la carte d’identité
Quentin Haroche | 21 Mars 2024
Lors d’une conférence de presse consacrée à la lutte contre la fraude sociale, le Premier Ministre a de nouveau défendu l’idée d’une fusion entre les cartes d’identité et la carte Vitale.
Que de chemin parcouru pour Gabriel Attal en seulement neuf mois. De ministre délégué aux Comptes publics, l’enfant chéri de la macronie est devenu Premier Ministre après un passage éclair mais très remarqué à l’Education Nationale. Le plus jeune chef du gouvernement de l’histoire de la République a amené avec lui à Matignon quelques idées et notamment un projet qui lui tient visiblement à cœur : la fusion de la carte d’identité et de la carte Vitale.
Celui qui était alors ministre des Comptes publics a fait part pour la première fois de cette idée de réunir les deux cartes « dans une seule et même carte sécurisée » dans une interview au Parisien le 29 mai dernier. Le ministre avait dans le même temps définitivement enterré le projet de création d’une carte Vitale biométrique, vieux cheval de bataille de la droite.
Les montants de la fraude à la carte Vitale sont « minimes »
Mais l’idée du jeune ministre avait suscité un enthousiasme plus que modéré au sein de l’administration : si la CNIL avait jugé la fusion comme possible, le directeur général de la CNAM Thomas Fatôme avait immédiatement répondu que cette fusion ne « répondait à aucun besoin », la fraude à la carte Vitale représentant des sommes « minimes » par rapport à l’ensemble de la fraude sociale. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait également fait part de ses réticences et le projet avait donc été abandonné.
Dix mois plus tard, le désormais chef du gouvernement est désormais en mesure d’imposer ses idées. « Avant que je sois chef du gouvernement, je ne crois pas que ce projet était prioritaire, mais en tout cas maintenant, il l’est » a ainsi lancé ce mercredi Gabriel Attal, lors d’une conférence de presse organisée au ministère de l’Economie à Bercy et consacrée à la lutte contre la fraude sociale.
« Vous avez des personnes qui viennent parfois se faire soigner en France, utilisent la carte Vitale de quelqu’un d’autre, sont accompagnées par la solidarité nationale alors même qu’elles n’ont pas de droits ouverts à l’Assurance maladie » a avancé le chef du gouvernement pour justifier son idée de fusion des cartes. Faisant fi des réticences exprimées par l’administration sur ce projet, il a assuré que « tous les ministères sont très mobilisés sur la question ». Le Premier Ministre n’a cependant pas donné plus de précision sur le calendrier de cette réforme, assurant simplement de manière cryptique qu’une « mission » avait été « lancée ».
La conférence de presse de ce mercredi a également été l’occasion pour le chef du gouvernement et le ministre aux Comptes Publics Thomas Cazenave de faire le bilan annuel de la politique anti-fraude. Un bilan historique puisque deux milliards d’euros de fraude sociale ont été récupérés en 2023, dont 450 millions d’euros concernent l’Assurance Maladie, du jamais vu. « On a mis le paquet et ça marche » s’est félicité Gabriel Attal.
Les professionnels de santé à l’origine de la fraude dans « sept cas sur dix »
Au cours de la conférence de presse, le Premier Ministre a notamment « brisé un tabou » en rappelant un chiffre : « dans sept cas sur dix, la fraude est l’initiative d’un professionnel de santé, par la surfacturation ou la facturation d’actes fictifs ». Dans le détail, Gabriel Attal a expliqué que 5 millions d’euros de fraudes aux faux arrêts de travail vendus sur Internet ont été récupérés en 2023, et 11 millions d’euros pour les fausses ordonnances. Le chef du gouvernement est également revenu sur la lutte contre la fraude dans les centres de santé, qui peuvent désormais faire l’objet d’une procédure de déconventionnement : 21 centres de santé ont été déconventionnés en 2023 et 160 contrôles sont en cours, visant notamment les centres d’audioprothèses.
En fin de conférence de presse, le chef du gouvernement, qui semblait avoir repris ses habits de ministre de Bercy, a détaillé ses objectifs pour les années à venir : 2,4 milliards d’euros de fraude récupérés par l’Assurance Maladie entre 2024 et 2027 dont 60 millions d’euros par an sur les centres de santé frauduleux et 20 millions d’euros sur les faux arrêts de travail et les fausses ordonnances. Pour cela, il a promis le recrutement d’ici 2027 de 1 000 agents supplémentaires ainsi que de 450 cyber-enquêteurs. « Ces dérives frauduleuses se font au détriment de tous : la collectivité, les patients mais aussi les professionnels qui respectent les règles » a conclu le Premier Ministre.
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Système de santé français meilleur du monde ? Et si c’était (presque) vrai !
Quentin Haroche | 21 Mars 2024
Selon une étude de l’Inserm et du CHU de Bordeaux, les Français étaient, en 2019, en meilleure santé que la plupart des autres européens.
Hôpitaux en difficultés, manque de médecins, retard de prise en charge, absence de politiques de prévention… : les informations sur la dégradation de notre système de santé se multiplient (et le JIM ne manque pas de les relayer régulièrement). Mais si la France n’a sans doute plus le meilleur système de santé du monde, comme elle s’en réjouissait régulièrement, il n’est pas non plus nécessaire de battre notre coulpe constamment. Comme le montre une étude réalisée par l’Inserm et le CHU de Bordeaux publiée le 29 février dernier dans la revue The Lancet, les Français sont en effet plutôt en meilleure santé que la majorité des autres peuples européens.
L’étude, dont l’Inserm se fait l’écho dans un communiqué publié ce mercredi, s’appuie sur les données recueillies par le Global Burden of Diseases (GBD), une immense base analysant l’évolution des données de santé de la totalité des pays du monde financée par la fondation Bill & Melinda Gates. Les chercheurs ont ainsi étudié l’évolution de l’état de santé des Français entre 1990 et 2019 et l’ont comparée avec 22 autres pays européens et Israël. Là constitue la principale limite de l’étude : l’analyse s’arrête en 2019 et ne permet donc pas de connaitre l’impact de la pandémie de Covid-19 et des mesures sanitaires qui ont été prises durant cette période sur la santé des Européens.
La France 4ème pays européen pour l’espérance de vie en bonne santé
Au regard des données étudiées, la France apparait comme un bon élève en Europe en matière de santé. Entre 1990 et 2019, l’espérance de vie en France est ainsi passée de 77,2 ans à 82,9 ans, ce qui place la France au 7ème rang européen, derrière l’Islande, l’Italie et l’Espagne mais devant la Suède, l’Allemagne ou le Royaume-Uni. La performance de la France est encore plus notable concernant l’espérance de vie en bonne santé, qui est passée de 67 ans en 1990 à 71,5 ans en 2019 : la France est au 4ème rang européen, seuls l’Islande, Israël et l’Espagne obtenant de meilleurs résultats que nous.
Que ce soit en France ou en Europe, l’augmentation générale de l’espérance de vie et la baisse de la mortalité au cours des trente dernières années s’expliquent, bien sûr, par les progrès de la médecine ainsi que par différentes campagnes de santé publique (amélioration de la sécurité routière, meilleure prise en charge des nourrissons, campagne de dépistage des cancers, lutte contre le tabagisme…). S’agissant de la bonne santé des Français, les chercheurs de l’Inserm attribuent ces bons résultats à la qualité de notre système de santé et surtout à son aspect universel, qui permet à presque tous un accès aux soins à moindre coût quels que soient ses revenus.
Moins de maladies cardiovasculaires en France que dans le reste de l’Europe
L’atout principal de la France par rapport à ses voisins européens est un moindre impact des maladies cardiovasculaires. « Nous avons observé une charge de morbidité moins importante due aux accidents vasculaires cérébraux et aux cardiopathies ischémiques en France que dans d’autres pays d’Europe occidentale. Ce résultat observé précédemment pourrait s’expliquer par une prévalence plus faible de nombreux facteurs de risque cardiovasculaires (hypertension, diabète) et d’un mode de vie plus sain (exercice, alimentation) en France » résument ainsi les chercheurs de l’Inserm.
En revanche, la France a encore une marge de progression dans la lutte contre les cancers. Si la France a, grâce à la qualité de son système de santé, l’un des meilleurs taux de survie à cinq ans en cas de diagnostic d’un cancer en Europe, ses résultats dans le domaine de la prévention sont en revanche largement en dessous de la moyenne européenne. La mortalité liée au cancer du poumon n’a ainsi diminué que de 6 % en France entre 1990 et 2019 contre 23 % en Europe, notamment parce que la part de fumeurs en France (31 % de la population) est l’une des plus élevée du continent européen. Plus globalement, les auteurs de l’étude appellent les autorités sanitaires françaises à renforcer la culture de la prévention, encore trop faible en France.
Les chercheurs de l’Inserm et du CHU de Bordeaux souhaitent désormais mener la même étude avec les données du GBD pour l’après pandémie et ainsi mesurer comment ces différentes données sanitaires ont évolué et de quelle manière la France a su absorber l’impact de cette crise sanitaire sans précédent par rapport à ses voisins.
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Fertilité : vers un effondrement de la natalité dans le monde
Quentin Haroche | 22 Mars 2024
Après avoir déjà fortement diminué depuis 1950, le taux de fécondité devrait continuer à reculer partout dans le monde au cours des 75 prochaines années.
Le Global Burden of Disease (GBD), vaste programme de recherche analysant la mortalité et la morbidité dans le monde et financé par la fondation Bill & Melinda Gates, continue sa série d’articles sur l’évolution de l’état de santé de l’espèce humaine. Après des articles sur la mortalité, l’obésité, les maladies neurologiques ou encore l’espérance de vie, le groupe d’experts s’intéresse maintenant à l’évolution du taux de fécondité dans le monde, passé et à venir, à travers une vaste étude publiée ce jeudi dans la revue The Lancet.
L’étude du GBD confirme une donnée déjà plus ou moins connue : le taux de fécondité a fortement diminué dans le monde ces dernières décennies, passant de 4,84 enfants par femme en 1950 à 2,23 en 2021, dernière année de l’étude. Le nombre de naissances a ainsi atteint son pic en 2016, avec 142 millions de nouveau-nés, avant de baisser à 129 millions en 2021. La population mondiale continue certes d’augmenter mais à un rythme moins soutenu qu’auparavant et elle devrait se stabiliser autour des 10 milliards d’êtres humains vers 2080 selon les projections.
Moins d’un enfant par femme en Corée…et presque sept au Tchad
Si la baisse de la fertilité concerne l’ensemble des pays du monde, les situations sont cependant très différentes selon les régions. L’Asie de l’Est et du Sud-Est est la région qui a connu la chute de la fertilité la plus vertigineuse, passant de 5,76 enfants par femme en 1950 à seulement 1,55 en 2021. L’Asie du Sud n’est pas en reste avec un taux de fertilité qui a été divisé par trois en 70 ans, passant de 6,35 enfants par femme en 1950 à seulement 2,07 en 2021. La baisse a en revanche été beaucoup plus faible en Afrique sub-saharienne, passant de 6,94 enfants par femme en 1950 à encore 4,29 enfants en 2021. Résultat, 29 % des naissances dans le monde ont lieu en Afrique sub-saharienne, alors que cette région ne représente que 14 % de la population mondiale.
Au niveau des pays, le taux de fécondité varie fortement, de 0,82 enfants par femme en Corée du Sud à 6,99 enfants au Tchad. Les chercheurs du GBD notent que la moitié des pays et territoires du monde (110 sur 204) ont un taux de fertilité inférieur à 2,1 enfants par femme, considéré comme le seuil de renouvellement des populations (44 des 46 pays d’Afrique subsaharienne ont un taux de fertilité supérieur à 2,1).
Cependant, grâce à l’augmentation de l’espérance de vie, il faut attendre généralement une trentaine d’années pour que le passage du taux de fécondité en dessous du seuil des générations entraine un solde naturel négatif de la population (le nombre de décès surpassant celui des naissances). La chute est cependant généralement irréversible : si certains pays au faible taux de fécondité ont pu connaitre des embellies durant ces 70 dernières années, elles étaient en générale de faible durée et ne permettaient pas de revenir au-dessus du seuil de renouvellement.
En 2100, la moitié des enfants naitront en Afrique subsaharienne
Mais les auteurs de l’article se sont également risqués au jeu des prédictions. Ils estiment ainsi que le taux de fécondité mondiale va continuer à chuter, atteignant 1,83 enfants par femme en 2050 et 1,59 en 2100, soit bien en dessous du seuil de renouvellement. La quasi-totalité des pays du monde subira cette baisse même si l’Afrique sub-saharienne restera la région la plus féconde, avec un taux de fécondité de 2,72 enfants par femme en 2050 et de 1,82 enfants en 2100 : 55 % des naissances mondiales auront lieu dans cette région. L’étude projette qu’en 2100, seulement six pays (Samoa, Tonga, Somalie, Niger, Tchad, Tadjikistan) auront un taux de fécondité supérieur à 2,1 tandis que treize auront un taux inférieur à 1. Seuls 26 pays, la plupart en Afrique subsaharienne, verront encore leur population grandir naturellement.
Cette chute du nombre de naissances, couplée, dans les pays riches du moins, à un vieillissement important de la population, provoquera assurément des bouleversements économiques, sociaux et politiques majeurs. Les auteurs de l’étude estiment que ce mouvement est inéluctable et que les politiques natalistes engagées par certains pays développés ont généralement des effets assez modestes sur le taux de fécondité : même dans un scénario optimiste où ces politiques seraient adoptées partout dans le monde, le taux de fécondité atteindrait 1,68 enfants par femme en 2100, contre 1,59 dans le scénario de base.
Inquiet des chiffres de la natalité en France (le nombre de naissance a diminué de 6,6 % en 2023 pour atteindre son niveau le plus bas depuis la Seconde Guerre Mondiale), le Président de la République Emmanuel Macron avait appelé le 16 janvier dernier à un « réarmement démographique ». Mais il semble difficile d’aller à contre-courant d’un mouvement de fond d’ampleur mondiale.
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Quand le chirurgien est la seconde victime
Joël Pitre, Dr | 21 Mars 2024
Le syndrome de la seconde victime (SVS) est le traumatisme vécu par un soignant après la survenue d’une complication ou d’une erreur médicale (1,2). On estime que près de 50 % des soignants y seront confrontés au moins une fois dans leur carrière. Or, jusqu’à 20 % des patients hospitalisés peuvent présenter une complication. Certaines spécialités sont particulièrement exposées au SVS dont la chirurgie, l’anesthésie, la pédiatrie et la gynécologie-obstétrique.
La présentation est variée, empoisonnant la vie de certains avec des conséquences émotionnelles prolongées pour d’autres, impactant la vie personnelle et la pratique professionnelle. Les conséquences peuvent être psychologiques (honte, culpabilité, anxiété, deuil, dépression), cognitives (absence d’empathie, burnout, stress post traumatique), sociales, culturelles, spirituelles et physiques. On dispose essentiellement de données chiffrées sur la fréquence du SVS mais il y a peu d’études qualitatives.
La plupart des travaux publiés ne concerne pas les spécialités chirurgicales alors que les chirurgiens font face quotidiennement à des situations stressantes et à des défis techniques, qui les exposent particulièrement au SVS. La solidité et le contrôle des émotions font partie du stéréotype habituel du chirurgien. En conséquence, la survenue d’une complication chirurgicale est la plupart du temps abordée seulement du point de vue technique sans en accepter les conséquences émotionnelles.
Une étude de la portée comportant 13 publications
Une analyse, réalisée par une équipe de Singapour rapporte les données publiées concernant le SVS en milieu chirurgical (3). Treize études qualitatives ont été retenues, transversales ou sous forme de rapports d’entretiens semi-directifs, menée aux Etats-Unis, Royaume Uni, Canada et en France. Une cohorte de 1 069 chirurgiens, toutes spécialités confondues, faisait l’objet de ce travail. Ont été distingués les retentissements psychologique, physique, professionnel du SVS, ainsi que les facteurs affectant la réponse à l’évènement causal.
Sur le plan psychologique, les sentiments négatifs les plus fréquemment décrits étaient la culpabilité, la dépression, l’anxiété, la frustration et la gêne. Ils avaient un retentissement social, personnel et professionnel, avec une auto-restriction des loisirs et de l’insomnie. La plupart de ces sentiments négatifs duraient entre une semaine et un mois après l’évènement causal et étaient plus marqués chez les femmes chirurgiens et en chirurgie esthétique.
Des sentiments négatifs
La culpabilité était le sentiment le plus souvent exprimé (18,1 % - 89,1 %), du fait de la relation particulière des chirurgiens avec les patients, basée principalement sur la responsabilité. La culpabilité était plus marquée en cas de décès, surtout chez les praticiens ayant des relations étroites avec leurs patients et les familles, du fait de la confiance et des attentes. C’était aussi le sentiment négatif le plus persistant avec parfois des réminiscences intenses suites à la survenue de complications déjà rencontrées par le passé et des ecmnésies de noms, de familles et de visages. La culpabilité coïncidait souvent avec des symptômes dépressifs, qui touchaient selon les études entre 12,5 % et 52 % des chirurgiens.
L’anxiété (18,1 % - 66 %) était également très souvent décrite : perturbante, envahissante, sans repos. Elle était souvent associée à la colère et à la frustration et se manifestait parfois par de la grossièreté envers les patients ou l’équipe du bloc opératoire. Au-delà des sentiments négatifs, une erreur ou la survenue d’une complication affectaient le jugement et la confiance en soi en provoquant ruminations, analyse et questionnement sur ce qui aurait pu éviter la complication.
Cela pouvait parfois aboutir à des attitudes excessivement précautionneuses, impactant la performance, avec des reconversions vers d’autres spécialités, voire une retraite anticipée. Chez certains, le SVS se traduisait sur le plan physique par des céphalées, des fluctuations de poids, des nausées, des douleurs abdominales et des palpitations. Ces symptômes étaient néanmoins le plus souvent de durée brève.
Un retentissement professionnel
Sur le plan professionnel, la survenue d’un SVS altérait les performances, était responsable de comportements d’évitement et avait souvent des implications médico-légales et/ou disciplinaires. La plupart des chirurgiens pensaient que leur comportement professionnel n’avait pas été optimal et fréquemment cela aboutissait à l’arrêt de certaines activités ou de certains types d’interventions, cette attitude conservatrice se faisant parfois au détriment des patients.
De même, ils devenaient plus maniaques sur la tenue des dossiers médicaux et la traçabilité du consentement. De façon plus générale, les chirurgiens s’inquiétaient de leur réputation et souffraient d’insatisfaction professionnelle d’autant plus facilement que le criticisme et la condamnation sont de norme dans ce milieu hautement compétitif. La perception d’un manque de soutien de leurs pairs était amplifiée par l’absence de soutien des institutions hospitalières avec la crainte de voir leurs positions (accréditation, salaire) remises en question.
Toutefois les complications chirurgicales pouvaient parfois être bénéfiques dans la mesure où elles les obligeaient à repenser et à réfléchir à leur rôle ainsi qu’à celui de leur service et des institutions. Sur le plan individuel, certains disaient être devenus plus prudents, plus vigilants et appréhender mieux les questions de sécurité. Au niveau de l’organisation du service et de l’institution, des améliorations étaient relevées celles des procédures (dossiers informatisés), des protocoles (check-list et time-out, vérification des équipements) ainsi que la communication avec l’administration.
Les facteurs prédictifs d’un SVS
Les facteurs influençant la réaction à une complication chirurgicale dépendaient des circonstances et de la nature de la complication, de la personnalité du chirurgien et de l’aide reçue. Une complication était moins mal ressentie si le patient était âgé, souffrait de comorbidités ou était porteur d’un problème anatomique inattendu que si la même complication était survenue chez un sujet jeune en bonne santé. Une complication suite une chirurgie d’urgence était plus facilement tolérée qu’après une intervention programmée. En revanche, une complication per-opératoire, du fait d’une erreur de jugement ou d’un problème technique, était très mal ressentie. C’était également le cas de certains évènements (décès, infection, hémorragie, fistule anastomotique, blessure involontaire) ou séquelles (amputation, paralysie).
La réponse individuelle dépendait de la personnalité et de l’expérience qui, si elle aidait, aggravait aussi la responsabilité. Différents types de personnalité étaient observées au sein de la cohorte. Certains étaient très proches de leurs patients (empathie, écoute, réponse aux attentes). D’autres se muraient, réfrénaient leurs émotions, allaient de l’avant et essayaient de ne pas de se laisser distraire dans leurs décisions futures. A l’inverse, d’autres s’effondraient complètement après la complication. Enfin un autre fonctionnement était observé avec réassurance et rationalisation vis-à-vis des complications faisant partie du travail, étant obligatoirement multifactorielles et nécessitant du temps et du travail sur soi.
La culture du blâme
Cet éventail de réponses contribuait à la variabilité de l’intensité du SVS ressenti. Les participants à ces études avouaient leur manque de compétences pour gérer les complications d’un point de vue non technique. En particulier, les plus jeunes soulignaient leur isolement dans ce domaine et l’absence de formations ou de piètre qualité. Dans ce milieu compétitif et souvent perçu comme peu sympathique, marqué par la critique facile, les revues de morbidité et de mortalité (RMM) étaient vécues par certains comme l’occasion d’un blâme en public au lieu d’être sources d’enseignement et d’amélioration.
En conséquence, ils s’y tenaient sur la défensive, ce qui coupait court au dialogue. Même si l’atmosphère pouvait être constructive, le débat était principalement centré sur les questions techniques plus que sur les conséquences psychologiques. Enfin l’absence de soutien de l’administration était soulignée, participant à cette culture du blâme, avec des réponses essentiellement punitives et sans analyse des causes systémiques sous-jacentes.
Nombre de praticiens auraient souhaité une aide protocolisée sous forme d’un temps d’arrêt de leurs activités, d’échange avec leurs collègues, pour faciliter la communication avec les patients et bénéficier d’une assistance psychologique formalisée. Lorsque ce type d’aide était protocolisé, l’ambiance lors des RMM était beaucoup plus sereine. Les échanges avec les collègues étaient de loin considérés comme l’aide la plus efficace (81 %), en particulier pour les plus jeunes. Beaucoup auraient souhaité s’arrêter quelque temps mais très peu le faisaient, se remettant en selle immédiatement après l’évènement.
Un changement de culture
Cette étude contrarie le stéréotype des chirurgiens maitres de leurs émotions qui, au contraire, peuvent être atteints par des sentiments de culpabilité, de dépression et de remise en question après une complication. Ces idées négatives peuvent être cause de burnout, de choc post traumatique voire d’idées suicidaires. Une étude récente portant sur 622 chirurgiens universitaires, expérimentés ou en formation, rapportent des chiffres très inquiétants dont 15,9 % de dépression en cours et 13,2 % d’idées suicidaires dans l’année écoulée (4). Ces phénomènes destructeurs s’auto-entretiennent et les erreurs médicales sont clairement associées à la dépression, l’anxiété, le choc post traumatique, la consommation d’alcool (4), et avec le burnout (5).
Les auteurs plaident pour l’information et des programmes centrés sur le SVS dans la formation mais surtout sur un changement de culture au sein du milieu chirurgical. Celui-ci pourrait bénéficier de la féminisation des spécialités chirurgicales car cette étude et d’autres travaux (6) montrent que les médecins femmes (comme les juniors), si elles sont plus sujettes au SVS, sont aussi plus ouvertes aux échanges et à l’assistance de leurs pairs et de l’institution. Notons que les études quantitatives sont par essence biaisées, par excès ou défaut de déclarations, ce qui peut impacter l’évaluation de la prévalence et de l’impact du SVS.
References
Wu AW. Medical error: the second victim. The doctor who makes the mistake needs help too. BMJ. 2000 Mar 18;320(7237):726-7. doi: 10.1136/bmj.320.7237.726.
Scott SD, Hirschinger LE, Cox KR, et al. The natural history of recovery for the healthcare provider “second victim” after adverse patient events. Qual Saf Health Care. 2009;18(5):325–330. https://doi.org/10.1136/ qshc.2009.032870.
Chong RIH, Yaow CYL, Chong NZ, et al. Scoping review of the second victim syndrome among surgeons: Understanding the impact, responses, and support systems. Am J Surg. 2024 Mar;229:5-14. doi: 10.1016/j.amjsurg.2023.09.045.
Collins RA, Herman T, Snyder RA et al. Mental health among academic surgeons. Ann Surg. 2024 ; 279(3): 429-436. https://doi.org/10.1097/SLA.0000000000006159
Li CJ, Shah YB, Harness ED, et al. Physician Burnout and Medical Errors: Exploring the Relationship, Cost, and Solutions. Am J Med Qual. 2023 Jul-Aug 01;38(4):196-202. https://doi.org/10.1097/JMQ.0000000000000131.
Lu PW, Columbus AB, Fields AC, et al. Gender Differences in Surgeon Burnout and Barriers to Career Satisfaction: A Qualitative Exploration. J Surg Res. 2020;247: 28-33. https://doi.org/10.1016/j.jss.2019.10.045.
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Les Indiens privés de barbe à papa
Quentin Haroche | 22 Mars 2024
Les autorités indiennes ont décidé d’agir promptement contre un problème de santé publique majeur : la consommation de barbe à papa.
En France, on l’appelle la barbe à papa. En Inde, de manière presque diamétralement opposée, on appelle cette sucrerie rose bonbon le « buddhi ka-baal », soit « cheveux de grand-mère » en hindi. Mais qu’on soit à Paris ou dans les rues de Bombay, cette confiserie très (trop ?) sucrée fait le bonheur des petits et grands (et des dentistes) et constitue un succès indémodable des fêtes foraines, des plages et, en Inde du moins, des très nombreuses fêtes religieuses qui s’y déroulent.
Mais ce petit plaisir sucré est désormais révolu pour certains Indiens. Le 17 février dernier, l’Etat du Tamil Nadu dans le sud de l’Inde a purement et simplement décidé d’interdire la vente de barbe à papa (ou plutôt de cheveux de grand-mère) sur la voie publique. L’affaire est prise très au sérieux par les autorités : des opérations coups de poing sont régulièrement menées pour empêcher les vendeurs ambulants de proposer de la barbe à papa dans les rues et des descentes de police ont également été organisées dans des usines de confiserie pour vérifier que la nouvelle interdiction était bien respectée. Les autorités du Tamil Nadu ne sont pas seules dans cette guerre totale (une de plus) contre la barbe à papa : la ville de Pondichéry a également interdit la vente de cette confiserie et plusieurs autres Etats, dont la capitale fédérale Delhi, envisagent de suivre le mouvement.
Les cheveux de grand-mère pèsent sur le foie
Mais qu’est ce qui justifie cette soudaine haine contre cette confiserie pourtant très populaire en Inde ? Est-ce le taux de sucre très important (50 à 60 grammes par barbe) qui inquiète les autorités ? Ou la volonté de mieux faire respecter les grands-mères indiennes ? Le gouvernement du Tamil Nadu a en réalité décidé de cette interdiction après que des analyses de laboratoire sur des échantillons cette confiserie vendus dans la rue y ont révélé la présence de rhodamine B. Ce colorant, utilisé dans l’industrie, le textile, les cosmétiques ou encore dans la tannerie, permet de donner à la barbe à papa sa couleur rose fluo caractéristique.
Mais ce composant présenterait également une importante toxicité. A court terme, la consommation de rhodamine B peut provoquer des démangeaisons, des brulures d’estomac voire des difficultés respiratoires s’il est ingéré en grande quantité. A long terme, la rhodamine B peut augmenter les risques de développer un cancer du rein ou du foie. Ce colorant est donc interdit depuis plusieurs années au sein de l’Union Européenne et aux Etats-Unis (pas d’inquiétude donc pour la barbe à papa française). L’interdiction de la barbe à papa au Tamil Nadu a d’ailleurs été saluée par l’association médicale indienne, qui appelle les autorités fédérales à mieux réguler la vente de confiserie dans la rue, qui ne ferait l’objet de presque aucun contrôle sanitaire. Une plus grande considération pour la santé publique qui va de pair avec la modernisation et l’enrichissement de l’Inde estiment les médecins.
Triste camelot
Les vendeurs ambulants indiens, qui confectionnent eux-mêmes la barbe à papa, utilisaient la rhodamine B en raison de son prix modique. Ils sont en principe toujours autorisés à vendre de la barbe à papa…à condition d’avoir au préalable obtenu un certificat des autorités assurant qu’ils n’utilisent plus de rhodamine B dans la conception de leur produit. Les autorités ont prévenu qu’une barbe à papa aux couleurs trop vives seraient considérés comme suspecte.
La prohibition de la barbe à papa au Tamil Nadu a entraîné des conséquences sociales inattendues. La plupart des vendeurs ambulants travaillant dans cette riche région du sud de l’Inde viennent des régions pauvres du Nord. Privés de travail, certains ont décidé de rentrer dans leur région d’origine, tandis que les autres ont décidé de se rabattre sur la vente de crèmes glacées. Interrogé par le journal The New Indian Express, l’un de ces vendeurs ne cache pas son amertume : « les cheveux de grand-mère ne sont pas qu’une simple sucrerie mais c’est aussi une émotion de l’enfance, cette sucrerie était chère au cœur de chacun, alors son interdiction est difficile à accepter » témoigne le triste camelot.
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L’honneur de la médecine russe
Quentin Haroche | 22 Mars 2024
A 61 ans, le Dr Andrei Volna a décidé de quitter sa confortable vie moscovite pour aller soigner en Ukraine des soldats blessés (par l’armée de son pays).
Dimanche dernier, c’est avec un score sans appel (et probablement sans fondement) de 88 % des voix que Vladimir Poutine a été réélu président de la Fédération de Russie pour un cinquième mandat. Officiellement, tout le peuple russe est rangé comme un seul homme derrière son leader et uni dans la foi en la victoire dans la guerre (ou plutôt l’opération spéciale) que mène la Russie contre l’Ukraine et plus globalement contre l’Occident. Mais, de manière éparse, des citoyens russes se lèvent et agissent pour exprimer leur opposition à ce qu’il faut désormais appeler une dictature.
Le Dr Andrei Volna fait partie de ces résistants. Lorsqu’il a vu l’armée de son pays envahir l’Ukraine le 24 février 2022 au mépris du droit international, ce ponte de la chirurgie orthopédique russe a tout de suite senti qu’il ne pouvait pas poursuivre sa vie confortable de médecin moscovite pendant que ce drame se déroulait. Opposant à la politique de Vladimir Poutine depuis plusieurs années (il affirme avoir été inquiété par les services de renseignement à plusieurs reprises dans le passé), le médecin a donc décidé de fuir son pays pour l’Estonie. Une fois sa famille à l’abri, le chirurgien a choisi de se rendre en Ukraine pour mettre ses talents au service de ce pays et tenter de réparer le mal fait par l’armée de ses compatriotes.
Des mines de Sibérie au front ukrainien
Depuis septembre dernier, le Dr Volna exerce donc à l’hôpital militaire de Kiev, où il soigne les soldats ukrainiens blessés dans les combats. « Plus de 90 % des blessures que je traite ont été provoqués par des mines et des explosions en tout genre » explique le chirurgien. Le Dr Volna a l’habitude de ce genre de graves blessures : lors du début de sa carrière de jeune médecin dans les années 1990, il a exercé pendant six ans dans une mine en Sibérie, où il soignait les victimes d’explosion au méthane. « Je m’occupais de blessures assez sérieuses, mais bien sûr pas dans les mêmes proportions qu’aujourd’hui » explique-t-il.
Le Dr Volna se souvient encore avec émotion de son arrivée à Kiev il y a six mois. Dès son premier jour dans la ville, le chirurgien a croisé le convoi funéraire d’un soldat mort au combat « et j’ai réalisé que mon pays avait tué ce jeune homme » se souvient-il. Pendant qu’il attendait le feu vert des autorités ukrainiennes pour exercer, le Dr Volna a tenu à se rendre dans la ville martyr de Boutcha, à quelques kilomètres de Kiev, où plus de 500 personnes ont été massacrés par les envahisseurs russes en mars 2022. « Boutcha a été réparée et reconstruite, mais il s’en dégage encore une ambiance sombre » commente le médecin. Le Dr Volna a également dû s’habituer tant bien que mal à vivre sous les bombes et au rythme des alertes aériennes, la « discothèque du diable » comme il l’appelle.
Une lourde responsabilité collective
A l’hôpital militaire de Kiev, Andrei Volna est particulièrement apprécié pour son professionnalisme, son expérience et son dévouement. « Dès qu’il arrive le lundi pour la semaine, il va immédiatement au bloc opératoire, il fait en moyenne trois opérations lourde par jour » témoigne le Dr Petro Nikitine, chef du service traumatologique de l’hôpital militaire de Kiev. Ami du Dr Volna depuis dix ans, c’est lui qui l’a aidé à venir exercer en Ukraine. Le Dr Volna est d’ailleurs étonné du si bon accueil que lui ont offert les Ukrainiens. « En tant que Russe et membre de la nation agresseur, je mériterais pourtant des réactions négatives de la part des Ukrainiens, mais je n’en ai reçu aucune » témoigne-t-il.
Malgré son engagement personnel, le Dr Volna ne parvient en effet pas à se départir de ce sentiment de culpabilité collective qui, espère-t-il, assaille un grand nombre de Russes. « Bien sûr, nous sommes tous responsables, nous avons perdu notre pays et nous l’avons laissé devenir agressif et apporter la mort dans un autre pays, ce fardeau est le nôtre et celui des futures générations » explique-t-il. Le Dr Volna regrette particulièrement l’apathie du monde médical russe face aux actions criminelles de Vladimir Poutine. « Un médecin, en particulier un traumatologiste, doit forcément être contre la guerre car la guerre est une épidémie de traumatismes. Cette lâcheté collective est une grande déception pour moi que je vais devoir supporter jusqu’à la fin de mes jours » regrette-t-il.
En poste depuis six mois, Andrei Volna est prêt à « faire tout ce qui est possible pour aider l’Ukraine à gagner plus vite » et promet de rester en poste jusqu’à la victoire totale de l’Ukraine sur l’armée russe. Un objectif qui s’éloigne de plus en plus alors que la guerre continue de s’enliser.
Le Dr Volna va donc devoir continuer à exercer, loin de sa patrie, à l’hôpital militaire de Kiev, pour sauver des vies mais aussi l’honneur de la médecine russe.
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États-Unis : les montres connectées Samsung bientôt capables de détecter l’apnée du sommeil
Raphaël Lichten | 22 Mars 2024
Les montres connectées de la marque coréenne Samsung redirigeront les utilisateurs vers un spécialiste en cas de détection d’un risque d’apnée du sommeil.
La Food and Drug Administration (FDA) américaine a validé une nouvelle fonctionnalité des montres connectées Samsung Galaxy, qui pourront donc bientôt détecter l’apnée du sommeil et alerter les utilisateurs.
Il faudra au moins porter sa montre pendant 4 heures
Les montres connectées proposent déjà une panoplie d’options et de fonctions en rapport avec la santé : calcul du rythme cardiaque, des calorisées brûlées, voire même du taux d’oxygénation dans le sang… Elles sont d’ailleurs aussi capables de déterminer le temps d’endormissement et les phases de sommeil de l’utilisateur.
Mais le constructeur coréen veut aller encore plus loin : Samsung a effectivement annoncé avoir reçu le feu vert de la FDA pour mettre en place une nouvelle fonctionnalité permettant de repérer les premiers signes d’apnée du sommeil. La multinationale avait d’ailleurs déjà obtenu une autorisation similaire en Corée du Sud.
Dans les faits, la fonctionnalité serait susceptible de détecter les signes modérés à sévères de l’apnée du sommeil. Les utilisateurs éligibles devront avoir au moins 22 ans et porter leur montre au moins deux nuits sur une période de 10 jours et pendant au moins 4 heures. À noter qu’un smartphone Samsung sera aussi nécessaire.
Un capteur placé sous la montre détectera l’oxygène dans le sang
L’entreprise coréenne a précisé que la détection de l’apnée du sommeil sera possible grâce à un capteur placé sous le boîtier de la montre qui enregistrera les irrégularités du taux d’oxygène dans le flux sanguin. L’appareil ne fera évidemment pas un diagnostic formel, mais encouragera l’utilisateur à consulter un spécialiste.
Samsung n’a pas encore révélé exactement quels modèles de montres connectées seront concernés. De son côté, Apple a aussi indiqué que ses modèles d’Apple Watch proposeront une fonctionnalité similaire dès cette année, en plus de la détection de l’hypertension — même si la marque à la pomme n’a pas encore obtenu, elle, le feu vert de l’administration américaine. Apple a d’ailleurs annoncé que ses nouvelles montres connectées pourront aussi détecter l’hypertension.
Concernant les Samsung Galaxy Watch, on devrait en savoir plus cet été, puisque l’entreprise coréenne sort, traditionnellement, ses nouvelles montres connectées au mois d’août.
Aurélie Haroche | 22 Mars 2024
Jim.fr
Cela aurait sans doute dû être une des informations phares de la semaine et cela l’a d’ailleurs été sur le JIM. Selon une étude publiée par le Lancet Neurology, les pathologies neurologiques sont désormais les premières causes de morbidité, de handicap et de décès prématuré (devant les maladies cardiovasculaires notamment). Le vieillissement de la population et l’absence de traitements efficaces pour les pathologies neurologiques les plus fréquentes ne devraient que conforter cette situation dans les années à venir. Face à ce défi, la France est-elle suffisamment armée pour parler en terme martial présidentiel ? Sans doute pas.
Depuis plusieurs années, les spécialistes se mobilisent. Ainsi, en novembre 2021, les chefs de service de neurologie alertaient dans une tribune publiée dans le Monde : 30 % des lits en Unité neurovasculaire (UNV) étaient fermés faute de personnel suffisant (50 % des postes d’infirmiers étaient vacants). Depuis, un rapport de l’Académie de médecine a renchéri. Ces alertes n’ont cependant pas encore permis une amélioration de la situation, dans les UNV en particulier et en neurologie en général. « Le délai moyen de rendez-vous est de six mois », relève par exemple aujourd’hui Farid Yekhlef, président du Syndicat national des neurologues.
Argumentation de toute beauté !
Face aux enjeux, on comprend que toutes les nouvelles recrues sont sans doute considérées comme les bienvenues. Mais il ne faudra pas compter sur un certain Dr Olivier Véran. Pourtant neurologue au CHU de Grenoble jusqu’en février 2020, le praticien, dont l’activité extra-médicale s’est récemment allégée (à la suite d’une décision jupitérienne) ne rejoindra pas ses confrères neurologues. Il vient de confirmer, notamment au Figaro, qu’il avait choisi de se lancer dans la médecine esthétique. Il semble que l’ancien ministre de la Santé, parfois surnommé « Monsieur Covid », tant il fût incontournable au début de la pandémie, ait considéré qu’une remise à niveau en neurologie soit plus complexe et plus chronophage que de s’initier à la médecine esthétique. Et s’il redoute que sa relation avec ses patients atteints de troubles neurologiques pourrait pâtir de son ancien statut de ministre, il semble préjuger que ce ne sera pas (autant ?) le cas avec ceux pour qui il a l’ambition de « réparer » des ans l’irréparable outrage.
Combien de temps d’attente pour une injection de Botox ?
Bien sûr, cette annonce a entraîné une avalanche de réactions sur les réseaux sociaux publics et privés. Les médecins et les professionnels de santé ou encore les représentants de syndicats ont été très nombreux à jaser de cette reconversion, les critiques et les moqueries étant également partagées. Parmi les nombreuses piques adressées à l’ancien ministre, on pourrait par exemple retenir le message du Dr Jean-Jacques Fraslin, qui commentant l’image de créneaux de rendez-vous en médecine esthétique propose un dialogue imaginaire : « Tweet pour Olivier Véran : Docteur, j’ai réussi à avoir un premier rendez-vous chez le neurologue dans six mois. Vous pouvez faire quelque chose pour moi ? Non mais pour une injection de Botox, vous trouverez un RDV aujourd’hui ».
Que sont nos ministres devenus ?
Au-delà de cette séquence politico-esthétique qui ne manque pas de faire frétiller nos neurones, cette désaffection en beauté est-elle le symptôme d’un mal plus profond ? Certains ont voulu le croire. Urgentiste qui connaît indirectement les arcanes du pouvoir, le Dr Mathias Wargon a ainsi commenté sur X (ex twitter) : « Il a parfaitement le droit de faire ce qu’il veut. Le message envoyé aux praticiens hospitaliers du service public et à nos jeunes collègues est par contre très négatif », diagnostique-t-il. « Olivier Véran démontre à lui tout seul que ni l’hôpital, ni le libéral ne sont attractifs. Quelqu’un va-t-il en tirer des conséquences ? Bien sûr que non », renchérit un spécialiste des questions de démographie médicale. Ce type de réflexion ne s’est cependant pas limité qu’à X. Le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs (SNPHAR-e) a ainsi publié ce jeudi un communiqué sans ambiguïté. « Dis-moi ce que tu fais en quittant ton poste de ministre de la Santé, je te dirai où en est le système de santé en France. (…) Nous ne commenterons pas le choix personnel d’un médecin. En revanche, constatons que, depuis 2017, à notre connaissance, pas un médecin hospitalier, qu’il soit antérieurement hospitalo-universitaire ou hospitalier, n’a repris un poste de praticien titulaire à l’hôpital public après être passé par le ministère de la Santé. Doit-on y voir un constat d’échec ? Une résignation face à un système en ruine ? Une révélation de la part de celles et ceux qui connaissent la machine en profondeur, conscients qu’il n'y a plus d’espoir dans le public », s’interroge le SNPHAR-E.
Tous ? Non. Un messin résiste encore et toujours à la désaffection généralisée
Et si, en dépit des difficultés évidentes des hôpitaux, le cas Véran était plus certainement un symptôme d’une ambition personnelle incompatible avec les exigences du service public hospitalier ? En effet, dans sa précipitation à vouloir faire de Véran un symbole de la désaffection (réelle) dont souffrent les établissements de santé, le SNPHAR-E a confirmé que le diagnostic qui avait été posé au moment de l’éviction du Dr François Braun de l’avenue de Ségur était le bon. Il souffrait d’un déficit de notoriété très clair. En effet, peu semblent se souvenir de lui. Et donc peu ont pu constater, à l’instar de Mediapart qui consacrait récemment (hasard des calendriers) un article à l’urgentiste évoquant en partie sa nouvelle vie, qu’il n’a justement pas changé de vie. En effet, François Braun a retrouvé son poste de médecin régulateur au SAMU de Metz.
De médecin de campagne à la maison de campagne
Néanmoins, les esprits chagrins considéreront que plus que qu’Olivier Véran, c’est François Braun qui doit être considéré comme une exception quant à la fidélité à ses idéaux politiques et médicaux. En tout état de cause, l’ancien neurologue de Grenoble est très loin d’être le seul à être attiré par la médecine esthétique. A une époque où l’on ne compte plus les spécialités dans lesquelles les postes hospitaliers sont vacants et la démographie médicale déclinante, la médecine esthétique, qui pourtant n’est pas une spécialité à proprement parler (pour le Conseil de l’Ordre) recense sans cesse de nouvelles recrues. Ainsi, aujourd’hui, même si l’absence de registre officiel empêche des données précises, l’Ordre des médecins, interrogé par l’Express estime que 9000 médecins pratiquent la médecine esthétique (avec un respect des réglementations variable). Au-delà donc du cas Véran, cette fuite vers la médecine esthétique semble clairement confirmer le défaut d’attractivité auprès des jeunes de la pratique hospitalière, voire libérale « classique ». Elle signale également la tolérance de beaucoup de médecins vis-à-vis d’une forme de capitalisation de la médecine, très bien illustrée par les appétits certains de la clinique des Champs Elysées, qu’Olivier Véran, pas à une contradiction (hypocrisie ?) près a choisi pour « servir les patients ». On y verra la confirmation de l’évolution de l’image d’Epinal du médecin. Encore trop souvent fantasmé comme celui qui demeure jour et nuit au service de ses patients, le praticien s’est parfois mué en carriériste comme les autres, soucieux de conditions de travail confortables et d’une rémunération élevée.
De médecin de campagne à médecin en campagne
Cette constatation ne doit pas faire oublier les dizaines de milliers de médecins qui continuent, en dépit des vexations de l’Assurance maladie, des insuffisances du ministère de la Santé et des aberrations de toutes parts à se faire une certaine idée de la médecine. Aussi, le cas Véran pourrait-il être plutôt, dans une vision poujadiste, le symbole d’une perte du sens moral des personnels politiques. Il signale en tout cas les limites de la volonté, peut-être un peu surfaite, de vouloir faire entrer la société civile dans la vie politique. Sont-elles réellement compatibles ? Non pas seulement en ce qui concerne les aspirations, mais au-delà en termes de temps. « Quand un député poursuit une autre activité, ça veut dire qu’il donnera moins de temps à l’Assemblée ; ça pose donc la question d’un potentiel manque d’implication dans un mandat censé être à plein-temps et connu pour être chronophage », remarque ainsi Ines Bernard, déléguée générale de l’association Anticor dédiée à la lutte contre la corruption, dans les colonnes de 20 minutes. Elle note par ailleurs que la double activité d’un député pose la question de l’indépendance des législateurs : « En réalité, il y a peu de contrôle, car un député doit lui-même se déporter d’un texte quand il juge qu’il peut se trouver en conflit d’intérêts, mais il n’en a pas l’obligation ». Pour les médecins, qui font partie avec les avocats, des professions les plus représentées sur les bancs de l’Assemblée la question est centrale. Soulignons cependant que la Haute autorité pour la transparence de la vie publique a donné hier son feu vert à la reconversion de l’ancien ministre n’y voyant aucun risque de prise illégale d’intérêts, ni problème déontologique.
Liberté, toujours je chérirai ton nom
Cependant, d’aucuns considéreront que la reconversion du Dr Véran n’est finalement un symptôme que pour Olivier Véran. Elle pourrait confirmer la faiblesse de ses convictions politiques (il était élu socialiste) et syndicalistes (comme François Braun il fut président de syndicat) et ses piètres qualités rhétoriques. Son argumentation pour expliquer l’abandon de la neurologie et défendre que la médecine esthétique est un choix parfaitement en lien avec ses convictions médicales altruistes aura en effet été presque aussi redoutable que l’explication de l’inefficacité des masques. Mais, en choisissant la médecine esthétique, Olivier Véran prouve aussi qu’il est libre. « Un ancien ministre ne peut plus être totalement libre de ses choix », a tancé (comme à son habitude) le médecin sénateur socialiste Bernard Jomier à propos de la reconversion de son confrère et collègue*.
Pourtant, la liberté, au contraire, est universelle et concerne très certainement tout autant les anciens ministres que les autres citoyens et beaucoup (avant de critiquer l’ancien neurologue) ont pris soin de le rappeler. Quatre ans après un confinement (décidé en partie avec l’aval d’un certain Olivier Véran) qui a conduit beaucoup d’entre nous à nous interroger sur cette question de la liberté, le symbole n’est peut-être pas qu’anecdotique.
Librement, on relira :
Dr Jean-Jacques Fraslin : https://twitter.com/Fraslin
Dr Mathias Wargon : https://twitter.com/search?q=wargon&src=typed_query
Le communiqué du SNPHAR-e : https://snphare.fr/fr/blog/posts/attrac ... -en-france
Bernard Jomier : https://twitter.com/BernardJomier/statu ... gr%5Etweet
*Et comme Antoine Claude Joseph Boulay de la Meurthe apprenant l’exécution du Duc d’Enghien certains de nos politiciens chevronnés s’écrieront : « C’est pire qu’un crime, c’est une faute ».
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Première greffe d’un rein de porc génétiquement modifié chez un patient vivant
Quentin Haroche | 22 Mars 2024
Une équipe de l’hôpital du Massachussetts a réalisé cette prouesse chez un patient de 62 ans samedi dernier.
Le 23 décembre 1954, une équipe de chirurgiens du Massachussetts General Hospital (MGH) de Boston dirigée par le Pr Joseph Murray, futur Prix Nobel de médecine, réussissait la toute première transplantation rénale. Soixante-dix ans plus tard, l’hôpital de l’université d’Harvard est toujours à la pointe du progrès, puisque des chirurgiens menés par le Pr Leonardo Riella y ont réalisé ce samedi la toute première greffe d’un rein de porc génétiquement modifié chez un patient vivant. Le MGH a fait part de cette première mondiale dans un communiqué publié ce jeudi et indique que le patient se porte bien et devrait bientôt sortir de l’hôpital.
Agé de 62 ans, Richard « Rick » Slayman souffre d’insuffisance rénale liée à son diabète de type 2 et son hypertension depuis de nombreuses années. Il avait déjà bénéficié d’une greffe rénale classique en 2018 mais le greffon a cessé de fonctionner l’an dernier, obligeant le patient à subir des séances de dialyse régulières. « Mon néphrologue m’a expliqué en détail les pour et les contre de cette opération, j’y ai vu un moyen non seulement de m’aider moi, mais également d’apporter de l’espoir aux milliers de personnes qui ont besoin d’une transplantation pour survivre » a témoigné Rick Slayman. Le MGH a également remercié le patient dans son communiqué, le qualifiant de « véritable héros, dont le courage et la volonté de s’embarquer dans cette aventure ont rendu cette opération possible ».
Deux patients greffés d’un cœur de porc mais décédés rapidement
Le rein de porc greffé à Rick Slayman a été fourni par la firme eGenesis, spécialisée dans le génie génétique. Grâce à la technologie de ciseaux moléculaires CRISPR-Cas9, la firme a pu réaliser 69 modifications génétiques sur le greffon, afin d’y supprimer des gènes porcins potentiellement dangereux pour l’humain et d’y insérer des gènes humains. Des rétrovirus porcins présents dans le rein ont également été inactivés. Des reins de porc génétiquement modifiés selon la même procédure avaient déjà été greffés avec succès par l’équipe du MGH chez des macaques crabiers, expérience qui avait fait l’objet d’une publication dans la revue Nature en octobre dernier.
La xénogreffe, c’est-à-dire la greffe d’organes provenant d’autres espèces animales chez l’humain, est étudiée par les scientifiques depuis plusieurs décennies. Si elle avait été abandonnée dans les années 1960 en raison d’échecs répétés, elle a de nouveau été rendue possible ces dernières années grâce au progrès de la génétique. A l’hôpital universitaire de Maryland, deux hommes ont ainsi été greffés d’un cœur de porc génétiquement modifié, l’un en janvier 2022, l’autre en septembre 2023, mais les deux patients sont décédés deux mois après l’opération, l’un deux ayant été semble-t-il terrassé par un virus porcin. Des chirurgiens de l’hôpital NYU Langone de New York étaient par ailleurs parvenus à greffer des reins de porc génétiquement modifiés sur des patients en état de mort cérébrale en 2021.
Le porc est l’avenir de l’Homme
Pour certains spécialistes, la xénogreffe constitue l’avenir de la transplantation et un moyen efficace de pallier l’insuffisance de greffons. Aux Etats-Unis, ce sont en effet 110 000 Américains qui sont en attente d’une transplantation, la plupart du temps d’un rein et 6 000 personnes décèdent chaque année en attente d’un organe. A la fois proche génétiquement et morphologiquement de l’homme et disponible en grand nombre, le porc constitue l’animal idéal pour fournir des organes aux humains qui en ont besoin.
« Le succès de cette transplantation rénale révolutionnaire représente une étape fondamentale dans l’histoire de la transplantation, c’est également une avancée importante pour tenter de résoudre l’un des problèmes majeurs que nous rencontrons, à savoir les inégalités d’accès à des greffons » a commenté le MGH dans son communiqué.
En France, les chirurgiens commencent timidement à s’intéresser au sujet de la xénogreffe. La société francophone de transplantation organisera ainsi une conférence sur le sujet jeudi et vendredi prochain. « Il faut nécessairement rester prudent puisque nous n’avons que cinq jours de recul à ce stade » commente le Pr Christian Combe, président de la Fondation du rein, qui ne peut s’empêcher cependant de qualifier l’opération réussie par ses confrères américains « d’extraordinaire et spectaculaire ».
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Gabriel Attal relance le projet de fusion de la carte Vitale et de la carte d’identité
Quentin Haroche | 21 Mars 2024
Lors d’une conférence de presse consacrée à la lutte contre la fraude sociale, le Premier Ministre a de nouveau défendu l’idée d’une fusion entre les cartes d’identité et la carte Vitale.
Que de chemin parcouru pour Gabriel Attal en seulement neuf mois. De ministre délégué aux Comptes publics, l’enfant chéri de la macronie est devenu Premier Ministre après un passage éclair mais très remarqué à l’Education Nationale. Le plus jeune chef du gouvernement de l’histoire de la République a amené avec lui à Matignon quelques idées et notamment un projet qui lui tient visiblement à cœur : la fusion de la carte d’identité et de la carte Vitale.
Celui qui était alors ministre des Comptes publics a fait part pour la première fois de cette idée de réunir les deux cartes « dans une seule et même carte sécurisée » dans une interview au Parisien le 29 mai dernier. Le ministre avait dans le même temps définitivement enterré le projet de création d’une carte Vitale biométrique, vieux cheval de bataille de la droite.
Les montants de la fraude à la carte Vitale sont « minimes »
Mais l’idée du jeune ministre avait suscité un enthousiasme plus que modéré au sein de l’administration : si la CNIL avait jugé la fusion comme possible, le directeur général de la CNAM Thomas Fatôme avait immédiatement répondu que cette fusion ne « répondait à aucun besoin », la fraude à la carte Vitale représentant des sommes « minimes » par rapport à l’ensemble de la fraude sociale. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait également fait part de ses réticences et le projet avait donc été abandonné.
Dix mois plus tard, le désormais chef du gouvernement est désormais en mesure d’imposer ses idées. « Avant que je sois chef du gouvernement, je ne crois pas que ce projet était prioritaire, mais en tout cas maintenant, il l’est » a ainsi lancé ce mercredi Gabriel Attal, lors d’une conférence de presse organisée au ministère de l’Economie à Bercy et consacrée à la lutte contre la fraude sociale.
« Vous avez des personnes qui viennent parfois se faire soigner en France, utilisent la carte Vitale de quelqu’un d’autre, sont accompagnées par la solidarité nationale alors même qu’elles n’ont pas de droits ouverts à l’Assurance maladie » a avancé le chef du gouvernement pour justifier son idée de fusion des cartes. Faisant fi des réticences exprimées par l’administration sur ce projet, il a assuré que « tous les ministères sont très mobilisés sur la question ». Le Premier Ministre n’a cependant pas donné plus de précision sur le calendrier de cette réforme, assurant simplement de manière cryptique qu’une « mission » avait été « lancée ».
La conférence de presse de ce mercredi a également été l’occasion pour le chef du gouvernement et le ministre aux Comptes Publics Thomas Cazenave de faire le bilan annuel de la politique anti-fraude. Un bilan historique puisque deux milliards d’euros de fraude sociale ont été récupérés en 2023, dont 450 millions d’euros concernent l’Assurance Maladie, du jamais vu. « On a mis le paquet et ça marche » s’est félicité Gabriel Attal.
Les professionnels de santé à l’origine de la fraude dans « sept cas sur dix »
Au cours de la conférence de presse, le Premier Ministre a notamment « brisé un tabou » en rappelant un chiffre : « dans sept cas sur dix, la fraude est l’initiative d’un professionnel de santé, par la surfacturation ou la facturation d’actes fictifs ». Dans le détail, Gabriel Attal a expliqué que 5 millions d’euros de fraudes aux faux arrêts de travail vendus sur Internet ont été récupérés en 2023, et 11 millions d’euros pour les fausses ordonnances. Le chef du gouvernement est également revenu sur la lutte contre la fraude dans les centres de santé, qui peuvent désormais faire l’objet d’une procédure de déconventionnement : 21 centres de santé ont été déconventionnés en 2023 et 160 contrôles sont en cours, visant notamment les centres d’audioprothèses.
En fin de conférence de presse, le chef du gouvernement, qui semblait avoir repris ses habits de ministre de Bercy, a détaillé ses objectifs pour les années à venir : 2,4 milliards d’euros de fraude récupérés par l’Assurance Maladie entre 2024 et 2027 dont 60 millions d’euros par an sur les centres de santé frauduleux et 20 millions d’euros sur les faux arrêts de travail et les fausses ordonnances. Pour cela, il a promis le recrutement d’ici 2027 de 1 000 agents supplémentaires ainsi que de 450 cyber-enquêteurs. « Ces dérives frauduleuses se font au détriment de tous : la collectivité, les patients mais aussi les professionnels qui respectent les règles » a conclu le Premier Ministre.
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Système de santé français meilleur du monde ? Et si c’était (presque) vrai !
Quentin Haroche | 21 Mars 2024
Selon une étude de l’Inserm et du CHU de Bordeaux, les Français étaient, en 2019, en meilleure santé que la plupart des autres européens.
Hôpitaux en difficultés, manque de médecins, retard de prise en charge, absence de politiques de prévention… : les informations sur la dégradation de notre système de santé se multiplient (et le JIM ne manque pas de les relayer régulièrement). Mais si la France n’a sans doute plus le meilleur système de santé du monde, comme elle s’en réjouissait régulièrement, il n’est pas non plus nécessaire de battre notre coulpe constamment. Comme le montre une étude réalisée par l’Inserm et le CHU de Bordeaux publiée le 29 février dernier dans la revue The Lancet, les Français sont en effet plutôt en meilleure santé que la majorité des autres peuples européens.
L’étude, dont l’Inserm se fait l’écho dans un communiqué publié ce mercredi, s’appuie sur les données recueillies par le Global Burden of Diseases (GBD), une immense base analysant l’évolution des données de santé de la totalité des pays du monde financée par la fondation Bill & Melinda Gates. Les chercheurs ont ainsi étudié l’évolution de l’état de santé des Français entre 1990 et 2019 et l’ont comparée avec 22 autres pays européens et Israël. Là constitue la principale limite de l’étude : l’analyse s’arrête en 2019 et ne permet donc pas de connaitre l’impact de la pandémie de Covid-19 et des mesures sanitaires qui ont été prises durant cette période sur la santé des Européens.
La France 4ème pays européen pour l’espérance de vie en bonne santé
Au regard des données étudiées, la France apparait comme un bon élève en Europe en matière de santé. Entre 1990 et 2019, l’espérance de vie en France est ainsi passée de 77,2 ans à 82,9 ans, ce qui place la France au 7ème rang européen, derrière l’Islande, l’Italie et l’Espagne mais devant la Suède, l’Allemagne ou le Royaume-Uni. La performance de la France est encore plus notable concernant l’espérance de vie en bonne santé, qui est passée de 67 ans en 1990 à 71,5 ans en 2019 : la France est au 4ème rang européen, seuls l’Islande, Israël et l’Espagne obtenant de meilleurs résultats que nous.
Que ce soit en France ou en Europe, l’augmentation générale de l’espérance de vie et la baisse de la mortalité au cours des trente dernières années s’expliquent, bien sûr, par les progrès de la médecine ainsi que par différentes campagnes de santé publique (amélioration de la sécurité routière, meilleure prise en charge des nourrissons, campagne de dépistage des cancers, lutte contre le tabagisme…). S’agissant de la bonne santé des Français, les chercheurs de l’Inserm attribuent ces bons résultats à la qualité de notre système de santé et surtout à son aspect universel, qui permet à presque tous un accès aux soins à moindre coût quels que soient ses revenus.
Moins de maladies cardiovasculaires en France que dans le reste de l’Europe
L’atout principal de la France par rapport à ses voisins européens est un moindre impact des maladies cardiovasculaires. « Nous avons observé une charge de morbidité moins importante due aux accidents vasculaires cérébraux et aux cardiopathies ischémiques en France que dans d’autres pays d’Europe occidentale. Ce résultat observé précédemment pourrait s’expliquer par une prévalence plus faible de nombreux facteurs de risque cardiovasculaires (hypertension, diabète) et d’un mode de vie plus sain (exercice, alimentation) en France » résument ainsi les chercheurs de l’Inserm.
En revanche, la France a encore une marge de progression dans la lutte contre les cancers. Si la France a, grâce à la qualité de son système de santé, l’un des meilleurs taux de survie à cinq ans en cas de diagnostic d’un cancer en Europe, ses résultats dans le domaine de la prévention sont en revanche largement en dessous de la moyenne européenne. La mortalité liée au cancer du poumon n’a ainsi diminué que de 6 % en France entre 1990 et 2019 contre 23 % en Europe, notamment parce que la part de fumeurs en France (31 % de la population) est l’une des plus élevée du continent européen. Plus globalement, les auteurs de l’étude appellent les autorités sanitaires françaises à renforcer la culture de la prévention, encore trop faible en France.
Les chercheurs de l’Inserm et du CHU de Bordeaux souhaitent désormais mener la même étude avec les données du GBD pour l’après pandémie et ainsi mesurer comment ces différentes données sanitaires ont évolué et de quelle manière la France a su absorber l’impact de cette crise sanitaire sans précédent par rapport à ses voisins.
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Fertilité : vers un effondrement de la natalité dans le monde
Quentin Haroche | 22 Mars 2024
Après avoir déjà fortement diminué depuis 1950, le taux de fécondité devrait continuer à reculer partout dans le monde au cours des 75 prochaines années.
Le Global Burden of Disease (GBD), vaste programme de recherche analysant la mortalité et la morbidité dans le monde et financé par la fondation Bill & Melinda Gates, continue sa série d’articles sur l’évolution de l’état de santé de l’espèce humaine. Après des articles sur la mortalité, l’obésité, les maladies neurologiques ou encore l’espérance de vie, le groupe d’experts s’intéresse maintenant à l’évolution du taux de fécondité dans le monde, passé et à venir, à travers une vaste étude publiée ce jeudi dans la revue The Lancet.
L’étude du GBD confirme une donnée déjà plus ou moins connue : le taux de fécondité a fortement diminué dans le monde ces dernières décennies, passant de 4,84 enfants par femme en 1950 à 2,23 en 2021, dernière année de l’étude. Le nombre de naissances a ainsi atteint son pic en 2016, avec 142 millions de nouveau-nés, avant de baisser à 129 millions en 2021. La population mondiale continue certes d’augmenter mais à un rythme moins soutenu qu’auparavant et elle devrait se stabiliser autour des 10 milliards d’êtres humains vers 2080 selon les projections.
Moins d’un enfant par femme en Corée…et presque sept au Tchad
Si la baisse de la fertilité concerne l’ensemble des pays du monde, les situations sont cependant très différentes selon les régions. L’Asie de l’Est et du Sud-Est est la région qui a connu la chute de la fertilité la plus vertigineuse, passant de 5,76 enfants par femme en 1950 à seulement 1,55 en 2021. L’Asie du Sud n’est pas en reste avec un taux de fertilité qui a été divisé par trois en 70 ans, passant de 6,35 enfants par femme en 1950 à seulement 2,07 en 2021. La baisse a en revanche été beaucoup plus faible en Afrique sub-saharienne, passant de 6,94 enfants par femme en 1950 à encore 4,29 enfants en 2021. Résultat, 29 % des naissances dans le monde ont lieu en Afrique sub-saharienne, alors que cette région ne représente que 14 % de la population mondiale.
Au niveau des pays, le taux de fécondité varie fortement, de 0,82 enfants par femme en Corée du Sud à 6,99 enfants au Tchad. Les chercheurs du GBD notent que la moitié des pays et territoires du monde (110 sur 204) ont un taux de fertilité inférieur à 2,1 enfants par femme, considéré comme le seuil de renouvellement des populations (44 des 46 pays d’Afrique subsaharienne ont un taux de fertilité supérieur à 2,1).
Cependant, grâce à l’augmentation de l’espérance de vie, il faut attendre généralement une trentaine d’années pour que le passage du taux de fécondité en dessous du seuil des générations entraine un solde naturel négatif de la population (le nombre de décès surpassant celui des naissances). La chute est cependant généralement irréversible : si certains pays au faible taux de fécondité ont pu connaitre des embellies durant ces 70 dernières années, elles étaient en générale de faible durée et ne permettaient pas de revenir au-dessus du seuil de renouvellement.
En 2100, la moitié des enfants naitront en Afrique subsaharienne
Mais les auteurs de l’article se sont également risqués au jeu des prédictions. Ils estiment ainsi que le taux de fécondité mondiale va continuer à chuter, atteignant 1,83 enfants par femme en 2050 et 1,59 en 2100, soit bien en dessous du seuil de renouvellement. La quasi-totalité des pays du monde subira cette baisse même si l’Afrique sub-saharienne restera la région la plus féconde, avec un taux de fécondité de 2,72 enfants par femme en 2050 et de 1,82 enfants en 2100 : 55 % des naissances mondiales auront lieu dans cette région. L’étude projette qu’en 2100, seulement six pays (Samoa, Tonga, Somalie, Niger, Tchad, Tadjikistan) auront un taux de fécondité supérieur à 2,1 tandis que treize auront un taux inférieur à 1. Seuls 26 pays, la plupart en Afrique subsaharienne, verront encore leur population grandir naturellement.
Cette chute du nombre de naissances, couplée, dans les pays riches du moins, à un vieillissement important de la population, provoquera assurément des bouleversements économiques, sociaux et politiques majeurs. Les auteurs de l’étude estiment que ce mouvement est inéluctable et que les politiques natalistes engagées par certains pays développés ont généralement des effets assez modestes sur le taux de fécondité : même dans un scénario optimiste où ces politiques seraient adoptées partout dans le monde, le taux de fécondité atteindrait 1,68 enfants par femme en 2100, contre 1,59 dans le scénario de base.
Inquiet des chiffres de la natalité en France (le nombre de naissance a diminué de 6,6 % en 2023 pour atteindre son niveau le plus bas depuis la Seconde Guerre Mondiale), le Président de la République Emmanuel Macron avait appelé le 16 janvier dernier à un « réarmement démographique ». Mais il semble difficile d’aller à contre-courant d’un mouvement de fond d’ampleur mondiale.
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Quand le chirurgien est la seconde victime
Joël Pitre, Dr | 21 Mars 2024
Le syndrome de la seconde victime (SVS) est le traumatisme vécu par un soignant après la survenue d’une complication ou d’une erreur médicale (1,2). On estime que près de 50 % des soignants y seront confrontés au moins une fois dans leur carrière. Or, jusqu’à 20 % des patients hospitalisés peuvent présenter une complication. Certaines spécialités sont particulièrement exposées au SVS dont la chirurgie, l’anesthésie, la pédiatrie et la gynécologie-obstétrique.
La présentation est variée, empoisonnant la vie de certains avec des conséquences émotionnelles prolongées pour d’autres, impactant la vie personnelle et la pratique professionnelle. Les conséquences peuvent être psychologiques (honte, culpabilité, anxiété, deuil, dépression), cognitives (absence d’empathie, burnout, stress post traumatique), sociales, culturelles, spirituelles et physiques. On dispose essentiellement de données chiffrées sur la fréquence du SVS mais il y a peu d’études qualitatives.
La plupart des travaux publiés ne concerne pas les spécialités chirurgicales alors que les chirurgiens font face quotidiennement à des situations stressantes et à des défis techniques, qui les exposent particulièrement au SVS. La solidité et le contrôle des émotions font partie du stéréotype habituel du chirurgien. En conséquence, la survenue d’une complication chirurgicale est la plupart du temps abordée seulement du point de vue technique sans en accepter les conséquences émotionnelles.
Une étude de la portée comportant 13 publications
Une analyse, réalisée par une équipe de Singapour rapporte les données publiées concernant le SVS en milieu chirurgical (3). Treize études qualitatives ont été retenues, transversales ou sous forme de rapports d’entretiens semi-directifs, menée aux Etats-Unis, Royaume Uni, Canada et en France. Une cohorte de 1 069 chirurgiens, toutes spécialités confondues, faisait l’objet de ce travail. Ont été distingués les retentissements psychologique, physique, professionnel du SVS, ainsi que les facteurs affectant la réponse à l’évènement causal.
Sur le plan psychologique, les sentiments négatifs les plus fréquemment décrits étaient la culpabilité, la dépression, l’anxiété, la frustration et la gêne. Ils avaient un retentissement social, personnel et professionnel, avec une auto-restriction des loisirs et de l’insomnie. La plupart de ces sentiments négatifs duraient entre une semaine et un mois après l’évènement causal et étaient plus marqués chez les femmes chirurgiens et en chirurgie esthétique.
Des sentiments négatifs
La culpabilité était le sentiment le plus souvent exprimé (18,1 % - 89,1 %), du fait de la relation particulière des chirurgiens avec les patients, basée principalement sur la responsabilité. La culpabilité était plus marquée en cas de décès, surtout chez les praticiens ayant des relations étroites avec leurs patients et les familles, du fait de la confiance et des attentes. C’était aussi le sentiment négatif le plus persistant avec parfois des réminiscences intenses suites à la survenue de complications déjà rencontrées par le passé et des ecmnésies de noms, de familles et de visages. La culpabilité coïncidait souvent avec des symptômes dépressifs, qui touchaient selon les études entre 12,5 % et 52 % des chirurgiens.
L’anxiété (18,1 % - 66 %) était également très souvent décrite : perturbante, envahissante, sans repos. Elle était souvent associée à la colère et à la frustration et se manifestait parfois par de la grossièreté envers les patients ou l’équipe du bloc opératoire. Au-delà des sentiments négatifs, une erreur ou la survenue d’une complication affectaient le jugement et la confiance en soi en provoquant ruminations, analyse et questionnement sur ce qui aurait pu éviter la complication.
Cela pouvait parfois aboutir à des attitudes excessivement précautionneuses, impactant la performance, avec des reconversions vers d’autres spécialités, voire une retraite anticipée. Chez certains, le SVS se traduisait sur le plan physique par des céphalées, des fluctuations de poids, des nausées, des douleurs abdominales et des palpitations. Ces symptômes étaient néanmoins le plus souvent de durée brève.
Un retentissement professionnel
Sur le plan professionnel, la survenue d’un SVS altérait les performances, était responsable de comportements d’évitement et avait souvent des implications médico-légales et/ou disciplinaires. La plupart des chirurgiens pensaient que leur comportement professionnel n’avait pas été optimal et fréquemment cela aboutissait à l’arrêt de certaines activités ou de certains types d’interventions, cette attitude conservatrice se faisant parfois au détriment des patients.
De même, ils devenaient plus maniaques sur la tenue des dossiers médicaux et la traçabilité du consentement. De façon plus générale, les chirurgiens s’inquiétaient de leur réputation et souffraient d’insatisfaction professionnelle d’autant plus facilement que le criticisme et la condamnation sont de norme dans ce milieu hautement compétitif. La perception d’un manque de soutien de leurs pairs était amplifiée par l’absence de soutien des institutions hospitalières avec la crainte de voir leurs positions (accréditation, salaire) remises en question.
Toutefois les complications chirurgicales pouvaient parfois être bénéfiques dans la mesure où elles les obligeaient à repenser et à réfléchir à leur rôle ainsi qu’à celui de leur service et des institutions. Sur le plan individuel, certains disaient être devenus plus prudents, plus vigilants et appréhender mieux les questions de sécurité. Au niveau de l’organisation du service et de l’institution, des améliorations étaient relevées celles des procédures (dossiers informatisés), des protocoles (check-list et time-out, vérification des équipements) ainsi que la communication avec l’administration.
Les facteurs prédictifs d’un SVS
Les facteurs influençant la réaction à une complication chirurgicale dépendaient des circonstances et de la nature de la complication, de la personnalité du chirurgien et de l’aide reçue. Une complication était moins mal ressentie si le patient était âgé, souffrait de comorbidités ou était porteur d’un problème anatomique inattendu que si la même complication était survenue chez un sujet jeune en bonne santé. Une complication suite une chirurgie d’urgence était plus facilement tolérée qu’après une intervention programmée. En revanche, une complication per-opératoire, du fait d’une erreur de jugement ou d’un problème technique, était très mal ressentie. C’était également le cas de certains évènements (décès, infection, hémorragie, fistule anastomotique, blessure involontaire) ou séquelles (amputation, paralysie).
La réponse individuelle dépendait de la personnalité et de l’expérience qui, si elle aidait, aggravait aussi la responsabilité. Différents types de personnalité étaient observées au sein de la cohorte. Certains étaient très proches de leurs patients (empathie, écoute, réponse aux attentes). D’autres se muraient, réfrénaient leurs émotions, allaient de l’avant et essayaient de ne pas de se laisser distraire dans leurs décisions futures. A l’inverse, d’autres s’effondraient complètement après la complication. Enfin un autre fonctionnement était observé avec réassurance et rationalisation vis-à-vis des complications faisant partie du travail, étant obligatoirement multifactorielles et nécessitant du temps et du travail sur soi.
La culture du blâme
Cet éventail de réponses contribuait à la variabilité de l’intensité du SVS ressenti. Les participants à ces études avouaient leur manque de compétences pour gérer les complications d’un point de vue non technique. En particulier, les plus jeunes soulignaient leur isolement dans ce domaine et l’absence de formations ou de piètre qualité. Dans ce milieu compétitif et souvent perçu comme peu sympathique, marqué par la critique facile, les revues de morbidité et de mortalité (RMM) étaient vécues par certains comme l’occasion d’un blâme en public au lieu d’être sources d’enseignement et d’amélioration.
En conséquence, ils s’y tenaient sur la défensive, ce qui coupait court au dialogue. Même si l’atmosphère pouvait être constructive, le débat était principalement centré sur les questions techniques plus que sur les conséquences psychologiques. Enfin l’absence de soutien de l’administration était soulignée, participant à cette culture du blâme, avec des réponses essentiellement punitives et sans analyse des causes systémiques sous-jacentes.
Nombre de praticiens auraient souhaité une aide protocolisée sous forme d’un temps d’arrêt de leurs activités, d’échange avec leurs collègues, pour faciliter la communication avec les patients et bénéficier d’une assistance psychologique formalisée. Lorsque ce type d’aide était protocolisé, l’ambiance lors des RMM était beaucoup plus sereine. Les échanges avec les collègues étaient de loin considérés comme l’aide la plus efficace (81 %), en particulier pour les plus jeunes. Beaucoup auraient souhaité s’arrêter quelque temps mais très peu le faisaient, se remettant en selle immédiatement après l’évènement.
Un changement de culture
Cette étude contrarie le stéréotype des chirurgiens maitres de leurs émotions qui, au contraire, peuvent être atteints par des sentiments de culpabilité, de dépression et de remise en question après une complication. Ces idées négatives peuvent être cause de burnout, de choc post traumatique voire d’idées suicidaires. Une étude récente portant sur 622 chirurgiens universitaires, expérimentés ou en formation, rapportent des chiffres très inquiétants dont 15,9 % de dépression en cours et 13,2 % d’idées suicidaires dans l’année écoulée (4). Ces phénomènes destructeurs s’auto-entretiennent et les erreurs médicales sont clairement associées à la dépression, l’anxiété, le choc post traumatique, la consommation d’alcool (4), et avec le burnout (5).
Les auteurs plaident pour l’information et des programmes centrés sur le SVS dans la formation mais surtout sur un changement de culture au sein du milieu chirurgical. Celui-ci pourrait bénéficier de la féminisation des spécialités chirurgicales car cette étude et d’autres travaux (6) montrent que les médecins femmes (comme les juniors), si elles sont plus sujettes au SVS, sont aussi plus ouvertes aux échanges et à l’assistance de leurs pairs et de l’institution. Notons que les études quantitatives sont par essence biaisées, par excès ou défaut de déclarations, ce qui peut impacter l’évaluation de la prévalence et de l’impact du SVS.
References
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Chong RIH, Yaow CYL, Chong NZ, et al. Scoping review of the second victim syndrome among surgeons: Understanding the impact, responses, and support systems. Am J Surg. 2024 Mar;229:5-14. doi: 10.1016/j.amjsurg.2023.09.045.
Collins RA, Herman T, Snyder RA et al. Mental health among academic surgeons. Ann Surg. 2024 ; 279(3): 429-436. https://doi.org/10.1097/SLA.0000000000006159
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Lu PW, Columbus AB, Fields AC, et al. Gender Differences in Surgeon Burnout and Barriers to Career Satisfaction: A Qualitative Exploration. J Surg Res. 2020;247: 28-33. https://doi.org/10.1016/j.jss.2019.10.045.
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Les Indiens privés de barbe à papa
Quentin Haroche | 22 Mars 2024
Les autorités indiennes ont décidé d’agir promptement contre un problème de santé publique majeur : la consommation de barbe à papa.
En France, on l’appelle la barbe à papa. En Inde, de manière presque diamétralement opposée, on appelle cette sucrerie rose bonbon le « buddhi ka-baal », soit « cheveux de grand-mère » en hindi. Mais qu’on soit à Paris ou dans les rues de Bombay, cette confiserie très (trop ?) sucrée fait le bonheur des petits et grands (et des dentistes) et constitue un succès indémodable des fêtes foraines, des plages et, en Inde du moins, des très nombreuses fêtes religieuses qui s’y déroulent.
Mais ce petit plaisir sucré est désormais révolu pour certains Indiens. Le 17 février dernier, l’Etat du Tamil Nadu dans le sud de l’Inde a purement et simplement décidé d’interdire la vente de barbe à papa (ou plutôt de cheveux de grand-mère) sur la voie publique. L’affaire est prise très au sérieux par les autorités : des opérations coups de poing sont régulièrement menées pour empêcher les vendeurs ambulants de proposer de la barbe à papa dans les rues et des descentes de police ont également été organisées dans des usines de confiserie pour vérifier que la nouvelle interdiction était bien respectée. Les autorités du Tamil Nadu ne sont pas seules dans cette guerre totale (une de plus) contre la barbe à papa : la ville de Pondichéry a également interdit la vente de cette confiserie et plusieurs autres Etats, dont la capitale fédérale Delhi, envisagent de suivre le mouvement.
Les cheveux de grand-mère pèsent sur le foie
Mais qu’est ce qui justifie cette soudaine haine contre cette confiserie pourtant très populaire en Inde ? Est-ce le taux de sucre très important (50 à 60 grammes par barbe) qui inquiète les autorités ? Ou la volonté de mieux faire respecter les grands-mères indiennes ? Le gouvernement du Tamil Nadu a en réalité décidé de cette interdiction après que des analyses de laboratoire sur des échantillons cette confiserie vendus dans la rue y ont révélé la présence de rhodamine B. Ce colorant, utilisé dans l’industrie, le textile, les cosmétiques ou encore dans la tannerie, permet de donner à la barbe à papa sa couleur rose fluo caractéristique.
Mais ce composant présenterait également une importante toxicité. A court terme, la consommation de rhodamine B peut provoquer des démangeaisons, des brulures d’estomac voire des difficultés respiratoires s’il est ingéré en grande quantité. A long terme, la rhodamine B peut augmenter les risques de développer un cancer du rein ou du foie. Ce colorant est donc interdit depuis plusieurs années au sein de l’Union Européenne et aux Etats-Unis (pas d’inquiétude donc pour la barbe à papa française). L’interdiction de la barbe à papa au Tamil Nadu a d’ailleurs été saluée par l’association médicale indienne, qui appelle les autorités fédérales à mieux réguler la vente de confiserie dans la rue, qui ne ferait l’objet de presque aucun contrôle sanitaire. Une plus grande considération pour la santé publique qui va de pair avec la modernisation et l’enrichissement de l’Inde estiment les médecins.
Triste camelot
Les vendeurs ambulants indiens, qui confectionnent eux-mêmes la barbe à papa, utilisaient la rhodamine B en raison de son prix modique. Ils sont en principe toujours autorisés à vendre de la barbe à papa…à condition d’avoir au préalable obtenu un certificat des autorités assurant qu’ils n’utilisent plus de rhodamine B dans la conception de leur produit. Les autorités ont prévenu qu’une barbe à papa aux couleurs trop vives seraient considérés comme suspecte.
La prohibition de la barbe à papa au Tamil Nadu a entraîné des conséquences sociales inattendues. La plupart des vendeurs ambulants travaillant dans cette riche région du sud de l’Inde viennent des régions pauvres du Nord. Privés de travail, certains ont décidé de rentrer dans leur région d’origine, tandis que les autres ont décidé de se rabattre sur la vente de crèmes glacées. Interrogé par le journal The New Indian Express, l’un de ces vendeurs ne cache pas son amertume : « les cheveux de grand-mère ne sont pas qu’une simple sucrerie mais c’est aussi une émotion de l’enfance, cette sucrerie était chère au cœur de chacun, alors son interdiction est difficile à accepter » témoigne le triste camelot.
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L’honneur de la médecine russe
Quentin Haroche | 22 Mars 2024
A 61 ans, le Dr Andrei Volna a décidé de quitter sa confortable vie moscovite pour aller soigner en Ukraine des soldats blessés (par l’armée de son pays).
Dimanche dernier, c’est avec un score sans appel (et probablement sans fondement) de 88 % des voix que Vladimir Poutine a été réélu président de la Fédération de Russie pour un cinquième mandat. Officiellement, tout le peuple russe est rangé comme un seul homme derrière son leader et uni dans la foi en la victoire dans la guerre (ou plutôt l’opération spéciale) que mène la Russie contre l’Ukraine et plus globalement contre l’Occident. Mais, de manière éparse, des citoyens russes se lèvent et agissent pour exprimer leur opposition à ce qu’il faut désormais appeler une dictature.
Le Dr Andrei Volna fait partie de ces résistants. Lorsqu’il a vu l’armée de son pays envahir l’Ukraine le 24 février 2022 au mépris du droit international, ce ponte de la chirurgie orthopédique russe a tout de suite senti qu’il ne pouvait pas poursuivre sa vie confortable de médecin moscovite pendant que ce drame se déroulait. Opposant à la politique de Vladimir Poutine depuis plusieurs années (il affirme avoir été inquiété par les services de renseignement à plusieurs reprises dans le passé), le médecin a donc décidé de fuir son pays pour l’Estonie. Une fois sa famille à l’abri, le chirurgien a choisi de se rendre en Ukraine pour mettre ses talents au service de ce pays et tenter de réparer le mal fait par l’armée de ses compatriotes.
Des mines de Sibérie au front ukrainien
Depuis septembre dernier, le Dr Volna exerce donc à l’hôpital militaire de Kiev, où il soigne les soldats ukrainiens blessés dans les combats. « Plus de 90 % des blessures que je traite ont été provoqués par des mines et des explosions en tout genre » explique le chirurgien. Le Dr Volna a l’habitude de ce genre de graves blessures : lors du début de sa carrière de jeune médecin dans les années 1990, il a exercé pendant six ans dans une mine en Sibérie, où il soignait les victimes d’explosion au méthane. « Je m’occupais de blessures assez sérieuses, mais bien sûr pas dans les mêmes proportions qu’aujourd’hui » explique-t-il.
Le Dr Volna se souvient encore avec émotion de son arrivée à Kiev il y a six mois. Dès son premier jour dans la ville, le chirurgien a croisé le convoi funéraire d’un soldat mort au combat « et j’ai réalisé que mon pays avait tué ce jeune homme » se souvient-il. Pendant qu’il attendait le feu vert des autorités ukrainiennes pour exercer, le Dr Volna a tenu à se rendre dans la ville martyr de Boutcha, à quelques kilomètres de Kiev, où plus de 500 personnes ont été massacrés par les envahisseurs russes en mars 2022. « Boutcha a été réparée et reconstruite, mais il s’en dégage encore une ambiance sombre » commente le médecin. Le Dr Volna a également dû s’habituer tant bien que mal à vivre sous les bombes et au rythme des alertes aériennes, la « discothèque du diable » comme il l’appelle.
Une lourde responsabilité collective
A l’hôpital militaire de Kiev, Andrei Volna est particulièrement apprécié pour son professionnalisme, son expérience et son dévouement. « Dès qu’il arrive le lundi pour la semaine, il va immédiatement au bloc opératoire, il fait en moyenne trois opérations lourde par jour » témoigne le Dr Petro Nikitine, chef du service traumatologique de l’hôpital militaire de Kiev. Ami du Dr Volna depuis dix ans, c’est lui qui l’a aidé à venir exercer en Ukraine. Le Dr Volna est d’ailleurs étonné du si bon accueil que lui ont offert les Ukrainiens. « En tant que Russe et membre de la nation agresseur, je mériterais pourtant des réactions négatives de la part des Ukrainiens, mais je n’en ai reçu aucune » témoigne-t-il.
Malgré son engagement personnel, le Dr Volna ne parvient en effet pas à se départir de ce sentiment de culpabilité collective qui, espère-t-il, assaille un grand nombre de Russes. « Bien sûr, nous sommes tous responsables, nous avons perdu notre pays et nous l’avons laissé devenir agressif et apporter la mort dans un autre pays, ce fardeau est le nôtre et celui des futures générations » explique-t-il. Le Dr Volna regrette particulièrement l’apathie du monde médical russe face aux actions criminelles de Vladimir Poutine. « Un médecin, en particulier un traumatologiste, doit forcément être contre la guerre car la guerre est une épidémie de traumatismes. Cette lâcheté collective est une grande déception pour moi que je vais devoir supporter jusqu’à la fin de mes jours » regrette-t-il.
En poste depuis six mois, Andrei Volna est prêt à « faire tout ce qui est possible pour aider l’Ukraine à gagner plus vite » et promet de rester en poste jusqu’à la victoire totale de l’Ukraine sur l’armée russe. Un objectif qui s’éloigne de plus en plus alors que la guerre continue de s’enliser.
Le Dr Volna va donc devoir continuer à exercer, loin de sa patrie, à l’hôpital militaire de Kiev, pour sauver des vies mais aussi l’honneur de la médecine russe.
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États-Unis : les montres connectées Samsung bientôt capables de détecter l’apnée du sommeil
Raphaël Lichten | 22 Mars 2024
Les montres connectées de la marque coréenne Samsung redirigeront les utilisateurs vers un spécialiste en cas de détection d’un risque d’apnée du sommeil.
La Food and Drug Administration (FDA) américaine a validé une nouvelle fonctionnalité des montres connectées Samsung Galaxy, qui pourront donc bientôt détecter l’apnée du sommeil et alerter les utilisateurs.
Il faudra au moins porter sa montre pendant 4 heures
Les montres connectées proposent déjà une panoplie d’options et de fonctions en rapport avec la santé : calcul du rythme cardiaque, des calorisées brûlées, voire même du taux d’oxygénation dans le sang… Elles sont d’ailleurs aussi capables de déterminer le temps d’endormissement et les phases de sommeil de l’utilisateur.
Mais le constructeur coréen veut aller encore plus loin : Samsung a effectivement annoncé avoir reçu le feu vert de la FDA pour mettre en place une nouvelle fonctionnalité permettant de repérer les premiers signes d’apnée du sommeil. La multinationale avait d’ailleurs déjà obtenu une autorisation similaire en Corée du Sud.
Dans les faits, la fonctionnalité serait susceptible de détecter les signes modérés à sévères de l’apnée du sommeil. Les utilisateurs éligibles devront avoir au moins 22 ans et porter leur montre au moins deux nuits sur une période de 10 jours et pendant au moins 4 heures. À noter qu’un smartphone Samsung sera aussi nécessaire.
Un capteur placé sous la montre détectera l’oxygène dans le sang
L’entreprise coréenne a précisé que la détection de l’apnée du sommeil sera possible grâce à un capteur placé sous le boîtier de la montre qui enregistrera les irrégularités du taux d’oxygène dans le flux sanguin. L’appareil ne fera évidemment pas un diagnostic formel, mais encouragera l’utilisateur à consulter un spécialiste.
Samsung n’a pas encore révélé exactement quels modèles de montres connectées seront concernés. De son côté, Apple a aussi indiqué que ses modèles d’Apple Watch proposeront une fonctionnalité similaire dès cette année, en plus de la détection de l’hypertension — même si la marque à la pomme n’a pas encore obtenu, elle, le feu vert de l’administration américaine. Apple a d’ailleurs annoncé que ses nouvelles montres connectées pourront aussi détecter l’hypertension.
Concernant les Samsung Galaxy Watch, on devrait en savoir plus cet été, puisque l’entreprise coréenne sort, traditionnellement, ses nouvelles montres connectées au mois d’août.