Société Française des Infirmier(e)s Anesthésistes
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Le bras séculier

Un anesthésiste condamné pour avoir délégué une rachianesthésie à un IADE

Devant l’imprécision de l’article R. 4311-12 du code de la santé publique, qui délimite le champ de compétence des infirmiers anesthésistes, plusieurs interprétations sont possibles quant à la possibilité, pour l’IADE, de réaliser seul une anesthésie locorégionale.

Par un arrêt du 10 février 2016, une cour d’appel tranche dans un sens restrictif.

 Une rachianesthésie qui tourne mal

Un patient doit subir une arthroscopie du genou en clinique. Lors de la consultation préanesthésique, il opte pour une rachianesthésie, par préférence à une anesthésie générale, et reçoit toutes les informations utiles sur ce type d’anesthésie.

Le jour de l’intervention, un infirmier anesthésiste se présente seul au chevet du patient et, après lui avoir expliqué ce qu’il va faire, entreprend d’effectuer une ponction avec une aiguille de 27G. Les deux premiers essais sont infructueux, en raison d’un contact osseux et d’une sensation de décharge douloureuse dans les jambes.

L’infirmier fait alors appel à l’anesthésiste, occupé dans une salle voisine. Celui-ci réalise une troisième ponction, à l’aide d’une aiguille de 25G, cette fois avec succès. L’arthroscopie est alors réalisée, sans complication.

Mais par la suite, le patient conserve d’importantes sensations de décharges électriques dans les jambes, ainsi que des douleurs lombaires. Il engage une procédure judiciaire à l’encontre de la clinique, de l’anesthésiste et de l’IADE, qui aboutit à l’arrêt de la Cour d’appel du 10 février 2016.

 Un défaut d’information pour ne pas avoir prévenu le patient de l’intervention de l’IADE

La Cour d’appel constate qu’une information a bien été délivrée au patient, lors de la consultation préanesthésique, sur les risques de la rachianesthésie. En revanche, tant lors de cette consultation que le jour même de l’intervention, l’anesthésiste n’a pas averti le patient de ce qu’il comptait faire réaliser cette rachianesthésie par un infirmier anesthésiste.

La Cour donne donc raison aux juges de première instance d’avoir accordé, au titre d’un préjudice moral spécifique, une somme de 1.000 euros.

 Une délégation illégale, selon la Cour

La Cour d’appel cite l’article R. 4311-12 du code de la santé publique, selon lequel l’IADE est seul habilité, à condition qu’un médecin anesthésiste puisse intervenir à tout moment, et après examen du patient et établissement d’un protocole par ledit anesthésiste, à appliquer la technique de l’anesthésie locorégionale et les réinjections, dans le cas où un dispositif a été mis en place par un médecin anesthésiste.

Elle indique que ces dispositions sont interprétées, tant par la Société française d’Anesthésie réanimation (SFAR) que par le Conseil national de l’Ordre des médecins comme « faisant interdiction à l’IADE de réaliser une rachianesthésie, s’agissant d’un acte médical qui doit nécessairement être effectué par un médecin anesthésiste ».

Elle cite l’expert désigné dans le cadre de la procédure qui, bien que n’ayant relevé aucune faute technique à l’encontre de l’IADE, a indiqué que « la réalisation de l’anesthésie locorégionale n’est pas de la compétence d’un infirmier anesthésiste  ».

La Cour confirme donc la faute, retenue en première instance, consistant pour l’anesthésiste à avoir délégué la réalisation de la rachianesthésie à l’IADE.

Cette faute n’est à l’origine que d’une perte de chance d’éviter le dommage, la Cour considérant « qu’en laissant l’infirmier réaliser l’acte, le Dr B. a fait perdre au patient une chance de voir accomplir, par un médecin, l’anesthésie du premier coup, sans déclenchement d’une poussée douloureuse ».

Cette perte de chance est évaluée à 30%, dans la mesure où il n’est pas absolument certain que la complication aurait pu être évitée, si l’anesthésie avait été réalisée d’emblée par le médecin anesthésiste. En effet, ce dernier aurait potentiellement pu rencontrer la même difficulté que l’IADE et échouer dans ses tentatives.

Il est possible que l’anesthésiste forme un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt d’appel. Dans ce cas, il sera intéressant de voir de quelle manière la Cour suprême tranche cet épineux sujet.

Auteur : Stéphanie TAMBURINI, Juriste -
Source : macsf

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L’expert étant médecin anesthésiste, il est donc de fait, partie prenante, voire juge et partie.

Que dire du jeune interne de premier semestre, qui n’a jamais fait de rachi ou de bloc plexique, et à qui on tend l’aiguille ?

Ah mais oui, il est médecin lui !

AB

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