Société Française des Infirmier(e)s Anesthésistes
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Droit du personnel, droit de retrait
Article mis en ligne le 31 janvier 2007
dernière modification le 29 février 2020

par Arnaud Bassez

Loi n°86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.

Les articles 2 à 109 de la présente loi constituent le titre IV du statut général des fonctionnaires de l’Etat et des collectivités territoriales

Décret n° 2002-8 du 4 janvier 2002 relatif aux congés annuels des agents des établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière (version consolidée au 6 mars 2007)


Droit de retrait

Article L4131-1 du Code du travail

Le salarié confronté à un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, a le droit d’arrêter son travail et, si nécessaire, de quitter les lieux pour se mettre en sécurité. L’employeur ou les représentants du personnel doivent en être informés. Ce droit de retrait est un droit protégé. La décision du salarié ne doit cependant pas créer pour d’autres personnes une nouvelle situation de danger grave et imminent.
A savoir

Face à un danger grave, imminent et inévitable, l’employeur doit prendre les mesures et donner les instructions nécessaires pour permettre aux salariés d’arrêter leur activité et de se mettre en sécurité en quittant immédiatement le lieu de travail.

La Cour de Cassation décide que le licenciement prononcé à l’encontre d’un salarié ayant légitimement exercé son droit de retrait est considéré comme nul et que ce salarié est fondé à demander sa réintégration.

 Quelles sont les formalités ?

Aucune formalité particulière n’est exigée du salarié.
Le danger doit être imminent, c’est-à-dire que le risque est susceptible de se réaliser brusquement et dans un délai rapproché.

 Qu’est-ce qu’un danger grave et imminent ?

Le danger peut trouver sa cause dans un motif étranger au salarié, un incendie par exemple, mais également dans un élément qui objectivement ne présente pas de danger, des animaux ou des produits chimiques par exemple, mais qui se révèle dangereux pour le salarié. La cause du danger ne se trouve pas nécessairement dans un motif étranger à la personne du salarié.

 Quelles sont les obligations de l’employeur ?

Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un salarié qui s’est retiré d’une situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé.
Toutefois, une retenue sur salaire peut être effectuée si les salariés n’ont pas un motif raisonnable de penser que la situation présente un danger grave et imminent.

 Comment s’exerce le droit de retrait ?

Le salarié doit signaler immédiatement à l’employeur l’existence d’une situation de travail dangereuse, mais il n’est pas tenu de le faire par écrit. Cet avis n’est soumis à aucune formalité. Ainsi, le règlement intérieur établi par une société ne peut rendre obligatoire une déclaration écrite sans imposer illégalement aux salariés de l’entreprise une sujétion qui n’est pas justifiée par les nécessités de la sécurité.
L’exercice du droit de retrait pour une raison non fondée peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

 Et si l’employeur ne remédie pas à la situation de danger ?

Le bénéfice de la faute inexcusable est de droit pour le salarié ayant signalé à l’employeur un risque qui s’est matérialisé. Rappelons que la faute inexcusable de l’employeur permet à la victime d’un accident de travail de bénéficier d’une indemnisation complémentaire. Cette majoration est payée par la caisse de sécurité sociale qui en récupère le montant au moyen d’une cotisation supplémentaire d’accidents du travail imposée à l’employeur. En outre, la victime ou ses ayants droit peuvent demander à l’employeur, responsable de la faute inexcusable, l’indemnisation des préjudices non couverts par la sécurité sociale (préjudice esthétique, d’agrément, diminution des possibilités de promotion professionnelles, etc…)

 Quel est le rôle du CHSCT ?

Si un représentant du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) constate l’existence d’une cause de danger grave et imminent (notamment lorsqu’un salarié s’est retiré d’une situation de travail dangereuse), il en avise immédiatement l’employeur ou son représentant et consigne cet avis par écrit sur un registre spécial.

Cet avis, daté et signé, comporte l’indication du ou des postes de travail concernés, la nature du danger et de sa cause, ainsi que le nom du ou des salariés exposés.

L’employeur informé est alors tenu de procéder sur le champ à une enquête avec le membre du CHSCT, qui lui a signalé le danger et de prendre les dispositions nécessaires pour y remédier.
Une fiche de renseignements est adressée à l’inspecteur du travail dans les 15 jours.


« Je ne rentre pas là-dedans ! » : le professionnel de santé peut-il bénéficier d’un droit de retrait ?

Publié le 29/02/2020

« La meilleure protection des français, c’est l’anticipation » aime à le rappeler le Premier Ministre à l’heure où les cas de Covid-19 se multiplient sur le territoire national.

Les citoyens sont désormais abreuvés de messages de prévention les invitant à se laver les mains régulièrement et à éviter les contacts avec toute personne ayant développé la maladie où ayant séjourné dans une zone à risque.
Et les professionnels de santé dans tout ça ?

Les médecins, infirmiers, aides-soignants et pharmaciens, eux, sont appelés à rester sur le pied de guerre, symbolisant ainsi la mobilisation de l’Etat tout entier.

Mais face à un risque de contagion élevé, une question (théorique) peut se poser : est-il possible de refuser de travailler dans un service ou de transporter un patient, lorsque l’on estime que cela risque grandement de mettre en danger sa santé ou sa vie ?

La question du droit de retrait dans un contexte épidémique mérite donc d’être posée.
Les conditions du droit de retrait

L’article L4131-1 du Code du Travail pose un principe en la matière : tout travailleur est en droit de se retirer de son travail lorsqu’il possède « un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé » ainsi que « de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection ».

En présence d’une telle situation, le salarié se doit d’informer son employeur de son intention de faire usage du droit de retrait. Dès lors qu’il prévient celui-ci (et sous réserve de l’existence d’une croyance raisonnable en un danger) il bénéficie d’une protection particulière. Aucune sanction ou retenue sur salaire ne peut être prononcée à son encontre.

L’existence d’un danger grave et imminent

Qu’est-ce que le législateur entend par un « danger grave et imminent » pour la santé du salarié ?

Pour le salarié "normal", le juge fait preuve d’une particulière tolérance : le salarié doit prouver simplement qu’il existait, de son point de vue, un risque « raisonnable » de danger. Cette interprétation est souple et subjective.

Mais dans le contexte d’un épidémie et à l’hôpital, cette menace doit être particulièrement circonstanciée.

Il est vrai que la loi impose aux établissements de santé la mise en œuvre de plans afin d’assurer la santé et l’intégrité physique de leurs collaborateurs. Ces plans ont notamment pour mission d’éviter la propagation de maladies au corps médical.

Pour la jurisprudence, il apparait qu’un médecin ne peut donc pas exercer son droit de retrait au seul motif qu’un patient serait porteur d’une maladie contagieuse.

Ainsi, dans un jugement rendu par le Tribunal Administratif de Versailles le 2 juin 1994, il a pu être jugé que « l’admission dans un service hospitalier de malades porteurs de virus du sida ou de l’hépatite virale B ne présente pas, par elle-même, le caractère d’un danger grave et imminent, dès lors qu’un tel établissement, en raison même de sa mission, doit être apte à faire face aux risques de contagion pour ses agents et pour les tiers ».

Un médecin ne pourrait donc pas, par exemple, refuser de soigner un patient suspect de Covid-19 aux urgences, dès lors que l’hôpital a mis en œuvre les moyens jugés nécessaires pour limiter la propagation du virus.

Attendons nous de l’héroïsme de nos médecins ?

Le degré d’exigence de la jurisprudence vis à vis du corps hospitalier peut surprendre. En effet, l’actualité récente sur un tout autre sujet nous a montré que les juridictions (et même parfois, les employeurs) pouvaient être extrêmement souples sur l’exercice du droit de retrait dans le domaine des transports.

Ainsi, la Cour de Cassation a pu valider le droit de retrait exercé "collectivement" par des agents de la SNCF sur l’ensemble des réseaux, suite à l’agression subie par un collège (Cass. soc. 22 octobre 2008)

Mais dans le contexte de l’hôpital et d’une épidémie, la notion de continuité du service public prend soudainement un tout autre sens.

Ainsi, la déontologie médicale impose au médecin une obligation confinant presque à l’héroïsme. L’article R.4127-48 du code de la santé publique précise ainsi que « le médecin ne peut pas abandonner ses malades en cas de danger public, sauf sur ordre formel donné par une autorité qualifiée ».

Tout au plus, ce droit de retrait pourrait s’envisager dans un contexte où l’hôpital ne serait pas à même de garantir aux personnels les protections nécessaires pour assurer leur sécurité.

Charles Haroche
source : jim.fr