Quelle utilisation faites-vous du protoxyde d’azote ?
Compte rendu de l’enquête sur les pratiques des anesthésistes réalisé par Brigitte Postel (source webanesthésie)
Quels mélanges gazeux avez-vous l’habitude d’utiliser pour l’entretien d’une anesthésie chez l’adulte ?
L’utilisation du protoxyde d’azote (N2O) semble moins fréquente que dans les années passées.
Les conférences d’actualisation 1997 en relevaient l’administration dans près de 90 % des anesthésies générales. Or, seulement 68 % des anesthésistes qui ont répondu au questionnaire utilisent le N2O de manière systématique chez l’adulte, 32 % ne l’utilisent pas du tout. Parmi ces 68 %, les répartitions se décomposent comme suit.
Mélange N2O et O2 :
- • 53 % utilisent un mélange équimolaire à 50/50 de N2O et O2 ;
- • 24 % un mélange variant de 40 à 60 % de N2O et O2 ;
- • 3 % un mélange à 70/30 de N2O et O2.
Mélange N2O/O2/air :
- • 3 % utilisent un mélange N2O/O2/air dans une proportion 20/60/20 ;
- • 3 % dans une proportion 10/30/60 ;
- • 3 % dans une proportion 90/5/5.
Mélange N2O/air :
- • 3 % utilisent un mélange N2O/air à 50/50 ;
- • 2 % un mélange à 80/20 ;
- • 6 % un mélange à 60/40.
Mélange O2/air :
- • 26 % des anesthésistes utilisent un mélange exclusif O2/air dans des proportions variant de 30 à 70 % d’O2 ;
- • 6 % des autres réponses ne sont pas exploitables.
Quels mélanges gazeux avez-vous l’habitude d’utiliser pour l’entretien d’une anesthésie chez l’enfant ?
Parmi les anesthésistes qui ont répondu au questionnaire :
- • 72 % utilisent le N2O de manière systématique chez l’enfant ;
- • 20 % ne l’utilisent pas du tout ;
- • les 8 % restants ont donné des réponses inexploitables.
Parmi ces 72 % utilisant le N2O, les répartitions se décomposent comme suit.
- Mélange N2O et O2,
75 % des anesthésistes utilisent ce mélange dans diverses proportions :
- • 47 % en mélange équimolaire 50/50 ;
- • 14 % un mélange de 60/40 ;
- • 9 % un mélange de 40/60 ;
- • 5 % un mélange de 30/70.
- Mélange N2O/O2/air : aucun.
- Mélange N2O/air : un quart des anesthésistes utilisent un mélange variant de 50 à 80 % de N2O.
- Mélange O2/air : 20 % des anesthésistes utilisent un mélange variant de 30 à 50 % pour O2.
Quels effets bénéfiques recherchez-vous via l’utilisation du protoxyde d’azote ?
L’utilisation au bloc opératoire du N2O est aujourd’hui controversée bien qu’encore très courante. Le mélange analgésique protoxyde d’azote/oxygène est utilisé aussi bien chez l’adulte que chez l’enfant en adjuvant d’une anesthésie ou d’une analgésie/sédation avant geste invasif. Un seul anesthésiste l’utilise dans l’hypnose.
La prescription du mélange équimolaire n’est plus essentiellement pédiatrique. On ne peut noter s’il s’agit d’une administration isolée, la question n’ayant pas été posée. Toutefois, le mélange équimolaire reste beaucoup utilisé dans des gestes courts chez l’enfant, également en association avec un anesthésique local.
L’effet analgésique du protoxyde d’azote a longtemps été l’élément justifiant son utilisation et c’est l’argument qui ressort en premier lieu. Son pouvoir analgésique est recherché par 70 % des anesthésistes qui l’utilisent. Autre argument justifiant l’utilisation du N2O : la potentialisation des halogénés et autres anesthésiques (68 % des réponses), et donc la diminution de la consommation même de ces analgésiques et des morphiniques et morphinomimétiques éventuellement utilisés. Ce qui évite les effets secondaires induits par cette dernière catégorie de médicaments.
Deuxième effet recherché : l’anti-hyperalgésie. En effet, le protoxyde d’azote est un agent anti-NMDA et, comme la kétamine, il pourrait participer à la réduction des phénomènes de sensibilisation centrale en période peropératoire et postopératoire.
ont également mentionnés, dans une moindre mesure, son effet narcotique, la stabilité de l’anesthésie, le besoin d’augmenter la profondeur de l’anesthésie et le fait qu’il facilite l’induction de l’anesthésie.
La réduction des coûts de l’anesthésie par diminution de la consommation des agents pharmacologiques et le faible coût du N2O n’ont jamais été cités comme argument justifiant son utilisation.
Quels effets indésirables fréquents pourraient être liés au protoxyde d’azote chez vos patients ?
Les effets indésirables les plus fréquemment rapportés avec le N2O sont de type gastro-intestinal, neuro-psychiatriques du type troubles de l’humeur, cardio-vasculaires et du type troubles neurologiques.
Certains notent également des frissons.
Onze pour cent des anesthésistes rapportent des accidents par dilatation des cavités closes tel l’intestin grêle, ce qui peut être une gêne en cas de chirurgie digestive ou lors d’endoscopie et de longue durée. Trente fois plus diffusible que l’azote, le N2O pénètre en effet beaucoup plus rapidement dans les cavités aériennes closes que l’azote n’en sort. Six pour cent des anesthésistes ont noté un effet délétère lors de cœlioscopie et rappellent que le N2O est contre-indiqué en cas de pneumothorax.
Il est à noter que les anesthésistes opérant en chirurgie cardiaque et pulmonaire proscrivent l’utilisation du N2O car dangereuse dans ce cas. Il en est de même pour les opérations en ophtalmologie et en ORL.
Outre ces spécialités, les anesthésistes qui n’utilisent pas du tout le N2O mentionnent des risques plus écologiques dans la rubrique « effets indésirables » tels l’effet de serre, la pollution du site opératoire et de l’atmosphère et la toxicité directe sur le patient ou le personnel.
Pensez-vous que le protoxyde d’azote soit néfaste pour l’environnement ?
À cette question, 22 % des anesthésistes ayant rempli le questionnaire estiment que le N2O n’est pas néfaste pour l’environnement contre 64 % qui pensent le contraire. Les 12 % restants se partagent entre ceux qui sont étonnés qu’on pose une telle question, ceux qui estiment que le N2O n’est pas plus dangereux « que l’environnement surpollué dans lequel nous vivons », ceux qui se rassurent en qualifiant sa dangerosité d’« infime », tandis que les autres soit demandent qu’on leur apporte la preuve de ses effets délétères, soit souhaitent « être éduqués » à ce propos.
À noter qu’il existe pourtant des solutions de remplacement à l’utilisation du N2O, comme le recours à l’air médical ou à l’air ambiant prélevé par le ventilateur. L’abandon du N2O impose son remplacement par un anesthésique halogéné à concentration suffisante pour contrôler le risque de mémorisation peranesthésique que comporte l’anesthésie intraveineuse, ou une augmentation de posologie des agents intraveineux, ce qui augmente le coût de l’anesthésie.
Pensez-vous que le protoxyde d’azote est toxique pour le personnel au bloc ?
Quarante-huit pour cent des personnes interrogées pensent que le N2O est toxique pour le personnel. Avec, pour le tiers d’entre elles, certaines modulations dans les réponses : « probablement en cas d’exposition chronique », « comme tous les produits utilisés », « surtout lors de la grossesse », « oui en l’absence de dispositif de récupération ou d’aération », « oui si utilisé en grosse quantité ». Un des anesthésistes remarque que « les Pays-Bas vivent depuis 4 ans une croisade anti-N2O depuis un incident chez des sages-femmes ».
Ils sont 32 % à estimer que le N2O n’est pas dangereux : 24 % répondent un non franc tandis que les 8 % restants modulent leur réponse : « Non, si utilisé en circuit fermé », « J’espère que non sinon il faudra accuser de génocide ceux qui le prônent inutilement », « Non car nous privilégions les systèmes clos avec prise SEGA. »
Les 20 % restants se partagent entre les sceptiques, ceux qui « ne se prononcent pas », ceux qui s’étonnent de cette question et ceux qui n’y répondent pas du tout.
Est-ce que les taux de pollution sont régulièrement surveillés dans le bloc où vous exercez ?
À cette question :
- • 60 % des anesthésistes répondent négativement ;
- • 20 % affirment que les blocs sont surveillés régulièrement ;
- • les 20 % restants ne savent pas pour la plupart.
- Seuls 4 % des anesthésistes mentionnent que dans leur bloc, le N2O n’est plus utilisé depuis des années. Donc, pour ceux-ci la question ne se pose pas.