Yves Benisty, IADE dans un CHU parisien, nous propose l’analogie entre plongée et l’anesthésie.
Il n’est pas rare de trouver de vrais fondus de plongée dans notre milieu professionnel.
Comme souvent avec Yves, les choses compliquées s’avèrent faciles, grâce à son sens de la pédagogie par analogie.
A lire les autres publications de Yves.
Un autre article de la SOFIA fait l’analogie avec l’aviation.
Entre le ciel et l’eau.
Arnaud BASSEZ
IADE/formateur AFGSU-NRBC
Administrateur
Analogie entre la plongée et l’anesthésie
Je suis infirmier anesthésiste depuis vingt ans et plongeur depuis six ans.
Je vous propose de faire une comparaison entre l’anesthésie et la plongée.
Plongeur et infirmier anesthésiste, j’utilise des gaz au travail et sous l’eau.
L’anesthésie ressemble à une immersion, on s’enfonce et on revient à la surface à la fin de l’intervention.
Vous pensez peut-être que ces deux mondes n’ont rien à voir ?
Détrompez-vous !
Les similitudes sont nombreuses. Plongeons ensemble pour les découvrir !
La plongée et l’anesthésie nécessitent un apprentissage. Un peu de théorie, beaucoup de pratique : on n’apprend pas la plongée dans les livres. Cet apprentissage comprend des bases et des spécialités. Un plongeur, même aguerri, n’utilise pas l’hélium sans formation complémentaire. En anesthésie, il existe aussi des spécialités dans la spécialité, comme la chirurgie cardiaque, la neurochirurgie, la pédiatrie…
Avant la plongée, et avant une anesthésie, je vérifie le matériel. Quelle est la réserve de gaz (de médicaments, de solutés), le matériel de secours fonctionne-t-il et est-il immédiatement disponible ? En anesthésie, nous disposons de matériel permettant l’administration de gaz (de l’oxygène, de l’air, des gaz hypnotiques).
En plongée comme en anesthésie, il existe un système de secours : pour vivre, il faut respirer. Les pannes sont anticipées, entre autres par la redondance du matériel critique. Nous travaillons en binôme, on ne plonge (presque) jamais seul.
Ça y est, tout est prêt, on se met à l’eau !
Nous parlons d’anesthésie profonde (le profondimètre peut être comparé au BIS), et nous ramenons le patient à la surface, où il dira « je sens que j’émerge ». Les phases de descente et surtout de remontée sont des phases plus délicates que l’évolution « au fond ».
En plongée comme en anesthésie, il existe des procédures établies à l’avance. Quand le binôme vous fait signe qu’il n’a plus d’air, on ne se demande pas ce qu’il faut faire : la situation a été envisagée avant, la procédure est connue de tous. Idem en anesthésie, les problèmes pouvant survenir ont été anticipés, et vont déclencher quand ils surviennent des actions déterminées à l’avance.
En plongée, nous avons la narcose à l’azote. En anesthésie, des gaz (protoxyde d’azote, gaz halogénés, xénon) peuvent provoquer ou entretenir la narcose. Les tissus vont se saturer puis se désaturer en fonction de la pression partielle, de la durée de l’exposition, et du type de tissus.
Il est possible de plonger en circuit ouvert (on expire dans l’eau) ou en circuit fermé ou semi-fermé.
En anesthésie, ça permet d’économiser des gaz coûteux et de diminuer la pollution des blocs opératoires.
En plongée, ça diminue fortement la consommation, et autorise des plongées plus longues. Ça fournit au plongeur un gaz chaud et humide, on évite les bulles, sources de bruit, et qui font fuir les poissons. Ces plongeurs utilisent de la chaux sodée.
Les gaz de plongée sont stockés dans des cylindres sous pression. Nous disposons de manomètres et de détendeurs. Le détendeur subaquatique est muni d’une valve à la demande.
Une bonne connaissance de la physiologie respiratoire et circulatoire est nécessaire (pression partielle, gaz dissous, consommation d’oxygène, rejet du dioxyde de carbone…). Paul Bert, éminent physiologiste du XIXe siècle s’est d’ailleurs intéressé à la plongée et à l’anesthésie.
Il y a même eu des anesthésies réalisées dans un caisson hyperbare !
Cette petite visite guidée se termine. Si vous vous retrouvez un jour sur une table d’opération, l’oxygène pur qu’on vous fera respirer vous permettra de supporter une apnée interminable.
Et pour que le voyage soit plus agréable, juste avant une anesthésie, imaginez que vous allez réaliser une belle plongée…
Yves Benisty
IADE
CHU Paris
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Pour poursuivre la lecture,
– Liste des caissons en France
– Qu’est ce que l’oxygénothérapie hyperbare ?
– Médecine et Armées - Février 2015 - n° 1 spécial « Médecine de la plongée »
– L’oxygène et ses dangers : l’hypoxie. Un site plutôt complet.
– Pour rester dans l’univers proposé par Yves : les lois physiques
– La loi c’est la loi, article SOFIA
Une innovation du Service de santé des Armées va améliorer la sécurité des plongeurs militaires
Posté dans SSA, Technologie par Laurent Lagneau Le 16-12-2018
Plongeurs de l’armée de Terre, plongeurs-démineurs et plongeurs de bord de la Marine nationale, nageurs de combat… Les militaires exerçant ces spécialités sont exposés à des risques d’œdème pulmonaire d’immersion étant donné qu’ils sont souvent obligés de faire un exercice physique intense, ce qui suppose un effort ventilatoire important. Ce qui peut donc donner lieu à une congestion, susceptible d’être fatale.
Or, d’après le Service de santé des armées [SSA], une augmentation de la « prévalence de cet œdème pulmonaire d’immersion » a été constatée chez les plongeurs militaires au cours de ces dernières années. « Cela s’explique notamment par le fait que cet accident est mieux connu et ses symptômes mieux identifiés », précise-t-il.
Pour réduire ce risque, l’Institut de recherche biomédicale des armées [IRBA] a mis au point un « pneumo-barotachographe » [PBO], grâce au travaux d’un médecin-chef et d’un ingénieur d’études et de fabrication affectés à l’équipe résidente de recherche subaquatique opérationnelle de Toulon.
Actuellement, les ordinateurs de plongée que l’on trouve sur le marché ne font que mesurer la fréquence cardiaque du plongeur. Le PBO va beaucoup plus loin puisque, en plus, il enregistre l’ensemble des données respiratoires, c’est à dire la pression thoracique différentielle, le débit et la fréquence ventilatoires, ainsi que l’intensité du palmage, la profondeur d’immersion, la température et l’inclinaison du plongeur.
« Toutes ces informations sont accessibles immédiatement au cours de la plongée. Lorsqu’une ou plusieurs variables dépassent un seuil prédéfini, une alarme sonore et visuelle se déclenche et avertit le plongeur et son binôme. Le militaire peut ainsi réagir afin d’éviter un accident », explique le SSA.
Pour le moment, ce PBO est encore au stade de prototype. Il s’agit maintenant de pousser sa miniaturisation et de l’intégrer dans un ordinateur de plongée fixé au poignet du plongeur. Il reste également à affiner les seuils d’alerte et de pouvoir mesurer aussi la pression partielle des gaz inspirés et expirés.