Sujet à la mode, controverse ou choix délibéré, l’opioid free anesthesia (OFA), est de plus en plus discuté dans le milieu de notre spécialité.
Au delà de nos convictions, il apparait important de colliger certaines données afin au moins, d’en avoir la notion, si ce n’est la pratique.
Tout en ayant bien conscience toutefois, que l’anesthésie sans morphinique existe et est pratiquée tous les jours en France et ailleurs.
On appelle ça, l’anesthésie loco régionale.Mais il est bien entendu que l’OFA gère l’anesthésie générale.
AB
« Anesthésier sans morphine, c’est possible »
source : ouest-france.fr
Publié le 16/06/2017
Le Dr Jean-Pierre Estebe, anesthésiste au CHU de Rennes, pratique, depuis trois ans, une anesthésie sans produits à base de morphine. Un procédé qui permet une meilleure récupération après l’intervention.
Trois questions à...
- Qu’est-ce que l’Opioid free anesthesia (OFA) ?
Il s’agit d’une anesthésie dépourvue de dérivés de morphine (substance utilisée contre la douleur). C’est un virage en la matière. Quand le corps est plongé dans un coma, il ne ressent pas la douleur, contrairement aux idées reçues. Les Belges ont été les premiers à le faire. En France, on commence. Un quart des anesthésistes la pratiquaient l’année dernière. Il est aussi possible de prédire la douleur de l’opération grâce à certains critères. Par exemple : si le patient est atteint de douleur chronique, s’il est dépressif, addict... Les femmes et les jeunes sont également plus soumis aux risques. On modifie alors le protocole d’anesthésie selon le patient, et ce pour un même type d’opération.
- Pourquoi se passer de morphine ?
Avant, on était convaincu qu’il fallait des dérivés de morphine en per-opératoire (pendant l’opération). C’est une erreur. En réalité, la morphine n’était pas utilisée contre la douleur, mais servait à contrôler la stabilité cardiovasculaire pendant l’intervention.
Aujourd’hui, on fait ça très bien, avec des protocoles thérapeutiques mélangeant différentes drogues. La morphine peut aussi causer de nombreux effets négatifs, comme la rétention d’urine, des nausées, des vomissements... Dans le cadre de l’OFA, elle est remplacée par un dosage de quatre autres substances (lidocaïne, kétamine, dexaméthasone et dexmédétomidine). Et, bien sûr, on peut toujours y avoir recours en cas d’imprévu, ou en administrer une dose adaptée après l’intervention, si le patient se plaint de douleurs.
- Quels en sont les bénéfices ?
Depuis que je suis en chirurgie urologique et digestive, j’ai pu constater des effets très positifs, y compris pour des interventions lourdes, à ventre ouvert par exemple. Je l’ai pratiquée sur plus de 300 patients. 80 % d’entre eux ont beaucoup moins mal au moment du réveil.
En janvier, j’ai moi-même décidé de me faire opérer sous OFA. À mon réveil, j’ai pu allumer et regarder la télé, j’étais pleinement conscient. La récupération est beaucoup plus rapide. J’ai pour habitude d’aller voir mes patients après chaque opération. Ils ont des propos cohérents, ne restent pas au lit et ont de l’appétit. La morphine, ce n’est plus ce que ça a été. Et ça a des répercussions sur tout le reste.
Hépatectomie partielle pour donation vivante apparentée adulte-pédiatrique : résultats de l’application d’un protocole anesthésique de prévention de la douleur post-opératoire
Auteurs : Dewé G, De Kock1, Lavand’Homme1, Reding 2, Steyaert1, Forget1
- Affiliations : 1Anesthésiologie, Bruxelles, Belgique
- 2Chirurgien pédiatrique, cliniques universitaires Saint-Luc, Bruxelles, Belgique
source : em-consulte.com
Introduction
L’hépatectomie partielle pour donation vivante apparentée adulte-pédiatrique a des conséquences importantes en termes de douleur aiguë et chronique. Partant du constat fait par Bonnet et al. en 2012[1]sur la douleur ressentie en postopératoire de cette chirurgie aux cliniques universitaires Saint-Luc (CUSL, Bruxelles), nous avons revu notre protocole anesthésique en le basant sur des données probantes. Nous rapportons ici les résultats de l’application de ce protocole.
Matériel et méthodes
Avec l’accord du Comité d’éthique, nous avons réalisé une étude descriptive rétrospective sur 100 dossiers médicaux des patients consécutivement opérés entre le 06/09/2010 et le 26/02/2014 d’une hépatectomie partielle pour donation vivante apparentée adulte-pédiatrique aux CUSL. Le protocole anesthésique comprenait : une information standardisée donnée par un anesthésiste référent, une prise en charge pharmacologique anxiolytique et antihyperalgésique maximale (prégabaline préopératoire, induction inhalatoire, opioid-free anesthesia (OFA), total intravenous anesthesia (TIVA), péridurale thoracique, clonidine, kétamine, anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)).
Le suivi postopératoire a été réalisé par le Postoperative Pain Service, à l’aide d’échelles numériques simples (ENS). Les données sont présentées en médiane (1eret 3equartile) et pourcentages.
Résultats
Nous avons analysé les dossiers de 100 patients (53 femmes, 47 hommes). L’âge médian était de 32,7 ans (28,4–37,3). Quatre-vingt-dix patients ont bénéficié d’une lobectomie gauche, 6 d’une hépatectomie gauche, 3 d’une résection des segments I à IV et un d’une hépatectomie droite par laparotomie xypho-ombilicale.
Le Tableau 1 reprend chaque élément du protocole et leur pourcentage d’application. En postopératoire, des douleurs sévères (ENS > 6) ont été retrouvées à j1, j2 et j3 chez respectivement 5 %, 5 % et 1 % des patients au repos, et 33 %, 14 % et 0 % au mouvement (Fig. 1). En ce qui concerne les douleurs modérées et sévère (ENS > 4), nous les avons retrouvé chez 20 %, 15 % et 5 % au repos et 75 %, 54 % et 33 % au mouvement.
À 2 mois, 7 des 27 patients revus (26 %) présentaient toujours des douleurs chroniques postchirurgicales. La durée moyenne d’hospitalisation était de 7 jours [6–7]. Selon la classification de Dindo-Clavien, 29 complications de grade 1, 8 de grade 2 et 3 de grade 3a. Soixante-quatre patients n’ont pas présenté de complications postopératoires immédiates.
Discussion
L’hépatectomie partielle pour donation vivante apparentée adulte-pédiatrique reste une chirurgie pourvoyeuse de douleurs aiguës sévères, dont la chronicisation est fréquente. L’application d’un protocole de prévention multimodal, maximal et basé sur des données probantes est faisable et bien accepté.
Douleur périopératoire et conséquences à court et moyen terme☆ Perioperative pain and its conséquences
H. Beloeil, L. Sulpice
Peri-operative pain and its consequences
Journal of Visceral Surgery, Volume 153, Issue 6, Supplement, December 2016, Pages S15-S18
Résumé
Les avancées récentes dans la prise en charge de la douleur périopératoire concernent principalement la reconnaissance du risque de chronicisation. L’existence d’une douleur préopératoire, la prise de morphiniques en préopératoire et l’intensité de la douleur postopératoire sont les facteurs de risque les mieux identifiés. La gestion de la douleur périopératoire en 2016 doit permettre d’optimiser la prise en charge postopératoire, de détecter, en préopératoire, les risques de chronicisation de la douleur et de détecter les facteurs précoces de chronicisation.
En termes de traitement, l’utilisation systématique et large de la morphine a montré ses limites, notamment avec une efficacité moindre sur les douleurs au mouvement, des effets secondaires pouvant être très invalidants pour le patient et retarder la réhabilitation postopératoire, un effet hyperalgésique dose-dépendante source de douleur aiguë et chronique, une immunomodulation pouvant avoir un impact négatif sur des pathologies infectieuses ou cancéreuses (Sacerdote et al., 2012) et enfin, un doute sur une possible neurotoxicité.
C’est pourquoi, l’analgésie moderne est basée sur la recherche d’une épargne morphinique en per- et postopératoire. L’objectif en 2016 est donc une analgésie optimale permettant une réhabilitation rapide sans séquelles ou chronicisation utilisant des médicaments et/ou techniques permettant de s’affranchir des morphiniques.
OPIOID-FREE ANESTHESIA, ANALGESIA AND SEDATION IN SURGERY OF HEAD AND NECK TUMOR.
[Article in Russian]
Balandin VV, Gorobec ES.
Abstract
62 adult patients had highly traumatic cancer head and neck surgery under multimodal non-opioid general anesthesia consisted of dexmedetomidine, lidocane, nefopam and sevoflurane. 18 patients had been intubatedwith fiber optic bronchoscope because of II-IV grade trismus. 10 patients with laryngeal stenosis had been tracheotomizedfor intubation. All these 28 patients had been sedated with dexmedetomidine, lidocane and small doses (10-20 mg) ketamine additionally to local anesthesia. All these patients maintained consciousness and breathed spontaneously. Propofol and rocuronium preceded tracheal intubation. I.V. infusion of dexmedetomidine and lidocane proceeded additionally to sevoflurane (1-1.5MAC) .during the main surgery procedure course. All 62 cases went and finished uneventfully. Awakening and spontaneous breathing recovered just after the end of the surgery. During two first postoperative days all the patients had persistent i.v. analgesia with 1% lidocaine, nefopam and tenoxycam. On the day. 3 analgesia proceeded with nefopam and tenoxycam i.m. The quality of analgesia was good, with no complications. Only 3 patients had one promedol (trimeperidine) or tramadol iniection at the start-up of this new method of analgesia.
PMID :
27025133
[Indexed for MEDLINE]
L’anesthésie sans opiacés : anecdote ou nécessité ?
M De Kock - Douleur et analgésie, 2014 - Springer
Comme souvent voire toujours chez cet éditeur, l’accès aux publications est payant. Mais vous pouvez y lire un résumé.
- pourquoi et comment éviter les opioides en anesthésie ambulatoire. Le opioid paradox en Anesthésie - JEPU Mulier Paris 22 03 2014
- Dexmedetomidine for awake intubation and an opioid-free general anesthesia in a superobese patient with suspected difficult intubation
- Impact des opiacés sur les neurones dopaminergiques Impact of opiates on dopaminergic neurons Jennifer Kaufling1*, Marie-José Freund-Mercier2,3 et Michel Barrot2
Podcast interuniversitaires : Les Morphiniques en Anesthésie ; M. De Kock
La société sofa (society for opioid free anesthesia) a une page facebook.
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Arnaud BASSEZ
IADE/Enseignant cesu
Administrateur